Voici deux décennies que l’Italie a tourné la page du nucléaire dans la foulée
d’un référendum populaire intervenu en 1987. Une décision politique qui
mettait fin à une énergie qui avait apporté sa contribution, modérée en réalité,
entre 1963 et 1990, au mix énergétique du pays. Les quatre centrales ont ainsi
cessé de fonctionner. Envisagé par les pouvoirs publics et Berlusconi, le retour
au nucléaire a été abandonné à la suite d’un nouveau référendum quelque
temps après la catastrophe de Fukushima. Reste encore au pays à apporter des
réponses au problème du retraitement des déchets nucléaires. Retour sur huit
décennies de relations agitées entre le nucléaire et l’Italie.

L’Italie a une longue histoire avec l’énergie nucléaire, marquée par des ambitions initiales prometteuses suivies d’un abandon spectaculaire, puis d’un possible retour en grâce. Les origines remontent aux années 1950, dans le sillage du programme américain “Atoms for Peace” lancé par le président Eisenhower en 1955. L’Italie, comme d’autres pays européens, voit dans le nucléaire une solution miracle pour son développement industriel et énergétique. Les physiciens italiens, pionniers dans le domaine – pensons à Enrico Fermi, qui a construit le premier réacteur nucléaire au monde en 1942 à Chicago –, jouent un rôle clé. Dès 1952, le Comité national pour l’énergie nucléaire (Cnen) est créé pour coordonner les recherches.
Dans les années 1960 et 1970, l’Italie lance un programme ambitieux : construction de centrales nucléaires pour diversifier son mix énergétique, alors dominé par le pétrole importé. Quatre réacteurs principaux entrent en service :
•  Latina (1963, gaz-graphite, 160 MW, fermé en 1987),
•  Garigliano (1964, eau bouillante, 150 MW, fermé en 1982),
•  Trino Vercellese (1964, eau pressurisée, 250 MW, fermé en 1987),
•  Caorso (1981, eau bouillante, 860 MW, fermé en 1990).
À leur pic, ces installations produisaient environ 1,5 GW, soit 4-5 % de l’électricité italienne. Des projets plus ambitieux suivent, comme la centrale d’Alto Lazio (deux réacteurs de 1 000 MW chacun, commencés en 1982 mais abandonnés). L’industrie italienne, avec des acteurs comme Ansaldo (ingénierie) et ENEL (électricité), développe des compétences solides, en partenariat avec des firmes étrangères (General Electric, Westinghouse).
Cependant, les accidents mondiaux – Three Mile Island (1979) et surtout Tchernobyl (1986) – ravivent les craintes. Un mouvement antinucléaire puissant émerge, porté par des associations locales, des écologistes et des partis de gauche, opposés aux implantations près des zones habitées. En novembre 1987, un référendum abrogatif, initié par les Verts et le Parti radical, voit 80 % des Italiens voter pour l’abolition du programme nucléaire civil. Cela entraîne l’arrêt progressif des centrales : la dernière, Caorso, ferme en 1990. L’Italie devient alors le premier pays importateur d’électricité au monde, tirant environ 10-15 % de son approvisionnement de la France (nucléaire) et de Suisse.
En 1999, la Sogin (Società Gestione Impianti Nucleari) est créée pour gérer le démantèlement et les déchets. Les combustibles usés sont traités en France par Areva (aujourd’hui Orano). Un bref espoir de retour surgit en 2008-2009 sous Silvio Berlusconi : un plan prévoit huit nouvelles centrales pour 25 % du mix électrique d’ici 2030, avec des partenariats EDF-Enel sur l’EPR. Mais le référendum de 2011, post-Fukushima, enterre définitivement ce projet (94 % contre).