| Mikl |
Serge Karamazov a écrit :
Je viens d?acquérir Silent Hill 2 mais il y a un problème, je n'arrive pas à y jouer. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce jeu n'en est pas un.
Bien-sûr vous allez me dire que j'suis bien gentil et que les slogans marketing à 2 balles de ce genre on les connaît par c?ur et qu'un jeu restera toujours un truc avec des polygones, des monstres, des lieux et des énigmes. Et puis quelques dialogues, une interface et une (ou plusieurs) fin(s) et basta. Bref pas de quoi en faire un flan. Et bien dans le cas présent ce n?est pas totalement exact.
Tout d'abord parce que Konami explose et déchire tous les canons et critères d'un bon jeu(-vidéo) normal actuel. Image sale, angles de caméra inesthétiques et pas pratiques au possible ou jouabilité basique et hasardeuse à la fois. Et pour clore le tout, SH2 ne se joue pas comme n'importe quel jeu mais exclusivement seul, dans le noir, un casque sur la tête (pour en comprendre toute sa substance). Exactement de la même manière qu?il faut pouvoir être dans de bonnes conditions pour ressentir véritablement les émotions d?un film, d?un livre ou d?une musique.
Tout cela peut vous faire sourire, mais à partir de là quand on commence la partie il est quasiment impossible de tenir intérieurement tellement l'ambiance est suffocante et tétanisante. Pour cela le meilleur exemple reste à mon avis les dernières scènes du Projet Blair Witch, juste avant que les jeunes ados perdus entrent dans la maison abandonnée. C'est à dire qu'il n'y a rien de concret (certes du sang sur les murs mais bon) mais les bruits horribles (car non identifiables concrètement) associés à l'obscurité font basculer immédiatement l'individu dans des délires issus de son imagination (et puis on se fait tous des "films" en passant dans une ruelle totalement sombre, avouons-le).
Mais là où Silent Hill 2 pourrait se contenter d'être un bon Resident Evil ou Projet Blair Witch 1 (sur PC) avec des séquences de sursaut habilement insérées, l'équipe de la Team Silent ont conçu un "truc" complètement hors norme où plus rien n'a de sens. Certes on sait qu'il y a des monstres déjantés sortis de nulle part, mais ironiquement ils ne sont là uniquement que pour nous rassurer (à l'inverse des autres jeux). Car le plus dur est bien évidemment d'affronter le néant devant soi, l?obscurité, l?inconnu, la peur, la solitude. Et il suffit d'entendre, à chacun de ses pas, des sons indescriptibles et venus de nulle part pour entrer petit à petit dans un véritable cauchemar personnel. (Là encore il faut le vivre pour le comprendre, de la même manière qu?un cauchemar que vous allez vivre dans une nuit va perdre toute sa force une fois que vous allez le raconter de bon matin en écoutant la radio...).
Un cauchemar qui en porte bien toutes les caractéristiques étant donné qu'on se retrouve acteur mais en même temps spectateur (de cette jouabilité maladroite), dans un lieu identifié et cartographié mais complètement hors de l'espace et finalement insaisissable. Il n'y a pas de véritable but à atteindre, pas de check point, de demi-boss ou monstre final à combattre, pas de niveaux ou de points à récolter. A ce compte là, ne sachant pas quelles sont les réelles motivations pour survivre (s'il y en a), l'inutilité de sa présence dans ce lieu (et donc de sa vie tout court car, oui, la logique devient vite absurde dans de telles circonstances), on peut presque alors imaginer se laisser mourir dans ce néant qui n'a plus tellement de significations. Bref voilà je me réveille à nouveau sur ce forum pour vous dire qu'en + de 15 ans d'expérience de JV je n'ai jamais ressenti un tel talent à faire pénétrer AUTANT un simple joueur dans un monde complètement virtuel (dans le sens noble du terme) à travers une production vidéo-ludique. Plus que du talent, il s'agit là d'une véritable maîtrise de chaque paramètres que les HCG ne connaissent que trop bien dans les JV et auxquels ils se repèrent trop souvent immédiatement pour prendre de la distance avec le jeu. Et ce qui fait la force de ce titre c'est bien qu'il n'y a aucun repère technique auquel s'accrocher pour éviter ou ralentir la chute cauchemardesque que propose Silent Hill 2. A ce niveau là et à travers ce titre, je pense que le JV devient un art supérieur au livre ou au cinéma tellement l'implication émotionnelle de l'individu qui y participe est phénoménale et jamais vécu comme telle jusqu'alors. Et en l'occurrence cela représente un extraordinaire voyage du joueur dans sa propre conscience comme dans l?inconscience de sa vie, et à travers la peur, de sa propre mort.
Enfin pour conclure ce post un peu étrange je ferai cette remarque : il faut être prêt pour jouer à Silent Hill 2. En ce qui me concerne et pour ma part je me demande encore comment va se passer cette expérience si inédite. Et j'ai peur.
@+ !
PS : pour mieux comprendre comment Silent Hill 2 parvient à marquer l'art qu?est le jeu-vidéo, je vous recommande la lecture du simple et superbe test d'overgame ici, qu'après essai de SH2 je partage totalement et qui m'a inspiré l'écriture de ce post un peu expérimental auquel je vous propose de réagir, si vous le voulez, avec grand plaisir. [edtdd]--Message édité par Serge Karamazov--[/edtdd]
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Bon, c un peu grandiloquent comme style, mais je suis 100% d'accord. Silent Hill 2, pour moi, ct plus une expérience qu'un réel jeu, un truc sordide et paradoxal : on veut arrêter, parce qu'on flip sa race, mais en même temps on se sent obligé de continuer, d'aller plus loin, sans savoir pourquoi. Comme le héros, d'ailleurs, qui arrive dans cette ville pourrie, avec un brouillard a couper au couteau, des machins immondes qui laissent des traces de sang de 2 kms par terre et une ambiance a faire peur à Jack l'Eventreur, mais qui continue, continue, continue...
Perso, je l'ai fais avec un pote, la nuit, sur un ampli Dolby Digital sur ma Box, et ct parfois à la limite du supportable. Comme le disait Serge, ct pas vraiment les monstres, qu'on peut tous éviter sans vraiment de pb, mais plutôt cette ambiance morbide, sale, triste a mourir, le fait de parcourir des lieux "clean", et de basculer soudain dans ces même lieux habités par la déchéance, la décomposition, etc... Je me souviens qu'on en arrivait à prier pour que les portes ne s'ouvrent pas...
Après l'avoir fini, j'ai jamais voulu le recommencer. Sans doute pour que ça ne devienne justement pas un "jeu", où tu cherche à battre un temps, à marquer le plus de points possible, ou à avoir "la bonne fin". Mais ça fait clairement parti des "jeux" desquels je reparlerais encore des années après. Qui plus est, en analysant le truc a froid, le jeu est pas extraordinaire, techniquement parlant : pas "méga beau" (mais un filtre crado donnant un aspect vieille péllicule terrible), maniabilité vraiment pas top, angles de caméra bidons, découpage flagrant en "tableaux" successifs et utilisation à outrance de la bonne vieille technique "y a une pièce mais la porte est fermée", etc... Mais on s'en fout.
Pour finir, pas mal m'ont dit "boarf, SH, c naze, je préferre Resident Evil, c mieux, patati patata". Pour avoir fait les 3 premiers RE, je dirais que même si les 2 jeux jouent sur la peur, ils ne jouent pas du tout dans la même cours. Dans RE, on se bat contre le manque de munition, et la peur vient surtout de l'aspect "merde, j'ai plus de balles, comment je vais buter ces cons de zombies", ou globallement de l'arrivée d'un affrontement (streum qui rentre, qui se réveille, qui pète une vitre, etc). Dans SH2, les munitions, les affrontements, c limite si on s'en fout pas : au final, on se bat plus contre notre propre esprit, qui fabrique ses propres peurs, ses propres angoisses. Ouais, je crois que c ça : dans Silent Hill, on se bat vraiment contre soi-même.
/!\ Demi-Spoiler /!\
perso, je crois que le passage qui m'a mis le plus mal à l'aise, c la prison : la salle des pendus (j'ai trouvé l'ambiance et l'enigme ultra glauque), et surtout la cours, dehors, avec le cheval (dans la série "tu flipes comme jamais alors qu'il n'y a rien"...). Mais bon, l'hopital aussi, m'a foutu vachement mal à l'aise. Pis ce boss qui ressemble à rien... |