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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
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4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
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5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
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6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°10324441
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 16:37:09  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
>AC : il me semble que vous aviez déjà posté un texte qui, pour aller dans le sens de la discussion actuelle, montrait l'opposition de Descartes aux thèses de Machiavel : l'auteur des Méditations métaphysiques refusant qu'on puisse dissocier complétement morale et politique, et qu'on puisse par exemple trahir un ami pour préserver le pouvoir du Prince.
 
Oui, c'était là : http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] 1#t1669761
 
En fait, Descartes s'oppose dans l'extrait cité au scandale que représente l'amitié feinte : comment peut-on enfreindre à ce point les règles de la société, qu'on en vienne à faire semblant d'être ami par calcul politique ?
 
Le fait est qu'on sait bien ce que valent les grandes amitiés célèbres entre hommes politiques...


Message édité par rahsaan le 08-01-2007 à 16:44:03
mood
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Posté le 08-01-2007 à 16:37:09  profilanswer
 

n°10325444
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 17:57:20  profilanswer
 

Machiavel et la fortune, (suite)
 
Chercher à comprendre les effets de la fortune sur le comportement des hommes, c’est s’ouvrir à une des thèses les plus importantes de Machiavel. Pour en saisir la portée, nous devons nous placer au moment même où les Etats commencent à se former, c'est-à-dire au commencement des Discours.
Dans ce texte, Machiavel décrit le processus naturel, comme le fait d’un organisme soumis à une régulation cyclique :
 
« Lorsqu’elle est chargée d’excès de matière, elle se secoue à de nombreuses reprises et subit une purge qui est la santé de ce grand corps. Ainsi, lorsque le monde a surabondance d’habitants, lorsque la terre ne peut les nourrie, quand la malice et la fausseté humaine sont à leur comble, la nature pour se purger se sert de l’un de ces trois fléaux (pestes, famines, inondations) afin que les hommes ainsi réduits à un petit nombre et abattus par le malheur trouvent plus facilement leur subsistance et deviennent meilleurs ».
 
On voit bien dans ce texte, certes étrange, que le commencement des Etats n’est pas un commencement absolu, mais s’inscris dans un cycle répétitif de purges. Les individus touchés par ces catastrophes naturelles sont ceux du début du livre I, où Machiavel les présente à la recherche de nouveaux territoires pour s’y établir. Aussi, si ces territoires sont déjà occupés, cette quête ne peut aboutir qu’au développement de conflits. Les hommes déjà installés se trouvant, pour se défendre, dans l’obligation de se réunir en ville et former des gouvernements ; lutte contre une double insécurité, due aux catastrophes naturelles et à ceux qui pourraient menacer le territoire qu’ils ont conquis. La précarité d’une telle situation affecte tous les individus, ces derniers sont contraint à une coopération sans faille, qui finit par entraîner une certaine solidarité en même temps qu’aux rapports de travail viennent se superposer une réciprocité de bienfaits qui crée des rapports coutumiers ; la courte période de la paix intérieure.  
Si une telle pais civile ne peut  pourtant pas se maintenir, alors la première question qui s’impose à nous, c’est de comprendre ce qui peut bien perturber la réciprocité des bienfaits. Ce passage du livre I des discours présente l’ingratitude comme cet  élément perturbateur :
 
« on commença à discerner les choses bonnes et honnêtes et à les distinguer des mauvaises et pernicieuses. Voyant que si quelqu’un nuisait à son bienfaiteur il en naissait de la haine pour l’un et de la pitié pour l’autre, on blâmait les ingrats, on honorait les plus reconnaissant et on pensait que de semblables violences pouvaient vous être faites ».
 
Dans le Capitolo consacré à l’ingratitude, Machiavel nous explique qu’elle découle de la crainte d’une menace directe, mais aussi de l’envie et de l’avarice qui est le désir de ne pas se priver d’un profit particulier.  Mais dans cet état de dénuement où la coopération est la condition même de la survie, nous comprenons mal ce qui pourrait pousser les individus à se sentir menacé par ceux avec qui il coopère. Comment l’envie, l’avarice où la crainte de ceux avec qui l’on est en rapport peuvent ils être possible ?  
Etre ingrat, c’est ne pas rendre un bienfait, c’est vouloir garder pour soi un surplus, donc ajouter quelque chose au minimum que l’on possédait déjà. Mais contre qui ou contre quoi ces hommes veulent ils se garantir le peu qu’ils possèdent ? En fait, ce que craignent les hommes ce sont les éventualité d’un futur incertain ; le commun rapport des hommes à la fortune et ses effets, c’est de la comprendre comme le risque d’une confrontation à des situations qui peuvent se montrer favorables ou défavorables.  
Pour illustrer cette frontière entre ce qui relève de la fortune et ce que nous pouvons gouverner, Machiavel recourt à l’image d’un fleuve entrant en crue :
 
« Et je la compare (la fortune) à un de ces fleuves furieux qui, lorsqu’ils se mettent en colère, inondent les plaines, […] Il n’en reste pas moins, que les hommes, quand les temps sont paisibles pourraient y pourvoir par des remparts et des digues ; de façon que, quand viendrait ensuite la crue, ou bien ils s’en iraient par quelque canal, ou bien leur assaut ne serait ni aussi dommageable ni aussi effréné. Il en va semblablement de la fortune, qui montre sa puissance là où il n’y a pas de vertu ordonnée pour lui résister : et elle tourne sas assauts là où elle sait que l’on n’a fait ni digue ni rempart pour la contenir ».
 
Machiavel reprend ici une thèse célèbre développé par des historiens romains tels que Tite-Live ou Salluste selon lesquels il est possible d’opposer à la fortune un pouvoir capable de lui résister et de désamorcer ses effets négatifs. Mais, il s’agit surtout de construire avec anticipation, avant que les événements ne se produisent…il nous faut renforcer ce que l’on a déjà. Avant de voir ce quels sont les moyens politiques et militaires dont disposent un prince ou une république pour résister aux événements, il nous faut insister sur le comportement des particuliers. Comment l’homme de tout les jours peut il se prémunir, se garantir contre les aléas ? En Discours I, 5 Machiavel analyse les rapports de pouvoir entre la plèbe et les grands, en expliquant que ces derniers oppriment la plèbe car ils la craignent, et énonce une proposition qui va au-delà du statut des grands :
 
« Le plus souvent ceux-ci [les troubles] sont causés par les possédants parce que la peur de perdre engendre chez eux la même envie que chez ceux qui désirent acquérir. En effet, les hommes ne croient pas posséder en toute certitude s’ils n’augmentent pas ce qu’ils ont ».
 
Ainsi, face à l’imprévisibilité des événements, il ne suffit pas seulement de posséder des biens, mais il faut en posséder toujours plus, pour s’assurer d’en avoir encore après que la fortune ne nous en ravisse une certaine quantité. Aussi, on comprend désormais que dans de telles conditions, la crainte à l’encontre des effets imprévisibles de la fortune, puisse donner le jour à l’avarice rompant la réciprocité des bienfaits.  Cette conjonction entre la crainte de tout perdre et la jouissance portée à nos possessions explique que le désir de richesses finisse par devenir aussi universel que l’avarice ou l’ingratitude. (citation Prince 19,25, DIII,6, Di,37). Mais vouloir accumuler les richesses n’est pas le fin mot de toute l’histoire, à côté des biens, ce sont les honneurs qui captivent l’attention des hommes. Si nous revenons sur la période pendant laquelle les états se fondent, on voit bien l’importance que peut avoir pour une collectivité, qu’elle tende à la principauté ou la république, de récompenser les citoyens dont la valeur militaire contribue à sa sauvegarde.  Le propre de cette estime collective est d’assurée une bonne réputation, de sorte que l’individu ainsi reconnu, puisse être en mesure d’occuper certaines des charges des magistratures. Si les honneurs permettent d’acquérir un certain pouvoir, on désirera le conserver à proportion de la jouissance que l’on tire de son exercice, et donc entretenir continuellement cette renommée. Ainsi, ce sont à la fois les richesses et les honneurs qui sont soumis à l’incertitude que la fortune impose aux hommes. Les conséquences de ces deux types de désirs dépend nécessairement des situations, les effets seront différentes entre un principauté et une république, de même si dans cette principauté si elle est tyrannique ou soumise à des lois…Pour apprécier les possibles effets de ces deux désirs dans leurs conséquences ultimes, il peut être utile de mettre en exergues leur développement au sein d’une république qui ne possède pas de véritables mécanismes politiques capables de corriger les effets négatifs de ces deux désirs, comme la république romaine à l’époque de la réforme des Gracques, ou de la situation de Florence. Le développement complet de ces deux désirs conduit principalement à deux conséquences.
1) Si tout un chacun cherche à élargir ses possessions afin de se prémunir des effets de la fortune, donc s’il nous est possible de désirer plus que nous ne possédons, alors nous pouvons nous demander s’il n’est pas possible, grâce (ou à cause) de l’imagination, de désirer tout ce que l’on peut ajouter ? Non seulement cela est possible, mais surtout une tel agencement pousse les individus à comparer ce qu’il possède à présent et tout ce qu’il peut posséder…une telle comparaison ne peut entraîner, du fait de l’écart permanent entre ce que l’on a et tout ce que l’on peut posséder, qu’une dépréciation des satisfactions à l’égard de ce qu’on possède.
 
« La nature à crée l’homme tel qu’il peut tout désirer sans pouvoir tout obtenir ; ainsi le désir étant toujours supérieur à la faculté d’acquérir, il obtient le mécontentement de celui qu’il dépossède pour n’éprouver lui-même qu’un petit contentement de sa conquête ».
 
« les désirs de l’homme étant inépuisables, il est dans sa nature de vouloir et de pouvoir tout désirer, il n’est pas à sa portée de tout acquérir, il en résulte pour lui un mécontentement et un dégoût de ce qu’il possède ; c’est ce qui lui fait blâmer le présent, louer le passé, désirer l’avenir et tout cela sans aucun motif raisonnable ».
 
      On cherche donc constamment à acquérir du nouveau, mais pour le moment ce que l’on cherche à acquérir est pré déterminé par ce que l’on possède déjà, on ne peut acquérir que dans les limites de ce que l’on peut faire. Cependant, lorsque l’imagination nous présente ce que l’on peut acquérir indépendamment du pouvoir réel de posséder, alors se manifeste ce désir irrationnel de dégoût envers ce que l’on possède… en nous naît ce désir d’accumulation privé de toute limite, cette « humeur inquiète » qu’est l’ambition.
 
2) L’ambition, c’est désirer s’élever sans cesse à une position supérieure à celle qu’on occupait. Pour le moment, ce qui importe c’est  de combler l’écart entre la satisfaction imaginée et celle qu’on éprouve à présent. Le comportement des autres n’est pas encore pris en compte, mais il faudra bien finalement le prendre en considération. Car, quand l’on obtient l’estime collective pour des actions que l’on a accompli, on prive de cette reconnaissance d’autres individus, ceux qui la détenait auparavant et ceux qui désir l’obtenir. Les honneurs ou la réputation nous apparaissent comme un bien peu partageable, qui fait naître l’envie entre les hommes. Sous l’effet de l’envie, l’ambition de pouvoir et de réputation se transforme en ambition d’en obtenir toujours plus que ses rivaux.  
 
« ce n’est pas seulement le bonheur de son ennemi mais son apparence […] que l’on apprécie et que chacun espère dépasser en opprimant les uns et les autres, plutôt qu’en recourant à sa propre vaillance. Tous supportent mal le bonheur d’autrui et, de ce fait, pleins de tourments et de chagrins s’appliquent assidûment à le détruire ».
 
      De là découle cet appétit qui conduit la plèbe de Florence et de Rome à vouloir exercer le pouvoir à la place des nobles, c'est-à-dire d désirer exercer un pouvoir sans partage . Ce qui pousse les grands citoyens de la république à désirer occuper le premier rang en s’éliminant les uns les autres… Ainsi, la crainte, l’insécurité réapparaisse à un autre niveau ; elles ne se présentent plus désormais sous les traits abstraits de la fortune, mais sous la figure concrète des rivaux qui renforcent leurs pouvoirs au détriment du notre. Chacun doit dominer ses rivaux, non seulement pour obtenir plus qu’eux par comparaison, mais également par crainte de subir leur pouvoir ; la cupidité et la crainte se confondent en un même processus, comme le note ce passage des Discours :
 
« Toutes les fois, en effet, que les hommes n’ont plus l’occasion de combattre par nécessité, ils le font par ambition »
 
Et Machiavel ajoute un peu plus loin :
 
« car les uns désirant obtenir davantage, les autres craignant de perdre ce qu’ils ont acquis, on en vient à des inimitiés et à des conflits dont résulte la ruine du pays et le triomphe d’un autre ».
 
 
Ainsi, aux conflits défensifs qui prévalaient lors de la genèse des Etats, se sont substitués des conflits offensifs internes prenant la forme de guerres civiles. C’est pour faire face aux effets de la fortune que les hommes cherchent à obtenir du pouvoir, des richesses et de la réputation les conduisant ainsi à entrer dans des rapports conflictuels qui peuvent aller jusqu’à mettre l’Etat en péril. Tout le problème à présent est de savoir, une fois admis l’arrière fond conflictuel, comment il est possible pour ceux qui sont en concurrence de réagir face à la fortune autrement qu’en multipliant spontanément ce qu’elle peut leur enlever. Une maîtrise réfléchie de la fortune au moyen d’une stratégie particulière est elle possible ?
 
 

n°10326175
le vicaire
Posté le 08-01-2007 à 19:13:21  profilanswer
 

L’art politique est lui-même pris dans l’instabilité, dans le mouvement perpétuel de son devenir et de l’histoire, dans ce déplacement continuel du quantum fixe de vertu. Nécessité du destin par la Fortune alors que la virtù est l’art libéral de s’y adapter. Il faut se faire maître du chaos (kaïros) en épousant sa loi.
«Le ciel et la terre, les dieux et les hommes forment ensemble une communauté... liés par l’amitié, l’amour de l’ordre, le respect de la tempérance et le sens de la justice» (Gorgias). Pour Machiavel, au contraire, il n’y a qu’une nature errante dont aucune divinité ne vient restaurer le mouvement circulaire. La philosophie de Machiavel est un platonisme inversé parce que le politique est subordonné à l’ontologique, mais il s’agit d’une ontologie anti-platonicienne et anti-chrétienne de l’instabilité, du désordre et du chaos. Il n’y a rien de plus métaphysique que le prétendu renversement de la métaphysique.
«La raison de tels excès, c’est que pour cesser d’avoir peur, les hommes croient bon de faire peur. les torts dont ils se garantissent, ils les infligent à leurs adversaires, comme s’il était nécessaire que l’on fût toujours oppresseur ou opprimé» (Discours).

n°10326218
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 19:19:24  profilanswer
 

moui, pourquoi pas... en revanche, ta traduction, ou ton usage du kairos comme chaos, me semble assez douteux...mais je ne suis pas helleniste;)

n°10326347
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 19:34:53  profilanswer
 

dans la 3eme et derniere partie, je vais essayer de reprendre quelques questions  sur la prudence, la virtu et et la theorie de l"occasion" chez Machiavel.
au sujet du kairos, j'aime beaucoup cette épigramme de Poseidippos, à propos de la statut de Lysippe de Sicyone:
 
"D'où est le sculpteur?_ De Sicyone. _ Quel est son nom?_ Lysippe._ Toi, qui es tu?_ Kairos, le mapitre du monde._ Pourquoi marches tu sur la pointe des pieds?_ Sans cesse, je cours._Pourquoi as tu des talonières à chaque pied?_ je vole comme le vent._ pourquoi tiens tu de la main droite un rasoir?_ Pour montrer aux hommes que moi, Kairos, je suis plus aigu et plus rapide que tout tranchant._Pourquoi ta chevelure est-elle ramenée par devant?_ Pour qu'on la saisisse quand on me rencontre, par Zeus._ Mais pourquoi es tu chauve par derrière?_ Afin que, une fois que mes pieds ailés m'ont emporté, nul ne puisse me saisir derrière, quelque désir qu'il en ait._ Pourquoi l'artiste t'a t-il sculpté?_ Pour vous, étranger, il m'a placé à l'entée pour vous instruire."
Anthologie palatine,XVI,275

n°10326366
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 19:36:47  profilanswer
 

voir aussi, le livre de monique Trédé, "Kairos, l'à-propos et l'occasion" ed Klincksieck

n°10326948
le vicaire
Posté le 08-01-2007 à 20:43:37  profilanswer
 

Un grand féministe le Mac : «Je pense assurément ceci : qu’il vaut mieux être impétueux que circonspect, car la Fortune est femme et il est nécessaire, si on veut la soumettre, de la battre et de la frapper. Et l’on voit qu’elle se laisse davantage vaincre par ces derniers que par ceux qui procèdent avec froideur. C’est pourquoi, toujours étant femme, elle est l’amie des jeunes gens, parce qu’ils sont moins circonspects, plus féroces, et la commandent avec plus d’audace.»

n°10327024
le vicaire
Posté le 08-01-2007 à 20:52:20  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

moui, pourquoi pas... en revanche, ta traduction, ou ton usage du kairos comme chaos, me semble assez douteux...mais je ne suis pas helleniste;)


tu proposes quoi pour kairos ? j'ai chaos = khi, alpha aigu, omicron, sigma, mais je débute en grec ancien... :jap:

n°10327201
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 21:16:44  profilanswer
 

je ne suis pas certain, mais l'usage de kairos est assez complex au sein du monde grec, et pourtant fondamental (le pourtant est de trop...;) ), Willamovitz signalait le caractere intraduisible du kairos, pour souligner qu'il nous enseignait"pas seulement à comprendre, mais à sentir de façon grecque"(Sappho und Simonides). le kairos nait d'une rencontre avec le donné et d'un acte d'appréciation, c'est une convenance qu'on veut respecterdans la parole et l'action, c'est aussi la chance qui ne se laisse saisir qu'au vol voire l'urgence à laquelle il est necessaire de parer.
 
 
 
la formation du mot kairos est elle même^problematique. on peut dire tout de même qu'il appartenait au vocabulaire du tissage, il désigne "la cordelette qui fixe au metier l'extremité de la chaine et tient les fils séparés" (Chantraine)...idée de vide, separatrion, interstice... M.Tredé montre qu'il doit être rattaché de la racine ak- qui evoque la rupture...suppose une situation critique...qui donne lieu à un rapport essentiel entre jugement(krisis) et à son tranchant (acmê). le sens de kairos a varié selon pr le dire avec foucault l'episteme du tps, d'abord caracterisé par usage des poètesepique et lyrique, puisds larts medical, politiques... avant davoir la signification tempoerelle d'occasion, il possède une valeur spatiale critique; chez homère, kairios, c'est le point central de la cible que l'archer vt atteindre.

n°10327333
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 21:30:01  profilanswer
 

ensuite, et plus serieusement sur ta citation de Machiavel...je pense que tout le monde est ok, il ne sert à rien de gloser sur les moeurs masculines de l'epoque.en revanche, elle est tres interessante pour comprendre certains points de la pensée de Machiavel en ce qui concern e la maitrise de la fortune. D'une part, elle n'est pas une thèse isolée ds le corpus:
 
"tenter la fortune car elle est l'amie des jeunes gens" (lettre à Soderini de 1506)
 
"l'audace et la jeunesse obtienne le plus de succès"(ds le Capitolo consacré à la fortune)
 
le passage que tu as cité, conclue le chapitre XXV du Prince, consacré à la maitrise de la fortune. Mais comment interpreter le fait que Machiavel, qui vient de soutenirds la seconde partie de son analyse qu'il ne faut pas appliquer de règle et s'adapter aux différentes situations, finit par conclure qu'il faut mettre en oeuvre une disposition pour se conduire de manière constante? Surtout que le gros de son argumentation, reposait sur la description du cas de Jules II, qui s'est tjrs conduit de façon impetueuse et qui aurait certainement échoué si d'autres evenements s'etient présentés...

mood
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Posté le 08-01-2007 à 21:30:01  profilanswer
 

n°10327356
le vicaire
Posté le 08-01-2007 à 21:32:28  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

c'est aussi la chance qui ne se laisse saisir qu'au vol voire l'urgence à laquelle il est necessaire de parer.


Il y a du kairos dans l'idée de Fortune développée par Machiavel alors. Merci pour ton éclairage. ;)

n°10327570
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 21:55:35  profilanswer
 

en fait, cette figure de kairos comme Fortune date du IVeme siecle. il n'avait pas le même sens dans la pensée grecque au VIeme siecle, il faut se souvenir de l'imperatif  de pittacos, l'un des 7 sages "kairon gnôthi", Connais le kairos"...c'etait à l'epoque l'ideal de la pensée grecque, art de saisir le contingent et me sure de lqa qualité; ce vieux reve grecq de la quantité dans la qualité ou comme le dira Galien, "to poson en tô poistêti". (voire l'intro et la presentation d Jackie pigeaud, du "peri hupsos" de longin)

n°10328198
pascal75
Posté le 08-01-2007 à 22:40:43  profilanswer
 

Alcyon36 > j'ai rajouté ton texte sur Machiavel en lien dans le premier post ;)


Message édité par pascal75 le 08-01-2007 à 22:42:03

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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°10328269
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 22:45:31  profilanswer
 

je ne sais pas trop ce que ca veut dire, mais je ten remercie grandement;)

n°10328323
pascal75
Posté le 08-01-2007 à 22:48:28  profilanswer
 

C'est la consécration internationale, tout simplement  [:simone]  
(tu vas à la page 1 de ce topic ou dans le premier post j'ai mis des liens vers les principaux posts de ce topic pour faciliter les recherches)


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°10328358
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 22:50:50  profilanswer
 

waw...la classe!!! mon nom est cité à côté de celui de l'AC!!!!vs vs rendez compte? lol

n°10328392
pascal75
Posté le 08-01-2007 à 22:53:19  profilanswer
 

Mais y'a du retard dans ces liens, faudrait que je les mette à jour :spamafote:


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°10328450
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 22:56:20  profilanswer
 

en tout cas c'est une bonne idee, tres pratique pour reprendre ds le detail les interventions(pertinentes-trop-pertinentes) de l'AC. merci à toi;)

n°10330308
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 09:01:35  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

ensuite, et plus serieusement sur ta citation de Machiavel...je pense que tout le monde est ok, il ne sert à rien de gloser sur les moeurs masculines de l'epoque.


 
Il ne s'agit pas non plus de gommer l'aspect dérangeant de Machiavel même si l'on ne doit pas résumer sa contre philosophie à cela. Pour Nietzsche pareil il y a des passages bien puants que tout le monde connaît. Je ne pense pas qu'un homme du XXIe siècle soit constitué différemment d'un homme du début du XVIe, de l'antiquité ou du XIXe. A toutes les époques le dégoût de la violence c'est nécessairement et consciemment manifesté. Ce que dit Machiavel n'est pas simplement issu des mœurs, c'est aussi une injonction à la violence donc il crée une nouvelle valeur fondée sur la domination de l'imprévisible qu'il appelle la Fortune. Ce qu'il distingue nettement c'est comment et sur quoi on peut ou on ne peut pas agir en politique. :wahoo:

n°10330717
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 10:39:34  profilanswer
 

Mais voyons, tout le monde sait que Machiavel n'est pas machiavélique. :o

n°10330730
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 10:41:34  profilanswer
 

Le Kairos peut se traduire par moment opportun. C'est une manière de concevoir le temps propre aux Anciens. Il y a un temps pour planter les choux, et si on ne le fait pas au moment opportun, il n'y aura plus de temps opportun pour cueillir les choux. Kairos, c'est en quelque sorte une vision campagnarde du cosmos.

Message cité 1 fois
Message édité par daniel_levrai le 09-01-2007 à 10:41:55
n°10331333
neojousous
Posté le 09-01-2007 à 11:52:51  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Le Kairos peut se traduire par moment opportun. C'est une manière de concevoir le temps propre aux Anciens. Il y a un temps pour planter les choux, et si on ne le fait pas au moment opportun, il n'y aura plus de temps opportun pour cueillir les choux. Kairos, c'est en quelque sorte une vision campagnarde du cosmos.


 
Voilà une jolie définition ;). Désolé de pas trop participer ces temps-ci, je suis en pleins partiels. J'aurais le temps de répondre, mais pas de réfléchir avant de répondre, donc... :)

n°10331348
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 11:55:04  profilanswer
 

à quel mode le plantage de choux ?

n°10331408
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 12:01:16  profilanswer
 

de chez nous, pardi :o

n°10331506
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 12:14:50  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

de chez nous, pardi :o


Machiavélique en effet :lol:

n°10332162
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 13:43:00  profilanswer
 

le vivaire, je suis tout à fait ok avec toi pr dire que Machiavel nous propose une sorte d'injoction à la violence...blabla. Mais ma reponse ne portait pas sur cela, c'est juste que tu introduisais cette citation en faisant remarqué le "faible" feminisme de Machiavel...ce qui en l'espece n'est pas du tout en question. en revanche, une telle question sur le feminisme et la pensée de Nietzsche est en l'espece pertinente, elle est s'inscrit ds la pensée de Nietzsche...tout à fait différent pour Machiavel.  
Sinon, pour la violence, en effet on a pas eu besoin d'etre "moderne" pour que certains expriment leur degout de la violence...mais perso, je ne trouve pas que cela soit un aspect derengeant de la pensée de Machiavel...

n°10332176
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 13:44:57  profilanswer
 

Enfin, Machiavel n'indique pas un marche à suivre mais rend compte du cynisme normal du pouvoir. Il est évident qu'à partir du moment où Machiavel fait publicité de cet état de fait, une grande partie des agissements obscurs ne peuvent plus fonctionner. Machiavel est l'anti machiavélisme par excellence.

n°10332292
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 13:55:00  profilanswer
 

je suis pas sur de comprendre ce que tu dis... en gros ton idée c que Machiavel en montrant ce dont les princes sont capables, il à pr objectif de dévoiler les stratagemes politiques utilisés et dc de les denoncer? Si c'est ce que tu voulais dire, c'est tres proche des theses de spinoza, Rousseau  ou Diderot sur Machiavel et son "machiavelisme"

n°10332309
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 13:56:19  profilanswer
 

Mais oui !

n°10332483
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 14:13:16  profilanswer
 

ca se defend, mais je la trouve un peu limite cette these.
Car, dans les Discours, certes Machiavel prends clairement position pr le regime republicain qui s'avere superieur, mais il ne faut pas pr autant s'aveugler sur le contenu des DIscours. par exemple,au milieu de passages concernant la vie et le dclin du regime republicain, il explique meme comment le prince pt profiter des difficultés du regime republicain pr tenter d s'emparer du pouvoir afin de sauver la republique.
Quand, on lit les Discours, il me semble assez clair que Machaivel n'a pas simùplement pour but de condamner la strategie du prince en la dévoilant puisqu'il "approuve" la prise de pouvoir par le prince. par ex, les chap IX et X du livre I comporte, sous certaines conditions jentends bien, un eloge du pouvoir princier, mais c'est un eloge tt de meme.  
 
Bref, Machiavel me semble bien plus compliqué, plus ca va, plus je le trouve interessant. en revanche, faut kan meme avouer que le niveau des ruses et stratagemes politiques que decrit Machiavel, est vraiment à chier.Quand on lit le Livre du prince Shang, L4art de la guerre, ou le celebre Livre des ruses...Machiavel a tendance à me faire sourir;)

n°10332812
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 14:50:57  profilanswer
 

Gramsci dit un truc dans ce genre je crois bien. Machiavel a eu le mérite de montrer au peuple comment ça se passait en coulisse. Du coup la crédibilité des dirigeants en prend un coup. Le machiévélisme est donc une apologie de la raison d'état pour dénoncer la raison d'état. Bon je veux bien mais la pureté de l'intention du Mac reste à démontrer.

n°10332841
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 14:53:23  profilanswer
 

Oui, mais le but des propos de Machiavel n'est pas le même que celui des "essayistes" chinois de l'Antiquité et du Moyen-Age. La guerre est hautement ritualisée en Chine et une bonne guerre au sens chinois est celle où on a pas dû se battre. L'art de la guerre consiste à effrayer, susciter le complot dans les rangs adverses et à corrompre les chefs ennemis afin de parvenir à la paix avant même qu'il y ait réellement combat.  
 
J'aimerais approfondir Machiavel, je vais vite le lire ce soir pour pouvoir soutenir l'idée d'un Machiavel profondément anti-machiavélique.

n°10332878
l'Antichri​st
Posté le 09-01-2007 à 14:57:25  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

ca se defend, mais je la trouve un peu limite cette these.
Car, dans les Discours, certes Machiavel prends clairement position pr le regime republicain qui s'avere superieur, mais il ne faut pas pr autant s'aveugler sur le contenu des DIscours. par exemple,au milieu de passages concernant la vie et le dclin du regime republicain, il explique meme comment le prince pt profiter des difficultés du regime republicain pr tenter d s'emparer du pouvoir afin de sauver la republique.
Quand, on lit les Discours, il me semble assez clair que Machaivel n'a pas simùplement pour but de condamner la strategie du prince en la dévoilant puisqu'il "approuve" la prise de pouvoir par le prince. par ex, les chap IX et X du livre I comporte, sous certaines conditions jentends bien, un eloge du pouvoir princier, mais c'est un eloge tt de meme.  
 
Bref, Machiavel me semble bien plus compliqué, plus ca va, plus je le trouve interessant. en revanche, faut kan meme avouer que le niveau des ruses et stratagemes politiques que decrit Machiavel, est vraiment à chier.Quand on lit le Livre du prince Shang, L4art de la guerre, ou le celebre Livre des ruses...Machiavel a tendance à me faire sourir;)


 
Si Machiavel « approuve » le pouvoir princier, c'est parce que, reprenant l’héritage des historiens romains, en particulier Tite-Live et Tacite, sa pensée contribue à resémantiser le terme de multitude (multitudo), jusqu’à lui donner une signification centrale dans la philosophie politique, dans l’analyse de ce que peut être un groupe humain à son niveau originel ou naturel, en-deçà de toute société civile. Une telle perspective apparaît quand la multitude ne désigne plus prioritairement une classe sociale en proie aux séditions à l’intérieur du peuple, mais un groupe d’homme non encore constitué en Cité, n’ayant aucun liant politique.
 
Pour les Anciens (Aristote par exemple), un tel problème ne se posait pas, puisque la position d’une socialité naturelle et par conséquent normative des hommes a pour effet de maintenir, en dépit de tout, un liant politique minimal. Ce qui donne à ce domaine particulier de la vie humaine cette qualification de « politique » n’est autre que ce lien de nature ou de raison. Par conséquent, la possibilité de la communication par le discours est l’indice de ce lien par nature : quand les hommes délibèrent, même dans le pire des cas, leurs discours recèlent un élément irréductible, sans lequel ils ne pourraient pas parler ni échanger entre eux des arguments. Ils prouvent par là qu’ils sont des êtres politiques, même s’ils le sont de la pire façon. La parole, la raison fondent la communication entre les hommes : elles fondent leur sociabilité naturelle. Il entre dans la constitution naturelle des hommes de vivre en société, parce qu’une telle vie correspond à leur faculté naturelle de communiquer par des discours : « C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes, la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi, le juste et l’injuste » (cf. Aristote, Les politiques, I, 2). La finalité des sociétés est par ailleurs clairement énoncée par Aristote : le bonheur d’être ensemble. Dire de l’homme qu’il est un « animal politique », c’est penser qu’il ne peut trouver son achèvement que dans la cadre d’une communauté. La société répond donc, selon Aristote, à un besoin premier, à une tendance fondamentale de l’homme. La sociabilité de l’homme semble bien une disposition de nature : l’homme est naturellement pour l’homme le plus utile et le plus précieux des biens.
 
L’ « état de nature » ou la « condition naturelle des hommes » ne devient une préoccupation proprement philosophique qu’à partir du moment où l’on suppose que les hommes ne sont pas naturellement orientés vers la vie sociale et politique qui suppose le souci d’autrui, et qu’on exclue le langage comme porteur d’évaluations et comme point de départ de la recherche. Partout, en effet, la conception d’une humanité naturellement sociable semble contredite : le rassemblement des hommes soulève des tensions, développe des conflits si forts qu’on ne vient à douter que ce dernier soit fait pour vivre en société. C’est pourquoi, Rousseau construit le paradigme de l’homme naturel fait pour la solitude : seul un cataclysme extraordinaire a pu contraindre à ces regroupements artificiels et aliénants que sont les sociétés humaines. La communauté humaine n’est alors plus donnée, mais à fonder, à constituer sur ce nouveau paradigme qu’est la « méchanceté » humaine (Machiavel) ou l’égoïsme naturel (Hobbes). C’est la terreur et la violence qui sont originelles et définissent la condition d’une multitude d’hommes en l’absence de toute institution politique. Autrement dit, les mécanismes naturels des passions humaines (le désir, l’orgueil et la peur de mourir) entraînent fatalement une guerre incessante entre les hommes. La sociabilité, loin de reposer sur un principe (la phusis) dépassant la vie politique, doit être déduite d’éléments plus originels : les individus en conflit les uns avec les autres, formant une multitude déréglée et dangereuse pour l’ordre politique. Ainsi, ce jeu naturel des passions mènerait vite à l’autodestruction de l’espèce, si l’homme n’avait, pour s’en prémunir, recours à un artifice : l’invention de l’Etat, comme appareil supérieur de contraintes garantissant la sécurité et la paix parmi les hommes dans le cadre de sociétés réglées.
 
Cette inférence tirée des passions forme le point de départ de tous les théoriciens de l’Etat moderne au XVIIe siècle, et notamment Spinoza. Le premier chapitre de la première partie du Traité politique démantèle ainsi la philosophie politique classique, comme une « Satire », car « les philosophes conçoivent les hommes [...] non comme ils sont, mais comme ils voudraient qu’ils fussent » (cf. Traité politique, I, 1). Dénoncée comme « chimère » et « système qu’on pourrait établir dans un pays d’Utopie », Spinoza lui oppose une politique fondée sur l’expérience, sur la prise en compte de la nature humaine effective (comme l’ont fait les Politiques, parmi lesquels Spinoza compte justement Machiavel): « [...] j’ai pris soin à dessein de ne pas porter en dérision les actions humaines, de ne pas les déplorer, de ne pas les maudire, mais de les comprendre. C’est ainsi que j’ai considéré les affections humaines telles que l’amour, la haine, la colère, l’envie, la présomption, la pitié et les autres mouvements de l’âme non comme des vices, mais comme des propriétés de la nature humaine, qui lui appartiennent de la même façon que le chaud, le froid, la tempête, le tonnerre et d’autres phénomènes qui font partie de l’atmosphère » (cf. Traité politique, I, 4).
 
D'où la question, que soulève votre texte, de savoir comment ces passions, au départ individuelles, deviennent-elles relationnelles, jusqu’à engendrer cette multitude dont les passions sont désormais collectives et donc beaucoup plus dangereuses ?
 
Cette question des passions revient à poser la question politique sous un autre angle également : en effet, pour Spinoza, les passions de la multitude sont rapportées à une aliénation dans l’ordre de la connaissance. Le vulgaire est ainsi le versant cognitif de la multitude, dont l’étude fourni les préalables épistémologiques de la politique. C’est en effet en tant que les hommes s’accordent rarement sur les mêmes objets, qu’ils ne les connaissent pas et ne se connaissent pas adéquatement, qu’on peut dire qu’ils sont en proie aux passions. Le genre d’affection qui détermine notre conatus est nécessairement générateur de conflits, parce que nous ne sommes pas immédiatement rationnels, libres, et les rapports de composition avec autrui nous déterminent souvent à des rapports violents. Former une association rationnelle entre les hommes ce serait, idéalement, en faire une communauté de philosophes qui s’accorderaient spontanément dans la connaissance. Contrairement à Hobbes, pour qui tout ce que je peux attendre de la société est qu’elle m’assure la paix et la sécurité (et rien de plus), Spinoza situe sa théorie politique par rapport à l’éthique ; il n’y a pas d’autonomie de l’éthique par rapport à la politique, pas plus qu’il n’y a d’autonomie de la politique par rapport à l’éthique : la nécessité, pour les hommes, de vivre libres sous la conduite de la raison ne peut s’accomplir que dans la cité : « L’homme que mène la raison est plus libre dans la cité, où il vit selon le décret commun, que dans la solitude, où il n’obéit qu’à lui-même ». Loin de supprimer le droit naturel de l’individu, la cité le prolonge et l’accomplit. Le passage à la société civile ne constitue pas une privation de liberté, mais est au contraire un enrichissement d’être, la constitution d’une forme supérieure de liberté. La raison, en ce sens, « ne demande rien qui soit contre la nature, c’est elle-même qui demande que chacun s’aime lui-même, cherche ce qui lui est utile, ce qui lui est véritablement utile, et aspire à tout ce qui mène véritablement l’homme à une plus grande perfection, et, absolument parlant, que chacun s’efforce, autant qu’il est en lui, de conserver son être » (cf. Ethique, IV,18, scolie).
 
Mais les préoccupations de l’Ethique se heurtent au réalisme politique des deux Traités, liées à la crainte des masses. Pas plus qu’on ne peut réformer la nature humaine d’un jour à l’autre, on ne peut, directement ou indirectement, rendre raisonnable une multitude d’hommes en proie à leurs passions. Le simple passage à la société n’induit nécessairement, ni une cession unilatérale des droits ni, a fortiori, une rationalisation des comportements. Une des grandes découvertes de Spinoza a sans doute consisté à montrer qu’il n’y a pas d’antinomie entre l’ « état de nature » et la société politique en ce sens que les passions n’ont pas obligatoirement un caractère socialement destructeur : quoique très éloignées d’un mode de vie raisonnable, elles peuvent favoriser l’unification de la multitude sous des modalités imaginaires. Ce type de socialisation passionnelle est d’ailleurs la seule forme d’unification que connaissent les sociétés existantes (la nôtre y compris...).

n°10332894
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 14:58:13  profilanswer
 

Et le grand Jean-Jacques aussi :
 
"En feignant de donner des leçons aux rois il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains" (Du contrat social -livre III-chap. IV).

n°10333397
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 15:36:03  profilanswer
 

diderot: "lorsque Machiavel exrivit son traité le Prince, c'est comme s'il eut dit à ses concitoyens: "lisez bien cet ouvrage. Si vs acceptez jamais un maitre, il sera tel que je vous le peins: voila la bete feroce à laquelle vous vous abandonnerez" Ainsi, ce fut de la faute de ses contemporains s'ils meconnurent son but; ils prirent une satire pr un eloge"

n°10333418
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 15:37:42  profilanswer
 

spinoza ds le traité politique chap VI§7 tente avec plus de precaution la meme interpretation

n°10333983
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-01-2007 à 16:27:57  profilanswer
 


 
 
Oui, sympatoche comme bouquin, il y a des petits dessins à droite pour ceux qui ne comprennent pas, c'est écrit par des Allemands, alors respect !

n°10335222
wips
Posté le 09-01-2007 à 18:05:35  profilanswer
 

Bon, moi, j'essaie de suivre tous vos posts mais ça va trop vite pour moi. Mais j'y arriverai, j'y arriverai !  
Il suffit d'être patient ! :o

n°10336834
le vicaire
Posté le 09-01-2007 à 21:20:30  profilanswer
 

Ils sont graves sur le post :
 
http://forum.hardware.fr/hfr/Emplo [...] _2.htm#bas
 
Vous avez déjà rencontré des gens très hostiles à la philosophie ? Moi assez souvent. "A quoi ça sert ?", "c'est abstrait", "ça sert à rien" etc. Quand ça arrive je me répète :
“L’homme libre qui vit parmi les ignorants s’applique, autant qu’il peut, à éviter leurs bienfaits”. (Proposition LXX Ethique IV - Spinoza).
Ou alors je leur rentre dedans car plutôt périr en combattant que se soumettre à leur courte vue.

n°10337065
neojousous
Posté le 09-01-2007 à 21:56:27  profilanswer
 

Oui... D'ailleurs ça m'a fait l'effet d'une bouffée d'oxygène d'arriver en fac de philo... Trouver des gens qui savent ce qu'est la philo et qui te critique pas parcequ'ils ont de mauvais souvenirs de la philo au lycée...

n°10337262
alcyon36
Posté le 09-01-2007 à 22:24:40  profilanswer
 

je vieens de finir le dernier Manent, "la raison des nations"... bon bouquin,  court et clair.  Meme si par exemple la 3eme partie sur laz religion est plus que polemique, il reste indeniable que s'impose de plus en plus à nous la necissité de se confronter à nouveaux frais avec la forme politique nationale;  
Bref, le point de vu "eclairant" d'un citoyen "éclairé";)

mood
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Posté le   profilanswer
 

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