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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
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4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
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5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
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6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°16572705
rahsaan
Posté le 28-10-2008 à 18:27:01  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
                                                             DELEUZE ET HEGEL
 
Puisque le sujet revenait, je voulais faire un topo sur les rapports Deleuze / Hegel. Cela tournera autour du concept central de leur rencontre / confrontation : celui de différence. D. "reproche" à Hegel d'assujettir la différence à l'identité, de refuser finalement la différence pour en faire un simple moment auquel succède une synthèse plus élevée.  
Les recherches de D. qui préparent Différence et répétition l'amènent à une logique où il ne faudrait plus répéter que la différence et ne pas tenter de la subsumer sous une unité plus grande. Et jusqu'à Qu'est-ce que la philosophie ? , la différence est encore présente, bien que le terme n'y apparaisse pas conceptuellement : mais dans ce livre, Deleuze essaie de penser la relation entre la philosophie, les arts et les sciences. Il s'agit de les penser dans leurs relations et leurs différences, grâce à la trilogie concept / percept / affect, en maintenant donc des relations et des points de passage, dans l'idée de favoriser des rencontres entre ces domaines, mais sans leur chercher une unité.  
 
 
Pas de supériorité du concept
 
Chaque domaine a sa validité propre, et la philosophie n'a pas à réfléchir à la place du scientifique sur ce qu'est la science. D. veut penser ces trois domaines de façon relationnelle, donc maintenir leurs différence sans aller jusqu'à en faire des domaines entièrement étrangers, autres les uns par rapport aux autres.  
La différence échappe au dualisme du même et de l'autre. Elle est précisément entre les deux.  
Or, dans Qph ?, Deleuze situe sa propre pratique philosophique, qu'il dit "pédagogique", par rapport à la dialectique hégélienne, totalisante, qui fait des sciences et des arts de simples moments du concept philosophie qui englobe tout à la fin, de sorte que sciences et arts ne sont que des approximations pour le concept. Deleuze veut au contraire mettre à plat les rapports entre ces domaines : pas de supériorité de l'un sur les autres. Pas de hiérarchie. La philosophie n'est pas au-dessus de l'art ou de la science.  
 
 
La dialectique et la différence
 
Le premier texte où Deleuze critique très clairement Hegel, c'est dans une revue d'un livre de Hippolyte (spécialiste de Hegel, un des premiers traducteurs), Logique et existence (1953). L'article de D. est repris dans L'Île déserte. C'est à la fin de cet article que D. dit qu'il faudrait laisser la différence se déployer pour elle-même. D. s'appuie donc sur ce livre pour poser déjà sa propre vision de la différence, qui est déjà le refus de la réconciliation par la dialectique.  
 
"Toutefois la même question pourrait se poser autrement : est-ce la même chose de dire que l'Etre s'exprime et qu'il se contredit ? s'il est vrai que la 2e et la 3e partie du livre de M. Hyppolite fondent une théorie de la contradiction dans l'être, où la contradiction même est l'absolu de la différence... En revanche, dans la 1e partie (théorie du langage) et dans tout le livre (allusions à l'oubli, à la réminiscence, au sens perdu), M.H. ne fonde-t-il pas une théorie de l'expression où la dif est l'expression même, et la contradiction, son aspect seulement phénoménal ?
Hegel reproche à Platon et Leibniz de ne pas être allé jusqu'à la contradiction, d'en être resté à la simple altérité.  
 
Dans la logique différentielle que propose D. , il s'agit d'éviter la représentation et la réconciliation, pour penser la pensée comme agression et déchirement perturbante, et non recherche d'un apaisement, d'une unité rassurante (cf. "La pensée sans image", dans Différence et répétition)
 
Déjà dans Empirisme et subjectivité, D. disait que "la représentation ne peut pas présenter les relations". Il s'agit au contraire d'arriver à une logique "nietzschéenne", c'est à dire entièrement processuelle, expressive et relationnelle, de façon à contourner l'opposition platonicienne de l'apparence et de l'essence (logique du simulacre, inspirée de Lucrèce).  
 
 
Différence et contradiction
 
Or, le piège à éviter, celui tendu par Hegel, c'est de ramener la différence à la contradiction, et de vouloir donc résoudre la contradiction. Il n'y a pas à résoudre la différence, pas à surmonter l'opposition du même et de l'autre. Il faut justement refuser d'aller jusqu'à la contradiction.  
L'enjeu, la tentative, c'est de montrer qu'il y a plus dans la différence, que la contradiction n'en est qu'un fantôme, une version appauvrie -qu'ainsi, en "rester" à la différence, ce n'est pas rester en deça du dialectique, mais en sortir complétement, le briser de l'intérieur.  
C'est la dialectique qui est le refus de la différence perturbante, chaotique, qui travaille la pensée de l'intérieur en menaçant de la bouleverser. La dialectique est une domestication de la différence, un évitement de cette force sauvage qui brise la pensée et la force à penser.  
 
Pour autant, la différence n'est pas la simple diversité empirique, ou la pluralité harmonieuses : en rester à cela, c'est prêter le flanc à une critique hégélienne qui montrerait que cette diversité se contredit elle-même, en ce qu'il faut bien qu'elle repose sur une unité plus haute pour pouvoir exister.  
D. veut court-circuiter la logique dialectique de la contradiction. C'est pour cela qu'il use des concepts de différence et de répétition.  
 
 
L'image de la pensée
 
Pour D. , penser dans la contradiction, c'est toujours s'en tenir à une image de la pensée. C'est penser à partir d'une image toute faite, d'une doxa, de certains mots d'ordres qui bloquent la pensée, qui l'empêchent d'advenir. Aussi, dès le début, dans la logique de la dialectique, la pensée est empêchée.  
C'est le thème qui revient dans Nietzsche et la philosophie, dans l'opposition entre dialectique et tragique, entre pensée du ressentiment qui assujettit l'affirmation en l'obligeant à passer par la négation, alors que l'affirmation tragique serait dès le début supérieure à toute négation et s'en emparerait pour la maintenir elle aussi comme affirmation. Ainsi chez Nietzsche, le non est toujours au service d'un oui plus fort : quand Zarathoustra nie les valeurs, ce n'est pas en nihiliste, mais au nom de valeurs plus hautes.  
 
C'est pourquoi D. estime que Hegel est le penseur de la trahison, comme il le dit dans un entretien. Hegel est le penseur de l'Etat, car avec la dialectique, toute pensée peut être "étatisée", amoindrie, neutralisée, pour se mettre à ronronner un discours de pouvoir, pour redevenir une pensée représentative, rassurante. Dès le début, la dialectique trahit.  
C'est pourquoi, pour D. , la dialectique n'est pas complétement illusoire. Oui, il y a bien des réalités dont la logique est dialectique (négation, négation de la négation etc. ) mais c'est au niveau qu'il nomme "molaire", au niveau des gros discours et des gros concepts (LA Loi, l'Etat, LA Justice etc.), alors que la dialectique n'a pas cours au niveau moléculaire, au niveau mineur, au niveau n-1 auquel Deleuze veut maintenir strictement la philosophie.  
La philosophie n'a pas à servir l'Etat. Ce n'est pas un pouvoir, mais un combat, une lutte qui passe par chacun de nous. La philosophie n'a rien à communiquer aux pouvoirs, elle peut seulement entamer des pourparlers, car elle est fondamentalement dans la logique de l'antagonisme, elle est comme une guérilla, une "machine de guerre" (cf. Pourparlers).
 
 
Les critiques deleuziennes de Hegel
 
Il y a donc une réelle cohérence entre les différentes critiques adressées par Deleuze à Hegel, quoique ces attaques se fassent par plusieurs angles :  
- La contradiction évite la confrontation avec la différence  
- La dialectique maintient la pensée dans une image qui l'empêche d'advenir et l'enferme dans le négatif, le ressentiment  
- La dialectique est ainsi le langage des mots d'ordre, et le philosophe devient le servant du pouvoir, son langage une sanction qui s'en tient aux valeurs établies au lieu de tenter de créer de nouvelles valeurs
- La vision totalisante du concept nie l'autonomie des sciences et des arts, et bloque ainsi la compréhension véritablement créatrice de la philosophie.
 
La différence n'est pas fondamentalement l'opposé de la contradiction, sans quoi D. resterait encore dans une logique hégélienne de position qui ne se fait que par opposition, dans une logique où toute affirmation se soutient secrètement d'une négation. En réalité, la différence n'a pas besoin d'autre chose que de sa propre puissance pour exister, et ensuite, dans un second temps, rencontre ce qui lui est opposée, selon la même logique que la morale des maîtres, chez Nietzsche, se constitue d'abord comme affirmation de soi puis comme négation du faible, du mauvais.
La logique "nietzschéenne" de D. veut poser l'affirmation comme supérieur à toute négation (d'où l'idée, par exemple, dans l'article sur le structuralisme, que ne valent que les livres "pour", pas les livres écrits contre quelque chose).  
 
 
Gérard Lebrun et la différence deleuzienne
 
Dans son grand livre sur Hegel, La patience du concept, Gérard Lebrun parle de Différence et répétition, mais en notes de fin de chapitre, car il n'a lu la thèse de D. qu'après avoir fini son livre. Il comprend très intelligemment les critiques de D. contre Hegel mais maintient cette réserve que, selon lui, la différence hégélienne n'est plus inscrite dans la pensée représentatrice. Pour Hegel, il s'agit de sortir des oppositions d'entendement et des représentations de couples toutes faites (nécessité / liberté, en devenir / éternel etc.) pour passer dans un au-delà de la représentation.  
Deleuze lui renvoyait Hegel dans le monde de la représentation, en disant que H. avait en réalité porté la représentation à l'infini, et ne l'avait pas du tout abolie ou dépassée.  
Lebrun dit que l'Identité spéculative chez Hegel a tout de même ceci de particulier qu'elle peut inclure en elle la différence, et réaliser ainsi l'Identité de la différence et de l'identité.  
Ce n'est donc plus l'identité classique qui excluait toute différence.  
 
C'est dans L'envers de la dialectique que Lebrun va reprendre profondément cette critique de Deleuze à partir de la notion de différence. Lebrun va montrer, à la fin de son livre, que la dialectique hégélienne est une gigantesque théodicée cachée, et que loin de subvertir les règles de la métaphysique classique, elle les prolonge complètement, en particulier en niant la différence : l'Esprit hégélien finit par déployer complètement la différence, en la laissant vivre pour elle-même, mais parce que l'Esprit y retrouve sans cesse sa diversité, dans chacune de ces différences. Dans l'autre, l'Esprit rejoue le même jeu, la même partition, la même logique. Peut-on imaginer subversion plus inoffensive, dit Lebrun ?  
 
 
L'inoffensive subversion dialectique
 
Les termes sont donc les mêmes que dans La patience du concept, à savoir que l'Identité spéculative est capable de laisser vivre la différence pour elle-même, mais cette fois, Lebrun ne le prend plus pour la force de l'Identité hégélienne, mais comme son échec, comme la résurrection d'une théodicée. Lebrun dit qu'il a appartenu à Nietzsche de saper les soubassements de cet édifice et de briser ainsi toute histoire de la philosophie (pour Châtelet, Marx a lui aussi fini par briser l'histoire de la philosophie, c'est à dire la théologie hégélienne).  
Pour Lebrun, il y a donc bel et bien un envers de la dialectique, si étonnant que cela puisse paraître, puisque la dialectique se voulait le régime de discours qui ne laisse rien au-dehors de lui, aucun envers, aucune détermination conceptuelle non élucidée. Or, Lebrun montre, à la lumière de Nietzsche, qu'il y a bel et bien un envers non élucidé, non élucidable, non avouable, par la dialectique, et que celle-ci constitue donc une "stratégie philosophique inavouée", visant en particulier à exclure du champ discursif la pensée du hasard épicurienne et à parler le langage de peur et de ressentiment nécessaire au maintien de l'Etat.  
Lebrun paraît donc bien donner raison à Deleuze dans sa critique de l'identité hégélienne à partir du concept de différence.  
 
Aussi je conclurai comme Lebrun : il ne s'agit de décourager personne de lire Hegel, mais il faut savoir à quelle façon de parler on a affaire, à quelle stratégie. Bref, avoir la sagesse de savoir ce que parler en dialecticien veut dire. Je crois que c'était aussi le sens des mises en garde de Deleuze : sachons repérer ce que dit Hegel. La dialectique n'est pas innocente, elle a son envers. C'est à cet envers qu'il faut directement s'attaquer, pas à la surface de la dialectique, où Hegel nous prendra toujours au piège. C'est aux soubassements métaphysiques de la dialectique qu'il faut s'intéresser, à ses mystifications. "Si je ne peux pas plier le ciel, je remuerai les enfers" (Virgile, Enéide, VII).


Message édité par rahsaan le 29-10-2008 à 18:08:30

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Posté le 28-10-2008 à 18:27:01  profilanswer
 

n°16572835
foutre de
Posté le 28-10-2008 à 18:41:18  profilanswer
 

n'y a-t-il pas un élitisme de la pensée anti-dialectique  (d'une part) - (peut-elle convenir comme enseignement démocratisé ?) et par ailleurs un opportunisme dans le sens où c'est une pensée à partir de civilisations déjà constituées, c'est-à-dire dans une époque humaine où l'unification (par la langue, par l'Etat...) a déjà été effectuée ?
en ce sens, n'est-ce pas une pensée groupusculaire ou balkanisante tendanciellement ?


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°16573035
rahsaan
Posté le 28-10-2008 à 19:05:49  profilanswer
 

(Edit du message précédent.)
 
Toute pensée se fait dans une civilisation déjà constituée. C'est ce que Hegel et Nietzsche ont justement cherché à intégrer.  
 
Pour Deleuze, il ne s'agit pas de demander qu'on fasse tout sauter, qu'on lance des bombes sur le Parlement et qu'on balkanise tous les Etats. Ce n'est pas à ce niveau que cela se joue. Il le dit bien dans Dialogues. C'est une question de prudence, de savoir jusqu'où on va dans la ligne de fuite, dans ses devenirs, sans que ça tourne mal.  
 
Une fois dit que Deleuze se bat avec/contre Hegel, qu'il cherche à en sortir, on n'a en fait rien dit sur le propre de D., à savoir les concepts qu'il crée et la façon dont il veut que la philosophie nous aide à vivre la vie en la transformant. C'est la partie proprement créatrice, la meilleure et qui vaut bien sûr mieux que ses critiques de Hegel, qui ne sont pas centrales dans sa pensée. C'est un ennemi qu'il rencontre de loin en loin, avec lequel il doit en découdre, mais en évitant justement d'entrer dans une confrontation dialectique.  
Deleuze n'avait tout simplement pas besoin de Hegel pour penser, fût-ce pour penser contre Hegel. Il veut nous mettre en garde. Mais cela ne nous dit rien, encore une fois, sur ce que D. a créé.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 28-10-2008 à 19:06:19

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n°16573185
foutre de
Posté le 28-10-2008 à 19:25:58  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Pour Deleuze, il ne s'agit pas de demander qu'on fasse tout sauter, qu'on lance des bombes sur le Parlement et qu'on balkanise tous les Etats.


c'était plutôt une question de non participation à l'Etat que je posais (avoir les mains propres et laisser ça aux autres, ceux qui ont besoin de dialectique pour comprendre ce qui se passe parce qu'ils n'ont pas les virtuosités différentialistes). On ne fait rien sauter mais on déserte les structures léguées pour aller former des microgroupes où exprimer notre virtuosité non-étatique. Hegel c'est quand même l'histoire et le devenir dans la pensée européenne : Si Nietzsche est Darwin, Hegel pourrait bien être Lamarck...
enfin c'est juste des questions que je me pose, pas des condamnations de Deleuze et tout ça hein, je reste du côté des gentils hein... :sol:
même si maintenant que les guerres mondiales ont fini d'unifier économiquement le monde, ce qui coïncide aujourd'hui avec un impact partagé de toute crise écologie par l'ensemble de la planète, je me demande quand même si une pensée de la totalité n'est pas bienvenue histoire de ne pas faire l'autiste... chais pas... quoi


Message édité par foutre de le 28-10-2008 à 20:50:26

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°16575093
rahsaan
Posté le 28-10-2008 à 23:29:30  profilanswer
 

Je vois ce que tu veux dire, quand tu parles de totalité. La philosophie ne doit pas renoncer à son exigence de penser le tout.  
On pourrait partir de l'article "Gauche" de l'Abécédaire à ce sujet. C'est sur ce point aussi que je voudrais confronter Zizek et Deleuze.  
Demain, si j'ai le courage.  :o
 
Je dis tout de suite que je ne pense pas que Deleuze renonce à penser le tout. Rien que par l'extension nouvelle qu'il donne à la philosophie politique, en ne la centrant pas sur les problématiques d'Etat (Justice, Loi, Devoir, Obéissance etc.) et en la mettant en rapport avec d'autres problèmes, d'autres forces, d'autres intensités (je pense en particulier à la notion de machine de guerre), de sorte qu'il n'y a pas à proprement parler chez lui de philosophie politique mais de la micro-politique qui peut surgir de n'importe quel autre domaine ou mieux : de la mise en relation de deux domaines hétérogènes (modèle rhizomatique).  
Pour autant, la pensée "micro", la pensée de la différence et des multiplicités n'est pas une perte de la pensée du tout, quoique ce soit une sortie de la considération de l'universel, ou du moins des universaux.


Message édité par rahsaan le 28-10-2008 à 23:50:11

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n°16577543
foutre de
Posté le 29-10-2008 à 11:17:43  profilanswer
 

je ne crois pas non plus que pensant le multiple, Deleuze renonce à toutes les formes du tout, seulement à ses formes conscientes et représentées, il va sans dire.

 

Mais  je continue d'être gêné par ses propos du genre de ceux de l'ABCdaire où il avance que la gauche n'est jamais au pouvoir : c'est vraiment typique d'une philosophie des mains propres qui évacue immédiatement toute tentative d'exercice des institutions comme relevant de l'horrible "droite". C'est vraiment prendre beaucoup de gens pour des cons, soutenir que se vouer à ce qui est transmis (par exemple la pensée  de tradition catholique) c'est forcément être un vieux réac pétainiste ; c'est typique d'une pensée de la provocation, de la grimace et de l'invective, où on est une merde dès l'instant où on n'est pas souverain ; on y refuse toute position humble, inféodée à ce qui a été reçu ; et de manière sous jacente, ça sent encore son goût pour le moderne, l'hypermoderne, et l'exhibition de son cul aux tièdes qui pensent que tout n'est pas à saper, à dépasser, à travestir.

 

On dresse un culte à l'enfant qui invente et qui joue, mais on oublie l'enfant qui répète ses institutions parentales (les frites le samedi, la recettes des gâteaux de grand-mère qui est inimitable) et qui accueille un calendrier pour ses jours et ses régimes.

 

Dans la critique de l'Etat je trouve qu'on oublie souvent l'établissement des modes de communication (malle poste, courriers préfectoraux napoléoniens, etc). Aujourd'hui, c'est facile de faire de la micropolitique schizée avec internet, mais de là à dire que nos ancêtres étaient réacs parce qu'ils disposaient différemment leurs proximités et leurs relations, je trouve ça désagréable, aussi puéril que de dire qu'on était barbare à se scarifier pour se reconnaître du même clan pendant la préhistoire.

 

C'est la même chose que la critique de la xénophobie : comment au moyen-âge reconnaître un ennemi quand aucune information politique ne circule plus vite que la guerre ? ce n'est que l'expansion médiatique qui permet aujourd'hui de ne plus se protéger de cette façon là ; mais à l'époque il aurait vraiment fallu être très con pour ne pas craindre l'arrivée d'une horde précédée d'un ou deux éclaireurs qui n'aurait pas été annoncée par CNN.

 

tout cela dit pour bavarder


Message édité par foutre de le 29-10-2008 à 12:23:04

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°16581085
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 16:44:14  profilanswer
 

Le temps de PLATON
 
      Je vais essayer d'appliquer une grille de lecture à quelques philosophes pour voir ce qu'on peut en tirer sur le concept de temps. Mon idée va être de projeter les concepts de temps-ordre et de temps-devenir sur leurs pensées, de regarder si ils ont pensé les deux aspects du temps, et la contradiction inhérente à ces deux aspects. Par un excès d'originalité, je commence par Platon. Il semble qu'il ait pensé les deux aspects, mais pas la contradiction qui en découle.
 
 Platon affirme la primauté du temps-ordre sur le temps-devenir, comme le montre la citation suivante : "Nous disons d'elle qu'elle était, qu'elle est, qu'elle sera, alors qu'elle est est le seul terme qui lui convienne véritablement, et que elle était et elle sera sont des expressions propres à la génération qui s'avance dans le temps; car ce sont là des mouvements." (Timée 38)
Le temps-devenir est alors qualifié de « génération qui avance dans le temps » et de « mouvement », et est indépendants du temps-ordre, de l'intemporalité première. Comment comprendre alors le rapport entre l'intemporalité (temps-ordre) et la génération qui avance dans le temps ?
 
 Platon fait intervenir un démiurge qui fabrique le mouvement, la mobilité au sein de l'intemporalité : « Quand le père qui l’avait engendré s’aperçut que le monde qu’il avait formé à l’image des dieux éternels se mouvait et vivait, il en fut ravi et, dans sa joie, il pensa à le rendre encore plus semblable à son modèle. Or, comme ce modèle est un animal éternel, il s’efforça de rendre aussi tout cet univers éternel, dans la mesure du possible. Mais cette nature éternelle de l’animal, il n’y avait pas moyen de l’adapter complètement à ce qui est engendré. Alors il songea à faire une image mobile de l’éternité et, en même temps qu’il organisait le ciel, il fit de l’éternité qui reste dans l’unité cette image éternelle qui progresse suivant le nombre, et que nous avons appelé le temps. » (Timée 37D). Ainsi pour Platon, le démiurge a d'abord créé un monde intemporel, éternel, dont chaque objet existe de toute éternité avec des parties temporelles (par anachronisme on parlerait d'une conception perdurantiste ou quadri-dimensionnaliste de l'identité dans le temps) .  
 
Ensuite pour le rendre plus parfait, pour le mettre en mouvement en quelque sorte, le démiurge a rajouté le temps-devenir, ce que Platon appelle lui le temps. Le temps est alors l'image mobile de l'éternité. Quel lien avec les conceptions contemporaines du temps ? Platon va dans le sens d'une théorie statique du temps (le temps ne passe pas, tout existe de toute éternité), qui donne la primauté au temps-ordre. Seulement son dieu a ajouté le temps-devenir ce qui va plus dans le sens d'une théorie dynamique du temps (le futur devient présent, le présent devient passé). Mais comment comprendre alors que tout existe de toute éternité, et que quelque chose passe ? Il semble que le temps-devenir implique que des choses qui n'existaient pas dans le passé viennent à l'existence dans le présent, ce qui contredit la conception du temps-ordre qui affirme que tout existe de toute éternité.  
 
 D'où l'idée que chez Platon les deux aspects du concept de temps sont présents, mais la tension entre ces deux aspects n'est pas exprimée.


Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 17:11:08
n°16581203
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 16:52:47  profilanswer
 

Très bien.  
 
La citation du Timée dit toutefois que le le démiruge a ajouté le mouvement pour rendre le monde plus parfait. Toutefois, pour que le monde ne devienne pas un pur devenir chaotique, il faut que ce temps se règle sur un ordre éternel qui est plus fondamental. Il faut un devenir réglé sur un ordre. Je crois que c'est ainsi que Platon pense et résoud cette tension, entre l'apparition de nouveauté que l'on constate et la permanence d'un ordre supra-temporel.  
Il faut lire là une critique de Héraclite et de Démocrite.


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n°16581544
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 17:18:54  profilanswer
 

Donc tu es d'accord que le temps-ordre prime sur le temps-devenir ?
Ce que je me demande, c'est en quoi le fait d'ajouter un temps-devenir "inerte" rend le monde plus parfait. Je veux dire par inerte, que dès lors que l'on a posé un temps-ordre, une éternité statique, le passage du temps n'y changera rien. Je vois, comme tu dis, que le temps-devenir sans ordre pourrait être un chaos, mais que serait pour Platon un temps-ordre sans devenir ? Un tel monde serait moins parfait d'après lui, mais à quoi ressemblerait-il ? Je pense qu'il serait exactement identique... A moins que cela donne un monde sacadé, clignotant, discontinu, dont les différents états se succèdent non pas de manière continue, mais discontinue.
 
En d'autres termes, ma question est : un temps-ordre sans temps-devenir décrit-il un monde discontinu pour Platon ?

n°16581849
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 17:47:17  profilanswer
 

Un temps-ordre sans devenir serait un temps figé je pense. Un monde purement mathématique, statique. Un monde immobile.  
 
Alors oui, le temps-ordre prime sur le temps-devenir mais ce qui compte pour Platon, c'est d'organiser le temps - devenir, c'est celui-là qui compte. C'est pourquoi il fait appel à un ordre éternel, au-delà du temps.  
 
La question pour Platon, c'est toujours de trouver un ordre au monde, en particulier pour montrer que la Cité à son époque s'est détournée de cet ordre cosmique et qu'ainsi elle est vouée à la décadence. Ultimement, son problème n'est pas cosmologique mais politique : quel ordre pour la Cité ? Comment contrecarrer la décadence ?

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 29-10-2008 à 17:50:01

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Posté le 29-10-2008 à 17:47:17  profilanswer
 

n°16581954
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 17:55:36  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Un temps-ordre sans devenir serait un temps figé je pense. Un monde purement mathématique, statique. Un monde immobile.  
 
Alors oui, le temps-ordre prime sur le temps-devenir mais ce qui compte pour Platon, c'est d'organiser le temps - devenir, c'est celui-là qui compte. C'est pourquoi il fait appel à un ordre éternel, au-delà du temps.  
 
La question pour Platon, c'est toujours de trouver un ordre au monde, en particulier pour montrer que la Cité à son époque s'est détournée de cet ordre cosmique et qu'ainsi elle est vouée à la décadence. Ultimement, son problème n'est pas cosmologique mais politique : quel ordre pour la Cité ? Comment contrecarrer la décadence ?


 
Dac. Contrairement à toi, je pense qu'un temps-ordre sans devenir ne serait pas un temps figé de l'intérieur, mais de l'extérieur. Un habitant de ce monde ne voit pas la différence. Les tenants de la conception statique du temps (tenseless theory of time) affirment que notre monde est un tel monde. L'éternité possède des parties temporelles co-existantes. Pas de présent référentiel, possédant une primauté existentielle, mais une multitude (une infinité) de présents relatifs, de présent indexicaux dans chaque partie temporelle de l'éternité.

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Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 17:57:07
n°16582111
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 18:07:02  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Pas de présent référentiel, possédant une primauté existentielle, mais une multitude (une infinité) de présents relatifs, de présent indexicaux dans chaque partie temporelle de l'éternité.


 
Mais qu'est-ce que cela change, de dire que le temps est figé de l'extérieur ? Je veux dire, du moment que c'est hors de portée de notre expérience ?...
 
Qu'est-ce que c'est, les présents indexicaux ?


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°16582407
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 18:33:03  profilanswer
 

Oui je suis d'accord, que ça soit figé de l'extérieur n'importe pas. D'où le fait que pour moi ce n'est pas figé car un habitant d'un tel monde (notre monde?) ne verrait rien de figé.
 
Indexical, cela renvoi à l'index, le doigt qui montre. Exemples d'indexicaux : ici, maintenant, les démonstratifs (cet objet, ce monde), en bas, à gauche, à l'ouest, au nord. Si le présent se réduit au présent indexical, alors le présent ne désigne rien d'autre que la simultanéité entre un énoncé, et l'état du monde, à un moment de l'éternité. Si je dis "cette année, nous sommes en 2008", cet énoncé n'est pas vrai parce que le présent (au sens référentiel) est l'année 2008, mais parce que l'occurrence de cet énoncé a lieu en 2008. "cette année, nous sommes en 2008" est vrai parce que l'indexical "cette année" désigne l'année 2008, au moment de l'année 2008.
 
Pour mieux comprendre, prenez l'énoncé "cette année, nous sommes en 1998". Une personne qui affirme cela en 1998, rend l'énoncé vrai, car elle le proclame en 1998. Dans son présent indexical, cette phrase est vraie. Un tenant de la conception éterniste, affirmera qu'il n'y a pas de présent référentiel, seulement une multitude de présents indexicaux. La personne qui affirme en 1998 qu'elle se trouve en 1998 existe tout autant que nous qui affirmons que nous nous trouvons en 2008. Si nous avons l'impression que l'énonciateur de 1998 n'existe plus, car le passé n'existe plus, cela découle simplement de notre point de vue, de notre propre présent indexical. Pour l'énonciateur de 1998, c'est nous qui sommes futurs. Pas de présent référentiels, simplement une multitude de présents indexicaux, relatifs. Tous ces points de vue relatifs co-existent de toute éternité.
 
Cette position est éminemment contre-intuitive. Mais elle est appuyée par nombre d'arguments, notamment la relativité restreinte. Ma motivation dans mon travail de recherche, est de déterminer si on peut rendre compatible le présentisme (qui s'oppose à l'éternisme) avec la théorie de la relativité, afin de sauver notre intuition.

Message cité 2 fois
Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 18:37:54
n°16582512
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 18:41:43  profilanswer
 

Ok, le type de 2008 et le type de 1998 ont raison tous les deux.  
Le temps, l'époque, ne sont pas dans le référent mais dans l'indexation.  
 
Mais le sens commun voudrait que le mec de 1998 ait ce petit désavantage de ne plus exister, ou au moins de ne plus être en 1998. :D Ou alors on est dans un scénario à la Retour vers le futur où Doc Brown est au 19e siècle dans une ville de western au même moment où Marty McFly est, par exemple, dans le futur en 2010, en train de faire du skate antigravité.  
Mais là, c'est une conception spatialisée du temps : comme si on était "en" 1998 ou "en" 2008 comme dans tel ou tel lieu, simultanément.  
Si on ne spatialise plus le temps, comme le propose Bergson, la distinction index / référence tombe, car nous sommes la durée et rien d'autre : il n'y a pas nous, et puis le temps hors de nous. Donc 1998 ou 2008 sont des vues, des instantanés de la durée, et la distinction index / référence est uniquement pratique. D'où aussi la fin de la référence à l'éternité. Le temps est irréversible.  
 
Et puis, ok, admettons que le type de 1998 existe encore et saute de joie sur les Champs-Elysées après la victoire de la France. Mais là encore, nous ne savons pas remonter le temps et donc c'est hors de portée de notre expérience.  
D'où aussi ce célèbre argument (mais qui semble convaincant, non ?), c'est que le voyage dans le temps n'existera jamais, sans quoi les gens du 25e siècle seraient déjà venus nous rendre visite pour dire qu'ils l'ont inventé.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 29-10-2008 à 18:43:19

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n°16582697
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 19:01:19  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Ok, le type de 2008 et le type de 1998 ont raison tous les deux.  
Le temps, l'époque, ne sont pas dans le référent mais dans l'indexation.  
 
Mais le sens commun voudrait que le mec de 1998 ait ce petit désavantage de ne plus exister, ou au moins de ne plus être en 1998. :D Ou alors on est dans un scénario à la Retour vers le futur où Doc Brown est au 19e siècle dans une ville de western au même moment où Marty McFly est, par exemple, dans le futur en 2010, en train de faire du skate antigravité.  
Mais là, c'est une conception spatialisée du temps : comme si on était "en" 1998 ou "en" 2008 comme dans tel ou tel lieu, simultanément.  
Si on ne spatialise plus le temps, comme le propose Bergson, la distinction index / référence tombe, car nous sommes la durée et rien d'autre : il n'y a pas nous, et puis le temps hors de nous. Donc 1998 ou 2008 sont des vues, des instantanés de la durée, et la distinction index / référence est uniquement pratique. D'où aussi la fin de la référence à l'éternité. Le temps est irréversible.  
 
Et puis, ok, admettons que le type de 1998 existe encore et saute de joie sur les Champs-Elysées après la victoire de la France. Mais là encore, nous ne savons pas remonter le temps et donc c'est hors de portée de notre expérience.  
D'où aussi ce célèbre argument (mais qui semble convaincant, non ?), c'est que le voyage dans le temps n'existera jamais, sans quoi les gens du 25e siècle seraient déjà venus nous rendre visite pour dire qu'ils l'ont inventé.


 
Tes remarques pointent une curiosité. Le sens commun est présentiste : seul le présent existe, le passé n'existe plus le futur pas encore. Soit. Mais dans ce cas comment le sens commun peut-il concevoir les voyages dans le temps ? Il est impossible de voyager dans quelque chose qui n'existe pas. En effet, la possibilité du voyage dans le temps implique une conception éterniste du temps. Donc méfiance le sens commun n'est peut-être pas aussi présentiste que ça quand on examine ça à fond.
 
Maintenant, j'ai déjà travaillé un peu sur les voyages dans le temps, d'où quelques remarques.  
 
Les voyages dans le temps sont-ils possibles ?
Il faut distinguer la possibilité logique de la possibilité physique.  L'argument que tu avances est un argument en faveur de l'impossibilité physique de voyager dans le temps. Il en existe énormément, et je pense pour ma part que les voyages dans le temps sont physiquement impossibles, mais il s'agit d'une conviction, ce n'est pas le résultat d'une argumentation implacable.
 
Cependant l'impossibilité physique n'implique pas l'impossibilité logique (c'est le contraire). Un fait est logiquement possible si il n'est pas contradictoire c'est-à-dire s'il y a au moins un monde possible dans lequel ce fait a lieu. Les voyages dans le temps sont logiquement possibles s'il y a des mondes possibles possèdant des lois physiques différentes, qui rendent possibles les voyages dans le temps. Défendre une conception éterniste du temps, présuppose (ou implique) que les voyages dans le temps sont logiquement possibles.
Je pense pour ma part que les voyages dans le temps sont logiquement possibles (il existe dans la littérature science-fictive des récits de voyages dans le temps totalement cohérents, pour Retour vers le futur, il faudrait que je regarde, je me rappelle plus. Mais je suis prêt à parier que c'est incohérent).
 
Sinon une petite remarque, quand tu dis que le type de 98 est en dehors de notre expérience. Je suis bien d'accord. Mais là on fait de la métaphysique, on essaye de saisir la structure de la réalité. Celle-ci est forcément en dehors de notre expérience, puisqu'elle génère l'expérience elle-même.
 

n°16582800
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 19:12:00  profilanswer
 

Pour Bergson, je pense que sa vision n'apporte que de la confusion au problème qui m'occupe. Ses concepts sont trop flous, trop grossiers, ils élucident certaines apories temporelles en les englobant massivement. Bergson a toujours la réponse a tout : la durée, toujours la durée, encore la durée. Le passé existe-t-il ? Seule la durée existe... On sait au moins qu'il n'est pas éterniste, puisqu'il y a un "jaillissement continu d'imprévisibles nouveauté". Après j'hésiterai entre le classer en présentisme (seul le présent existe), ou non-futurisme (passé+présent existent).

n°16582934
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 19:29:46  profilanswer
 

neojousous a écrit :


 
Tes remarques pointent une curiosité. Le sens commun est présentiste : seul le présent existe, le passé n'existe plus le futur pas encore. Soit. Mais dans ce cas comment le sens commun peut-il concevoir les voyages dans le temps ? Il est impossible de voyager dans quelque chose qui n'existe pas. En effet, la possibilité du voyage dans le temps implique une conception éterniste du temps. Donc méfiance le sens commun n'est peut-être pas aussi présentiste que ça quand on examine ça à fond.


 
Je pense que c'est plus simple que ça : c'est que le sens commun est présentiste et que la fiction permet justement d'imaginer des choses impossibles en réalité. C'est la chose la plus banale du monde : on s'amuse à inventer ce qui se passerait si...
En plus, ce n'est pas le sens commun qui a inventé le voyage dans le temps et ses paradoxes, mais des écrivains, des cinéastes. Et comme on sait que c'est juste de la fiction, cela ne fait que confirmer le présentisme du sens commun.  
 

neojousous a écrit :

Pour Bergson, je pense que sa vision n'apporte que de la confusion au problème qui m'occupe. Ses concepts sont trop flous, trop grossiers, ils élucident certaines apories temporelles en les englobant massivement. Bergson a toujours la réponse a tout : la durée, toujours la durée, encore la durée. Le passé existe-t-il ? Seule la durée existe...


 
Je pense que c'est toi qui le connais de trop loin ; de loin, oui, c'est toujours la rengaine de la durée. De près, ce n'est plus du tout ça.
 
...
 
Quand tu distingues possibilité logique et possibilité réelle du voyage dans le temps, je ne saisis pas bien, et j'ai l'impression que c'est là qu'on est en pleine métaphysique.  
Qu'est-ce que c'est, une possibilité logique et pas réelle ?... Qu'avec une certaine logique on arrive à dire que le voyage dans le temps est possible, ou encore que le temps n'existe pas parce que c'est incohérent (MacTaggart), ok, mais de quel monde on parle ? Qu'en est-il du principe selon lequel il faut quand même sauver les phénomènes ?...  
J'ai peur qu'on ne soit jamais si métaphysicien que quand on croit être en dehors d'elle, et que les meilleurs métaphysiciens sont justement ceux qui veulent éviter de faire de la métaphysique. Ce n'est pas tant que ça un paradoxe : dans les Méditations métaphysiques, Descartes est le premier à critiquer les raisonnements "métaphysiques".


Message édité par rahsaan le 29-10-2008 à 19:35:21

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n°16582961
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 19:32:52  profilanswer
 

Je dis pas que la pensée de Bergson n'est pas cohérente, je dis que convoquer Bergson sur un problème thématique précis n'est pas une chose aisée. Sa pensée est une philosophie systématique qui doit être appréhendée dans sa globalité, ce que je ne peux pas faire dans le cadre de mon approche.
Sinon pour le sens commun, je pense que tu as raison. Mais ce n'est pas aussi simple que tu le dis, parce que le sens commun est formé par un héritage culturel, et qu'il y a notamment un sens commun pré-19ème siècle, différent du sens commun post-19ème siècle pour ce qui est de la conception du temps, après que les voyages dans le temps soient apparus dans la culture populaire.

Message cité 1 fois
Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 19:35:37
n°16582993
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 19:35:45  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Je dis pas que la pensée de Bergson n'est pas cohérente, je dis que convoquer Bergson sur un problème thématique précis n'est pas une chose aisée. Sa pensée est une philosophie systématique qui doit être appréhendée dans sa globalité, ce que je ne peux pas faire dans le cadre de mon approche.


 
Là ok.  
 
(message précédent édité).


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n°16583025
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 19:39:31  profilanswer
 

Pour la métaphysique lorsqu'on distingue possibilité logique de possibilité physique, oui tu as raison on est en pleine métaphysique. Il y a là tout un background de métaphysique modale. En quelques mots, l'essor de la logique modale, a généré le problème de l'interprétation de cette logique modale (ce qu'on fait quand on utilise des expressions comme "il est possible que", il est "nécessaire que" ). La meilleure interprétation qui fut trouvée, est la théorie sémantique des mondes possibles. C'est un aspect qui n'est pas autant développé dans la métaphysique "continentale" que dans la métaphysique "analytique".


Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 19:40:40
n°16583103
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 19:47:42  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Ma motivation dans mon travail de recherche, est de déterminer si on peut rendre compatible le présentisme (qui s'oppose à l'éternisme) avec la théorie de la relativité, afin de sauver notre intuition.


 
Est-ce que tu peux repréciser ce problème ?  
Je n'ai pas du tout les idées claires sur la relativité : pourquoi présentisme et relativité sont-ils inconciliables ?


Message édité par rahsaan le 29-10-2008 à 19:48:46

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n°16583289
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 20:10:45  profilanswer
 

Le temps relativiste n'est pas homogène, il se dilate en fonction du mouvement. Cela mène à un déphasage des durées propres à deux personnes en mouvement l'une par rapport à l'autre (regarde le paradoxe des jumeaux, également appelé paradoxe de Langevin). Le présentisme affirme que seul le présent existe. Or si tu dis qu'il n'y a pas de simultanéité absolue (à cause du déphasage temporel), il semble il y avoir plusieurs présents différents, ce qui plombe le concept de présent référentiel.
 
Cela n'implique pas que présentisme et relativité soient inconciliable : cela implique qu'il y a une difficulté à résoudre, que cela soit en rejetant le présentisme, ou l'interprétation orthodxe de la relativité, ou en trouvant un cadre cohérent pour les rendre compatible.


Message édité par neojousous le 29-10-2008 à 20:18:52
n°16583344
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 20:18:28  profilanswer
 

Ok.  
Mais dans ce cas, il faut envisager les choses à différentes échelles.  
A notre échelle, la relativité s'applique, bien sûr, mais les effets de déphasage doivent être, dans la pratique, négligeables ?  :heink:  
 


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n°16583376
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 20:23:15  profilanswer
 

Oui ils sont négligeables dans la vie de tous les jours. Le problème c'est qu'ils ne sont plus négligeable pour tout ce qui est astronomie. Par exemple, la masse de la matière dilate également le temps (on est plus dans la relativité restreinte, mais générale dans ce cas, mais c'est une dilatation semblable), et il faut l'intégrer aux calculs pour prévoir la positions des planètes. Envisager les choses à différentes échelles ne règle en rien le problème du temps. Le paradoxe des jumeaux est loin d'être une fiction improbable. C'est quelque chose de bien réel.

n°16583534
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 20:39:04  profilanswer
 

Autre question : pour en revenir à la possibilité logique du voyage dans le temps. Ce serait quoi, un modèle cohérent de voyage temporel ? Et ce serait quoi les incohérences possibles ?  
Parce que bien sûr, de tels voyages jouent forcément avec les paradoxes et incohérences des allers retours entre plusieurs époques. C'est tout l'intérêt.  
 
1) Par exemple, si le voyageur change un petit truc dans le passé, ça va bouleverser tout dans l'avenir, c'est à dire l'époque d'où il vient.  
Même la moindre modification aura des conséquences énormes (c'est une sorte d'effet papillon, mais dans le temps).  
Il y a une histoire comme ça (un épisode des Simpsons ?), où le héros se retrouve à la préhistoire. Il fait bien gaffe de ne toucher à rien, parce qu'il sait que ça va tout chambouler sinon. Manque de chance, il écrase juste un petit moustique... Il revient dans le présent et bien sûr, tout est bouleversé. Parce que le moustique aurait dû provoquer à terme l'extinction d'une espèce de dinosaures, qui, finalement, a dominé les autres races etc.  
Mais comment se fait-il que l'on revienne dans un présent différent de celui dont on est partis ?
 
2) Dans Retour vers le futur, après avoir voyagé en 2010, Biff Tannen (le méchant, la grosse brute qui martyrise le héros) revient dans le présent, et donc le héros, McFly, se retrouve dans un monde dominé par Tannen : parce que celui-ci a lu en 2010 tous les résultats du loto des années passées, et ensuite, de retour dans les années 1980, il a joué les bons numéros et est devenu milliardaire.  
Doc Brown explique qu'il y a une divergence : quand on change le présent par une intervention depuis le passé ou l'avenir, on se retrouve dans un autre présent que celui d'où on est partis. C'est comme ça que le présent original de McFly est celui où lui et son père sont terrorisés par Biff Tannen, et à la fin, c'est un monde où au contraire Tannen est effrayé par la famille McFly. Donc le héros finit dans un autre présent que celui d'où il est parti.  
 
Cependant, doit-il y avoir nécessairement divergence entre plusieurs présents ?
 
3) Dans la BD Le piège diabolique, Mortimer reçoit de son vieil ennemi le professeur Miloch une invitation dans un château où se trouve la "crypte de la demoiselle" (la légende raconte que cette demoiselle, au Moyen-Âge, a été sauvée de la jacquerie -les révoltes paysannes- par un démon surgi de la crypte). Dans cette crypte, Mortimer découvre une machine à voyager dans le temps, et ne peut s'empêcher de l'essayer. Manque de chance, Miloch voulait se venger de Mortimer et a détraqué la machine : donc quand Mortimer règle la machine sur une époque, celle-ci ne suit pas le réglage et l'expédie n'importe quand (mais toujours au même endroit : dans le sous-sol du château).
Après avoir fait un tour à la préhistoire, Mortimer se retrouve au Moyen-Âge. Il découvre un châtelain assiégé par les paysans et il finit par sauver la demoiselle des lieux des paysans révoltés. Ainsi, le démon barbu dont il a lu l'histoire dans la brochure touristique est en fait lui-même. De même, quand il part ensuite dans le futur, Mortimer découvre des archives le concernant, qui font état de ses recherches sur une machine à voyager dans le temps.  
Donc dans ce cas, il n'y a pas divergences entre plusieurs présents qui se modifieraient selon les interventions dans le passé, parce que quoi que fasse Mortimer, c'était de toute façon déjà inclus dans son présent. Il y a ainsi une redoutable cohérence du temps, qui inclus les modifications du temps passé. La linéarité du temps inclue dans son tracé les boucles temporelles. Quoi que l'on fasse, on ne "sort" pas du temps.  
La morale de l'album est d'ailleurs que le bon vieux temps, ce n'est ni le passé (vision rétrograde) ni l'avenir (vision "optimiste" ) mais c'est tout simplement maintenant. Mortimer aura au moins retiré cela de son voyage !  :D  
 
 


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n°16583684
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 20:50:52  profilanswer
 

J'ai pas le temps de faire une longue réponse, donc l'essentiel. Tu peux revenir dans le passé et intervenir de façon à façonner le présent dont tu es partie. C'est étrange mais pas incohérent. Par contre tu ne peux pas partir d'un présent, faire quelque chose dans le passé qui va changer le présent. Tu ne peux pas changer le présent. Une histoire de voyage dans le temps cohérente (logiquement possible) c'est par exemple une histoire ou tu retournes dans le passé, et là tu vois un type qui braque un flingue sur ton père à une époque ou il ne t'avait pas encore donné naissance. Tu tues ce type, et sauve alors ton père et tu reviens dans le présent. Ce présent dans lequel tu reviens est le même que celui dont tu es parti (par exemple tu te souviens qu'avant d'être parti du présent, ton père t'avait raconté qu'un type l'avait sauvé une fois...etc..). C'est l'exemple de Mortimer, je pense. La redoutable cohérence du temps comme tu dis.

n°16583782
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 20:59:31  profilanswer
 

Mais serait-ce incohérent de se retrouver dans un autre présent que celui dont on est parti ? (type Retour vers le futur)
A titre personnel, je préfère bien sûr l'idée que le présent inclue déjà les modifications faites de par le passé, qu'il est le produit de ces changements, et qu'ainsi, le présent du voyageur temporel ne peut pas exister sans que ce voyageur aille changer le passé.


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n°16583946
neojousous
Posté le 29-10-2008 à 21:13:41  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Mais serait-ce incohérent de se retrouver dans un autre présent que celui dont on est parti ? (type Retour vers le futur)
A titre personnel, je préfère bien sûr l'idée que le présent inclue déjà les modifications faites de par le passé, qu'il est le produit de ces changements, et qu'ainsi, le présent du voyageur temporel ne peut pas exister sans que ce voyageur aille changer le passé.


 
Oui ce serait incohérent puisque le présent dont tu es parti n'a jamais existé.

n°16583973
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 21:16:24  profilanswer
 

neojousous a écrit :


 
Oui ce serait incohérent puisque le présent dont tu es parti n'a jamais existé.


 
Ah oui, parce que ce présent n'a aucun passé qui lui correspond. :o


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n°16584709
xantox
Posté le 29-10-2008 à 22:29:03  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Cette position est éminemment contre-intuitive. Mais elle est appuyée par nombre d'arguments, notamment la relativité restreinte. Ma motivation dans mon travail de recherche, est de déterminer si on peut rendre compatible le présentisme (qui s'oppose à l'éternisme) avec la théorie de la relativité, afin de sauver notre intuition.


La relativité ne réfute nécessairement le présentisme, car l'espace-temps représenté par une métrique lorentzienne n'est pas nécessairement une structure fondamentale. Si l'on considère par exemple que la structure des relations causales entre les événéments est plus fondamentale, et que tout le reste n'est qu'un simple effet de jauge, on pourrait alors invoquer un temps plus élémentaire qui n'est pas affecté par l'argument relativiste. Ce qui n'est pas non plus une demonstration du présentisme.
 

neojousous a écrit :

Les voyages dans le temps sont-ils possibles ?
Il faut distinguer la possibilité logique de la possibilité physique.  L'argument que tu avances est un argument en faveur de l'impossibilité physique de voyager dans le temps. Il en existe énormément, et je pense pour ma part que les voyages dans le temps sont physiquement impossibles, mais il s'agit d'une conviction, ce n'est pas le résultat d'une argumentation implacable.


La possibilité physique du voyage dans le temps est prise en considération dans le cadre de l'interprétation "many-worlds" de la mécanique quantique. Il ne s'agit pas dans ce cas d'un voyage du présent vers le passé d'un même monde, mais du présent d'un monde vers le passé d'un autre monde, ainsi tout paradoxe de type "je tue mon grand-père" est évité.


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-- Parcours Etranges : Physique, Calcul, Philosophie
n°16584893
rahsaan
Posté le 29-10-2008 à 22:48:41  profilanswer
 

xantox a écrit :


La possibilité physique du voyage dans le temps est prise en considération dans le cadre de l'interprétation "many-worlds" de la mécanique quantique. Il ne s'agit pas dans ce cas d'un voyage du présent vers le passé d'un même monde, mais du présent d'un monde vers le passé d'un autre monde, ainsi tout paradoxe de type "je tue mon grand-père" est évité.


 
Mais pourquoi un voyage vers le passé se ferait-il vers le passé d'un autre monde ?


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n°16585433
xantox
Posté le 29-10-2008 à 23:45:23  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Mais pourquoi un voyage vers le passé se ferait-il vers le passé d'un autre monde ?


Dans un monde classique (c'est à dire, régi par la physique classique), en présence d'une boucle temporelle les événements ne peuvent être indépendants, mais doivent être liés, pour pouvoir satisfaire la cohérence de l'évolution globale du monde. Ainsi si on cherche à tuer son grand-père avant que son père soit né, quelque chose devra nécessairement se passer pour empêcher à un tel plan de se produire. Une telle dépendance entre les événements paraît assez paradoxale et contraire à des principes fondamentaux de la logique et de la physique.

 

Or par chance, le monde n'est nullement régi par la physique classique, et il convient de le décrire par la théorie quantique. Dans ce cadre, les approches traitant l'espace-temps ont tout d'abord inclu la théorie semiclassique de Hawking, qui a démontré l'impossibilité des boucles temporelles. Toutefois cette approche semble de plus en plus inacceptable par ses approximations, et il semble de plus en plus plausible que les boucles temporelles soient compatibles avec un espace-temps quantique.

 

Par ailleurs dans l'interprétation "many-worlds", TOUT événément donne lieu à une séparation de mondes qui diffèrent par cet événément. Ainsi l'indépendance entre les événéments est restaurée, car si l'on voyage dans le passé pour réaliser le plan saugrenu de tuer son grand-père, ce serait dans un monde dans lequel on ne sera donc jamais né par voie naturelle, mais dans lequel on serait simplement arrivé par la porte de la machine à voyager dans le temps. Alors que dans le monde d'où l'on vient, on serait bien né par voie naturelle car ses grand-parents se seraient très bien portés jusqu'à la naissance de ses parents.

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Message édité par xantox le 31-10-2008 à 09:13:31

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-- Parcours Etranges : Physique, Calcul, Philosophie
n°16587028
rahsaan
Posté le 30-10-2008 à 10:11:08  profilanswer
 

D'accord. Mais dans cette interprétation, si je reviens dans le présent après avoir tué mon grand-père, je reviens "où" ? Dans mon présent de départ ou bien dans un autre ?
 

xantox a écrit :

Par ailleurs dans l'interprétation "many-worlds", TOUT événément donne lieu à une séparation de mondes qui diffèrent par cet événément.


 
J'ai entendu parler de cette théorie. Cela signifie qu'il y a des divergences en permanence. Il y a par exemple un monde où César n'a pas franchi le Rubicond ; un monde où Napoléon n'a pas attaqué les Russes etc.  
On peut aussi imaginer un monde où par exemple je ne réponds pas à ton message comme je le fais actuellement, et ce serait encore un monde différent.  
 
Mais comment définir l'évènement ? C'est n'importe quel fait qui arrive, si minime soit-il (je fais tomber une pièce de ma poche ou non) ou bien y a t-il un seuil critique d'importance qui définit l'évènement ?


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°16589534
pascal75
Posté le 30-10-2008 à 14:23:24  profilanswer
 

Haephaestos a lancé un bon topic sur les différentes théories quantiques, dont celle des mondes multiples c'est ici
Ceci dit, faut pas non plus se précipiter pour voir en Leibniz un précurseur de cette théorie.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°16589772
neojousous
Posté le 30-10-2008 à 14:42:50  profilanswer
 

On peut faire un lien entre l'interprétation d'Everett, et la position de David Lewis sur le débat métaphysique à propos de la modalité. Ce débat oppose les actualistes aux possibilistes. Pour les actualistes, seul notre actuel existe, les mondes possibles sont des fictions. Pour les possibilistes, tout monde possible existe (un monde dans lequel Nicolas Sarkozy n'aurait pas gagné les élections, est un monde bien réel,aussi réel que le notre). Notre monde actuel est un monde possible comme n'impoque quel monde possible. On a l'impression que notre monde actuel existe plus que les autres mondes possibles car c'est notre monde, celui dans lequel on est ici, maintenant. Pour un possibiliste l'actualité est donc indexicale. On peut donc tracer un parallèle entre les problèmes du temps et des mondes possibles (présentisme et actualisme pour le sens commun, s'opposant à l'éternisme et au possibilisme). Le possibilisme semble avoir des affinités avec l'interprétation d'Everett. Après je connais pas assez la MQ pour savoir si ces convergences sont apparentes ou réelles, si Xantox pouvait m'éclairer ce serait top.

Message cité 1 fois
Message édité par neojousous le 30-10-2008 à 14:58:35
n°16594811
benny chac​on
Posté le 30-10-2008 à 22:56:31  profilanswer
 

Bonjour à tous !
Ayant déménagé , j'ai perdu une partie de mes cours de philo du lycée et j'en aurai un peu besoin cette année !
Je vous demande donc si vous connaissez un ouvrage plutôt clair reprenant les grand thèmes étudiés en terminale avec des citations , certains points étudiés en s'appuyant sur des livres etc ...
Merci !

 

Edit :et aussi des bouquins sur les illuminati aussi , cela m'intéresserait !

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Message édité par benny chacon le 30-10-2008 à 23:04:17
n°16595037
xantox
Posté le 30-10-2008 à 23:31:21  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

D'accord. Mais dans cette interprétation, si je reviens dans le présent après avoir tué mon grand-père, je reviens "où" ? Dans mon présent de départ ou bien dans un autre ?


Toujours dans un autre, mais en tout identique au premier (sauf pour le fait qu'on est revenu).

 
rahsaan a écrit :

Mais comment définir l'évènement ? C'est n'importe quel fait qui arrive, si minime soit-il (je fais tomber une pièce de ma poche ou non) ou bien y a t-il un seuil critique d'importance qui définit l'évènement ?


C'est n'importe quelle différence observable en principe, si minime soit-elle et jusqu'au niveau des particules élémentaires.

 


neojousous a écrit :

On peut faire un lien [..] Notre monde actuel est un monde possible comme n'importe quel monde possible. On a l'impression que notre monde actuel existe plus que les autres mondes possibles car c'est notre monde, celui dans lequel on est ici, maintenant. [..] Le possibilisme semble avoir des affinités avec l'interprétation d'Everett. Après je connais pas assez la MQ pour savoir si ces convergences sont apparentes ou réelles, si Xantox pouvait m'éclairer ce serait top.

 

Les convergences sont réelles, car la mécanique quantique porte à envisager très fortement que le monde ne soit pas "tout ce qui a lieu", comme dit Wittgenstein, mais "tout ce qui peut avoir lieu". Les mondes possibles d'Everett sont toutefois strictement limités à ceux qui sont physiquement possibles, ce qui n'est pas une contrainte pour Lewis.

 

Il y a ensuite un débat sémantique nécessaire sur le sens du mot "exister". Ce mot a une connotation classique et donc une portée trop large et grossière. Les théories physiques doivent donc naturellement nous améner à réconsidérer le sens de ce mot, et à définir plusieurs mots pour indiquer les différentes modalités d'existence qui émergent de la théorie.

Message cité 1 fois
Message édité par xantox le 31-10-2008 à 14:15:22

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-- Parcours Etranges : Physique, Calcul, Philosophie
n°16621328
wips
Posté le 03-11-2008 à 06:25:02  profilanswer
 

Je viens de terminer Huit petites oeuvres morales de G. Léopardi. J'ignore si l'agencement est réellement significatif (sûrement en fait, comme d'hab :D ) mais on peut lui trouver une justification. Ainsi, "Dialogue entre un maître de rhétorique et Salluste" servirait de scène d’exposition, à savoir que désormais, par rapport à l'antiquité, les valeurs ont changé.  
 
La deuxième explore lesdites valeurs et plus précisément la vertu, pour en conclure qu'il n'y a que peu de rapport entre celle-ci et une vie heureuse. Brutus et Théophraste l'avaient parfaitement compris d'où "la vertu n'était qu'un mot" du premier sur son lit de mort et l'approbation du second au mot de Callisthène : "ce n'est pas la sagesse mais la fortune qui gouverne la vie". Et s'ils connaissaient tous deux la misère du  monde, du moins ont-ils évité de la dévoiler aux autres hommes. Mais la science et "l'expérience du vrai" s'en sont chargées et les hommes ont dû trouver un prix à leur existence qui n'en a pas, d'où le recours à diverses croyances (figure du sage bienheureux, autre vie, etc).
 
Dans "Xénophon et Machiavel", il s'agit de déterminer qui des deux aura le privilège de devenir le précepteur du fils de Pluton et de Proserpine destiné à régner sur terre. Machiavel l'emporte et nous explique qu'en réalité ce qui vaut pour les princes vaut pour tout à chacun car "n'est-il pas vrai que la vertu est l'apanage des couillons ?".
Aussi nous enjoint-il à adopter ce "traité de savoir vivre" et à délaisser les sornettes colportées par les poètes et écrivains qui, bien entendu, n'adoptent jamais ce qu'ils y prescrivent. On ne peut changer le monde mais on peut se changer. :o  
 
"Murcus et le philosophe" illustre ce qui précède : il s'agit avant tout de s'adapter. Les deux protagonistes reprennent donc en choeur et indifféremment les clameurs de la foule quelles qu'elles soient : "vive la liberté" "vive la dictature".
 
Les œuvres 5 et 6 constituent un dialogue animalier. Notre espèce s'est éteinte et les bêtes glosent sur elle, notant qu'elle n'était jamais heureuse, qu'elle croyait que le monde avait été créé pour elle, accordait une importance excessive à l'insignifiance, mangeait et exploitait les animaux, la nature, et était finalement asservie à sa propre croyance (sûrement la première des servitudes).
 
L'avant dernière oeuvre intitulée "Dialogue entre un honnête homme et le monde" met en scène la rencontre entre un jeune naïf nourri aux ouvrages dont Machiavel parlait et le Monde, représentant du monde. [:dao]
Etant acquis que bien mal acquis profite tandis que "ce qui n'échappe jamais au châtiment [...] c'est la bêtise et le fait d'être honnête homme, ce qui revient au même", il va s'agir de rééduquer le malheureux qui a néanmoins la chance d'être noble, d'où la magnanimité du Monde à son encontre. Ce dernier va donc s'y employer en lui promulguant ses ultimes principes : les études ne servent à rien, seules comptent les relations et le marketing ; se fondre dans la masse des semblables et tant pis pour l'ennui et l'authenticité ; s'arroger ce que l'on ne possède pas : les autres finiront par croire en cette possession ; ne pas craindre la contradiction, elle est chose répandue ; ne pas croire en l'amitié, elle n'existe pas sauf cas exceptionnels lorsque "chacun redoute que l'autre révèle ses scélératesses" ; servir le vice et non la vertu.  
 
Enfin, la dernière oeuvre "Fragment sur le suicide" tente de persuader le lecteur de ne pas attenter à ses jours : à travers les anciens, on peut se "reprendre à aimer et à comprendre la vie". [:brutalos]

n°16625615
foutre de
Posté le 03-11-2008 à 17:17:04  profilanswer
 


je vois qu'on a travaillé dur par ici
j'ai manqué un grand débat
 
alors je répond vite fait à ce que j'ai loupé
 

rahsaan a écrit :

Ouhla, c'est pointu ça :)


non, non, c'est de la littérature de premier cycle, donc rien d'inaccessible il me semble
 
je conseille aussi Alberts "l'essentiel de la biologie cellulaire" et bien sûr le Marieb "anatomie et physiologie humaine"
 

benny chacon a écrit :

Bonjour à tous !
Ayant déménagé , j'ai perdu une partie de mes cours de philo du lycée et j'en aurai un peu besoin cette année !
Je vous demande donc si vous connaissez un ouvrage plutôt clair reprenant les grand thèmes étudiés en terminale avec des citations , certains points étudiés en s'appuyant sur des livres etc ...
Merci !
 
Edit :et aussi des bouquins sur les illuminati aussi , cela m'intéresserait !


.
pour les manuel, si tu traînes chez les bouquinistes, tu trouveras de très bonnes choses qui ne sont pas adaptées au nouveau programme mais de très bonne qualité comme le Grateloup Nouvelle anthologie philosophique" (Hachette). mais si tu tiens à suivre la dernière réforme, j'aime bien "Philosophie, le manuel" de chez Ellipses 'par ducat et Montenot) ou encore le très beau Magnard (dans mon souvenir, je ne l'ai pas dans mes rayonnages)
 
pour ce qui est des illuminés, je ne connais que le livre de l'abbé barruel aux éditions du prieuré... rien d'exceptionnel tu dois connaître


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°16629561
rahsaan
Posté le 04-11-2008 à 00:39:37  profilanswer
 

xantox a écrit :


Toujours dans un autre, mais en tout identique au premier (sauf pour le fait qu'on est revenu).
 


 
Je vais faire le tatillon mais quand tu reviens dans ce présent, il doit bien y avoir la machine temporelle que tu as utilisée ??...  
 
Supposons que tu partes à t1 dans le temps d'un présent n°1.
Tu reviens à t2 dans un présent n°2.  
Admettons que l'écart entre t1 et t2 soit minime, même négligeable. Même qu'il n'y en ait pas. Tu pars à 10h59'31, tu reviens à 10h59'31...
Mais quand même... Imaginons que la machine temporelle du présent 1 soit dans ton garage. Tu pars à t1. Tu reviens à t2, dans le "même garage", mais dans ce nouveau présent, tout est pareil, sauf que tu n'as pas voyagé dans le temps. Ok, alors en fait, c'est comme si ta machine n'avait pas fonctionné.  :heink:  
Sauf que toi tu te souviens bien sûr d'avoir voyagé dans le temps. Ok, maintenant, les gens ne te croient pas, et bientôt des garçons en blanc t'emmènent de force dans une chambre capitonnée et te font une piqûre.  
 
Donc la morale de l'histoire, c'est que tu évites les voyages dans le temps, parce que ça ne changera rien de rien au présent où tu reviendras.  
Sauf que toi, tu sais (du fond de ta cellule d'asile psychiatrique) ce qui s'est passé à d'autres périodes de l'histoire. Donc ça, c'est au moins une différence par rapport au présent de départ.  
Donc tu dois être en mesure de prouver, par exemple, ce que faisait telle personne tel jour à telle heure et là, elle est forcée de te croire.  :heink:  
 
Donc n'y a-t-il pas quand même un changement : c'est le changement dans ta mémoire de voyageur temporel ? Et ça, ça peut tout changer ("je sais qui a fait assassiner Kennedy !...") :o
 
 
En attendant, interlude musicale :  
 
Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dream
I am a traveler of both time and space, to be where I have been
To sit with elders of the gentle race, this world has seldom seen
They talk of days for which they sit and wait and all will be revealed

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Message édité par rahsaan le 04-11-2008 à 00:41:43

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°16629581
rahsaan
Posté le 04-11-2008 à 00:44:38  profilanswer
 

foutre de a écrit :


pour ce qui est des illuminés, je ne connais que le livre de l'abbé barruel aux éditions du prieuré... rien d'exceptionnel tu dois connaître


 
Le théologien de la non-religion ? :o


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
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