Bonjour à tous !
Comme vous le savez peut-être, le gouvernement a décidé le déploiement de 4 000 postes de conseillers numériques sur tout le territoire.
On me propose un tel poste, car je serai au chômage pendant deux ans en attendant la retraite. A priori, cela me plairait bien de faire du social après avoir passé ma carrière dans le technique. Seulement voilà, après m'être renseigné, il y a un gros problème qui est le cadre juridique particulièrement risqué de ce poste.
Je vais essayer d'expliquer la contradiction, en résumant au maximum et en opérant volontairement de gros raccourcis sans nuances :
- Faire de l'aide sociale au numérique en 2021, c'est vraiment s'occuper des derniers de la classe. On n'est plus dans la situation du début où les jeunes savaient faire et aidaient les vieux. Aujourd'hui ne restent plus que ceux qui vous sont envoyés par les services sociaux. Non seulement ceux qui ne savent pas faire, mais aussi ceux qui ont moralement renoncé. Ceux pour qui il faut littéralement tout faire, tenir la souris, remplir les formulaires, accéder à la boîte mail, se rappeler des mots de passe... Et qui la plupart du temps ne se résolvent à venir vers vous que parce qu'ils se trouvent dans une situation désastreuse avec un besoin urgent, ce qui ne contribue pas à la sérénité et au bon travail.
- Ces personnes restent des citoyens français, et sont donc couvertes comme les autres par les lois concernant la protection des données et de la vie privée.
Ces deux aspects sont contradictoires. Tout ce que dans les faits on doit faire pour ces personnes, du point de vue juridique on n'a pas le droit de le faire. Par exemple, on n'a pas le droit d'accéder à leur messagerie pour confirmer une inscription.
Je pense que beaucoup d'entre vous ont l'expérience de la voisine âgée qui n'arrive pas à créer un compte toute seule. Vous le faites parce qu'il existe un climat de confiance et que cela reste dans la sphère privée. Dans un contexte professionnel, avec des cas sociaux souvent imprévisibles et des services sociaux qui vous surveillent, c'est une autre histoire.
Du point de vue strictement formel, la seule solution pour que ce poste soit juridiquement blindé serait que la personne aidée ait un statut de "mineur numérique", et que la personne aidante ait un statut de "tuteur numérique". Cette comparaison avec l'univers des malades mentaux pourra vous sembler insultante et excessive, mais ce que je veux dire c'est que ce n'est qu'à la condition d'une base juridique solide et officielle que les professionnels de ce secteur peuvent exercer.
De plus j'ai parlé avec des travailleurs sociaux, qui m'ont conseillé de me méfier. L'explication officielle est qu'il faut "aider les gens âgés à accomplir leurs démarches administratives essentielles". Mais il existe une autre explication : en 2021 la totalité des travailleurs sociaux seraient en fait capables de fournir eux-mêmes cette cette assistance numériques. Tous savent cliquer et tous sont des pros des démarches administratives. Seulement... ils sont en train de se désengager de l'informatique, afin d'éviter les risques juridiques, et les refiler à des sous travailleurs sociaux en emplois précaires.
Donc pour résumer je me demande si on n'est pas en train d'envoyer les futurs "conseillers numériques" au casse-pipe.