Citation :
À propos du nuage de Tchernobyl, qui se serait arrêté à la frontière, il est important de connaître une réalité si souvent déformée que peu s'en souviennent réellement. Dans les premiers jours, les vents dominants avaient envoyé le nuage vers les pays scandinaves. Au cours du fameux week-end du 1ermai 1986, les vents ayant tourné, le Service de protection contre les rayonnements ionisants (SPCRI) (41), dirigé par le Pr Pellerin, a donné toutes les informations concernant le passage du nuage radioactif. Son télex officiel à l'Agence France Presse, rediffusé par celle-ci dans toutes les rédactions, disait in extenso : 121 0117*
DIR SCPRI
A
M. SERGE BERG AFP
CE JOUR 30/4/86 24H. SITUATION DANS L'ENSEMBLE STATIONNAIRE.
ON NOTE CEPENDANT, SUR CERTAINES STATIONS DU SUD-EST, UNE LEGERE HAUSSE DE LA RADIOACTIVITE ATMOSPHERIQUE, NON SIGNIFICATIVE POUR LA SANTE PUBLIQUE.
PR P PELLERIN DIR SCPRI*
AFP B 210064F
SCPRI Z 696257F
Le lendemain, un nouveau télex confirmait :
121 2353*
DIR SCPRI
A
M. SERGE BERG AFP
CE JOUR 1er MAI 86, 24H, TENDANCE POUR L'ENSEMBLE DES STATIONS DU TERRITOIRE A UN ALIGNEMENT DE LA RADIOACTIVITE ATMOSPHERIQUE SUR LE NIVEAU RELEVE LE 30 AVRIL DANS LE SUD-EST. IL EST RAPPELE QUE CE NIVEAU EST SANS AUCUNE INCIDENCE SUR L'HYGIENE PUBLIQUE.
PR P PELLERIN DIR SCPRI*
AFP B 210064F
SCPRI Z 696257F
Le 1er mai étant férié, l'information a été reprise par les principaux journaux du matin dans leur édition datée du vendredi 2 mai 1986. Citons par exemple Le Figaro dans la rubrique L'événement - La vie scientifique intitulée : "La France touchée à son tour" : "/.../ Le SCPRI indiquait pour sa part que certaines stations de son réseau sud-est avaient constaté une légère hausse de la radioactivité atmosphérique non significative pour la santé publique. Selon Pierre Pellerin, directeur du SCPRI, d'autres particules radioactives devraient être détectées au-dessus d'une plus large portion du territoire./.../". Citons également Libération : "/.../Pierre Pellerin, le directeur du Service central de protection contre les radiations ionisantes (SCPRI) a annoncé hier que l'augmentation de la radioactivité était enregistrée sur l'ensemble du territoire, sans aucun danger pour la santé./.../". Les autorités françaises compétentes n'ont donc en rien caché le survol du pays par le nuage radioactif. Elles ont, en revanche, cherché surtout à rassurer les populations, ainsi qu'en témoigne ce troisième télex du SCPRI, beaucoup plus long, daté du 2 mai : 122 1663*
LE PROFESSEUR PELERIN
A : MONSIEUR SERGE BERG
AGENCE FRANCE PRESSE
- POUR INFORMATION -
TX 12496 - 2 MAI 1986
OBJET : RADIOACTIVITE AMBIANTE CONSECUTIVE A L'ACCIDENT NUCLEAIRE RUSSE DE TCHERNOBYL. MISE AU POINT A DIFFUSER AUPRE DES MEDECINS ET DU PUBLIC :
1) L'ELEVATION RELATIVE DE LA RADIOACTIVITE RELEVEE SUR LE TERRITOIRE FRANCAIS A LA SUITE DE CET ACCIDENT EST TRES LARGEMENT INFERIEURE AUX LIMITES RECOMMANDEES PAR LA CIPR ET AUX LIMITES REGLEMENTAIRES FRANCAISES, ELLES-MEMES FIXEES AVEC DES MARGES DE SECURITE CONSIDERABLES. IL FAUDRAIT IMAGINER DES ELEVATIONS DIX MILLE OU CENT MILLE FOIS PLUS IMPORTANTES POUR QUE COMMENCENT A SE POSER DES PROBLEMES SIGNIFICATIFS D'HYGIENE PUBLIQUE. LA DISTANCE, LA DILUTION ATMOSPHERIQUE, ET LA DECROISSANCE RADIOACTIVE EXCLUENT UNE TELLE EVOLUTION DANS NOTRE PAYS.
2) DE TOUTES FACONS, LA PLUPART DES RADIOELEMENTS A L'ORIGINE DE CETTE FAIBLE RADIOACTIVITE ONT DES PERIODES RELATIVEMENT COURTES. EN PARTICULIER, L'IODE 131 A UNE PERIODE D'UNE SEMAINE; IL EN RESULTE QUE DANS SIX SEMAINES SA RADIOACTIVITE SERA REDUITE DE PLUS DE 50 FOIS, ET DANS DIX SEMAINES DE PLUS DE MILLE FOIS.
3) LES INQUIETUDES CONCERNANT LE TOURISME OU LES MISSIONS EN URSS ET DANS LES PAYS DE L'EST SONT SANS FONDEMENT SANITAIRE; LES AUTORITES SOVIETIQUES ONT DES L'ORIGINE BIEN ENTENDU CONSIGNE TOUTES LES ZONES OU DE TELLE SITUATIONS AURAIENT PU OU POURRAIENT ENCORE SE PRESENTER. LA DISTRIBUTION D'IODE STABLE DESTINE A BLOQUE LE FONCTIONNEMENT DE LA THYROIDE N'EST NI JUSTIFIEE, NI OPPORTUNE, MEME DANS LES PAYS PROCHES DE L'UNION SOVIETIQUE ET L'UNION SOVIETIQUE ELLE-MEME, SI L'ON EXCEPTE LES ABORD IMMEDIATS (ENVIRON 50 KM) DU REACTEUR ACCIDENTE. EN TOUT ETAT DE CAUSE, LES "PASTILLES OU PLAQUETTES" D'IODURE DE POTASSIUM NE SONT PAS NECESSAIRES : UNE GOUTTE DE TEINTURE D'IODE, DISPONIBLE DANS TOUTES LES PHARMACIES FAMILIALES, DANS UN VERRE DE LAIT PENDANT QUELQUES JOURS SERAIT, SI NECESSAIRE, AU MOINS AUSSI EFFICACE.
CONCLUSION : NI LA SITUATION ACTUELLE, NI SON EVOLUTION ULTERIEURE NE JUSTIFIENT DANS NOTRE PAYS QUELQUE CONTRE-MESURE SANITAIRE QUE CE SOIT.
PROFESSEUR PIERRE PELLERIN
DIRECTEUR DU SCPRI (MINISTERE DE LA SANTE)
Même si scientifiquement exact (quoique peut-être un peu trop confiant dans les autorités soviétiques), ce télex n'est certes pas un chef-d'oeuvre de communication... Cette information a été mal perçue par le public et les média, en partie parce qu'elle a été jugée trop rassurante, surtout au vu des réactions beaucoup plus alarmistes de nos voisins allemands et italiens (42). Et pourtant,les prévisions du SPCRI sur l'impact dosimétrique de l'accident en France se sont révélées exactes.
Par contrecoup, les journalistes ont dû être frappés d'amnésie puisque le 12 mai, le même journal Libération déjà cité consacrait sa Une de couverture au "Mensonge radioactif", affirmant dans les mêmes termes que Le Matin de Paris : les autorités scientifiques françaises ont caché à l'opinion le passage au-dessus de notre territoire du nuage radioactif de Tchernobyl entre le 30 avril et le 4 mai."
Il faut croire que cette "légende" (43) a la vie dure, puisque Noël Mamère l'affirmait encore lors de l'émission "Tout le monde en parle" diffusée sur France 2 le 23 octobre 1999, ce qui lui a valu, ainsi qu'à la chaîne en question, une condamnation pour diffamation par le Tribunal de grande instance de Paris, le 11 octobre 2000 (jugement confirmé en appel), avec la phrase suivante :
"En revanche, les communiqués scientifiques que la partie civile avait adressés périodiquement à la presse dès l'annonce de l'accident témoignent, tout en soulignant son caractère inoffensif, de l'élévation de la radioactivité dans certaines régions de France et contiennent donc, de manière implicite, l'information selon laquelle le nuage radioactif a survolé la France."
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