Il y a différents cas de figure. Moins j'en sais sur un auteur, mieux je me porte. D'un autre côté, si celui-ci se met en scène et raffole de la médiatisation (soit en l'assumant, soit en affectant le contraire comme Nothomb), j'ai du mal au bout d'un moment à garder un oeil "frais" sur l'oeuvre. Dans certains cas, il m'est même impossible d'isoler l'oeuvre du reste. Je me vois mal lire un roman de Giscard en "oubliant" qui il est et ce qu'il représente. Je peux aussi avoir du mal à digérer les contradictions entre ce qui se veut exprimé et la position de l'auteur (j'aurais presque envie de dire IRL ). Un discours anti-matérialiste de la part de millionnaires californiens, par exemple, ça me donne plus envie de rire qu'autre chose (style films pour ados comme Fight Club).
Et puis il y a le cas où l'idéologie fait partie de l'oeuvre. Le "Voyage" n'est pas "L'école des cadavres", mais l'un et l'autre sont signés de Céline et il a voulu leur publication et leur diffusion. Que 70 ans plus tard on ne puisse penser à l'un sans penser à l'autre me semble normal. Ca ne m'empêche pas en l'occurence d'apprécier le Voyage, mais ce serait faire preuve d'angélisme et de fanatisme que de vouloir minimiser toute cette partie de son oeuvre, comme on aime de plus en plus à le faire. Et j'imagine que si j'étais juif, j'aurais du mal à distancier vis-à-vis de quelqu'un qui a appelé de tous ses voeux mon extermination et celle de tout mon peuple.
Globalement, je pense que les artistes de tout poil feraient mieux de fermer un peu plus leur gueule. S'ils ne veulent pas être jugés sur des éléments extérieurs à leur oeuvre, cela ne tient qu'à eux. Même dans un domaine reposant autant sur la médiatisation que la musique populaire, certains ont prouvé que l'on pouvait se passer de donner son avis sur tout à longueur d'année en se croyant vachement plus intéressant que le pékin moyen. Parmi quelques noms qui me viennent en tête : Prince, Dylan ou Van Morrison donnent une interview tous les 10 ans et n'ont jamais étalé leur vie privée partout. Il y en a bien d'autres. Dans le domaine littéraire, c'est même plutôt la norme, et les écrivains surmédiatisés sont l'arbre qui cache la forêt. Bref, on n'est instrumentalisé que si on le veut bien.
D'un autre côté, le système fonctionne tout aussi bien et même infiniment mieux dans l'autre sens : combien d'artistes depuis la fin des années 60 ont joué sur leur image et leurs opinions pour mieux vendre ? Si tu déplais à beaucoup de gens par ton apparence, ton attitude, tes opinions, tu vas forcément aussi plaire à beaucoup de gens pour les mêmes raisons. Est-ce que Gainsbourg ou Bukowski auraient autant vendu sans la popularité de leur mise en scène style je-me-fous-de-tout auprès des jeunes ?
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Qui peut le moins peut le moins.