Le reproche qui revient le plus souvent dans la bouche des manifestants géorgiens opposés au président Edouard Chevardnadzé est celui d'avoir laissé fleurir la corruption qui appauvri leur pays, terre pourtant fertile, riche en ressources naturelles et en hommes d'affaires talentueux.
 
 
Ce phénomène a probablement contribué aux faibles résultats des partis du pouvoir aux législatives controversées du 2 novembre, à l'origine de la crise politique qui a fini par faire chanceler M. Chevardnadzé, le poussant à décréter samedi l'état d'urgence.
 
 
Bien des électeurs --et des experts étrangers-- blâmaient le gouvernement qui, selon eux, a laissé se développer la corruption et l'économie illégale, et s'est révélé incapable de collecter les impôts nécessaires pour lutter contre la pauvreté.
 
 
"On en est arrivé aujourd'hui au point où ce gros parasite, la corruption, suce tout le sang de l'organisme sur lequel il vit", estime Fady O. Asly, chef de la Chambre de Commerce américaine en Géorgie.
 
 
Ce pays avait été le verger et le vignoble de l'Union soviétique, envoyant ses fruits à travers toute l'URSS. Ses habitants y jouissaient d'un revenu par habitant plus élevé que dans les autres républiques soviétiques.
 
 
Après la proclamation de l'indépendance en 1991, son économie a souffert des mêmes difficultés que toute l'ex-URSS.
 
 
A regarder les grands indices, elle semble aujourd'hui s'être en partie rétablie. La monnaie est stable, l'inflation basse et le Produit intérieur brut (PIB) a crû de 8,3% pendant les neuf premiers mois de l'année.
 
 
Des usines restées vides depuis dix ans commencent à revivre et le pays, carrefour commercial entre l'Asie et l'Europe, profite du transit de marchandises.
 
 
Les immeubles de standing se multiplient à Tbilissi, tandis que les automobilistes cherchent à échanger leurs Lada soviétiques contre des voitures d'occasion occidentales, le plus souvent allemandes.
 
 
"Si vous étiez un économiste débarquant de la planète Mars et que vous regardiez leurs statistiques, vous diriez que les choses vont plutôt bien ici", note un expert occidental.
 
 
Mais il y a une autre facette de l'économie géorgienne. Il suffit de s'éloigner de quelques mètres du tout nouvel hôtel Marriott pour rencontrer une foule de personnes âgées en colère qui attendent, parfois en vain, pour recevoir leur retraite.
 
 
Ces retraités font partie des quelque 54% de la population qui vit au dessous du seuil de pauvreté, selon les chiffres de la Banque Mondiale.
 
 
"Les inégalités s'accroissent et la pauvreté s'aggrave", souligne l'expert occidental sous couvert de l'anonymat.
 
 
Le problème est la collecte des impôts, ou plutôt l'incapacité du gouvernement à l'assurer. Le taux d'imposition par rapport au PIB est le plus bas de tous les pays d'ex-URSS, ajoute-t-il.
 
 
L'importante économie souterraine ignore le fisc et la contrebande affame les douanes. Une étude financée par les Etats-Unis a permis de découvrir que le gouvernement laissait filer 250 millions de dollars de taxes sur les importations de produits pétroliers. Soit l'équivalent du quart du budget de l'Etat.
 
 
Le gouvernement a donc bien du mal à entretenir les routes et à assurer la sécurité. L'Etat est au bord de la faillite et n'a pu honorer cette année certains remboursements de sa dette extérieure qui atteint 1,75 milliard de dollars.
 
 
Les retraites et autres allocations sont minimes et souvent ne sont pas versées, les salaires des fonctionnaires arrivent en retard, tandis que les factures de gaz et d'électricité écrasent la population, faute de subventions.

Géorgie: Paris appelle "au calme et à la retenue"  
 
PARIS (AP) - La France lance un appel "au calme et à la retenue" en Géorgie, alors que la crise politique a atteint son paroxysme samedi avec l'éviction du président Edouard Chevardnadzé du Parlement.
 
Paris "salue" néanmoins "l'esprit de responsabilité qui a prévalu jusqu'à présent, ainsi que les efforts de médiation en cours, précise le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
 
La France incite "les différentes forces en présence à continuer d'éviter tout recours à la violence et à rechercher toutes les formes de dialogue pouvant conduire à une solution pacifique". Et d'apporter son "soutien à toute solution" permettant à la population géorgienne de "s'exprimer librement et sans entrave". AP

Le président Edouard Chevardnadze a démissionné, a annoncé dimanche soir à Tbilissi la dirigeante de l'opposition Nino Bourdjanadze, désignée "présidente" par les forces politiques opposées au chef de l'Etat sortant.