« Maintenant qu'on se connaît mieux, je peux te le dire : je suis un garçon » me cria Bob aux oreilles. Il avait alors un étrange air de Léon Trotsky. Ainsi se finissait la soirée, dans ce cadre bucolique et champêtre où il avait été décidé qu’aurait lieu la fête d’halloween. « Non, sans blague », lui répondis-je, extenuée. J’étais celle qui était tenue de ne pas boire, afin d’éviter les incidents pompeux, voiture écrasée, looping aérien ou autre… Il est sur qu’avoir la carotide tranchée par un éclat de pare-brise n’a rien d’exaltant… Ainsi donc allait Bob, parlant à tue-tête de la démocratie participative et imitant le cheval… Alors qu’il s’éloignait peu à peu de la fête, je le suivait nonchalamment. Nous arrivâmes bientôt dans un cimetière. « c’est truchement gai, Zippo » Sortit Bob. Moi, pour ma part, je trouvais ca effectivement glacialement gai… Bientôt, je m’arrêtais brusquement. Une des tombes, dans le clair-obscur de la scène, portait mon nom. Bob s’approcha, déchiffra avec difficulté l’inscription, puis, se retournant vers moi, il me demanda : « c’est toi ou ton frère qui est mort ? ». Ca, me disais-je intérieurement, c’est carton rouge direct. Mon frère, en effet, était bel et bien mort, deux années au paravent.
C’était dans un super marché. Mathieu tenait sa liste de course à la main, alignant déjà sur le tapi roulant de la caissière tarte Tatin, savon, pommes, poisson panné, évaporateur, eau écarlate et autre… lorsqu’un homme, placé juste à ses cotés, brandi un pistolet, le prit en otage, et ordonna aux caissières de vider les caisses. Mon frère n’en réchappa pas.
Quand je contais l’histoire à bob, écoutant à peine, il me répondit : « t’essaierai pas d’abuser de moi pendant que je suis bourré de gaité par hasard ? » Il faut dire qu’en tant qu’hôtesse de l’air rigolote, j’avais souvent l’habitude de profiter de mes jours de congé pour faire les blagues qu’il m’était impossible de faire au boulot. Voulant alors reculer je fit tomber Bob en avant. Je le relevait, et voyant son regard noir, je me lançais alors dans un larmoyant plaidoyer pour prouver que, non, je ne l’avait pas fait exprès… Je finissais par « perfecto capito ? », l’internationale ouvrière n’aurait pas fait meilleur discours.
Bob, toujours très gai, se lança alors dans une histoire abracadabrante, disant qu’il allait un jour se refaire la poitrine, dictant au chirurgien : « mettez m’en deux, des moyens », car, disait-il il avait toujours rêvé d’être femme.
Maintenant qu’on se connaît mieux, dit-il, je peux te le dire, je suis malheureusement un garçon …