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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°14270171
l'Antichri​st
Posté le 07-03-2008 à 17:34:07  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

foutre de a écrit :


au lieu de sous-tendent
 
 
 


 

foutre de a écrit :


plutôt que "universellement condamnés" je dirais "condamnés au nom de l'universalité". Le Japon, l'antiquité romaine ne condamne pas le suicide, certains rituels maritaux hindouistes non plus ; au contraire, se suicider peut être le geste de justesse et de hauteur de moeurs dans de nombreuses situations, à l'extérieur des limites culturelles bibliques...
si c'est moins vrai pour le judaïsme, qui fonde une sorte étrange de monothéisme nationaliste, ou d'exception communautaire à caractère religieux, le christiannisme importe définitivement l'universalité, ou la prétention à..., dans son discours moral
 


 

foutre de a écrit :


je l'accepte comme propos kantien rapporté, mais avouez que la probation par le sentiment passe par une interprétation déterminée. J'ai beaucoup de doutes là sur


 
Vous oubliez que les impératifs moraux chez Kant sont des postulats a priori de la raison : ne reposant pas sur l'expérience concrète, ils sont universels ! Les lois morales sont formelles, indépendantes de toute matière, s'appliquant ainsi à tous les hommes, dans n'importe quelle circonstance. Kant s'attaque à la structure formelle de la faculté de désirer pour redéfinir l'autonomie, attaque que ne lui pardonnera pas Nietzsche. Votre remarque repose donc sur une méconnaissance de la distinction kantienne capitale entre le Bien et le Mal qui relève de la volonté, et l'agréable-désagréable qui relève de la sensibilité et procède de la relation entre plaisir et peine (cf. Critique de la Raison Pratique). La valeur anthropologique chez Kant est absolument séparée de la valeur morale. C'est en cela que Kant justifie l'apathie stoïcienne : si est "pathologique" tout ce qui relève de la sensibilité, qu'il s'agisse de l'affection perceptive qui fonde la connaissance ou de l'affection émotionnelle, il ne peut être question de désirer la vertu, puisque le désir concerne le contenu du mobile et non sa forme. Agir moralement, ce n'est pas désirer le bien (le mobile est déterminé empiriquement, culturellement, même s'il est utile ou valorisé par les moeurs), mais obéir à la "bonne volonté" dont la seule norme est sa propre universalité comme devoir. C'est donc agir par pur respect pour la loi morale elle-même, c'est-à-dire sous l'impulsion d'un sentiment rationnel (seconde erreur dans votre lecture de mon message). Le mobile de l'action est alors subjectif, sans être passionnel, puiqu'il est seulement l'effet que la loi produit sur moi et non le plaisir de bien faire. Le devoir n'est plus un motif extérieur de l'action (hétéronomie), mais l'effet du sentiment d'être libre (autonomie).
 
Ainsi, dans l'absolu, votre remarque a du sens : pour Nietzsche, la morale de Kant refuse les contingences naturelles, les distinctions naturelles, celles de la vie. La morale kantienne est un mensonge permanent, l'expression de la mauvaise foi : "La réalité nous montre une merveilleuse richesse de types, une exubérance dans la variété et dans la profusion des formes : et n'importe quel pitoyable moraliste des carrefours viendrait nous dire : Non ! L'homme devrait être fait autrement ? (cf. Crépuscule des Idoles) Par son universalité, la morale nous cache la réalité, plus encore, elle nous demande de changer de nature, d'y renoncer, elle nous "castre" ! "...Au fond ce monde a toujours gardé une certaine odeur de sang et de torture, même chez le vieux Kant, l'impératif catégorique sent la cruauté" (cf. Généalogie de la morale, Livre III, §. 6).

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 07-03-2008 à 18:47:24
mood
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Posté le 07-03-2008 à 17:34:07  profilanswer
 

n°14270404
le vicaire
Posté le 07-03-2008 à 18:01:07  profilanswer
 

merci de vos précisions sur ses points d'appui théoriques qui encerclent la question du mal. Quand je parle de volonté libre, il faudrait peut être que je précise ce que j'entends par là. Il s'agit en effet de la volonté qui ne peut agir que si elle est déterminée par autre chose qu'elle même. A mon sens la seule volonté n'agit pas car rien ne lui est donnée pour qu'elle puisse agir. Il lui faut bien un moteur (une cause) pour vouloir, à moins de dire "je veux" sans qu'aucun objet ne me fasse agir. Et si ne vouloir rien est encore vouloir, c'est dire aussi je ne veux rien et c'est pour cela que je le veux..., il faudra se demander si un seul homme en eut jamais été capable.
 
Le volontaire agit, or il peut agir mal à mon sens pour deux raisons. La première est qu'il est plein de volonté mais que c'est bien le désir qui agit sa volonté (Spinoza ou l'essence désirante chez Platon). Le second point porte sur l'éclairement rationnel de ce pour quoi j'agis et pourquoi j'agis. Autrement dit je peux agir en connaissance, de la cause et de la fin, parce que la raison aura balayé le champ de mon action. Mais là à mon avis est justement la possibilité de l'erreur. Car l'erreur est fille de la seule raison. C'est bien la raison qui se trompe lorsque j'agis mal ou me trompe par défaut de jugement ou mauvaise connaissance peu importe, la raison est faillible. Elle l'est à mon sens d'autant moins qu'elle sait peu, car l'ignorance n'est pas une cause du principe du mal. Ne pas savoir que l'on fait le mal, c'est vider le mal de son principe comme un enfant de trois ans pourrait étriper un poulet sans avoir aucune conscience de la portée de son acte.
 
Je peux aussi vouloir et agir en raison de la loi morale mais lorsque Kant en fait un principe rationnel rien ne me dit que je ne vais pas me tromper et faire le mal plutôt que le bien. Je veux dire que si le tribunal de la raison est encore l'instance suprême la moins tordue elle n'en est pas pour autant à l'abri de l'erreur. C'est pourquoi j'opte davantage pour un principe qui n'est ni le désir, ni la raison mais le sentiment pour juger de ce que je dois faire et ainsi échapper au libre arbitre et au désir en gardant toutefois la loi morale et son universalité mais fondée dans le sentiment de la conscience et où la raison aura pour fonction essentielle de simplement donner à connaître.
 
Dans votre démonstration, vous posez de manière assez claire ce que la volonté met en jeu. La volonté ne se suffit pas à elle même pour connaître et encore moins pour décider de se que sont le Bien et le Mal. Augustin voulait jouir du mal... et rien ne m'interdit de jouir du mal. Rien sauf le sentiment. Je peux désirer faire du mal, je peux même vouloir faire le mal, je peux même décider de faire le mal (Machiavel) mais je ne peux pas aimer le mal. Tout nous incline dans notre nature à aimer le bien donc à ne pas vouloir le mal pour lui même. Alors c'est pourquoi un volontaire qui se trompe librement peut devenir un fanatique, c'est la raison et son dévoiement qui l'aveuglent, sa demi connaissance, car l'erreur est un produit rationnel (quoi de plus rationnel qu'Auschwitz d'ailleurs). Ce peut être son désir aussi quand celui ci ne s'accompagne pas de l'écoute nécessaire du pli de l'âme, sa fine pointe (Eckhart). S'il écoutait le sentiment primitif, l'homme aurait une saisie immédiate de ce qu'il doit faire. Mais on peut bien évidemment se boucher les oreilles en étranglant son voisin...

n°14270551
l'Antichri​st
Posté le 07-03-2008 à 18:14:44  profilanswer
 

foutre de a écrit :

il y a dans "au delà du principe de plaisir" des exemples de désir répété du mal sans qu'il soit médiation vers un bien. peut-etre pourrions nous en conclure, que le mal coïncide avec la perte de raison, ce pourquoi la raison ne parvient pas à le penser autrement que comme contradiction...


 
Non une "perte de raison" mais une raison corporée dont le régime de vie s'institue à travers un pouvoir hyperorganique sur ce que, depuis Merleau-Ponty, il faut bien appeler, improprement peut-être, le "corps propre". Ce régime de vie est sans cesse vacillant, il peut disparaître tantôt par faiblesse de la volonté, tantôt par faiblesse du corps. Tantôt notre liberté décline, tantôt elle ne sort pas de l'ombre. Sa force est toujours déjà minée par sa faiblesse, sa puissance dévorée par son impuissance, sa liberté sur le point de disparaître en nécessité. La dépossession de la pensée est l'envers de sa liberté. Si la pensée n'est ni activité spirituelle, ni causalité matérielle, ni fusion en Dieu, de quelle façon commence t-elle et pourquoi peut-elle s'éteindre ? Qu'est-ce que penser au jour le jour et non penser toujours ? Si la résistance du corps est essentielle à la pensée, quel doit être l'état de ce corps pour la pensée ? Et ce que l'on interpréte comme un affaiblissement de la volonté, n'est-il pas plutôt le signe d'un surcroît de puissance qui surmonte tous les obstacles ? N'est-ce pas ce que Nietzsche nomme la "grande santé" ? Je reviendrai très rapidement en détail sur tous ces aspects de la question...


Message édité par l'Antichrist le 08-03-2008 à 08:38:33
n°14270767
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 18:36:56  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

La Critique de la raison pure a su limiter les prétentions de la science qui accepte, depuis, de ne pas connaître la réalité en soi.


 
Hephaestos, peut-être une réaction à cette déclaration ?  :D  :whistle:


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14270784
l'Antichri​st
Posté le 07-03-2008 à 18:38:12  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

merci de vos précisions sur ses points d'appui théoriques qui encerclent la question du mal. Quand je parle de volonté libre, il faudrait peut être que je précise ce que j'entends par là. Il s'agit en effet de la volonté qui ne peut agir que si elle est déterminée par autre chose qu'elle même. A mon sens la seule volonté n'agit pas car rien ne lui est donnée pour qu'elle puisse agir. Il lui faut bien un moteur (une cause) pour vouloir, à moins de dire "je veux" sans qu'aucun objet ne me fasse agir. Et si ne vouloir rien est encore vouloir, c'est dire aussi je ne veux rien et c'est pour cela que je le veux..., il faudra se demander si un seul homme en eut jamais été capable...


 
Pour votre premier paragraphe, je reprendrai très simplement l'image de l'âne de Buridan qui permet justement de comprendre la différence foncière entre libre-arbitre et liberté d'indifférence (même si Descartes utilise lui-même, mais dans le sens du libre-arbitre, l'expression "liberté d'indifférence" ). Si je suis libre, cela signifie que j’ai un pouvoir sur moi-même, que je peux me diriger en dehors de toute contrainte extérieure, agir sans être soumis à aucune nécessité étrangère à ma volonté. Si je suis libre, c’est parce que personne ne me contraint à vouloir que moi-même. En ce sens, je suis donc un libre-arbitre, c’est-à-dire un pouvoir de dire oui ou non : j’ai le pouvoir "d’agir ou de m’abstenir selon ce que mon esprit a choisi" (cf. J. Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, §. 27), c’est-à-dire de préférer une action tout en sachant que l’action contraire était en mon pouvoir. Dans le libre-arbitre, la volonté se constitue en véritable cause première, elle est une puissance absolue de commencement, qui échappe à toute détermination, y compris celle de l’indifférence justement telle qu’elle apparaît dans la célèbre histoire de l’âne de Buridan : contrairement à cet âne qui, ayant autant faim que soif, et placé à égale distance d’un seau d’eau et d’un seau d’avoine, c’est-à-dire vivant une situation d’égalité des forces attractives, restera immobile et finira par mourir, l’homme lui possède une liberté radicale, c’est-à-dire la capacité de se dégager du déterminisme strict imposé par le mouvement naturel (celui de l’instinct et des besoins). Dans le libre-arbitre, il ne s’agit pas d’agir "sans raison" comme vous le prétendez (c’est bien sur ce principe que se fonde la "liberté d’indifférence" dont veut se moquer Buridan), mais d’agir "en dépit" de toute raison (et en présence d’autres raisons possibles d’action). Autrement dit, le libre-arbitre ne rejette pas la délibération (ce que fait l’indifférent puisque, par définition, il n’y a rien sur quoi il puisse délibérer, ce qui rend l’histoire de l’âne de Buridan trop simpliste pour qu’on l’applique aux actions humaines, à moins d’y voir justement l’effet de l’ironie à l’égard de la liberté d’indifférence). Simplement, pose t-il que la conclusion de cette délibération n’est pas nécessairement déterminante pour la suite de l’action, quelle que soit la force de cette conclusion. Ainsi, être libre, posséder un pouvoir sur soi, c’est avoir une vision claire et distincte des différentes possibilités qui s’offrent à notre adhésion où à notre refus, tout en étant capable de résister à notre propre mouvement intérieur, à ce qui en nous (nature, essence, culture…) mais indépendamment de nous comme pure volonté, incline spontanément et irrésistiblement dans telle ou telle direction.
 
La vraie question n'est pas de savoir si cette liberté existe, si "un seul homme en eut jamais été capable", ce qui me paraît indéniable, mais si ce pouvoir absolu de la volonté est vraiment la preuve que nous sommes libres ? L’acte libre est l’acte accompli sans motif autre que le pur vouloir. Mais cela indique t-il pour autant que notre volonté soit vraiment la cause du choix que nous avons fait ? Si le libre-arbitre repose sur la connaissance des possibles contradictoires, est-il vrai de dire que nous connaissons tous les possibles au moment du choix ? Au contraire, n’y a-t-il pas toujours de "bonnes raisons" (des mobiles profonds) qui nous font agir, que nous ignorons souvent ou que nous confondons avec notre liberté, mais qui n’en sont pas moins de véritables déterminations ?
 
En effet, je vous rejoins complètement sur la question du "moteur" de l'action : que peut bien signifier une volonté privée des lumières de la raison ? La difficulté que pose la liberté entendue au sens de libre-arbitre, c’est-à-dire une liberté apparemment sans contrainte, est la difficulté liée à l’existence d’une volonté brute, entièrement détachée de toute raison déterminante. Ici, le motif de la décision n’est pas propre au choix que nous faisons. Livrée à elle-même, c’est-à-dire sans le concours de l’entendement, sans l’autorité de ce principe directeur, de cette puissance législatrice universelle, capable d’éclairer l’action, de délibérer en fonction de l’idéal du bien afin d’orienter l’action dans la voie du meilleur, la volonté ne veut rien. Tout se passe comme si la volonté seule ne pouvait viser aucune fin, ou pire ne savait ce qu’elle voulait. Prisonnière de son propre dynamisme intérieur, de son unité indivisible qui la fait être tout entière à la fois, sans réserve et sans prudence, ignorante de ce qui la motive réellement, la volonté ne peut se décider que "pour" le mal c’est-à-dire contre le bien qu’elle connaît et qui s’impose à elle par son évidence. Mais une telle opposition n’est pas irrationnelle : elle ne fait que masquer un choix déjà déterminé, bien avant le moment de la délibération. Le véritable moteur de l’action, la véritable cause du choix n’est donc pas le libre-arbitre mais une spontanéité irréfléchie, une sensibilité, un désir plus originaire que tout le reste qui commande l’entendement, qui le meut afin que celui-ci fournisse les moyens de réaliser la fin projetée et la justification qui pourra lui donner un sens. Au fond le libre-arbitre, ne désigne rien de plus que la décision vide qui instaure la continuité des moments successifs d’une délibération dans le temps. Le mouvement initial, le "choix" de départ, équivaut à une résolution sans délibération où peuvent s’exprimer nos tendances les plus intimes, mais qui n’a qu’un rapport assez éloigné avec une véritable maîtrise de soi. Nous en trouvons la preuve dans la mauvaise conscience qui accompagne parfois l’exécution du choix initial : l’homme soumis à une spontanéité irréfléchie paraît, en effet, résolu si l’on coupe entre le moment du choix, où il se laisse vaincre par une passion présente qu’il confond avec l’exercice de son libre-arbitre, et la durée de l’exécution où il soutient vigoureusement son choix. Mais sitôt qu’on rétablit la continuité dans le temps, l’irrésolution apparaît, puisque la faiblesse du choix initial, son caractère aliénant, se perpétue à travers son opiniâtreté. Dans le remous du temps, le choix et la vigueur avec lesquels la volonté soutient, devient équivalent au temps mort d’une délibération sans décision. La spontanéité manifeste finalement bien plus notre dépendance vis-à-vis des passions que la toute puissance de notre volonté. Nous expérimentons, alors, combien notre volonté est faible et vacillante face à tous les mobiles passionnels dont la spontanéité, justement, nous attache d’autant plus qu’elle paraît mieux nous représenter. Nous pouvons alors préciser le sens véritable (à la fois positif et négatif, c’est-à-dire essentiellement ambivalent) de ce libre-arbitre constitutif de notre être.
 
En effet, la réalité première est la réalité concrète de l’homme en situation cherchant par la conscience à maîtriser son rapport au monde, à se le représenter afin de donner un sens à son existence. Or, cette quête d’un sens prend d’abord la forme d’une entreprise de justification de ce qui est c’est-à-dire des pesanteurs et des limites qui nous faut souffrir. La condition première de l’homme en situation est celle d’une aliénation radicale : son pouvoir d’initiative, sa capacité à dépasser le donné, bref son libre-arbitre, s’inscrivent dans les limites d’un vécu où s’affirment des modes de représentations (valorisations subjectives, autorité d’un savoir historiquement déterminé, références à l’expérience individuelle, poids du conditionnement éducatif, etc…) qui, loin d’offrir les conditions d’une réappropriation critique et objective de ce qui l’entoure et le détermine, participent au contraire à son aliénation idéologique. Autrement dit, les représentations par lesquelles l’homme vit son rapport avec les réalités concrètes qui conditionnent son existence, révèlent bien son libre-arbitre qui lui permet de relativiser son propre vécu, de se mettre à distance de lui, de le transcender pour le juger et s’il le faut pour le transformer. Mais ce pouvoir n’est pas absolu : loin d’être neutres et inertes, les représentations s’imposent à leur tour au sujet. Ainsi, la volonté affirme-t-elle ou nie-t-elle à raison des représentations qui se produisent en elle, par la seule puissance d’affirmation qu’elles comportent, ce qui ne peut que nuire gravement au libre exercice du jugement. Et la première démarche de la raison humaine n’est pas de proposer une explication objective du vécu mais de découvrir la raison des choses, de relier les phénomènes ou les événements à une finalité qui pourra justifier ce qui autrement rendrait l’existence insupportable (cf. Les obstacles épistémologiques chez Bachelard, les diverses idéologies dénoncées par Marx sur le plan économique et social, les diverses idéologies dénoncées par Freud sur le plan psychologique, la critique kantienne de l’illusion métaphysique, etc…).
 
A l’origine, nous ne sommes donc pas libres car la liberté n’est pas donnée : elle n’est pas un pouvoir autonome par rapport à l’entendement et à ses représentations communes. La volonté est d’abord passion (elle exprime l’extériorité) et non action (pure causalité). La contrainte réside dans le donné. La liberté consiste à dépasser celui-ci. Afin de retrouver un pouvoir sur nous-mêmes, il faut donc dépasser le libre-arbitre et affirmer que la liberté se trouve dans notre capacité de résistance face à toutes les forces extérieures qui nous contrôlent de l’intérieure, face à toutes les déterminations d’origine culturelle qui nous font croire à la valeur de prétendus comportements traditionnels fondés sur la nature alors qu’au contraire elles masquent notre véritable nature.
 
Pour avoir la maîtrise de soi (être à soi-même son propre maître signifiant à la fois être sous la contrainte et être libre puisque c’est s’obéir), pour réellement diriger son jugement et son action, il faut donc se réapproprier son vécu. Or, seule une démarche réflexive capable de problématiser les représentations ordinaires, d’élaborer de manière critique les cadres psychologiques et affectifs de notre existence, les valeurs idéologiques transformées en dogmes ou en traditions, est en mesure d’assurer notre autonomie et donc la maîtrise de nos choix existentiels. Sur ce plan, le jeu dialectique des questions et des réponses chez Platon illustre la nécessité, pour qui veut accéder à l’intelligible, de dialoguer avec soi-même, de s’éveiller à la prise de conscience de l’illusion pour s’éveiller ensuite à l’amour du vrai pour se dépasser en lui. De même, chez Descartes, nous devenons libres à travers l’exercice d’un doute volontaire à la fois universel, hyperbolique et radical. Un tel doute est un acte de liberté parce qu’il est forcé, parce qu’il exprime une volonté ferme et constante de sortir de l’incertitude. Il est le modèle universel de la réflexion critique, seule capable d’élucider les multiples illusions qui transforment notre pouvoir d’agir (notre libre-arbitre) en aveuglement et impuissance. Le libre-arbitre devient alors une vertu négative qui intervient comme un moment primordial dans le parcours méthodique et raisonné vers le vrai et le bien. Le libre-arbitre exprime maintenant une décision volontaire et délibérée qui donne tout son prix à notre action puisqu’elle marque notre rupture avec un mal, certes volontaire (car résultant d’un entraînement et d’un endurcissement à des actes qui en leur début étaient volontaires) mais figé maintenant dans la nécessité par la difficulté, voire l’impossibilité qui est la nôtre, de modifier à volonté notre conduite. Etre libre dans la contrainte, ce n’est pas tant refuser volontairement un bien que nous connaissons et qui de fait pèse de toute sa positivité sur notre décision finale, mais c’est trouver la force et les raisons de désobéir au mouvement purement mécanique par lequel on croit choisir librement (puisque conditionné par notre passé) de suivre une détermination ancrée dans les habitudes de notre vie antérieure. En tant que puissance de négation, le libre-arbitre respecte à la fois notre nature réelle c’est-à-dire notre aspiration aux valeurs et le principe de la liberté c’est-à-dire la liberté de choix.


Message édité par l'Antichrist le 07-03-2008 à 18:48:33
n°14270957
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 19:02:24  profilanswer
 

On fait souvent l'opposition entre, d'une part, une pure faculté morale de vouloir (spécifiques à la nature humaine en tant qu'intrinséquement libre) et de l'autre côté, les vilains déterminismes sociologiques, historiques et psychanalytiques qui, à chaque fois, ressemblent à des montres hideux partant à l'assaut de la forteresse de la Volonté Bonne.  
Mais est-il impossible de penser que l'histoire, la société, mes pulsions, mon passé (et autres désagréables contingences) font autre chose que brimer ma sacro-sainte liberté suprasensible et nouménale ?

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 07-03-2008 à 19:04:36

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14270975
l'Antichri​st
Posté le 07-03-2008 à 19:04:27  profilanswer
 

foutre de a écrit :

...
 
il y a cependant au coeur de la civilisation des fondements de "crime commis en commun". Il faudrait articuler la pensée de la transgression, de l'excès et de l'économie non-rationnelle de  l'humanité qu'avance G. Bataille, notamment pour penser les arts, le sacrifice, la guerre...


 
Oui, votre remarque est pertinente ! Interdit et transgression forment la réalité ambivalente de la civilisation sous toutes ses formes. Pour Bataille, le désir amoureux, par exemple, est stimulé par la notion de péché, comme si la culture jouait comme excitant de la nature. L’interdit endigue et dans le même effort redouble l’élan de la pulsion sexuelle vers la transgression. L’effet pervers de la culture se manifeste par la condamnation que véhicule l’interdit, augmentant alors l’attrait de l’objet du désir. La culture sécrète elle-même ce qu’elle est sensée combattre : le goût de l’égarement et la démesure. L’érotisme est ce monde trouble où l’amour est mélange nature-culture, révélateur en cela de la spécificité humaine. Au-delà de la sexualité, l’homme entretien un certain rapport avec sa vie et avec sa mort. En ce sens, l’interdit de l’inceste relève du même esprit fondateur que l’obligation de sépulture. Il s’agit dans les deux cas d’endiguer la violence de la nature. L’activité amoureuse renoue avec la violence sous-jacente et ouvre sur ce que G. Bataille appelle "le sacré". Bataille définit le sacré comme horizon dangereux car il représente une énergie à l’intérieur de laquelle l’homme ne saurait survivre. Immanent à la nature de l’homme, à la racine de l’existence, le sacré est l’enfer fascinant où l’humanité se dissout en fusionnant avec l’immédiateté animale. L’amour, surtout dans l’exubérante passion, met notre humanité en péril.
 
Les rapports entre l’amour et la mort sont étroits comme Freud déjà le soulignait et s’expriment dans le désir de fusion. La perte totale de l’individualité qualifie la mort et l’amour en est un avant-goût. "Petite mort", l’amour est fusion dans l’autre qui préfigure la fusion définitive dans la nature. La condamnation du plaisir des sens par les philosophes grecs (au profit de l’esprit) et par les moralistes chrétiens (au profit de l’âme) rappelle à l’humanité que l’amour ne peut être que du domaine de la culture et que sa permanente menace, c’est sa récupération par la nature indifférenciée. L’amour est donc ce qui exalte et menace la vie. Mais, encore faut-il préciser de quelle vie il s’agit. Comme tendance naturelle, l’amour sert le mouvement continu de la vie de l’espèce mais préfigure la mort de l’individu, à son service. Comme donnée culturelle, l’amour obéit d’abord aux exigences de survie de la société où l’intégrité et l’existence des individus prévalent (ne serait-ce qu’à cause de la nécessité de leur travail). La violence, anti-culturelle par essence, doit en être éradiquée. La culture est ce monde historiquement bâti, qui est d’abord celui du refus, refus de l’animalité et de la nature ; monde sans cesse troublé et menacé d’un retour en arrière, monde où l’homme est d’abord en quête de son identité.
 
Que l’amour flirte avec la mort, Sade aussi l’affirme dans ses romans ou l’accomplissement excessif de l’érotisme mène à la mort. La culture est bouclier, mécanisme de défense contre la retombée dans le "ça" freudien ; elle protège et préserve l’ordre humain ; elle lutte contre la mort. Mais son contrôle, la réglementation du désir amoureux, ne peut empêcher (transgression par l’érotisme) le retour dans la nature ; retour qui n’est pas à la simple vie animale puisque l’homme transgresseur sait (conscience) ce qu’il fait ; au contraire la bête ignore la dimension érotique de la sexualité. L’amour est conscience d’une double profanation, celle de l’intégrité et de l’identité de soi et de l’autre. L’amour, tout en étant hommage à la beauté (le désir amoureux naît d’elle), en est la profanation ; l’acte d’amour retrouve dans le corps humain les parties les plus naturelles, les plus animales : il est "consumation", désir inconscient de mort et ceci constitue sa volupté.
 
Voilà donc l’amour, ou du moins sa permanente tentation : prodigalité sans mesure (dépense sexuelle, dépense des sentiments), don sans retour, sans contrepartie, violence improductive et mortelle, luxe incompatible avec l’univers de la réciprocité de la culture (cf. Lévi-Strauss et l’analyse de la valeur de "l’échange" comme fondateur de la communication, de l’organisation sociale, bref de la culture). L’amour ménage, par l’érotisme, un retour au sacré (symétrique par le bas d’un sacré transcendant, propre à la religion), à la violence de la nature. "L’amant ne désagrège pas moins la femme aimée que le sacrificateur sanglant l’homme ou l’animal immolé." (cf. Bataille, L’Erotisme) L’amour est vertige de se perdre, annulation de la conscience de l’autre, effraction des corps. Mais toute violence appelle une expiation et rien n’interdit de voir dans les tortures et les remords de l’amour comme un rappel des pratiques rituelles du sacrificateur se lavant de la souillure de son Crime. En tant que donnée naturelle, l’amour fait signe pour nous vers ce qui, malgré la culture et le processus d’humanisation, demeure d’irréductible au calcul rationnel, au sérieux du monde du travail et dont l’animal peut nous donner le spectacle lorsque nous y devinons la résistance que sa vie, que toute vie, oppose à la raison.
 
La culture ne se maintient qu’au prix d’un renoncement, d’un refoulement permanent de la tentation pour ce monde sous-jacent où les notions culturelles de "Sujet" (discontinuité des consciences) et de "Moi" (discontinuité des personnes) n’existent pas encore. Remarquons que le christianisme, par sa réinterprétation du sacrifice et sa redéfinition du divin, qualifie de malédiction et de diabolique l’érotisme de l’amour, qui se trouve donc vécu, pendant des siècles, dans la mauvaise conscience et le sentiment de la faute. Le "péché de chair" est à son comble dans la prostitution où l’homme cède à la nature (Au contraire la prostitution, antérieurement sacrée, remplissait une fonction religieuse et habitait le temple). Le christianisme l’a rejetée dans le "sacré noir", celui du sabbat, qui marque d’une déchéance morale celui qui s’y adonne. Pourtant, l’amour pour Dieu dans le mysticisme retrouve la tendance propre à l’amour d’être défaillance, vertige, sensualité, où l’être bascule vers ce qui met sa vie en danger en la fondant vers un Autre. Souveraineté totale est l’amour puisqu’indifférent à la mort ; il est même en son fond désir de mort et l’amoureux est toujours prêt à renoncer a sa vie pour l’être aimé ; car "l’amour est enfant de Bohême et n’a jamais connu de loi" (Carmen de Bizet). Pourtant, cet arrachement à soi est interdit par l’univers de la culture qui nous enseigne la mesure dans notre dépense d’énergie et la préservation de nous-mêmes.

n°14271001
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 19:08:57  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

Pourtant, cet arrachement à soi est interdit par l’univers de la culture qui nous enseigne la mesure dans notre dépense d’énergie et la préservation de nous-mêmes.


 
Vous allez me trouver bien contrariant ce soir, mais je me demande si au contraire la culture n'arrache pas sans cesse l'homme à lui-même, en exigeant qu'il travaille (d'où dépense d'énergie démesurée + (pas toujours) danger dans la préservation de soi, en vue de produire plus que le nécessaire pour vivre), alors que la nature (au sens des besoins naturels épicuriens) nous enseignerait au contraire à modérer nos efforts et à préserver notre santé.
 
C'est d'ailleurs bien dans la culture que l'homme cède aux pulsions soi-disant interdites et malsaines : sado-masochisme, orgies etc.
Alors que je ne vois pas très bien comment, à l'état de nature, sans l'institution de la fête et de la transgression, de telles pratiques de dépenses somptuaires et gratuites seraient possibles.


Message édité par rahsaan le 07-03-2008 à 19:14:45

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n°14271214
pascal75
Posté le 07-03-2008 à 19:39:04  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

On fait souvent l'opposition entre, d'une part, une pure faculté morale de vouloir (spécifiques à la nature humaine en tant qu'intrinséquement libre) et de l'autre côté, les vilains déterminismes sociologiques, historiques et psychanalytiques qui, à chaque fois, ressemblent à des montres hideux partant à l'assaut de la forteresse de la Volonté Bonne.  
Mais est-il impossible de penser que l'histoire, la société, mes pulsions, mon passé (et autres désagréables contingences) font autre chose que brimer ma sacro-sainte liberté suprasensible et nouménale ?


Ah mais oui, la liberté n'est pas donnée, il faut même sans doute beaucoup de culture pour y accéder. (T'es là, toi ?  [:wanobi le vrai] )


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n°14271349
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 19:57:18  profilanswer
 

En fait, Bataille, c'est jamais que du sous-Sade et du sous-Nietzsche pour branleurs de l'école des Chartes. :lol:


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Posté le 07-03-2008 à 19:57:18  profilanswer
 

n°14271351
le vicaire
Posté le 07-03-2008 à 19:57:21  profilanswer
 

je jouis de mes entraves. Amen. :bounce:


Message édité par le vicaire le 07-03-2008 à 20:00:51
n°14271395
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 07-03-2008 à 20:02:58  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
Hephaestos, peut-être une réaction à cette déclaration ?  :D  :whistle:


 
Peut-être, oui. En lisant Kant, si je passe outre la difficulté de forme, l'âpreté du discours, je me sens plus chez moi que chez vous. J'ai appris beaucoup de choses en lisant la Critique de la raison pure, mais pas grand chose concernant la nature et la portée de mes connaissances. L'Antichrist a raison de dire que la science ne connait pas la réalité, et il a raison de dire que depuis Kant, elle le revendique.
 
En fait, pourquoi l'épistémologie est plus considérée comme de la philosophie que de la science, c'est un truc que j'ai un peu de mal à saisir...

n°14271407
Yopiyep
Posté le 07-03-2008 à 20:04:31  profilanswer
 


Citation :

je jouis de mes entraves. Amen. :bounce:


 
 
'Vaut mieux ça qu'entraver pour jouïr... ;)


Message édité par Yopiyep le 07-03-2008 à 20:07:51
n°14271556
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 20:22:37  profilanswer
 

Bataille et Baudrillard : "Simulacres virtuels déréalisants et transgression érotique excessive" ou "Une philosophie pour branleurs". :lol:  


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n°14271755
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 20:44:14  profilanswer
 

foutre de a écrit :

[:al zheimer] [:alam eric n]
 
c'est marrant, j'ai l'impression qu'il n'y a plus grand monde qui s'intéresse à l'économie ou à l'esthétique (si rahsaan à l'esthétique un peu quand même)


 
Ah si, ces deux domaines m'intéressent énormément. Seulement mes connaissances et mon expérience en matière d'économie sont assez lacunaires. Dans la mesure déjà où je fais un boulot qui ne dégage pas de profits, et où j'ai peu lu les théories économiques. :D
Je lis quand même en ce moment une série de petits livres réjouissants, dans la même collection Liber/Raisons d'agir, que Les nouveaus chiens de garde de Serge Halimi. Il y a LQR, la propagande du quotidien sur l'idéologie contemporaine, Libération : de Sartre à Rothschild sur l'évolution du journalisme depuis les années 1970 ou encore On achète bien les cerveaux sur les nouvelles techniques publicitaires.  
Excellent sur les rapports entre politique, finance et médias.  
(Et comme exercice d'application, je suggère le déchiffrement d'une chronique matinale donnée par Jean-Marc Sylvestre sur France Inter ou LCI : "les lois naturelles de l'économie", "la modernisation", "les réformes", "la croissance au rendez-vous" ...  :lol:  )
 
L'esthétique par contre, je m'y sens plus à l'aise. Pas plus tard que ce matin, je suis allé me promener au Louvre. La dernière fois remontait à longtemps, et ça m'a fait un bien fou de revoir la peinture flamande et surtout La vierge au chancelier Rolin de Van Eyck. :)
 
Je ne dirais pas que je m'intéresse "un peu" à l'esthétique. En fait, je dirais que l'esthétique mène au coeur de tous les problèmes les plus sérieux, les plus vitaux, donc qu'elle est au centre de la philosophie.  
C'est vrai que le sociologue Louis Pinto, dans La Vocation et le métier de philosophe, dit que l'esthétique est une modalité dominée de la philo, peu courue dans l'université, contrairement par exemple à la phénoménologie (avec JL Marion), modalité dominante, qui ouvre sur des carrières bien plus prometteuses.
 
C'est dommage. Peut-être n'en parlons-nous pas assez sur ce topic.  
Pourtant, l'Antichrist a fait quelques excellents articles sur ce domaine. Je me souviens de celui sur le mauvais goût, où il réhabilite le kitsch, en tant que ce ce qui compte, c'est que chacun affirme ses goûts, fussent-ils mauvais, et en rupture avec le bon goût dominant.  
Non, vraiment, l'esthétique me semble la partie la plus forte de la philosophie, celle qui demande le plus grand sérieux et le plus de mâturité.  
 
Tiens, à ce propos, un professeur d'esthétique à la Sorbonne, dont c'était la dernière année, consacrée à la statuaire grecque et la statuaire chrétienne, nous disait à peu près ceci :  
Quand on est jeune, on s'intéresse aux théories philosophiques, parce qu'on veut connaître le monde, avoir des idées... Quand on est adulte, on s'intéresse à la science, pour connaître le vrai... Et puis, enfin, arrivé à la mâturité, on s'intéresse à l'art. Pourquoi ?  
Parce qu'au fond, ce qui reste des civilisations passées, ce qui demeure quand tout a disparu, ce sont leurs oeuvres d'arts, qui témoignent de ce qu'elles ont été.  
Voilà.


Message édité par rahsaan le 07-03-2008 à 22:17:11

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n°14272365
pascal75
Posté le 07-03-2008 à 21:45:34  profilanswer
 

hephaestos a écrit :


 
 
En fait, pourquoi l'épistémologie est plus considérée comme de la philosophie que de la science, c'est un truc que j'ai un peu de mal à saisir...


Parce qu'il y est question de concepts et pas d'opérateurs scientifiques, tout simplement (enfin "tout simplement" c'est manière de dire  [:polo-san] )


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n°14272388
rahsaan
Posté le 07-03-2008 à 21:48:31  profilanswer
 

De plus en plus, en fait, l'épistémo est traitée par les scientifiques eux-mêmes, qui réfléchissent aux problèmes de leurs disciplines sans attendre que les philosophes le fassent pour eux.  
C'est ce que disent Piaget ou Quine.


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n°14274842
rahsaan
Posté le 08-03-2008 à 11:16:44  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

Je me souviens que Rahsaan avait proposé une excellente réflexion sur ce problème du mal volontaire.


 
Je ne me souviens pas de ça... [:gratgrat] J'ai un peu cherché, pas retrouvé. Bon, peu importe.  
 
En fait, avec le sujet : "Peut-on vouloir le mal ?", ce serait de montrer qu'on peut effectivement vouloir le mal pour le mal. Ne serait-ce que pour mettre en danger la thèse socratique selon laquelle nul n'est méchant volontairement.  
L'argument principal contre le mal volontaire est d'affirmer qu'on ne veut jamais que le bien : même quand on fait du mal à quelqu'un, c'est encore qu'on estime que c'est bien de lui faire mal (parce qu'il le mérite etc.)
Donc lorsqu'on veut le mal, c'est soit par ignorance, soit en croyant vouloir le bien. Donc nul ne peut vouloir le mal.  
 
La question n'est donc pas de savoir si (de fait) on peut faire le mal, car incontestablement : oui. Mais (en droit) peut-on le vouloir ?
 
Faire le mal, cela consiste à provoquer une souffrance physique et/ou morale chez autrui. Je blesse autrui, ou je l'humilie. Je profite d'une de ses faiblesses pour le faire chanter etc.  
 
Or, vouloir le mal, ce serait mettre en oeuvre des moyens dans le but de faire souffrir autrui, même s'il ne le mérite pas, même si c'est quelqu'un qui ne m'a causé aucun mal, ni à moi ni à personne. Je m'en prends à un innocent, une personne inoffensive, rien que pour le mal. C'est vouloir le mal pour le mal.  
On peut avoir l'impression que c'est la philosophie du marquis de Sade. Mais je me demande si c'est bien le cas. A lire la Philosophie dans le boudoir, entre autres, c'est loin d'être si simple, car le porte-parole des thèses sadiennes, Dolmancé, dit une chose et son contraire. A la fois la souffrance, le mal sont naturels (la nature est cruelle, les animaux se dévorent entre eux etc.) et comme Dieu a créé la nature, on peut dire que c'est Dieu lui-même qui a voulu le mal. Donc faire le mal est bon.  
Mais faire le mal, c'est aussi se rebeller contre ce monde fait de souffrance et proclamer sa colère contre Dieu. Mais là encore, on ne saisit pas bien si le personnage sadien nie l'existence de Dieu ou s'il se rebelle contre Dieu (avouant par là-même qu'il existe).  
 
Je crois que ce moment sadien est l'envers de la piété du croyant. L'athéisme est en réalité non opposé mais consubstantiel au christianisme (le Christ lui-même a douté sur la Croix : "Père, Père, pourquoi m'as-tu abandonné ?" ). La protestation sadienne semble donc s'adresser à un dieu soit absent, soit impuissant à soulager la souffrance des hommes. Le passage par l'athéisme est donc un passage obligé de tout croyant, en tant qu'il éprouve des moments de doutes radicaux, et que ces moments le ramènent à une adhésion complète à sa foi.  
 
Si donc le marquis de Sade serait celui qui a le mieux défendu la possibilité d'une volonté du mal pour le mal, il faut dire que le sadisme est l'envers exact du kantisme, et son complément indispensable.  
Kant demande une volonté bonne, absolument bonne, qui agirait par pur devoir, sans aucunement se laisser mettre en mouvement par des penchants sensibles. Il faut faire son devoir, inconditionnellement, par devoir.  
Le monstre pour Kant (il faut toujours chercher le monstre du philosophe) ce serait donc celui qui prendrait le mal comme fin en soi, qui ferait le mal inconditionnellement, sans aucun penchant sensible (ni par intérêt, ni par envie, ni par plaisir...) : le mal pour le mal.  
 
Mais un homme tel peut-il seulement exister ? Ou n'est-ce pas qu'un épouvantail (le méchant absolu) ?  
En inversant Kant, disons qu'il ne s'est peut-être jamais trouvé dans le monde d'acte accompli par pure volonté mauvaise. Le méchant veut toujours le mal à cause de penchants sensibles et pas du fait d'une pure volonté du mal. Même celui qui veut exterminer un peuple estime que ce peuple mérite d'être radié de la surface de la terre, que c'est une bonne chose qu'il disparaisse.  
 
Je dirais donc qu'il y a contradiction dans les termes de l'expression "vouloir le mal". Puisque le mal, c'est justement de ne pas vouloir. Ici, Saint-Augustin serait éclairant.  
Le mal, c'est de ne pas vouloir, c'est la faiblesse de la volonté. La créature étant finie, sa volonté n'est pas toute-puissante. D'où la possibilité du mal, quand je manque à vouloir ce que je dois et peux vouloir.
 
C'est donc bien cela : il n'y pas de volonté mauvaise. Il ne faut pas se retenir de vouloir. Celui qui fait le mal, c'est celui qui ne veut pas. Il ne faut pas se restreindre de vouloir, par peur de faire le mal. Au contraire, le degré suprême de la volonté, c'est, pour Saint-Augustin, l'amour.  
La formule du vouloir est donc celle-ci : AMA ET FAC QUOD VIS. Aime et fais ce que tu veux.  
Commence par aimer Dieu et cette vie qu'Il t'a donnée et alors ta volonté sera bonne et tu auras droit à tous les plaisirs de la terre. Par contre, si tu manques à cet amour, alors tu ne pourras plus désirer librement.  
 
On ne peut pas vouloir le mal, car le mal, c'est de ne pas vouloir.  
Si le vouloir est d'essence amoureuse, l'amour est le comble du désir, pour autant que le désir ne soit pas manque, mais soit porté par son poids vers l'Amour. Il n'y a donc pas d'opposition du vouloir et du désir (l'Antichrist a dit un peu plus haut que c'est le vouloir qui met en oeuvre le désir et permet cette reprise de ma puissance qu'est l'existence humaine).  
Pour compléter la formule de Saint-Augustin cité au-dessus, je dirais donc, avec Lacan qu'il ne faut pas céder sur son désir. Il ne faut pas avoir peur de désirer, parce qu'il y aurait des désirs mauvais, pathologiques, des penchants immoraux...  
Le mal, ce serait cela : renoncer à son désir, et céder ainsi aux désirs d'autrui.  
Or, il faut se méfier du désir d'autrui.  
Il ne faut pas croire qu'on puisse vouloir le mal, et il ne faut pas céder sur son désir.


Message édité par rahsaan le 08-03-2008 à 11:19:55

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n°14276411
l'Antichri​st
Posté le 08-03-2008 à 15:55:02  profilanswer
 

Voilà, c'est excellent !
 
Sinon, il ne s'agissait pas d'un sujet de partiel ou d'examen proposé à la sagacité des participants de ce forum par neojousous ?


Message édité par l'Antichrist le 08-03-2008 à 16:03:26
n°14276638
le vicaire
Posté le 08-03-2008 à 16:37:10  profilanswer
 

J'ajouterai cependant que Kant met le mal radical dans le vouloir.

n°14276900
l'Antichri​st
Posté le 08-03-2008 à 17:30:59  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

J'ajouterai cependant que Kant met le mal radical dans le vouloir.


 
Comme je le disais un peu plus haut, ce que Kant nomme "Mal radical" n'est pas une négation mais une privation du Bien rendu possible par la liberté. Dans la passion, qui lui donne forme, il y a perversion de l'autonomie. Le Mal radical n'est pas chez Kant la cause de la liberté, mais l'effet de la liberté. Or, la passion, comme pathologie de la raison, empêche la volonté de se vouloir elle-même, c'est-à-dire de rester entièrement sourde à toute considération extérieure. C'est donc encore de faiblesse dont il est question ici ! Démontrons !
 
Le problème ici n'est pas de savoir ce qu’est la volonté de la force, mais plutôt ce qu'est la volonté entendue elle-même comme force ? Pour qu’existe une force, c’est-à-dire une puissance (et notamment une puissance d’agir) il faut entendre la volonté comme principe. La volonté serait donc ce qui est au principe de la force. Pour pouvoir être fort, ne faut-il pas le vouloir ? Cet objectif engage une définition de la volonté. C’est pour cela qu’il faut distinguer deux niveaux de force. Pour qu’un homme arrête de fumer, il lui faut la volonté de le faire. Celle-ci est forte dans la mesure où elle tend vers un certain bien pour lui. En persévérant dans son être qui veut la santé, il découvre une force constante de son être qui tend vers le bon (Spinoza). Cependant, cet homme peut rencontrer la faiblesse et accepter la cigarette particulière qu’on lui propose à la fin d’un repas (Kant). Au moment où il sombre dans la faiblesse et où il accepte cette cigarette, où il succombe à la tentation, pouvons-nous dire qu’il ne veut pas fumer ? Il le veut et c’est pour cela qu’il le fait. N’est-ce pas qu’il trouve une force dans la faiblesse ? En cédant au mauvais pour lui, il trouve une certaine force au sein de cette faiblesse. Cette force paraît certes dérisoire par rapport à la force de la volonté qui se détermine en fonction du respect général de sa santé, mais il n’empêche qu’il veut quelque chose. Nous ne pouvons pas dire que nous ne voulons rien dans ce cas. La force au sein de la faiblesse n’est pas reliée à une forme de rationalité mais elle est plutôt pathologique : au moment où je cède à la tentation, je veux quelque chose. Au moment où Adam cède à la tentation, on ne peut pas dire qu’il est complètement du côté de la faiblesse comme s’il ne voulait rien. Il exerce une volonté forte dans la mesure où il voulait connaître, il voulait saisir le fruit de l’arbre de la connaissance. Il y aurait donc deux sortes de force au sein de la volonté. L’une tend vers le bien et l’autre se laisse consciemment séduire par le mauvais, ou par l’interdit dans le champ adamique. N’est-ce pas que dans les deux côtés le fait de vouloir est au principe de ces sortes de volontés : le problème est donc de savoir s’il n’y a pas une force du vouloir. La force de la volonté n’est-ce pas la force de la volonté au moment où elle s’affirme ? La force ne serait plus à entendre comme une puissance ou une vigueur souvent tournée vers l’opposition. L’expression "la force de la volonté" renverrait alors à un pouvoir moteur, à un pouvoir d’action et pas seulement de réaction.
 
Il faut penser que la volonté est forte en elle-même ! Dire "la force de la volonté", ce n'est seulement dire que la volonté est forte en fonction de ses objectifs. Certes, nous pouvons penser que la volonté est forte en fonction de la réalisation de ce qu’elle vise. Mais au moment où elle veut, la volonté fait preuve d’une certaine force. Elle s’affirme en voulant. En tant que forme vide de toute détermination ou de tout objectif, elle est une force. Il ne s’agit plus de concevoir un schéma qui ferait de la volonté une instance qui vise des fins et qui mobilise des moyens, et qu’on dirait forte une fois son dessein réalisé. C’est justement en cela que réside la bonne volonté kantienne : "Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n’est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c’est seulement le vouloir ; c’est-à-dire que c’est en soi qu’elle est bonne." (cf. Fondements de la métaphysique des mœurs, § 3 ). La volonté est bonne en elle-même : c’est donc son vouloir (le fait qu’elle veuille) qui tient la force et non les réalisations de la volonté. Or, en insistant sur le vouloir, c’est-à-dire sur la puissance qui veut dans la volonté, nous pouvons insister sur la séparation de la volonté et de sa fin à réaliser. Même si elle ne réussit pas à réaliser la fin qu’elle vise, elle est bonne. C’est son intention qui porte la force. Un exemple stoïcien peut servir cette démonstration en posant analogiquement le lien entre le tireur à l’acte et l’homme moral. Si l’arc est correctement orienté et qu’un brin de vent fait dévier la flèche, on ne dira pas que l’intention est mauvaise ou que cela témoigne d’un manque de force au niveau de la volonté. La volonté peut être analysée comme faible si on ne considère pas son pouvoir moteur. Mais si l’on juge son vouloir, c’est-à-dire son pouvoir affirmatif, alors la force de la volonté apparaît. Autrement dit, la force de la volonté réside dans son intention. Ce thème cher à l’école stoïcienne s’impose ici dans la mesure où celle-ci affirme la force incoercible de l’intention. La réussite de l’action ne dépend sans doute pas de nous puisqu’un élément extérieur peut la faire échouer. Cependant notre intention de bien faire dépend de nous. De là naît sa force : rien ni personne ne peut nous empêcher d’avoir une bonne intention. Bref, pour être libre je dois poser ma propre loi. La volonté est autodétermination radicale. Il ne s'agit pas seulement de vouloir, il faut vouloir vouloir ! N'est libre qu'un individu qui est à lui-même sa propre cause : la liberté est une causalité à partir d'elle-même.
 
La force de la volonté réside dans sa liberté. Or cette liberté, nous dit Kant, ne vaut que dans la mesure où elle est sans cesse confrontée à la possibilité de sa propre négation. C’est parce que la volonté peut être affaiblie que nous devons considérer comme une gageure d’affermir la force de cette faculté. Pour cela, il est nécessaire d’en passer par une analyse du vouloir dans la volonté. Quand la volonté exerce son activité, alors sa force réside dans son activité. C’est-à-dire dans son vouloir. C’est là qu’apparaissent notre liberté et notre responsabilité d’être humain. D’où l’importance de la bonne intention. Qu’entendre par bonne intention ? Il s’agirait d’une orientation de notre être vers des actions qui valent universellement : que ferait un être rationnel dans ma situation présente ? Le fait de se choisir comme législateur de son existence permet alors de savoir comment orienter son vouloir vers les bonnes actions. Entre l’angélisme et le cynisme, un espace s’ouvre alors dans la perspective d’une orientation de notre volonté vers l’humain et non vers l’inhumain. Peut-être pourrons-nous alors produire la force de la volonté.


Message édité par l'Antichrist le 08-03-2008 à 17:54:29
n°14276948
neojousous
Posté le 08-03-2008 à 17:41:12  profilanswer
 

Rien que pour vous, j'ai retrouvé le message de Rahsaan sur "peut-on vouloir le mal ?" : http://forum.hardware.fr/hfr/Discu [...] #t10426210

n°14277070
Profil sup​primé
Posté le 08-03-2008 à 17:59:07  answer
 

C'est du tout bon Barthes !

n°14277215
rahsaan
Posté le 08-03-2008 à 18:14:42  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Rien que pour vous, j'ai retrouvé le message de Rahsaan sur "peut-on vouloir le mal ?" : http://forum.hardware.fr/hfr/Discu [...] #t10426210


 
Merci. :)
Je pataugeais pas mal dans ce message. :o
 
 
 
Tu as lu quoi ?


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n°14277994
le vicaire
Posté le 08-03-2008 à 19:49:37  profilanswer
 

j'admets bien volontiers ce que vous dites sur la volonté. Vouloir vouloir, bonne volonté, volonté libre, volonté de puissance etc. Pour ce qui est du mal, là je suis pas vraiment convaincu. Car comme vous le dites : volonté implique pouvoir d'action. Elle aura beau être bonne en soi la volonté, il n'en demeure pas moins qu'elle produit une action qui peut être mauvaise. Il suffit de penser à la politique. Vous allez me répondre qu'il ne s'agit plus de volonté quand il s'agit d'agir ou plutôt que la volonté est toujours bonne puisqu'elle s'affirme en tant que seule volonté dans l'action. Et ceci n'expliquera toujours pas pourquoi je peux vouloir agir pour faire le mal ou produire du mal en mettant en jeu toute la puissance de ma volonté. Même si je pense faire le bien en faisant du mal, comment ne pas sentir que ce n'est pas la volonté qui me guide mais tout à fait autre chose ? Que la volonté toute mobilisée est la force de l'homme mais aussi l'instrument de sa possible destruction ? Je ne sais pas si je suis très clair, mais il me semble qu'il y a certaines volontés à ne pas mettre entre toutes les mains. Et que des volontaires peuvent être des gens très dangereux ou qu'il existe un volontarisme fortement connoté. On met peut être sur le dos de la volonté des choses qui ne lui appartiennent pas vraiment. La volonté, pour reprendre Platon, est ce cheval, moins fougueux que le désir, mais tout aussi docile aux erreurs de la raison.

Message cité 1 fois
Message édité par le vicaire le 08-03-2008 à 19:57:23
n°14278051
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 08-03-2008 à 19:59:47  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

Elle aura beau être bonne en soi la volonté, il n'en demeure pas moins qu'elle produit une action qui peut être mauvaise.


 
Du coup, vue que comme l'ont dit les autres, on ne peut pas vouloir le mal, le seul choix qui nous reste pour éviter de faire le mal, c'est être ou ne pas être. Mais ne pas être, ce n'est pas tout à fait le contraire de faire du mal.

n°14278526
Profil sup​primé
Posté le 08-03-2008 à 21:19:05  answer
 

J'ai juste assisté a une lecture de Barthes par Luchini depuis je veux lire Barthes !

n°14278574
rahsaan
Posté le 08-03-2008 à 21:25:51  profilanswer
 


 
"Mais BAAARRTTHESS !!! C'est formidable !! La sémiologie... quelle invention faBULEUSE.... vous vous rendez compte !..."
 
 [:pascal75]  


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14278740
Profil sup​primé
Posté le 08-03-2008 à 21:44:49  answer
 

Heu ?

n°14279035
rahsaan
Posté le 08-03-2008 à 22:23:56  profilanswer
 

C'est Luchini parlant de Barthes. :o


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14279097
Profil sup​primé
Posté le 08-03-2008 à 22:30:22  answer
 

Il a pas fait ca hier soir ! Il a connu Barthes :o

n°14282632
Yopiyep
Posté le 09-03-2008 à 13:58:16  profilanswer
 

"Mythologies"  :love:  
 
HHHaaaaaaaa...Si l'on pouvait une œuvre de cette portée décrypyant certains objets/discours contemporains... :sweat:

n°14282997
rahsaan
Posté le 09-03-2008 à 14:50:02  profilanswer
 

Yopiyep a écrit :

"Mythologies"  :love:  
 
HHHaaaaaaaa...Si l'on pouvait une œuvre de cette portée décrypyant certains objets/discours contemporains... :sweat:


 
Hé bien, tu vois, depuis que j'ai lu ce livre, il y a quelques semaines, je me dis de plus en plus qu"il faudrait, 50 ans après, faire les mythologies des années 2000.
J'ai réfléchi et je m'aperçois que notre monde est tout autant saturé de mythologies que le monde en 1957.  
Les titres précédés d'une * sont repris tels quels de Barthes.
 
 
- Les chroniques économiques (radio, télé, journaux) et l'assimilation des évènements économiques (crises, chômage etc. ) à des évènements naturels, contre lesquels on ne peut par conséquent pas grand'chose. La récession qui vient des USA comme si c'était un anticyclone... Serge Halimi et d'autres gens de la mouvance Acrimed, Monde Diplo ont beaucoup parlé de cette naturalisation de l'économie. Le chroniqueur comme oracle du quotidien.
 
- Les réseaux, le temps "réel", la communication, Internet. Entre liberté et contrôle à la Big Brother.
 
- La télé-réalité dans les îles désertes : toutes les émissions sur une île, où il faut soit séduire plein de femmes, soit survivre... Robinsonnade entièrement programmée par la télévision. Le bon sauvage, le bon candidat...
 
- La critique médiatique des medias : sur ces programmes télé ou radios qui décryptent la télé et veulent sans cesse "prendre du recul".  
 
- *L'usager de la grève : les gens sont pris en otage par des défenseurs des archaïsmes du système français qui sont contre les réformes et la modernité...
 
- Amélie Poulain à Montmartre : la mythologie bobo.
 
- Le spécialiste de plateau télé, capable de discuter de tout et de rien. Type les invités de "C dans l'air" sur la 5 avec Yves Calvi.
 
- *Grammaire africaine : entre néo-colonialisme, droits de l'homme, ingérence et soutiens aux régimes dictatoriaux.  
 
- *La nouvelle Citroën, devenu pur objet de design, dématérialisée. Elle perd son statut de véhicule utilitaire, pour devenir un fantasme de créateur, une épure, une ligne...
 
- Ingrid Betancourt et les otages français de par le monde.
 
- L'exception culturelle française, sans cesse menacée, sans cesse renaissante, insaisissable et pourtant indispensable à la fierté nationale.
 
- Quelques paroles de M. Pernaut : le néo-poujadisme du TF1 - 13h.  
 
- Les jeunes de banlieue : entre islamisation rampante, rap, violences, incivismes... Le sauvageon.  
 
- Le poker "hold'em" : sur le développement de masse de ce jeu de carte. La gagne, le bluff, la maîtrise de soi, la réussite, le retour de l'esprit-fric des années 80...
 
- Le terrain : Etre sur le terrain en politique. Etre proche des gens. Le terrain, lieu mythologique par excellence, par opposition aux palais parisiens, aux lieux clos, aux hôtles particuliers. Le terrain comme terrain de sport, terrain de lutte concrète. La politique comme sport, comme combat etc.
 
 
Si vous avez d'autres idées...


Message édité par rahsaan le 09-03-2008 à 15:08:30

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14283448
le vicaire
Posté le 09-03-2008 à 15:54:24  profilanswer
 

le prozac, la psychologie, Sarkozy, la communication (politique, économique, sociale...), l'islam, le mythe du petit chanteur comme dans les années cinquante qui devient une star, les parents responsables mais pas coupables, l'école (pareil), le "pouvoir d'achat" devient ultra mythologique comme l'insécurité il y a 6 ans, le travail et sa valeur, les professionnels de la profession, De Gaulle par Sarkozy, Mitterrand par... (pareil), la gauche dans les quartiers et à la campagne (le mythe c'est un peu du rêve)...

n°14288630
foutre de
Posté le 09-03-2008 à 23:12:48  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Mais est-il impossible de penser que l'histoire, la société, mes pulsions, mon passé (et autres désagréables contingences) font autre chose que brimer ma sacro-sainte liberté suprasensible et nouménale ?


le nerf est là. merci rahsaan :jap:


Message édité par foutre de le 09-03-2008 à 23:13:01

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14292757
foutre de
Posté le 10-03-2008 à 15:06:46  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :


 
Vous oubliez que les impératifs moraux chez Kant sont des postulats a priori de la raison : ne reposant pas sur l'expérience concrète, ils sont universels ! Les lois morales sont formelles, indépendantes de toute matière, s'appliquant ainsi à tous les hommes, dans n'importe quelle circonstance. Kant s'attaque à la structure formelle de la faculté de désirer pour redéfinir l'autonomie, attaque que ne lui pardonnera pas Nietzsche. Votre remarque repose donc sur une méconnaissance de la distinction kantienne capitale entre le Bien et le Mal qui relève de la volonté, et l'agréable-désagréable qui relève de la sensibilité et procède de la relation entre plaisir et peine (cf. Critique de la Raison Pratique). La valeur anthropologique chez Kant est absolument séparée de la valeur morale. C'est en cela que Kant justifie l'apathie stoïcienne : si est "pathologique" tout ce qui relève de la sensibilité, qu'il s'agisse de l'affection perceptive qui fonde la connaissance ou de l'affection émotionnelle, il ne peut être question de désirer la vertu, puisque le désir concerne le contenu du mobile et non sa forme. Agir moralement, ce n'est pas désirer le bien (le mobile est déterminé empiriquement, culturellement, même s'il est utile ou valorisé par les moeurs), mais obéir à la "bonne volonté" dont la seule norme est sa propre universalité comme devoir. C'est donc agir par pur respect pour la loi morale elle-même, c'est-à-dire sous l'impulsion d'un sentiment rationnel (seconde erreur dans votre lecture de mon message). Le mobile de l'action est alors subjectif, sans être passionnel, puiqu'il est seulement l'effet que la loi produit sur moi et non le plaisir de bien faire. Le devoir n'est plus un motif extérieur de l'action (hétéronomie), mais l'effet du sentiment d'être libre (autonomie).
 
Ainsi, dans l'absolu, votre remarque a du sens : pour Nietzsche, la morale de Kant refuse les contingences naturelles, les distinctions naturelles, celles de la vie. La morale kantienne est un mensonge permanent, l'expression de la mauvaise foi : "La réalité nous montre une merveilleuse richesse de types, une exubérance dans la variété et dans la profusion des formes : et n'importe quel pitoyable moraliste des carrefours viendrait nous dire : Non ! L'homme devrait être fait autrement ? (cf. Crépuscule des Idoles) Par son universalité, la morale nous cache la réalité, plus encore, elle nous demande de changer de nature, d'y renoncer, elle nous "castre" ! "...Au fond ce monde a toujours gardé une certaine odeur de sang et de torture, même chez le vieux Kant, l'impératif catégorique sent la cruauté" (cf. Généalogie de la morale, Livre III, §. 6).


 
j'essayais de procéder de manière anthropologiste, en avançant que la rationnalité pure entendue comme universelle, hors dépendance à l'expérience telle que l'a laissée entendre Kant, est possiblement envisageable comme l'attendu d'un croyance locale, celle de l'europe post-aristotélicienne, qui inscrit la raison à l'ordre de l'universel (la raison est universelle, d'ailleurs si elle ne l'était pas elle ne serait pas rationnelle, or la raison ne peut pas ne pas être rationnelle, donc... ça me rappelle une preuve célèbre de l'existence de dieu, à laquelle Kant a justement fait un sort).
 
un énoncé comme :" ne reposant pas sur l'expérience concrète, ils sont universels " m'apparaît comme un coup de force, c'est-à-dire qu'elle n'entend absolument pas la raison comme un acquis éducatif lié à un espace de civilisation bien particulier. la rationalité est bien différente qui ne condamne plus le suicide à quelques milliers de kilomètres de là.


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14293422
rahsaan
Posté le 10-03-2008 à 16:02:43  profilanswer
 

Aujourd'hui, disserte du Capes :  
"La moralité est-elle utile à la vie sociale ?"
 

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 10-03-2008 à 16:03:48

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14293438
rahsaan
Posté le 10-03-2008 à 16:04:13  profilanswer
 

Tiens, cela rejoint d'ailleurs, entre autres, certains propos de Foutre de, à qui j'ai pensé ce matin, sur l'idée que la moralité n'est pas que la soumission conformisme aux moeurs d'une société. :o


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14293473
le vicaire
Posté le 10-03-2008 à 16:08:25  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Aujourd'hui, disserte du Capes :  
"La moralité est-elle utile à la vie sociale ?"


le "utile" est ambigu... ça a marché pour toi ?

n°14293474
foutre de
Posté le 10-03-2008 à 16:08:30  profilanswer
 

c'est super classique comme sujet. étrangement dans l'air du temps, non ?
comment tu t'en es sorti ?
pas trop fatigué ?


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14293492
foutre de
Posté le 10-03-2008 à 16:09:40  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Tiens, cela rejoint d'ailleurs, entre autres, certains propos de Foutre de, à qui j'ai pensé ce matin, sur l'idée que la moralité n'est pas que la soumission conformisme aux moeurs d'une société. :o


il m'arrive de dire des trucs parfois, je ne me rends pas compte...


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
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