Sachant que le nombre d'élèves dans le premier cycle du second degré est environ (enseignements public et privé confondus) de 3,2 millions et que la majorité des spécialistes tombent d'accord pour estimer que 2,3 % de la population scolaire peut être considérée comme intellectuellement précoce, le chiffre potentiel d'EIP en collège serait de plus de 73000. Face à ce chiffre, cinq établissements seulement - sur l'ensemble du territoire national - sont officiellement identifiés comme offrant un accueil spécifique aux élèves intellectuellement précoces, soit un total de 240 places recensées.

Il était minuit, dehors la pluie coulait à verse, s’agitant derrière les carreaux de mon appartement froid, l’hiver donnait le ton à nos vies quotidiennes et sentimentales. Erwan venait de quitter la chambre, me laissant inerte dans les draps blancs, avec comme chute d’espoir le son brutal d’une porte en bois claquant brièvement, d’un coup sec, à vous déchirer les artères du cœur. Le rayon de la lune d’argent illuminait la surface de mon corps, de ma peau aussi blanche que l’opale, se propageant jusque dans mes prunelles larmoyantes et silencieuses, dans le souffle amer d’un refrain qui s’achève.
 
La sonate des crevasses d’amour, venait creuser des sillons dans ma mémoire, retraçant les souvenirs d’une époque, comme un film muet, d’où veulent s’échapper les rires de deux enfants, les bruits de la rue, mais restent bloqués pour l’éternité sous les murmures doux et calmes de Chopin. Le temps était passé et la bande était usée, la raison avait vaincu les espiègleries humides, les marées capricieuses, et les désirs ardents.
Je restais silencieuse, troublée de tout perdre, de pleurer tout ce qui s’envolait avec la brise glaciale de ce crépuscule, ce crépuscule de janvier, à la date fatidique, celle que l’on attend tous avec pression, celle qui nous rajoute un an dans la circonférence de notre réalité. Ce jour là, dans la nuit, il ne me restait plus qu’une année de plus et un souffle d’éternité en moins.
 
Le blues d’une autre histoire qui s’achève, d’une vie qui s’enfuit - rejetant les courbes indécentes de l’hymen, qu’il faudra ranger dans une jolie boîte, dans le fond d’un tiroir en bois, comme un souffle de liberté, comme s’évanouissent les saisons - viendra nous frôler. Et l’évidence que le temps, que les heures nous assassinent reviendra nous perler de sa fougue majestueuse.  Et comme fleurissent sous nos pas les coteaux de la mélancolie, s’agitera la tempête de notre nostalgie.

Mario_ - Sujet 22
 
Alors que les dix coups sonnaient à la grande horloge d'un bâtiment administratif quelconque, le rythme de ses pas s'accéléra. Terry ne pouvait pas se permettre d'être à nouveau en retard. Le patron du club le lui avait bien précisé !
 
Il remonta la bretelle de l'étui de sa steel guitar et renfonça la tête dans son par-dessus pour se protéger de la pluie. Arrivé à l'entrée du Showcase, l'imposant videur le reconnut de suite et poussa de la main les badauds qui barraient l'entrée. Au passage, il gratifia Terry d'un "Encore en retard, l'artiste" accompagné d'un sourire allant d'une oreille à l'autre. Ce Carlos avait un sérieux problème avec les artistes...
 
Terry entra dans la salle enfumée et bruyante. Il alla dans un coin de la grande pièce, là où se trouvait la "scène". Elle n'en avait que le nom. Il ne s'agissait en fait que d'une zone encombrée de câbles et avec pour seul décor quelques instruments. Il n'avait besoin que de la chaise et du micro au milieu. Il s'installa. Quelques minutes plus tard il était prêt à donner son récital.
 
Son spectacle était toujours une complète improvisation. Il aimait jouer et chanter de sa voix rocailleuse même si, dans ce club, presque personne ne l'écoutait. Il ne faisait office que de première partie avant un groupe de jazz qui, lui seul, parvenait à faire danser tous ces dandys insipides. Il ne prenait pas de plaisir à jouer pour eux. Alors il fermait souvent les yeux et s'imaginait seul. C'était ainsi que les soirées s'enchaînaient sans qu'il ait trop envie de tout envoyer ballader et retourner dans son Sud natal.
 
A la fin de "Wang Wang Doodle", le patron vint lui taper sur l'épaule et lui dit de l'accompagner dans l'arrière-salle. Il se doutait fortement de l'issue du dialogue qui allait suivre :
"- Personne ne t'écoute Terry. Ce serait pas grave si t'étais consciencieux mais ça fait 3 fois cette semaine que t'es en retard.
- Ca s'reproduira plus, Sammy. J'ai beaucoup de route à parcourir tous les soirs, tu l'sais.
- Ecoute, j'ai signé un contrat avec Brown Dixon, d'Englewood...
- Ouais je le connais. On avait fait une tournée ensemble il y a quelques années.
- Donc tu savais peut-être qu'il s'est mis à la soul. Ca fera plus danser les clients que ta soupe suicidaire. Désolé, Terry, mais ça pouvait pas continuer comme ça.
- Je finis la représentation ?"
 
Pas d'insulte, ni de supplication. Cela devait finir par arriver et il s'en moquait bien, en fait. Il retourna à sa chaise et remballa ses affaires sans jeter un oeil au public. Il y en avait bien certains qui le regardaient bizarrement, l'air de dire "T'as déjà fini? Je croyais que t'avais commencé il y a même pas 20 minutes". Mais la plupart l'ignorait royalement.
 
Il alla demander une bière au bar. "Allez, tiens, une petite bière gratuite, on va dire que je ne sais pas encore que t'as été viré", lui lança John, le seul type sympa de ce club :
"- T'as des plans pour l'avenir? J'veux dire, tu vas faire quoi maintenant que t'es au chômage ?
- J'en sais rien. Je vais sûrement glander quelques jours ici puis j'essaierai peut-être de retourner tenter ma chance à Chicago. Ils sont toujours à la recherche de monde, là-bas et y a plein de clubs.
- Je sais même pas pourquoi t'es resté aussi longtemps ici, en fait.
- Plein de raisons. Une femme, en particulier. Mais c'était une erreur et elle ne me retient plus, maintenant..."
 
Il jeta un coup d'oeil sur sa gauche. Brown Dixon était adossé au bar, son éternel chapeau vissé en biais sur sa tête. Il alla à côté de lui mais tourna le dos à la salle. Ce fut Dixon qui lança la conversation :
"- Tu gagnais bien ta vie ici?
- Pas vraiment, non. C'était mieux en tournée.
- Ouais mais les tournées c'est épuisant. Dans les grandes villes c'est sympa mais quand t'es pas assez connu, tu finis toujours dans les petites villes d'où tu ne désires que t'enfuir.
- Il parait que tu t'es mis à la soul...
- Ouais. Enfin c'est du blues-soul. J'en avais envie depuis longtemps. Tu te souviens, j'avais rencontré Ray Charles dans un club il y a 3 ans et on a fait un petit boeuf ensemble.
- Ouais, Sonny m'en avait parlé. Et ?
- Ben, on avait poussé un peu la voix ensemble et j'avais été étonné de mes propres prouesses. Comme le genre est à la mode, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de relancer ma carrière.
- T'as bien fait. Et ça marche?
- Ben comme tu vois, je décroche un petit contrat pour quelques semaines dans un club d'une ville paumée de la banlieue de Chicago."
 
Brown regarda alors Terry et eut le rire gras qu'il lui avait toujours connu.
 
"- J'te charrie ! Non, ça marche vraiment bien, en fait. Seulement, j'me cherche un guitariste. J'ai pensé à toi. Je savais que l'endroit t'ennuyait plus qu'autre chose et je me suis dit que ça pourrait être marrant si je te faisais virer et que je te reprenais ensuite dans mon groupe.
- T'en as de bonnes, toi. Qui te dit que je vais accepter ? Je vais gagner beaucoup moins que lorsque je suis en solo.
- Le contrat est à plus grande échelle. J'ai décroché un contrat inespéré chez Webster.
- Le Webster de Chicago ?
- Lui-même ! Je te montrerai le contrat demain, si tu veux. Ce que je peux te dire c'est que le contrat inclut la livraison de trois albums et d'une tournée sur tout le pays. Dans un premier temps bien sûr. Et j'te rassure, tu gagneras plus que tout ce que tu auras pu imaginer gagner jusque là. La soul est très à la mode. Tu en es, mon frère ?"
 
Terry se tourna vers Brown, vit sa main tendue puis se jeta dans ses bras. Une femme les avait tenus éloignés pendant près de 5 ans mais l'amitié qui les unissait depuis 24 ans était finalement la plus forte.

SUJET 22- talbazar (bis)
 
Je voulais juste raconter une petite histoire vraie :
 Un jour, je me promenais devant Beaubourg en mangeant tranquillement un sandwich au fromage. J’ai été attiré par une voix qui chantait comme Howlin’Wolf à s’y tromper. Surtout le son virtuose de la guitare m’a emporté. C’était tout ce que j’aimais. Alors je me suis approché. Il y avais plus loin un noir solitaire et plus très jeune assis sur un plot de béton qui jouait sur une guitare au bois complètement usé. J’étais aimanté par son jeu qui me prenait gravement au tripes et qui m’a fait oublié la ville et son bruit. Quand il a terminé, je lui ai demandé d’où il venait mais il était américain et ne parlait pas le français. Il s’est contenté de me montrer du doigt l’étui de sa guitare où on voyait un adhésif à peine lisible qui dessinait en volute le nom de Chigago dans un style sixties. J’ai demandé au gars s’il connaissait un morceau de Jhon Lee Hooker, il a rigolé et puis il a enchaîné de suite.  
 
 La magie m’a repris aux tripes, mais nous n’étions plus seuls, une foule énorme s’était amassée ! Il y avait des gens partout sur la place, perdus dans un rêve unique. C’était magique. Le type jouait le blues comme un dieu. J’étais au premier rang, content comme jamais depuis fort longtemps. Le gars ne me lâchait pas des yeux, comme s’il devinait tout. Et puis les flics sont arrivés, la foule était trop importante ! Ils ont demandé au guitariste d’arrêter et ils ont dispersé tout le monde. Lui, il a eu l’air de trouver ça normal. Je crois que tous, on a baigné dans le même arrachement. J’ai donné mon fric au guitariste inconnu, en pensant que c’était peu et puis j’ai rajouté, alors qu’il rangeait sa guitare :
- « You’ve got a great felling anyway ! »
Il a encore souri, puis il a ramassé sa monnaie. Il avait  un accent inimitable :
- « Thank you guy ! »
En repartant, c’est clair, pour l’après-midi, j’avais le blues.
 
 
Stevie Ray Vaughan : the sky is crying (recommanded !)