Les experts de l'organe consultatif présentent une «grille de lecture» pour aider les juges français. Elle porte sur les différents niveaux de responsabilité des organisateurs de forums web, vis-à-vis du contenu des messages qui y sont postés. Le Forum des droits sur l'internet (FDI) publie une série de recommandations pour guider un juge confronté au casse-tête juridique que représente le statut d'organisateur de forums de discussion. Ce dernier peut-il être tenu responsable ou non des propos tenus par les participants à une discussion qu'il a initié ou qu'il héberge? Le débat suscite la polémique depuis de nombreux mois.
L'organisme s'était déjà félicité, il y a deux semaines, des modifications apportées par les sénateurs dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN). Ces derniers ont adopté un amendement élargissant la définition du statut d'hébergeur de contenu en ligne, afin de pouvoir y inclure certains des prestataires de forums.
Le FDI propose à présent une "grille de lecture" au juge, afin de déterminer quelle responsabilité s'applique à ces organisateurs, dont le degré d'implication peut grandement varier. Selon les experts qui ont planché pendant neuf mois sur le sujet, mieux vaut trancher au cas par cas, en s'appuyant sur des critères précis. Le principe de base est le suivant: il faut appliquer le régime de responsabilité en fonction de l'activité exercée par l'organisateur de forum, et non en fonction de son statut.
Concrètement, le FDI distingue trois cas de figure.
Primo: la responsabilité éditoriale d'un prestataire, telle que définie dans l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 pour les infractions de presse. Elle devra être engagée si celui-ci «procède à l'exploitation éditoriale des contenus des messages postés». Une seule modération a priori de ces messages ne constitue pas une exploitation éditoriale, précisent néanmoins les experts. Car il ne faudrait pas «surresponsabiliser le prestataire qui fait un effort pour retirer les messages "nuisibles"»
Les organisateurs ne sont pas tous des professionnels
Secundo: la responsabilité civile de droit commun. Elle devra être appliquée si l'organisateur choisit «d'initier une discussion sur un sujet particulièrement sensible ou s'adressant aux mineurs». Ou s'il ne met pas en place «un système de collecte de données de nature à permettre l'identification des auteurs des messages».
Enfin tertio, un organisateur de forums sera soumis au régime de responsabilité des hébergeurs, inscrit dans le projet LEN, s'il n'entre dans aucune des deux catégories précédentes. C'est-à-dire s'il «se limite à une activité de stockage de contenus fournis par un destinataire du service à sa demande».
Pour apprécier le préjudice subi et en fixer les réparations, le FDI appelle également les tribunaux à considérer plusieurs éléments, qui peuvent pousser à la clémence. «L'auteur et l'organisateur ne sont généralement pas des professionnels de l'information», souligne-t-il. Et de rappeler qu'il faut également tenir compte de l'audience d'un message incriminé, en fonction du nombre de visiteurs du forum, mais aussi du nombre de réponses à ce message.
Les experts du forum enjoignent en conclusion les organisateurs de forums à «adopter des chartes de participation claires» et à «modérer les messages "nuisibles"». |