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L’annonce des mesures de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée promises par le gouvernement se fait toujours attendre chez les fonctionnaires. Pour l’économiste Pierre Madec, l’équité parfaite entre le secteur public et la sphère privée en matière de gains de pouvoir d’achat aurait un coût de plus de 4 milliards d’euros.
“Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.” Cette expression, chère à la socialiste Martine Aubry et aujourd’hui reprise par une organisation syndicale du secteur public, reflète à elle seule l’inquiétude des fonctionnaires compte tenu du manque d’informations sur les mesures de compensation dont ils pourraient bénéficier en contrepartie de la hausse prévue de 1,7 % de la contribution sociale généralisée (CSG).
À l’inverse du reste de la population active, et du secteur privé notamment, les agents du secteur public pourraient, en effet, voir leur pouvoir d’achat profondément touché par la hausse de la CSG, décidée par le gouvernement pour le 1er janvier 2018. Ils ne pourront notamment pas bénéficier de la baisse des cotisations chômage et maladie promise par le gouvernement, puisque celles-ci n’existent pas (ou très peu) dans leur régime.
Pour y remédier, le gouvernement, par la voix de son ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a promis de ne pas oublier les agents publics en leur accordant des mesures compensatoires. La teneur précise de ces mesures n’est néanmoins toujours pas connue. Les premiers éléments de simulation que le locataire de Bercy entendait transmettre aux organisations syndicales n’ont toujours pas été remis aux représentants du personnel. Les services du ministère ne font quant à eux aucun commentaire sur le sujet, indiquant seulement qu’un groupe de travail se réunira à ce propos mi-septembre en présence des syndicats.
Coût budgétaire de 4,2 milliards d’euros
Encore faut-il que cette compensation n’impacte pas les finances publiques… Dans son programme présidentiel (toujours accessible en ligne), le candidat Emmanuel Macron affirmait qu’une “mesure équivalente [à la baisse des cotisations des salariés du privé, ndlr] dégager[ait] également du pouvoir d’achat pour les fonctionnaires et les indépendants” et que cette réforme se ferait “à coût nul pour les finances publiques”.
“Faux ! tonne Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ces deux affirmations sont incohérentes.” Selon ses propres estimations, dans l’hypothèse où les fonctionnaires et les indépendants (non soumis aux cotisations chômage) bénéficieraient d’un gain de pouvoir d’achat identique à celui enregistré par les salariés du secteur privé, la compensation aurait un coût budgétaire de l’ordre de 4,2 milliards d’euros.
D’un côté, la hausse de la CSG “devrait engendrer une hausse des recettes fiscales de l’ordre de 20,7 milliards d’euros”, affirme Pierre Madec et de l’autre, la baisse des cotisations prévue pour les salariés du privé (3,15 points) “devrait quant à elle entraîner une baisse des recettes de l’ordre de 18,3 milliards”. “Si une compensation de l’ordre de 3,15 % de ces revenus bruts devait être versée aux fonctionnaires et aux indépendants, il faudrait ajouter 6,6 milliards d’euros aux 18,3 milliards précédents”, explique-t-il. D’où, par soustraction, un trou de plus de 4 milliards d’euros…
Mais “il semble que la voie empruntée soit plutôt d’accorder un gain de pouvoir d’achat aux seuls salariés du privé et d’assurer une neutralité pour les fonctionnaires, ajoute l’économiste de l’OFCE, structure affiliée à Sciences Po Paris. Nous sommes à peu près sûrs que les fonctionnaires ne gagneront rien en termes de pouvoir d’achat avec cette réforme. Il faut juste espérer qu’ils n’en perdent pas”.
Marges de manœuvre limitées
Alors, quelles pourraient être les mesures compensatoires que le gouvernement pourrait mettre en place “pour qu’il n’y ait pas de perte de pouvoir d’achat pour les fonctionnaires”, selon les propres termes de Gérald Darmanin ? Les marges de manœuvre sont, à vrai dire, limitées… Le gouvernement n’engagera certainement pas le levier du point d’indice, l’exécutif ayant déjà annoncé son gel pour l’année prochaine.
S’agira-t-il de la mise en place de primes, de la suppression de la contribution de solidarité de 1 % au régime d’assurance chômage des fonctionnaires ou de la diminution d’autres cotisations (peu nombreuses dans le secteur public) ? Le flou demeure.
En 1997, à l’occasion de l’élargissement de l’assiette de la CSG, une indemnité exceptionnelle de compensation avait été mise en œuvre pour les fonctionnaires qui s’estimaient lésés par le transfert des cotisations sociales vers la CSG. Près de 960 000 personnes bénéficiaient de ce mécanisme censé neutraliser la perte de salaires, avant que l’ancienne ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu ne décide, en 2015, de le supprimer progressivement au moyen d’une indemnité dégressive réduite à chaque avancement. À l’époque, plusieurs organisations syndicales du secteur public avaient pointé une perte de pouvoir d’achat pour les fonctionnaires. En sera-t-il de même cette année ? Les représentants du personnel sont dans l’expectative.
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