J'ai longtemps considéré avec mépris les langues régionales, je me souviens m'être payé la tête d'un ami au lycée qui étudiait le provençal mais ai pas mal changé d'avis à leur sujet depuis. J'ai relevé pas mal d'arguments que j'aimerais contredire dans les contres.
Sur le plan purement juridique,se contenter de reconnaitre les langues régionales dans la constitution n'a pas d'application pratique immédiate effectivement. Il m'apparait évident que l'objectif ultérieur serait de ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaires, voire plus loin encore d'avoir la possibilité de remplir des documents officiels dans une langue régionale. Ne pas le reconnaitre m'apparait aussi hypocrite au fond que de se dire qu'actuellement rien n'empêche de parler sa langue régionale, qu'on peut l'apprendre au lycée que cela fait des points au bac (points au dessus de la moyenne coeff1 à une époque où le bac tient du cadeau au lycéen, la belle affaire), qu'au fond tout va bien Madame la Marquise.
Mais même sans application pratique immédiate, la politique est aussi affaire de symboles, souvenez-vous de l'épisode +140% du salaire présidentiel en plein contexte de renchérissement des prix. Il s'agit d'enclencher un mouvement favorable ou du moins d'en finir avec le contexte défavorable, avec le fait que j'ai pu considérer à 16ans que le provençal était une sous-langue alors que je n'en connaissais absolument rien au fond(merci le bon mythe de la France une et éternelle qu'on nous apprend à l'école).
On a beau jeu dans notre pays de célébrer la diversité, la France métissée, la Tolérance et autres mièvreries de la langue de bois alors que depuis 2 siècles notre Etat s'est échiné à la nier et l'extirper de ses nationaux.
Naturellement, on en vient aux questions de régionalisme, de prise d'autonomie mais la démagogie est aisée en la matière: la Flandre, la Catalogne, les factions terroristes basques ou corses viennent en tête mais n'est-ce pas un peu plus compliqué que cela? Il n'est un secret pour personne que la Flandre est bien plus riche que la Wallonie, que la Catalogne est la région la plus riche d'Espagne. La province que constitue le pays basque espagnol est elle-même nettement plus prospère que la moyenne nationale. Il est facile de cristalliser la question de l'identité sur la langue, mais ne serait-ce pas avant tout une histoire de solidarité nationale défaillante?
Cette dernière affirmation parait d'autant plus vraie quand on constate les vélléités indépendantistes d'autres régions européennes. L'Ecosse par exemple, où l'anglais a terrassé le gaélique et le scots, est une des régions européennes les plus dynamiques elle aussi. Quant à la Ligue du nord, qui a réalisé de gros scores aux dernières législatives italiennes, elle milite pour une scission de l'Italie sur une division qui n'a aucun sens culturellemement parlant, entre nord et sud. La "Padanie" définie par ce parti est un concept qui unit des régions parlant des langues différentes et aux histoires différentes. Etrangement, les régions pauvres sont toutes au sud de ce fantasmagorique nouvel état.
Les irlandais eux-mêmes affirment le caractère officiel, au côté de l'anglais, de leur langue celtique. Pourtant l'usage de celle-ci ne progresse pas ou très peu. Pourquoi devrait-il en aller différemment chez nous? De quoi ont peur nos jacobins?
Quelle belle illustration de mauvaise foi dans le discours de Mélenchon -coutumier de l'exercice, il est vrai- d'associer la charte à une idéologie d'extrême-droite. Un point Godwin à lui tout seul! Affirmerait-il que tous nos voisins l'ayant ratifiée seraient des pays totalitaires, fascisants et/ou en danger de scission?
Comment se fait-il que l'Allemagne ne soit pas redevenue un amas de principautés malgré la persistance de ses langues locales? Pourquoi une localité à l'identité forte devrait-elle forcément avoir des vélléités sécessionistes? Pourquoi une identité locale devrait-elle être alternative à une identité française?
Surtout, pourquoi diable l'un des arguments des sénateurs est-il de dire que l'usage du français se dégradant, il faudrait renforcer son enseignement en ne s'attardant surtout pas sur les langues régionales? A titre personnel je ne me connais aucun ancrage et donc aucune identité locale(trop déménagé dans mon enfance), je me sens français, entendre la Marseillaise ou voir nos couleurs flotter me fait toujours un petit quelque chose, j'ai une très grande confiance dans mon niveau d'expression. Pourtant j'ai appris une langue étrangère en même temps que le français(en l'occurence je suis bilingue en anglais) dès mon plus jeune âge, et étonnamment apprendre les faux-amis, les différences de structure de phrase, les étymologies des mots dans chacune de ces langues a contribué à améliorer ma maîtrise dans l'autre, sans parler des à-côtés historiques qui y sont liés.
Message édité par Arcapt le 28-06-2008 à 17:36:14