c rigolo votre jeux tenait moi aussi je dis quelque chose d intelligent
voilaLacan interroge et présente son programme de travail, et il interroge d?abord un certain nombre de thèmes: est-il possible de faire une éthique de la psychanalyse ? D?où vient que la culpabilité et la faute soient liées à la fonction de la morbidité ? Comment situer Freud dans les philosophies du plaisir qui se sont succédées ? Quelle est l?origine de la morale ?
Le malaise dans la civilisation est-il inéluctable ?
Ainsi, au moment où le « je » humain vient à chercher sa réalisation au travers du désir, rencontre-t-il une série d?instances contradictoires qui rendent sa quête paradoxale. Les analystes avaient bien tenté de résoudre la question de l?éthique en centrant leur recherche autour de trois idéaux: l?amour humain « de préférence achevé », l?idéal d?authenticité, l?idéal de non-dépendance enfin.
Or, Lacan indique que ce qu?il va traiter c?est la notion du Réel en tant qu?elle se lierait d?une façon particulière à la dimension de l?Éthique. Par l?intermédiaire des thèses de Jeremy Bentham dont la pensée utilitariste, par le biais du terme de fiction, délimiterait ledit Réel, une approche Réel-Éthique pouvait se tenter. Entretemps, est venu Freud pour qui c?est le plaisir qui se trouve tout entier du côté du fictif. Devant ces approches, le programme de Lacan (p. 28) s?étendra quant à lui, de ce qu?on pourrait appeler l?impératif moral jusqu?au plaisir qui est à l?autre bout de l?expérience, et même au plaisir que nous pouvons y prendre, à cet impératif moral, qui est le masochisme !
Dans cette perspective, on peut déjà penser que si le fictif c?est le plaisir, le Réel, pôle opposé est, ici, désigné sous les termes d?impératif moral.
La thèse de Lacan, c?est que la loi morale est ce par quoi, dans notre activité structurée par le Symbolique, se présentifie le Réel. On peut déjà rapporter ce séminaire au précédent, tout entier consacré à interroger ce qui est au-delà du code et du message de l?Autre. On pourra se demander si cet au-delà n?est pas ce que Lacan vise dans son séminaire sur l?Éthique ou, plus exactement, si l?espace dans lequel cet au-delà se déploie n?a pas partie liée avec le Réel.
Notamment à partir de Freud, on pourra se demander si ce Réel, opposé d?abord au principe de plaisir, ne sera pas situé plus tard au-delà, c?est-à-dire dans l?instinct de mort. Qu?est-ce que cette réalité au-delà de la réalité qui dépendait jusque là du principe de plaisir ? Est-ce la réalité psychique ? (p. 29). Est-ce la réalité de la science ? Or, ajoute Lacan la praxis analytique (p. 30) est prélude à cette action morale, celle par laquelle nous débouchons dans le Réel, donc la psychanalyse reste au seuil de cette action qui, au-delà de l?analyse, pourra être posée.
Le problème avait déjà été abordé de manière exemplaire par Aristote.
L?Éthique d?Aristote se réfère à un ordre extérieur au sujet qui se présente comme une science (épistème), science de ce qui doit être fait et qui définit la norme d?un certain caractère, c?est l?éthos (coutume). L?éthos se double pour l?homme de l?Hêthos (caractère), et qui différencie l?être vivant de l?être inanimé. De cet Hêthos, le vivant peut prendre habitude en sa conduite. Comment alors concilier éthos et Hêthos ?
Le problème que soulève Aristote est le suivant : comment se fait-il que le discours de la science, celui du discours droit l?orthos logos, comment se fait-il qu?il laisse subsister, à côté, un certain nombre d?excès et de penchants (p. 31), dans la conduite Hêthos ?
L?élucidation de ce problème fait l?objet de cette éthique aristotélicienne qui est une éthique de maître, c?est-à-dire d?un personnage oisif qui se dirige vers un idéal de contemplation. La psychanalyse est aussi recherche de voies, elle, aussi, vise à une vérité libératrice. Mais, cette vérité n?est pas celle d?une loi (ordre) supérieure puisque c?est une vérité qui est cachée dans le sujet, et cette vérité, que nous retrouvons chez chacun et qui la rend généralisable dans la doctrine freudienne, c?est le Wunsch irréductible.
Notre chemin de l?éthique est donc inverse.
Ce Wunsch est un désir qui nous vient de l?enfance et qui restitue une place importante à la pensée de l?enfant, une place eu égard à la pensée soi-disant adulte, puisque c?est une place qui est en étroite liaison avec cette découverte de Freud qui est la pensée inconsciente.
L?opposition freudienne cependant, ne réside pas entre pensée de l?enfance et pensée adulte, mais entre processus primaire et processus secondaire, principe du plaisir et principe de réalité (p. 35). Au c?ur des désirs de l?enfance, ces processus sont plus importants que les sentiments qui en dérivent.
Le principe de plaisir opposé au principe de réalité est une thématique qui parcourt l?oeuvre de Freud depuis l?Entwurf de 1895, jusqu?à l?article sur la formulation à propos des deux principes de la vie psychique de 1914, en passant par le chapitre 7 de la Traumdeutung en 1900, et on pourra même y ajouter Le malaise dans la civilisation de 1930.
Dans l?Entwurf, le principe de plaisir est limité à l?appareil neuronique et il est, en quelque sorte, un principe d?inertie qui règle par automatisme les décharges de quantités dans le circuit neuronique.
Le système de départ n?est pas un système qui vise à l?adéquation, c?est un système qui va vers le leurre, vers l?erreur, c?est-à-dire qui permet de satisfaire le besoin de l?halluciné (p. 37). C?est pourquoi un autre principe doit intervenir pour faire respecter l?instance de la réalité, ce principe de réalité a une fonction correctrice : c?est l?imagination d?un système conflictuel qui vise à la réduction de l?inadéquation foncière d?un des deux systèmes dont il est composé : c?est ce que Freud appelle opposition du système Phi avec le système Psi. (Cf. Séminaire I)
Lacan veut montrer que le système freudien est proche du système d?Aristote, en ceci que les processus seconds ont pour fonction de tempérer les déchaînements catastrophiques de l?appareil de plaisir, exactement comme Aristote se demandait comment celui qui sait pouvait bien être intempérant (p. 39). Lacan évoque le livre 7 d?Aristote sur le plaisir où le désir pourrait faire surgir un jugement erroné concernant l?actualité de la proposition universelle. Dans la perspective freudienne, le principe de réalité s?exerce également d?une façon précaire (p. 40). Et c?est pourquoi, l?abord du Réel se présente pour l?homme en termes de défense. Lacan propose d?écrire une espèce de tableau avec principe de plaisir et principe de réalité, à droite et à gauche, qui correspondent, en gros, à l?inconscient et au conscient.