clementdousset |
Pour parler de durée du moment présent, il faudrait d'abord parler de contenu de ce moment, donc de contenu de conscience. Je regarde le ciel nocturne et la lune pleine se trouve au milieu de mon champ de vision. Je m'éveille dans l'obscurité de ma chambre et le parfum d'un bouquet de mimosas posé sur une table s'installe dans mes narines. Ou, tout simplement, la sonnerie de mon réveil constitué d'une note tenue sans modulation retentit. Ainsi la lune au centre du ciel, le parfum du mimosa ou la note pulsée par mon réveil peuvent constituer autant de contenus d'instants présents dont la durée alors peut être tout simplement celle d'une perception inchangée. Tant que je regarde la lune, respire le parfum, entend mon réveil un présent particulier prend corps et étendue.
La question intéressante est alors de savoir si ce contenu de présent peut se diviser à l'infini sans s'altérer, c'est à dire si cette durée de l'instant présent est faite d'une somme d'instants sans durée ou du moins de la durée limite de l'instant de Planck qui auraient chacun le contenu distinct que je perçois ou si cet instant a une durée limite de l'ordre du cinquantième de seconde par exemple en-deça de laquelle son contenu s'altère tout à fait et ne présente pas de rapports reconnaissables avec l'instant perçu comme présent.
C'est à cette question que je réponds finalement dans le fil :"champ de conscience inscrit dans le temps". J'envisage l'existence d'un affect "primal" dont la modulation d'intensité et de qualité extrêmement rapide produirait cet instant présent dont le contenu peut paraître fixe. Sur un autre site, j'ai tenté d'illustrer il y a deux ans ce processus tel que je le conçois:
La substance primale en soi, je ne sais pas ce que ça pourrait être. Je sais seulement qu’on pourrait en parler avec des termes qui s’appliquent à la réalité affective, c’est à dire le plaisir et la douleur. Ce qu’il me paraît possible de montrer c’est comment cette substance primale serait susceptible de transformation pour engendrer des réalités sensibles familières dans un cadre délimité que j’appelle le champ de conscience. Je suppose par exemple que cette substance primale c’est la sensation de multiples piqûres à l’extrémité de l’index. J’imagine ensuite une machine qui est apte à moduler régulièrement cette sensation. D’abord de façon très lente : la sensation devient insensiblement plus forte puis insensiblement plus faible. Ensuite de façon plus rapide : je ressens la sensation de piqûre qui s’accroît puis qui diminue alternativement. Ensuite de façon plus rapide encore jusqu’à ce que la sensation devienne pour ainsi dire « trémulée », c’est à dire me donnant le sentiment d’une variation de modulation mais d’une façon telle que l’idée d’une augmentation puis d’une diminution de la piqûre s’efface pour ainsi dire, que je n’aie plus d’ailleurs véritablement la sensation de la piqûre ou du moins que l’aspect « trémulé » de la sensation compte tout autant sinon plus que son aspect « piqûre ». Enfin la modulation d’intensité de la sensation de piqûre se fait plus rapide encore et l’aspect « trémulé » de la sensation perçue disparaît, j’ai à nouveau l’impression d’une sensation lisse, mais ce n’est plus une sensation de piqûre, c’est par exemple une sensation de brûlure. Bien sûr cette expérience imaginaire est parfaitement irréaliste mais, en plus d’aider à concevoir les étapes d’une métamorphose, elle permet de comprendre assez nettement ce que je définis et délimite comme champ de conscience. Le champ de conscience pour moi est une certaine durée de phénomènes affectifs comprise entre une limite supérieure et inférieure. Lorsque la modulation de la sensation de piqûre est perçue comme produisant une sensation croissante ou décroissante sa période de modulation est supérieure à l’étendue du champ de conscience, lorsqu’elle produit une sensation trémulée sa période de modulation est comprise entre la limite supérieure et la limite inférieure donc elle est intérieure au champ de conscience, lorsqu’elle produit une sensation à nouveau lisse mais de nature différente, sa période de modulation est inférieure à l’étendue du champ de conscience….
Ne pourrais-je pas trouver un meilleur exemple pour m’expliquer que cette histoire de piqûre modulée de façon invraisemblable ? Peut-être que si. Et un exemple inscrit tout droit dans la logique de ce fil (1) puisque c’est celui des notes de la gamme. Quand elles se font entendre, elles apparaissent comme des sensations lisses à la façon justement des sensations de piqûre ou de brûlure. Selon ma théorie, la période de modulation qui les rend distinctes les unes des autres doit alors être inférieure à l’étendue minimum du champ de conscience. Supposons –ce qui est évidemment très douteux- que cette période de modulation affective soit identique à celle de la vibration sonore elle-même. Attention ! que la période soit la même ne veut pas dire que la forme de la modulation soit la même. Pour l’onde sonore elle est évidemment celle d’une sinusoïde simple. Pour la sensation sonore elle peut être une sinusoïde plus ou moins complexe. Ceci dit, il peut y avoir coïncidence de la période qui est mesurée par une quantité de temps. Un quatre cent quarantième de seconde pour le la naturel : deux millisecondes environ. Puisque le la naturel nous apparaît bien comme une sensation « lisse » on pourrait dire que sa période de modulation se situerait en deçà de la limite inférieure du champ de conscience. Et l’on pourrait dire à ce moment-là que cette limite est supérieure à deux millisecondes.
Mais si l’on descend la gamme jusqu’aux sons les plus graves cette impression de sensation lisse disparaît. Le do de la dernière harmonique qui vibre à 34,7 HZ et aurait donc une période d’environ 30 milliseconde me paraît tout à fait prendre cet aspect trémulé que j’évoquais. On peut entendre un son jusqu’à 20 HZ mais plus on s’approche de la limite de l’infrason plus cette impression de trémulation s’accentue, plus on a la sensation d’un tremblement de la tête et de la poitrine plutôt que d’une vibration sonore comme si on arrivait au point de passage entre une sensation auditive et une sensation tactile. Une vibration de 20 HZ correspondrait à une période de modulation de 50 millisecondes qui se situerait bien alors à l’intérieur du champ de conscience. Evidemment on n’arrive pas à percevoir comme pour le passage que j’imaginais entre un type de douleur et un autre les variations rythmiques d’intensité qui feraient une modulation. Mais le fait qu’on puisse repérer un changement aussi radical de la nature de la sensation et sans doute, en menant une étude avec un vibraphone, le situer très précisément me paraît donner du corps à mon idée. Quand je parle de limite inférieure pour l’étendue du champ de conscience, il faut bien m’entendre. Cela ne veut pas dire que les réalités affectives qui se modulent en deçà sont des réalités hors de la conscience, ce qui conduirait à l’idée absurde de douleur ou de plaisir inconscients. Cela veut simplement dire que le processus de modulation qui se situe en deçà de la limite n’est pas perceptible. Mais si le processus n’est pas perceptible, son résultat l’est toujours et d’une façon univoque. Si la forme de la modulation change, la nature de la sensation change aussi….dans le cadre de mes hypothèses bien sûr !
Peut-être faudrait-il en arriver à parler de période minimum de modulation ou même, puisque dans une période on peut voir se succéder un grand nombre d’inflexions de la courbe, de laps de temps minimum pour une inflexion significative. Le contenu du champ de conscience pourra toujours être considéré comme une quantité d’informations et ces informations doivent nécessairement prendre place dans le temps puis- qu’elles n’ont pas d’autre espace que lui pour exister. La mise en place de cette information dans ma vision des choses nécessite une très grande précision chronologique...
(1)le fil s'intitule:"du diapason au la", il est sur le forum de neurophysiologie de futura science |