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Il était une fois...
 
Il était une fois un prince qui était parfois amené, dans l'accomplissement de ses lourdes tâches, à multiplier deux nombres entre eux. Cependant, du fait de sa nature désordonnée, il avait perdu sa petite calculatrice. Un beau jour, il eut une idée lumineuse. Depuis plusieurs années, il avait sur son bureau un PC qui lui servait à envoyer des mots doux à la princesse. Ce PC était bien sûr trop gros pour pouvoir le perdre. Aussi demanda-t-il à son valet personnel d'écrire un petit programme informatique permettant de multiplier deux nombres.
 
Durant sa formation, ce valet avait eu l'occasion de suivre un cours de Pascal et il se mit aussitôt au travail. Après une petite heure de réflexion, le programme fut au point. Il baptisa le programme X et il ne comptait que quatre lignes de code. Quand le prince vit le programme, il fut tout heureux. Il lui suffisait de taper X suivi des deux nombres à multiplier.
 
Naturellement, le prince vécut heureux de longues années. Jusqu'au jour où le vilain directeur informatique du palais royal débarqua. Il avait ouï dire que le prince possédait un programme crucial pour ses activités. Lorsque le prince reconnut ce fait, le directeur informatique lui expliqua combien il était dangereux de posséder un tel programme indépendant. Qui s'occupe de la maintenance, qui assure les sauvegardes ?
Il se proposa de se charger de l'administration du programme. Pris au dépourvu, le prince ne put qu'accepter la proposition.
 
Après avoir examiné le programme toute une journée, le directeur informatique décida de le faire réécrire en Java car celui-ci constituait le langage standard du palais royal. Il fallait aussi intégrer toutes sortes de contrôles pour déterminer par exemple si l'utilisateur saisit bien des chiffres et non des lettres. On décida de définir une classe Java pour les nombres saisis, pour que le contrôle puisse n'être exécuté qu'une seule fois. C'est ainsi que le programme atteignit cinquante lignes de code.
 
Après avoir tourné quelques semaines sous sa nouvelle forme, le programme fut examiné par le département de gestion. Ce dernier en conclut qu'il ne satisfaisait pas aux règles d'affectation de nom. Le programme vit son code une nouvelle fois adapté et fut rebaptisé PROG MAN X. Le prince en personne ne se montra pas très ravi de ce changement de nom. Il redemanda à son valet de développer un nouveau programme dans lequel il lui suffirait de saisir X et ce nouveau programme appellerait en arrière-plan la routine PROG MAN X. Mais il ne devrait révélera personne l'existence de ce nouveau programme. Tout le monde au palais fut à nouveau très heureux.
 
Puis un jour, le département de la sécurité eut vent du nouveau programme. Ils vinrent l'examiner et proposèrent diverses améliorations. Premièrement, il fallait y adjoindre un écran d'identification dans lequel le prince devrait saisir son identifiant et son mot de passe. Car imaginez que quelqu'un d'étranger au palais mette un jour la main sur ce programme informatique véritablement crucial. En outre, il fallait journaliser les événements: chaque fois qu'un utilisateur lancerait le programme, il faudrait consigner dans une base de données que cet utilisateur a utilisé le programme à telle date et telle heure. La devise du département de sécurité était simple: le logging est toujours utile à l'auditing.
 
Pour réaliser la liaison avec une base de données, il fallut faire appel à un spécialiste pour créer un mappage des relations entre objets. Avec ce mappage, les objets Java pourraient être enregistrés dans le serveur de base de données. C'est ainsi que le programme atteignit trois cents lignes de code.
 
Comme à présent le programme avait recours à une base de données, il fut décidé de faire tourner la prochaine version dans un serveur d'applications Java en exploitant Enterprise JavaBeans. Résultat: le programme gonfla à 400 lignes de code.
Après avoir envoyé tout le département informatique suivre un cours intensif de programmation externe abordant longuement le sujet du 'refactoring', le directeur informatique décida que le programme critique à la mission du palais PROG_MAN X devait
aussi faire l'objet d'un 'refactoring'. L'opération prit finalement plusieurs semaines mais après cela, tout le monde fut très satisfait du résultat. Le programme avait néanmoins atteint 500 lignes de code.
 
Lorsque quelques années plus tard le palais nomma un nouveau directeur informatique, celui-ci décida de passer à des logiciels standard. PROG MAN X était devenu obsolète et il fit acheter un logiciel. Comme il s'agissait du premier logiciel standard pour ce département informatique, son intégration prit plusieurs mois.
Entre-temps, le prince avait demandé à son valet de réécrire son petit programme comme l'original. Et il s'en servit pendant de longues années mais ils gardèrent le secret.  
 
Rick F van der lans dans "data news" 5/12/2003