LE Monde remet ca
Ca se déchaine en ce moment dans la presse contre Chirac
Cité interdite
LE MONDE | 29.01.04 | 12h30
TOUS les Français se sont aperçus que la météo est passée à l'hiver. Il a neigé sur la France. Il a neigé sur l'Ile-de-France. Il a neigé sur Paris. Provoquant verglas et accidents, incitant les automobilistes peu expérimentés et souvent mal équipés à l'extrême prudence, le mauvais temps a rendu les conditions de circulation très difficiles.
Tous les hivers, la neige provoque des embouteillages monstres à Paris.
A la nature s'est ajoutée depuis quatre jours une attitude à proprement parler scandaleuse des forces de l'ordre. Au lieu de tenter de fluidifier les bouchons, d'aider les conducteurs en difficulté, les agents de police ont multiplié les barrages en plein centre de la capitale. Pourquoi ? Pour "sécuriser" les voies au passage attendu du président chinois Hu Jintao, en visite officielle. Mais au lieu de bloquer la circulation à l'approche des convois, elles l'ont fait très en avance, parfois plus d'une heure auparavant, à grand renfort d'effectifs de toutes casernes et de véhicules placés en barrage, gyrophares en marche. Paris a été bloqué.
Des quartiers entiers, par exemple celui du Sénat mercredi, où le président chinois était attendu, ont été interdits aux piétons, comme vidés de leurs habitants. Et, comme si cela ne suffisait pas, à partir de lundi, la RATP a fermé nombre de stations de métro, notamment sur la ligne des Champs-Elysées, obligeant les usagers, cette fois, à marcher de longues minutes dans le froid et la pluie. Au total, 2 000 policiers ont été mobilisés 24 heures sur 24 pour M. Hu de lundi à jeudi matin.
La préfecture de police explique que la volonté du président chinois d'habiter l'Hôtel Meurice et non en face de l'Elysée a compliqué sa tâche car l'a contraint de barrer la rue de Rivoli. Mais pourquoi totalement et si longtemps ?
Ces mesures de sécurité d'un autre âge démontrent le mépris dans lequel les autorités françaises tiennent les millions de Franciliens et leurs conditions quotidiennes de circulation et d'existence. Elles sont dignes du gouvernement de Pékin, en effet. Elles sont une parfaite illustration de la nature du régime hôte de la France. Elles sont inacceptables.
Personne ne peut croire que les menaces contre Hu Jintao étaient telles qu'il fallait transformer Paris en Cité interdite. Au reste, les opposants ont été tenus fort éloignés, et leurs manifestations étaient clairsemées. Personne ne peut admettre qu'au nom de la Realpolitik et de la commande de 21 Airbus, il faille traiter les Français avec tant de dédain.
La visite du président chinois aura été décidément marquée par des dérapages : sécuritaires, avec ces mesures disproportionnées, et verbaux, avec la condamnation agressive du gouvernement de Taïwan parce qu'il veut organiser un référendum que Pékin juge séparatiste. Est-on si sûr que cet empressement chiraquien serve autant que cela nos intérêts commerciaux ?
En tout cas, aucune raison commerciale, aucune raison géostratégique ne devait autoriser M. Chirac à mettre Paris à l'heure d'un régime policier.