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Freud, dans une lettre à Fliess en 1897, faisait allusion à l'association dans l'inconscient de l'argent aux excréments. Plus tard, il étend la constellation associative pour y inclure les cadeaux, les bébés, le pénis. Le plaisir de l'enfant à la défécation qu'il appelle érotisme anal, par le degré de liberté donné à son expression, a une capacité à déterminer certaines tendances caractérielles chez l'adulte. Une trop grande répression ou une condamnation de ce plaisir peuvent éventuellement se traduire par une triade d'obstination, d'organisation compulsive, et d'avarice, tandis qu'une expression trop permissive favorise une générosité expansive.
Sandor Ferenczi, un de ses disciples, a développé l'idée caca = argent. Le texte qui suit lui est dû.
"Il n'y a plus qu'un pas à franchir pour que l'assimilation des fèces à largent soit complète. Bientôt les cailloux commencent à blesser le goût de 1'enfant pour la propreté - il aspire à quelque chose de plus propre - et cela lui est offert par les pièces de monnaie brillantes, à lestime desquelles contribuent aussi, naturellement, le respect que les adultes témoignent pour l'argent, ainsi que la possibilité séduisante d'arriver à obtenir par ce moyen tout ce qu'un cur d'enfant peut désirer.
A l'origine, ce ne sont pourtant pas ces considérations purement pratiques qui interviennent mais la joie de rassembler, d'amasser et de contempler les pièces de métal brillantes ; de sorte qu'ici encore les pièces de monnaie sont estimées plus comme objets en eux-mêmes dispensateurs de plaisir que pour leur seule valeur économique.
Lil prend plaisir à voir leur éclat et leur couleur, l'oreille à entendre leur tintement métallique, le toucher à jouer avec ces petits disques lisses et ronds ; seul l'odorat reste bredouille, tandis que le goût doit se contenter de la saveur métallique faible mais bien particulière de la monnaie.
A ce moment-là, le symbole de l'argent est en gros parvenu au terme de son développement. La jouissance liée au contenu intestinal devient plaisir procure. par largent qui, nous l'avons vu, n'est rien d'autre que des excréments désodorisés, déshydratés et devenus brillants. Pecunia non olet.
Entre-temps la faculté de penser s'est développée, elle a progressé sur la voie de la logique, si bien que lintérêt symbolique pour l'argent va sétendre chez l'adulte non seulement aux objets possédant des caractéristiques physiques analogues mais à toutes sortes de choses qui, d'une certaine manière, signifient valeur ou possession (papier-monnaie, actions, livret de caisse d'épargne, etc.).
Cependant, quelle que soit la forme prise par l'argent, le plaisir procuré par sa possession trouve sa source la plus profonde et la plus féconde dans la coprophilie. Toute sociologie ou économie nationale qui examinera les faits sans préjugés devra compter avec cet élément irrationnel.
Les problèmes sociaux ne pourront être résolus qu'en produisant au jour la psychologie effective des êtres humains ; des spéculations sur les seules conditions économiques ne mèneront jamais à rien.
Une partie de l'érotisme anal n'est même pas sublimée et subsiste sous ses formes de manifestation primitives. Même l'homme normal le plus civilisé porte à ses propres fonctions dévacuation un intérêt qui se trouve en étrange contradiction avec l'horreur et le dégoût qu'il manifeste s'il vient à voir la même chose chez autrui ou à en entendre parler.
Comme on sait, les étrangers et les races étrangères ne peuvent " se sentir ". Mais en plus de cette survivance, il y a aussi un retour de ce qui est à proprement parler dissimulé derrière le symbole de l'argent. Les troubles de la défécation consécutifs à une atteinte au complexe de l'argent, que Freud a été le premier à observer, en sont des exemples.
Un autre exemple, singulier mais que jai remarqué à maintes reprises, nous est fourni par certaines personnes qui se montrent économes en ce qui concerne le changement de leur linge de corps de façon disproportionnée à leur niveau de vie. Cette parcimonie recourt donc en définitive au caractère anal pour regagner une partie de lérotisme anal (tolérance pour la saleté).
L'exemple suivant est encore plus frappant : un patient qui prétendait n'avoir aucun souvenir de manipulations coprophiles racontait spontanément un peu plus tard qu'il aimait particulièrement les pièces de cuivre étincelantes et qu'il avait inventé un procédé original pour les faire briller : il avalait la pièce puis fouillait ses matières fécales jusqu'à ce qu'il la trouve, devenue bien brillante durant son passage dans les intestins.
Le plaisir suscité par un objet propre devint dans ce cas le prétexte à la satisfaction de l'érotisme le plus primitif. Il est assez remarquable que ce patient ait pu se leurrer lui-même sur la signification réelle de son comportement, pourtant transparente.
Ces exemples étonnants mis à part, on peut fréquemment observer dans la vie quotidienne le plaisir érotique pris à accumuler, à amasser de l'or et autres pièces de monnaie, à "trifouiller " voluptueusement dans l'argent. Beaucoup de gens signent aisément un document qui les engage à payer d'importantes sommes d'argent et font facilement de grandes dépenses en billets de banque, mais ils se montrent étrangement réticents dès qu'il s'agit de débourser des pièces d'or ou même le moindre sou. Les pièces de monnaie leur "collent " littéralement aux doigts. (Cf. l'expression "capital liquide ", et son contraire " argent sec " qui serait utilisé en Franche-Comté.)
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