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Un rapport parlementaire examine le dossier de la copie privée
Le député (PS) Didier Migaud a rendu public, jeudi 13 décembre, un rapport d'information consacré à la question de la copie d'?uvres pour un usage privé et à sa rémunération.
Mis à jour le jeudi 13 décembre 2001
DIDIER MIGAUD, député (PS) et président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, a rendu public, jeudi 13 décembre, un rapport d'information consacré à la copie privée, épineux sujet qui avait valu à Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, le sobriquet de "Mme Taxa".
En janvier, révélant avant l'heure, et de manière erronnée, les propositions de la commission Brun-Buisson chargée de réviser et d'étendre les modalités de la rémunération sur la copie privée, Mme Tasca avait semé la zizanie en annonçant, dans un entretien au Figaro "une taxation des ordinateurs, disques durs, consoles de jeux, décodeurs, en bref, tout support permettant d'enregistrer des ?uvres". Levée de boucliers - au Parlement, chez les consommateurs, chez les fabriquants d'ordinateurs -, incompréhension totale à Bercy et à Matignon. Didier Migaud y avait perçu un signe de dysfonctionnement, dans un secteur sensible dont les recettes doivent s'élever à 1 milliard de francs dès 2001, 1,5 milliard pour 2003.
Le dispositif concernant la rémunération pour copie privée a été défini par la loi de 1985, dite Loi Lang, afin de compenser le préjudice subi par les artistes et leurs ayants droit lors de l'enregistrement d'?uvres sur des supports vierges (à l'époque, cassettes audio ou vidéo, essentiellement) par des personnes privées. La même loi confiait à une commission paritaire (représentants des ayants droit, des fabriquants, des consommateurs...) le pouvoir de fixer l'assiette, les taux et les modalités de recouvrement de la rémunération.
NOUVEAUX SUPPORTS
Avec l'arrivée des nouveaux supports, en particulier des CD enregistrables (CDR), les consommateurs ont abandonné peu à peu les cassettes, sans que les nouveaux supports soient taxés - faisant chuter les recettes de la copie privée de 806 millions de francs en 1994 à 539 millions de francs en 2000. La commission, qui ne s'était pas réunie depuis quatorze ans, a repris ses travaux, présidée par Francis Brun-Buisson, conseiller-maître à la Cour des comptes.
Annoncée le 4 janvier, l'extension de la loi aux supports numériques vierges (CD, DVD, et CD-ROM) avait semblé contenter tout le monde. C'est la question des supports fixes, notamment des disques durs d'ordinateurs, dont l'usage n'est pas uniquement consacré à l'enregistrement de films ou de musiques, qui mit le feu aux poudres. Presque une année plus tard, les industriels de l'informatique et les représentants des artistes s'opposent frontalement au sein de la commission Brun-Buisson. M. Migaud s'en inquiète, sans remettre en question le principe de la copie privée, "parfaitement légale", ni celle de la gestion collective des droits, redistribués à chacun des ayants droit après un prélèvement de 25 % destiné à l'aide à la création et à l'action culturelle, et déduction faite des frais de gestion.
Le rapport constate la difficulté qu'il y a à cerner la nature des nouveaux supports (disques durs, mémoires amovibles ou intégrées à des équipements, agendas électroniques, décodeurs, etc.) et à évaluer la part revenant à la copie privée. Le rapport souligne le manque de moyens de la commission Brun-Buisson, notamment en matière d'informations fiables qui lui permettraient de sortir de la logique du choc des lobbies. Il constate que "le fonctionnement même de la commission de la copie privée est de plus en plus contesté, érodant fortement [la] légitimité" d'un organisme dont le président, somme toute, disposerait de pouvoirs régaliens.
UNE QUESTION FISCALE
Les conclusions d'une étude menée par le Groupement européen de sociétés d'auteurs et de compositeurs (Gesac) montre que sur vingt pays européens disposant d'un régime de copie privée, seuls quatre, dont la France, en ont confié la responsabilité à une commission, les autres ayant choisi la voix législative ou ministérielle.
Le rapport diligenté par Didier Migaud dénie à la commission Brun-Buisson le pouvoir de statuer sur les montants et les conditions de la rémunération de la copie privée. Il demande que la question soit discutée et réglée par les voies parlementaires, donc traitée comme une question fiscale, d'autant que les travaux de la commission Brun-Buisson sont retardés par les mouvements de mauvaise humeur des industriels sur des taux trop élevés (on évoque le barème de 375 F pour un disque dur de 20 Go, 200 F pour 6 Go, à répercuter sur le prix de vente au détail).
Les enjeux ne sont pas que financiers : en filigrane se profilent les inquiétudes quant à la pérennité de la loi de 1985 et de la gestion collective d'un revenu, qui sans être un impôt, induit la notion de prélèvement obligatoire. Musiques France Plus organise une discussion sur "La Place de la musique dans la société de l'information" le 20 décembre à l'Assemblée nationale - les parlementaires montrant un intérêt croissant face au financement semi-privé des mécanismes culturels.