RVK a écrit :
Vives réactions contre la baisse des crédits de la recherche
Une pétition appelle Claudie Haigneré à démissionner en signe de "solidarité". Même au plus fort de leur protestation contre les projets de réforme de Claude Allègre, les chercheurs ne s'étaient jamais retrouvés aussi nombreux dans la rue. Plusieurs milliers manifestaient, jeudi 20 mars, à Paris, "pour la sauvegarde de la recherche publique", tandis que plusieurs centaines d'autres défilaient à Toulouse ou à Marseille. L'ampleur de la mobilisation a dépassé les attentes des syndicats. Dans le cortège, beaucoup de jeunes scandaient : "La recherche, c'est l'avenir. Claudie, faut atterrir" ; "Haigneré en orbite, la recherche est en faillite" ; "Jeunes chercheurs sans statut, la recherche est dans la rue".
"MOURIR À PETIT FEU"
Venus demander au ministère la levée des gels et annulations de crédits (Le Monde du 15 mars) ainsi que des mesures en faveur de l'emploi des jeunes docteurs, les manifestants, dont les représentants ont été longuement entendus par le directeur de cabinet de Claudie Haigneré, sont repartis avec le sentiment de s'être heurtés à "une fin de non-recevoir". Les syndicats doivent se réunir cette semaine pour décider de la suite du mouvement.
Dans le même temps, une pétition circule sur Internet, invitant la ministre de la recherche à démissionner en signe de "solidarité". Lancé en milieu de semaine dernière par une poignée de chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de Marseille, cet appel s'est propagé comme une traînée de poudre. Lundi 24 mars, il avait recueilli plus de 3 500 signatures. "La situation était déjà difficile dans les labos. Elle va devenir catastrophique. On nous fait mourir à petit feu", explique Françoise Birg, directrice de l'unité 119 de l'Inserm.
Les signataires écrivent avoir été "profondément choqués d'apprendre, par voie de presse, que leurs engagements et leurs efforts pourraient être complètement remis en cause par de nouvelles restrictions d'une ampleur historique". "Ces dispositions,poursuivent-ils, préludent à la disparition rapide de la recherche française de la compétition internationale (...). Si elles devaient être confirmées par le gouvernement auquel vous appartenez, nous osons compter sur votre solidarité pour démissionner, plutôt que de devenir l'artisan d'un tel renoncement."
COUPE DANS LE BUDGET 2003
Cette initiative, non relayée par les syndicats de chercheurs, ne suscite, rue Descartes, aucun commentaire. Mais, dans un communiqué, le ministère a démenti l'information selon laquelle les laboratoires de recherche subissaient une baisse de l'ordre de 30 % de leurs crédits publics. "Les réserves de précaution qui portent sur un taux de 30 % de l'ensemble des crédits de fonctionnement et d'investissement des organismes constituent une simple procédure de régulation du rythme de consommation des crédits et ne sauraient être confondues avec une perte de ressources", affirme-t-il. Et d'ajouter qu'il "déplore la circulation d'informations erronées alarmistes qui dessert la recherche et méconnaît la qualité des travaux accomplis dans les laboratoires publics".
Pourtant Bercy a d'ores et déjà transformé une partie de ces "réserves de précaution" en annulations pures et simples. Par décret du 14 mars, le ministère de la recherche s'est vu notifier une annulation de crédits à hauteur de 117,8 millions d'euros. Or cette coupe se produit sur un budget 2003 déjà en diminution par rapport à celui de 2002.
L'exemple du CNRS est édifiant. En 2002, sa dotation publique (hors salaires) se montait à 411,8 millions d'euros. En 2003, elle est tombée à 340,5 millions d'euros, soit une chute de 17,3 %. Avec la récente annulation, de 38,1 millions d'euros pour le CNRS, la perte atteint 26,5 %. Et tous les organismes sont logés, peu ou prou, à la même enseigne, à l'exception du Centre national d'études spatiales (CNES).
Dans les laboratoires, beaucoup de directeurs se demandent aujourd'hui comment ils boucleront l'année. Dans certaines unités de physique du CNRS, dont les chercheurs utilisent pour leurs expériences des accélérateurs situés à l'étranger, la décision aurait été annoncée de supprimer les frais de mission à partir du mois de juin.
Pierre Le Hir
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