La relance s'affiche près de chez vous

mais attention, le gouvernement nous fait marcher !

Rubrique : Coups de com'

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Depuis le 21 septembre, le gouvernement a lancé une grande campagne de promotion du plan de relance : publicités dans la presse régionale, panneaux dans chaque département présentant les chantiers en cours et bien sûr site internet et web-tv. Objectif de cette com' décentralisée : faire connaître les chantiers près de chez vous.

Mais qu'y a-t-il vraiment derrière ces affiches?
 

La relance s'affiche près de chez vous : suivez la flèche

Depuis deux semaines, vous pouvez voir des affiches recensant les différents projets financés par le gouvernement dans le cadre du plan de relance. A chaque département, des projets concrets.

Le logo de cette campagne est une flèche.

Les chantiers ont été présélectionnés par les préfets de région. Dans les Ardennes, le plan de relance va ainsi permettre de rénover la RN 43, d'entretenir le barrage Bairon… mais aussi de rénover la toiture de la préfecture. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et ça évitera sans doute les fuites (dans la presse ?)

Dans le département du Rhône, les millions d'euros investis vont permettre la dépollution des friches industrielles à Oullins, les rénovations d'un établissement pour personnes âgées et de la cathédrale Saint-Jean à Lyon. Amen.

A Paris, le plan de relance se concentre sur l'accessibilité des handicapés dans les gares, la modernisation des universités notamment celle de Paris II et l'investissement dans la recherche génétique à l'hôpital Necker. Jeunes, malades, handicapés… difficile de faire mieux. Il y a bien encore la veuve et l'orphelin mais il fallait garder quelques projets pour les autres départements.

Sur chacune des affiches, le même slogan "La relance est en marche" avec un renvoi vers une adresse internet : "Tous les projets de votre département sur www.relance.gouv.fr".
Allons-y, suivons la flèche !

Un site pour suivre les déplacements du ministre et une web-tv dynamique

Sur relance.gouv.fr, c’est un véritable jeu de piste auquel nous sommes conviés : recherche des chantiers sur Google Map, poursuite d’un Patrick Devedjian, casqué, en déplacement à travers la France. Le jeu promet d’être amusant !
 
Mais le mieux, c'est quand même la web-tv créée spécialement pour l'occasion. Sur relance.tv, les affiches laissent place à des vidéos dynamiques. Installez-vous confortablement dans votre canapé, prenez du pop-corn et montez le son : vous êtes devant une superproduction américaine. Bande Annonce.

Un beau jour, la terre est envahie par des petites flèches roses. On ne sait pas décoder tous ces chiffres : 1546, 5, 8, 1, 6000, 4 millions.
Mais cette invasion a un nom : la relance.
Fuyez, elle est partout.

1,3 million d'euros pour pouvoir "toucher" la relance

Pour justifier l’enveloppe de 1,3 million d’euros de cette campagne publicitaire, Thierry Saussez s’explique sur relance.tv :

"C'est la première campagne nationale de communication de proximité sur un sujet important, celui de la relance de l'économie. Il y a des projets dans toute la France. Sur les 1 000 projets qui ont été annoncés, il y en a déjà 700 qui sont en œuvre. (…) les messages sont des messages de proximité puisqu'on présente aux Français trois grands projets de relance dans leur département. Des projets qu'ils peuvent voir et presque toucher dans leur vie quotidienne".
 
Alors, prêt à toucher la relance ? Faites-le, comme vous feriez avec le rocher de Lourdes, on n’est jamais à l’abri d’un miracle : "Chaque projet, c'est de l'activité donnée aux entreprises, c'est des emplois qui sont sauvegardés ou qui sont créés, et c'est une amélioration de la vie quotidienne des Français".

Et tout le monde doit se sentir concerné car Devedjian, également interviewé sur relance.tv, est formel : pour sélectionner les projets, "le principe a été l'équité territoriale". Au nom de l’équité, de la solidarité et du travail, Amen. Faisons le vœu que la relance (re)marche.

Pour justifier l'enveloppe de 1,3 million d'euros pour cette campagne de communication, Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, s'explique sur le site relance.tv : "L'économie, c'est de la psychologie. Par conséquent, il faut montrer aux acteurs économiques qui se demandent s'il va y avoir de la reprise, si l'économie va marcher ou pas, il faut leur montrer que l'Etat investit, l'Etat s'engage et que donc ils peuvent avoir confiance". Une campagne de pub pour nous remonter le moral en somme. Mais le gouvernement n'aurait-il pas un peu trop forcé sur l'antidépresseur publicitaire ?

Des projets choisis dans la précipitation…

Suivant les conseils de Thierry Saussez, le magazine Capital a essayé d'aller "toucher" la relance en se rendant sur le terrain. Diffusé le 20 septembre dernier, c'est-à-dire la veille du début de la campagne du gouvernement, un reportage nous expliquait comment les 1 000 projets ont été sélectionnés.

"Dès l’annonce du président de la République, le 4 décembre, le gouvernement veut aller vite alors il va jouer sur la compétition entre les 26 préfets de région chargés de proposer des projets. 4 milliards à se partager : premier arrivé, premier servi. A ce petit jeu-là, celui qui s’en est le mieux sorti, c’est le préfet de Rhône-Alpes, un ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, Jacques Gérault. Il l’a bien compris : pour avoir la plus grosse enveloppe, il faut proposer le plus grand nombre de projets, le plus vite possible".

Mais pour faire vite et présenter des projets tout prêts, il va proposer des chantiers modestes. Et le préfet a vu juste car en mettant une semaine à peine à dégoter 150 chantiers, sa région rafle la somme de 265 millions de budget.

Cet ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy a donc été très bien servi. Mais contrairement à la promesse d'équité territoriale faite par Patrick Devedjian, tous les départements n'ont pas eu droit au même traitement.
 
Des départements délaissés comme les Ardennes

Capital nous emmène dans les Ardennes, nous rappelant qu’il est l’un des départements les plus touchés par la crise, le chômage y étant deux fois plus important que sur le reste du territoire. On y retrouve le patron d’une entreprise de travaux publics, spécialisée dans la fabrication de ponts, et qui compte une centaine de salariés. Chaque jour, il reçoit des demandes d’emplois auxquelles il ne peut donner suite faute de chantiers. "Lorsqu’il consulte le journal officiel des annonces des marchés publics, c’est toujours le même constat : si les travaux démarrent dans les autres départements, rien chez lui dans le 08, les Ardennes".

Même si dans ce département, comme ailleurs, il y a un plan de relance, le préfet est allé trop vite. Résultat : "Ici des travaux sur un barrage, et là quelques kilomètres de bitume. Six chantiers en tout et pour tout, deux fois moins que la moyenne nationale". Le bilan est donc loin d’être positif dans ce département où l’aide de l’Etat aurait pourtant été la bienvenue.

Certains chantiers choisis étaient déjà quasiment terminés

Le gouvernement a sélectionné les chantiers les plus faciles à démarrer. Mais sur le terrain, c'est plus compliqué car un chantier nécessite plusieurs mois de préparation pour faire toutes les études et obtenir les autorisations. Il n’est donc pas rare de voir un chantier traîner et prendre du retard. Alors pour être certain que les 1 000 grands travaux soient lancés avant la fin de l'année 2009, le gouvernement a trouvé une astuce : sélectionner des chantiers quasi terminés...

Capital nous emmène cette fois à Saint-Etienne, découvrir la bibliothèque universitaire, en travaux. Reste quelques détails à fignoler. Il s’agit encore d’un chantier du plan de relance. A première vue seulement.

Suivez la flèche !

En fait, le chargé de communication du Rectorat révèle que "Les travaux ont commencé il y a deux ans sur ce chantier. (…) La construction était en cours, le plan de relance a permis d'accélérer en délivrant plus vite les crédits de paiement qui étaient nécessaires et permettre de finaliser l'opération dès la fin de l'exercice 2009 avec une inauguration prévue en janvier 2010. Le plan de relance s'est donc invité au dernier moment dans cette affaire. La préfecture s'est contentée de verser un peu plus vite ce qu'elle devait aux entreprises de BTP. Seul objectif : pouvoir inaugurer cette bibliothèque dès le début de l'année prochaine".

Le projet aboutira donc plus vite grâce au coup de pouce de l’Etat. Soit. Mais ce chantier n’a pas créé un seul emploi. Qu’en est-il ailleurs ?

Quand le gouvernement gonfle les chiffres de l'emploi : l'exemple de la basilique

Grâce au plan de relance, l’Etat promet de créer ou de sauver pas moins de 250 000 emplois. Incroyable. On ne peut qu’applaudir des deux mains ce projet ambitieux. Mais encore une fois, Capital montre qu’il faudra modérer son enthousiasme… Le journaliste s’est rendu à Lyon où l’on rénove la basilique de Fourvière. D’après les chiffres de la préfecture, 50 ouvriers devraient être employés durant la période du chantier.

Sur place, grosse déconvenue. Le chef de chantier révèle au journaliste :

"Les effectifs ne sont pas constants, mais ça va occuper 5 à 6 personnes pendant 9 mois".

 

Cinq employés au lieu des 50 listés par la préfecture. On est loin du compte…
 
Et ce n'est pas tout : le chantier, comme cela semble être souvent le cas, avait débuté bien avant le début du plan de relance et le financement était quasiment bouclé : "Pour boucler son budget, [le responsable du projet] a fait appel à de généreux donateurs, des particuliers et des entreprises, ainsi qu'à la ville de Lyon et au conseil général. Au départ, l'Etat n'entrait pas du tout dans le tour de table. Ironiquement, il nous fait comprendre que le plan de relance arrive un peu après la bataille :

- Les travaux étaient engagés. Le plan de relance est arrivé sur ces entrefaites et nous l'accueillons avec beaucoup de gratitude.
- S'il n'y avait pas eu le plan de relance, vous auriez fait quand même les travaux ? interroge le journaliste.
- On aurait fait quand même les travaux. Mais on est aidé par l'Etat on est content".

Il peut l’être. Il a économisé 275 000 euros pour son chantier grâce à l’argent public. Et pour ce chantier, aucun nouvel emploi n’a été créé.

Non seulement les 26 milliards d'euros du plan de relance ne sont pas vraiment des crédits supplémentaires – une partie de cette somme correspond à des investissements déjà prévus – mais surtout, les résultats sur le terrain ne sont pas toujours au rendez-vous : des projets modestes, des travaux quasiment terminés avant même l'annonce du plan de relance et de faux emplois n’existant que sur les listings des préfectures. Finalement, les 1 000 chantiers, ce n’est que de l’affichage.

Xavier Darcos rouvre son blog
 
Les ministres blogueurs (Fillon, Wauquiez, Woerth...) comptent depuis dix jours un nouvel adhérent : Xavier Darcos qui en a ouvert un le 21 septembre : "Xavier Darcos, les idées d'abord". Pour être tout à fait juste, le ministre du Travail a en fait rouvert sur une plateforme plus moderne le blog qu'il a tenu pendant deux ans avant de le fermer en mai 2007 - droit de réserve oblige - quand il a été nommé à l'Education nationale.