Je comprends, mais ouais, pour moi c'est sublimeuh.
Enco' kapoum !!!
Ceci dit pour rajouter une note intellectuelle à cette fascination, sublime est un terme kantien et s'emploie différement de beau. Ça a d'ailleurs complètement sa place dans le topic des truc "sacrément grand". Certain truc sont sublime simplement par grandeur, alors qu'en petit ce serait moche.
http://sociocritique.mcgill.ca/theorie/beau.htm
___________________LE BEAU & LE SUBLIME___________________
La nuit est sublime, le jour est beau
Kant
Dans la première partie de la Critique du jugement esthétique, Kant établit une distinction fondamentale entre deux catégories : le beau et le sublime. Les rapports entre les deux objets ne sont pas uniquement exclusifs, ils trahissent quelques caractéristiques communes. Un autre terme capital, qui apparaît dans le discours kantien, quoique de manière plus marginale, en deçà des deux autres, est celui dagréable. Là, cependant où les définitions de toutes ces catégories deviennent intéressantes, cest quand elles sont considérées en fonction du bien, et surtout de la raison morale.
Le beau
Par rapport au beau, il est primordial de noter que sa définition se rapporte non pas à la propriété de lobjet, ni aux conditions de création dudit objet mais uniquement à létat de conscience (sensation) de la personne qui émet un jugement esthétique. Ceci nous permet dénoncer une caractéristique fondamentale dun tel jugement ; il nest pas orienté vers la connaissance empirique ni vers la connaissance théorique (conceptuelle) de lobjet. Situé en dehors de la question du fondement et du but de lobjet, le jugement esthétique relève surtout de la perception (sensation empirique). Malgré la condition préalable de lexistence du sujet, le jugement esthétique napporte rien, non plus, à la connaissance du sujet percevant.
La spécificité de la réception esthétique ressort mieux en comparaison avec les termes dagréable, de bon et de vrai. Lagréable, qui peut prendre des formes de gracieux, charmant, délicieux, ravissant, et se confondre avec la sensation qui détermine linclination, la volonté et même lintuition, est fondamentalement ce qui plaît aux sens. Dès lors, on peut dire quil est marqué par un intérêt et par une fonction dutilité, tout comme dans le cas du bon. Cette dernière fonction oppose justement le beau à lagréable et au bon.
Le jugement par lequel je déclare un objet agréable exprime un intérêt attaché à cet objet, cela est clair puisque, par la sensation, il excite en moi le désir de tels objets ; ici, par suite la satisfaction ne suppose pas un simple jugement sur cet objet, mais rapporte son existence à mon état, dans la mesure où cet objet l'affecte (Critique, § 3.)
Le vrai (comme le bon) se distique également du beau par le fait, quil ne peut être connu que par la raison et la logique. On saperçoit alors que le beau est caractérisé essentiellement par une série de qualités négatives, conditions sine qua non de son existence : le désintéressement, la contemplation et linutilité. Le plaisir éveillé par le beau est en effet un plaisir désintéressé, ninspirant aucun désir, ni celui de la connaissance, ni celui de laction. Notons que ce désintéressement est différent de la volonté désintéressée, qui sattache au bien moral. Il est contemplatif. Toutefois, si tout « intérêt gâte le jugement de goût et lui ôte sa sérénité », il y a, selon Kant, un danger associé au goût esthétique : cest une possibilité de substituer un tel goût à la conscience morale. La « libre contemplation », saisie en tant que mode de manifestation du jugement du beau se manifeste à cause du manque dintérêt. L'intérêt est justement un assentiment forcé ne serait-ce que par la loi de la raison. La dernière qualité négative du beau, linutilité, apparaît dans le fait que je jugement esthétique du beau est un jugement effectué dans un rapport indépendant entre le sujet en face de lobjet. Le beau nest beau quen soi, sil requiert un attrait additionnel, il transforme automatiquement le goût en une vulgarité.
À part les qualités négatives, on peut dégager du goût, une caractéristique positive. Celle-ci se manifeste dans la forme. Kant souligne que cest le dessin, la composition, sinon la structure qui déterminent le fait quun objet devient le centre du pur jugement de goût. Même, précise-t-il, ce que lon appelle lornement sajoute à lobjet esthétique par le biais de la forme, sinon nous nous trouvons devant un enjolivement.
Pour bien comprendre le beau, il faut également tenir compte de la spécificité de son déploiement dans le temps et dans lespace. Cest là dailleurs que se manifeste son principal paradoxe. Celui-ci réside dans le fait que le beau est un universel, mais un universel « négatif » (le terme vient de nous). Il est universel, car contrairement à lagréable, qui est un jugement de goût purement personnel (concernant uniquement le sujet dans sa subjectivité), il nest jamais beau pour un sujet, puisquil exige, dit Kant, une reconnaissance large de la beauté de la chose. Le lieu commun « à chacun son goût » entre alors en contradiction avec les thèses de Kant, car, dans une telle situation, il nest nullement question du goût. On pourrait affirmer la même chose par rapport à lagréable, qui malgré les apparences nest pas universel. Il nest peut être que général.
« Le jugement sur le beau révèle donc à l'analyse cette chose étonnante : une universalité non pas conceptuelle, mais esthétique, non pas objective, mais subjective ». Le beau se manifeste alors comme une « valeur commune » (Critique, § 8), quoique son caractère universel ne peut jamais être expliqué. Aucun concept nest capable dexpliquer le beau, conclue le philosophe, en nous rappelant la spécificité différentielle du terme par rapport au celui de vérité. Kant précise néanmoins que, face au beau, nous ne sommes nullement dans une confusion conceptuelle, mais bel et bien devant une « négativité » conceptuelle. Ce qui ne veut pas dire non plus que chaque négativité devient automatiquement esthétique.
Le beau est « un universel sans concept (
.). Il est ce qu'il doit être mais on ne sait pas ce qu'il doit être ». Paradoxalement, il est dépourvu darguments, des règles, de preuves empiriques : « on peut donner des exemples de beauté, on ne peut en donner une définition ». Le beau a besoin dexemples, de manifestations exemplaires pour se perpétuer à travers de transferts indirects de son essence, nullement par le biais de limitation des modèles, qui le feraient retomber « dans la grossièreté de ses premiers essais ».
Le beau se comporte dans son universalité comme sil était un jugement subjectif. Son seul « critère empirique » est quil est commun à tous les êtres humains tout en étant profondément dissimulé.
La satisfaction par le beau est en réalité située loin de la satisfaction de lappétit sensible, de léquilibre biologique et de la réalisation dune règle abstraite. La finalité universelle du beau, qui repose dans léquilibre des fonctions de lesprit provoqué par la représentation du beau, ne peut nullement se confondre avec la perfection formelle de lobjet, qui est une représentation conceptuelle à priori, contraire à la nature du jugement esthétique. Une beauté conceptuelle est une « beauté adhérente » ou une « beauté conditionnelle », lunion du goût avec le bien (la raison), qui restreignent limagination. Le jugement de goût, qui ne déclare un objet beau que sous la condition d'un concept déterminé, n'est pas pur. Ainsi, la symétrie dun objet (v.g. représentation dun triangle) ne relève pas du beau mais dagréable. La finalité du beau est au contraire une « beauté libre », qui ne repose sur rien et ne signifie rien. Dans cette situation, cest « l'intelligence (qui doit être) au service de l'imagination et non pas le contraire ».
On saperçoit ainsi que la finalité du beau est sérieusement contrainte dans la mesure où elle ne sapplique immédiatement, au-delà de lobjet, quau sentiment de plaisir du sujet.
Lidéal de la beauté est par conséquent celui de limagination (sa manifestation maximale) et non celui de la raison. Kant parle dune « spontanéité aveugle » du génie, située à la source de la création et opposée à lhabileté technique et à la raison scientifique. Le génie en question nest jamais possédé, il est donné. Cette grandeur de lart constitue aussi sa grande limite, car le talent du beau ne peut être enseigné.
Le sublime
Le beau fait partie du sublime ; aucun deux ne relève complètement ni du sensible ni du logique. Une des différences fondamentales du sublime par rapport au beau sexplique par le fait que le premier évoque des émotions plus intenses, plus sérieuses et parfois même plus pénibles que le deuxième : «Le sublime peut être écrasant, horrible ou informe, et c'est en cela même que consiste sa finalité par rapport à nos facultés ». Ceci est vrai même si ces émotions peuvent être reliées aux sentiments élevés de l'amitié, du mépris du monde, de l'éternité, par le calme et le silence. Kant introduit dailleurs une classification primaire du sublime : le sublime terrible, basé sur le sentiment dhorreur, le sublime noble, basé sur le sentiment de tristesse, et le sublime magnifique, basé sur le sentiment dadmiration.
À la lumière de ces constats, on peut dire déjà la finalité du sublime, qui est la conséquence directe de sa nature et sincarne dans un sentiment où l'esprit humain réfléchit déjà sur sa propre destination ! La finalité du sublime va encore plus loin, au-delà de la forme de lobjet, « car le sublime authentique ne peut se trouver contenu dans aucune forme sensible», na pas de limites formelles. Elle est en fait un abîme : un moment darrêt des forces vitales, suivi aussitôt d'un jaillissement d'autant plus fort de ces forces. Le sublime est un plaisir « négatif ».
La grandeur est probablement une caractéristique, qui nous permet de définir le mieux le sublime « Le sublime doit toujours être grand, le beau peut aussi être petit ! » affirme Kant. Ce que nous appelons sublime est en fait grand absolument (au-delà de toute comparaison, en dehors de toute comparaison, saisi intuitivement, maximal subjectivement). Cest dailleurs en conséquence de cette grandeur, qui nest égale quà elle-même, que sopère le déplacement du centre de la réflexion de lobjet vers le sujet, le dépassement de la perception. « Est sublime toute chose qui, du seul fait qu'elle est pensée, révèle une faculté de lâme qui surpasse toute mesure des sens. » (Critique, § 25)
Ainsi, il ne faut pas chercher le sublime dans les objets dart, déterminés autant dans leur forme que dans leur grandeur par le but humain, ni dans la nature proprement dite « dont le concept implique une fin déterminée (par exemple dans des animaux d'une destination naturelle connue) », mais dans la nature brute (v.g. le spectacle du chaos, des désordres les plus sauvages et de la dévastation) à condition que cette nature ne contient que de la grandeur et néveille pas de sentiments dattrait ou de crainte.
Des rochers audacieusement surplombants et comme menaçants, des nuages orageux se rassemblant dans le ciel et s'avançant au milieu des éclairs et du tonnerre, des volcans dans toute leur puissance de destruction, des ouragans semant après eux la dévastation, l'immense océan soulevé par la tempête, la cataracte d'un grand fleuve, etc., ce sont là des choses qui réduisent à une insignifiante petitesse notre pouvoir de résistance comparé à de telles puissances. Mais l'aspect en est d'autant plus attrayant qu'il est plus terrible pourvu que nous soyons en sûreté, et nous nommons volontiers ces choses sublimes, parce qu'elles élèvent les forces de l'âme au-dessus de leur médiocrité ordinaire, et qu'elles nous font découvrir en nous-mêmes un pouvoir de résistance d'une tout autre sorte, qui nous donne le courage de nous mesurer avec l'apparente toute-puissance de la nature. (Critique, § 28)
Ce que la nature réveille chez nous à travers le jugement esthétique sublime, cest un appel libérateur, qui nous rend « puissant », aptes à réfléchir sur le caractère négligeable de nos préoccupations quotidiennes, i.e. fortune, santé, vie. Cet appel nous soulève au-dessus de la nature. Le sublime nest pas dans la nature, il est dans lesprit. Il y a des confusions et des déformations possibles par rapport au sublime : un objet est monstrueux quand sa grandeur détruit la fin déterminée par son concept ; il est colossal (monstrueux relatif), quand il excède presque toute présentation dun concept. Dans les deux cas, la présence dun concept est implicite. Le bizarre apparaît dès que le sublime terrible cesse dêtre naturel, comme une croisade. La sottise est un faux sublime, comme un duel. On voit bien que la connaissance du sublime peut nous servir à émettre des jugements moraux.
Conclusion
Les rapports du beau et du sublime avec le jugement moral ne sont pas du même ordre, malgré une certaine parenté entre eux. Kant insiste sur le fait que le sublime implique une culture de la moralité. La culture du jugement esthétique, comme dans le cas du beau, ne saurait pas suffire, car le sublime ne peut apparaître que dans l'inadéquation de la nature et des idées. La personne inculte prend dailleurs le sublime pour leffrayant. Mais là où, selon Kant, le sublime et le bien moral se rapprochent, cest dans le sentiment de respect que le sublime éveille et qui place le sujet au-delà de linclinaison, des obstacles de la sensibilité. Dailleurs, paradoxalement, cest l'absence de toute affection (apathia, phlegma in significatu bono), qui, pour le philosophe, est la manifestation la plus haute du sublime, car, dans cet état, le sujet rejoint la sphère de la raison pure.
Vice versa, le trop de sensibilité fait plonger le sujet dans le faux sublime, qui est en réalité une sensiblerie, qui na pas de véritable valeur en tant que sentiment moral face à lexigeante loi du devoir. Le dépassement de limagination dans le jugement du sublime offre en effet à la conscience le sentiment dêtre illimité et peut servir de fondement pour une moralité ineffaçable et ineffable pure. Celle-ci ne saurait pas être confondue avec lilluminisme, soit le danger de voir quelque chose au-delà des bornes de la moralité, ni avec un sentiment religieux de soumission devant (la colère de) Dieu. La nature sublime de ce dernier se dévoile seulement devant un sujet plongé dans un état desprit de paisible contemplation et dans un jugement libre de toute contrainte. La conscience de la droiture provoque alors un effet contraire à celui que fait naître la peur. À travers une telle perception de la puissance divine se réveille lidée de la sublimité de Dieu.
Chez Kant, lesthétique est présentée finalement en tant que question morale. Dans la première partie de la Critique du jugement esthétique, le beau est défini dans sa spécificité et dans ses limites morales. Cest dans la suite de sa réflexion que les solutions et les dépassements de lesthétique (i.e. déduction du jugement de goût, résolution de l'antinomie, référence finale au suprasensible directement par le sublime et indirectement par le beau) sont envisagés en vue dune philosophie transcendantale.
Message édité par Gilgamesh d'Uruk le 12-12-2006 à 22:17:25