"Sodome et Gomorrhe" dans un séminaire catholique en Autriche
LE MONDE | 15.07.04 | 13h45  
 
 
Vienne de notre correspondante
 
Pour l'évêque de tutelle, figure de proue d'un catholicisme ultraconservateur, ce ne sont que des "bêtises de garçons". Mais pour les médias, le séminaire de Sankt-Pölten, à l'ouest de Vienne, abritait derrière sa façade du XVIIIe siècle des pratiques dignes de "Sodome et Gomorrhe" : l'Eglise catholique autrichienne est en émoi depuis que la police a découvert plus de 10 000 images pornographiques - dont certaines à caractère pédophile - dans les ordinateurs portables de plusieurs prêtres de cet établissement.  
 
 
 
 
Lundi 12 juillet, le magazine viennois Profil a ajouté au scandale en publiant des photos où l'on peut voir le directeur du séminaire toucher la braguette d'un de ses étudiants, et son adjoint embrasser fougueusement sur la bouche un autre séminariste. Tous deux ont dû démissionner.
 
Aux yeux de l'évêque de Sankt-Pölten, Kurt Krenn, ces photos ne constituent pas une preuve et l'affaire a été "montée en épingle" : "C'était une fête de Noël. A la fin ils se sont donné le baiser de Noël. Cela n'a rien à voir avec l'homosexualité", a-t-il affirmé, mardi 13 juillet, à la télévision autrichienne, en jugeant bon de préciser que le droit canon ne sanctionne pas le "baiser avec la langue".
 
La désinvolture affichée par Mgr Krenn suscite une vague d'indignation jusqu'au sommet de la hiérarchie de l'Eglise. "Rome suit de très près les incidents qui se sont produits au séminaire de Sankt-Pölten", a déclaré Erich Leitenberger, porte-parole de l'archevêque de Vienne, dans une interview au quotidien bavarois Münchner Merkur. L'évêque de Styrie, Egon Kapellari, vice-président de la conférence épiscopale autrichienne, a formé une commission d'enquête interne.
 
Selon Profil, qui cite des sources policières et ecclésiastiques, on menait joyeuse vie au séminaire, avec des fêtes nocturnes très arrosées, où la présence du recteur du séminaire et de son adjoint donnait un sentiment d'impunité. Un ordinateur, saisi il y a déjà six mois par la police, était à ce point "infesté de pages porno que d'autres membres de la communauté préféraient consulter leurs mails sur un autre appareil". Le directeur démissionnaire aurait, par ailleurs, dispensé une sorte de "sacrement du mariage" à deux séminaristes homosexuels, ce qu'il nie catégoriquement. Le 29 juin, en tout cas, cinq nouveaux prêtres seulement ont été ordonnés dans le diocèse ; un sixième candidat, soupçonné par la police d'être en possession de documents pornographiques pédophiles, est resté sur la touche.
 
Ces révélations replongent l'Eglise d'Autriche dans les affres qu'elle a connues en 1995, lorsque l'ancien archevêque de Vienne décédé, Hermann Groer, fut accusé d'abus sexuels par d'anciens élèves, et contraint de se retirer dans un cloître. Tout indique que le Vatican n'aura pas la même patience qu'il y a neuf ans avec le cardinal Groer : l'Eglise catholique a été éclaboussée depuis par trop de scandales sexuels, et le cardinal Schönborn, souvent cité comme un possible successeur du pape Jean Paul II, risquerait d'y compromettre son autorité morale.