3h du matin, de St Michel à Ste Anne :
(Rennes, le 2 avril 2004)
Le décret de la préfecture
J'ai appris que la préfecture de Rennes vient de sortir un décret interdisant tout rassemblement après 3h du matin dans le centre ville. Il stipule aussi que l'utilisation de gaz lacrymogène, matraques ... serait utilisé systématiquement au cas où les gens refuseraient l'ordre. J'ai appelé la préfecture pour m'informer de ce décret mais ils ne « savent rien ». Nous devons trouver ces textes pour savoir ce qu'ils contiennent et connaître les risques que nous rencontrerons si nous ne voulons nous plier à cette loi.
Les faits
J'arrive place St Michel un peu avant 3h dans le but de participer au sit-in qui y était organisé en protestations aux lois sécuritaire et plus particulièrement contre un décret sorti la veille. L'ambiance entre les places « vivantes » (St Michel/Ste Anne) était festive et bon enfant, Nous n'étions pas dans un contexte d'insécurité, d'incivilité ou de violence générale. Tout le monde dansait, chantait et buvait ensemble, jeunes et moins jeunes, étudiants, « zonards »...
50 à 100 flics (voir plus loin «les flics et leur organisation») qui étaient basés autour du vieux centre ont commencé à se positionner en rang, à l'entrée de la rue St Michel, face au sit-in organisé) une cinquantaine de CRS encadrés par la police nationale et la BAC (brigade anti-criminalité). La présence de flics aussi équipés, nombreux et tendus apparaissant clairement comme une provocation de leur part, de slogans ont commencés à partir (CRS : SS ! / Police partout: justice nulle part ! / et toutes les insultes existantes). Les CRS, on commencé à matraquer comme des bourrins mais en marchant doucement, histoire de vider la rue de ses retards ! Les premières victimes étaient les gens assis par terre qui au début, ne voulaient pas partir. On se souvient des CRS qui portent des manifestants pour les dégager des voies de chemins de fer par exemple, ce soir à Rennes, ils ont attaquer sans sommation, en commençant à frapper les plus calmes. Dans la panique et la peur quasi générale, tout le monde a commencé à évacuer la rue St Michel dans tous les sens. Beaucoup criaient des slogans anti-flics et quelques uns leurs balançaient des bouteilles de verre. A la sortie de la rue (l'unique sortie), 5 à 10 CRS attendaient les fuyards pour leur foutre des coups de matraques dans les jambes et ainsi les faire tomber au sol. Une fois qu'ils ont réussi à vider la rue,-ils se sont basés à sa sortie et des petits groupes CRS-Flics-BAC se sont lancé à l'assaut des manifestants sur la place Ste Anne.
Quand je dit «qu'il se sont lancés à l'assaut » c'est pas du ciné : un handicapé en fauteuil qui tentait de protéger quelqu'un qui se faisait embarqué, c'est vu arraché de son siège et balancé au sol par un CRS qui l'a matraqué et botté à coup de pied. Les filles qui se sont jetées sur les copains au sol pour les empêcher de se faire embarquer ont elles aussi reçu les leçons de l'incivilité... Les flics ont procédé à 12 interpellations pour « violences avec armes envers les forces de la police nationale », j'en faisais parti.
Notre garde a vue
Arrêté à coté de Ste Anne, on m'a mis dans une des 4 cellules individuelles du fourgon de police. On y était entassé à 7, donc presque 2 par cage de 40 centimètres de coté. Arrivé vers 4h à la cité judiciaire (bureaux principaux de la police de Rennes), nous nous sommes retrouvés à 12, étudiants et jeunes moins de 25 ans. Au moins la moitié d'entre nous était blessée : crâne ouvert, bouche ensanglantée, dents cassées, poignets violets (menottes trop serrées), bleus sur le corps..., Ils ont mis prêt d'une heure à nous retirer les « nouvelles menottes de la BAC » (le simple flic n'a pas la bonne clé !) et à procéder à nos fouilles (aucunes armes n'est trouvés, pas de drogue non plus), on nous enlève nos ceintures et chaussures au cas où l'un d'entre nous voudrait se suicider ! On a attendu une heure tous ensemble dans la cellule avant de contrôler notre alcoolémie. Durant cette heure, chacun d'entre nous était désignés arbitrairement, plusieurs fois d'affilé pour demander « quel est ton nom, t'habite où, qu'est ce que tu fais de te journées... ». Alors qu'ils nous avaient déjà demandé notre identité et l'avaient noté depuis le début. On avait le droit de fumer une clope ou de sortir pisser après les avoir appelés de la cellules pendant un quart d'heure et seulement si on tombait sur un flic « cool ».
Le contrôle d'alcoolémie a été positif pour 11 d'entre nous (c'est étonnant pour un jeudi soir!), j'était le seul à être négatif Pour cette raison, on m'a mis dans une cellule à part (t'es content de rester avec tes nouveaux potes dans cette situation, les discussions avec les autres interpellés remontent un peu le moral) et les 11 autres sont allés à l'hôpital, en dégrisement. Ont nous disait que l'on sortirait le matin mais on a vite compris que les simples flics n'avaient que très peu d'informations sur notre sort et qu'ils nous répondaient comme ça leur plaisait : «vous n'êtes pas prêt de sortir, les p'tits connards comme vous on les dresse ».
Vers midi, un officier de police est venu prendre ma déposition. Je n'ai pas reconnu le fait d'avoir jeter des bouteilles sur les flics et j'ai expliquer la raison de ma présence sur la place ce soir là. L'officier qui était un peu moins con et borné que ses sous-fifres et j'ai donc pu avoir une discussion un peu plus « censée ». Je lui ai expliqué que l'ambiance dans la rue St Michel n'était pas nuisible à la population mais qu'elle était au contraire bon enfant. Il m'a répondu que ce n'était pas faux mais vu que quelques uns font des problèmes, tout le monde doit payer. Je lui ai répondu que les flics savent très bien qui vend des drogues, qui met les filles sur le trottoir et là, pas de réponse. J'ai enchaîné en lui disant que ses enfants auraient pu être là ce soir-là il m'a répondu que ses filles n'iraient jamais dans des lieus malfamés ... les limites sont vites atteintes. Après je suis retourné dans ma cellule où j'ai attendu que le parquet du procureur de la république me convoque le 6 mai « aux fins de médiation pénale ». A 17h, les flics me disent que je sors et que je peux m'estimer heureux de sortir si rapidement. En reprenant mes affaires laissées lors de la fouille, ils m'ont dit que m'a déposition avait dénoncé et vendu mes « collègues », que j'était le seul à ne pas passer en comparution immédiate. Ils se sont mis à gueuler devant la cellules des autres en me montrant du doigt : «hey, les gars, c'est vot' pote qui vous a balancé, c'est le premier à sortir, regardez le bien et ne l'oubliez pas... » Ma déposition était la même que celle des autres, en plus je ne les connaissaient pas d'avant, je ne les ai pas vendus ! J'ai compris que c'était une autre humiliation / provocation et je me suis cassé.
Les flics et leur organisation
Etant donné le manque de préparation et d'organisation de ce type de manifestation, nous n'avons pas pu anticiper du nombre de flics et de leur capacité à intervenir. Ils étaient entre 50 et 100, d'au moins trois corps de police différents (BAC, police nationale et CRS), il y avait sûrement les RG (renseignements généraux) et les stupéfiants. On a compté deux « points de rassemblements » des flics avec véhicules, renforts et armes supplémentaires, il y en avait un place des Lices, un autre derrière la Cathédrale de la place Ste Anne. Je pense qu'il y en avait un autre place de la mairie. Le quartier de Ste Anne était bouclé par les flics. On pouvait remarquer comment les différents corps de polices agissaient ensemble : les CRS matraquaient et gazaient, la BAC procédait aux arrestations (évidement musclées : face écrasée contre sol avec la chaussure du flic sur l'autre, bras tordus, interpellés trai7nés au sol sur des dizaines de mètres...) et la police nationale coordonnait la répression et observait certains manifestants. Je pense que la coordination de différents corps est un phénomène qui ressurgit, ça me fait penser aux polices européennes qui s'entraînent ensemble pour « encadrer » les évènements alter mondialistes de type G8. Ont assiste au quotidien à un durcissement des lois en France qui vient à toucher de plus en plus de personnes et plus seulement les « marginaux » d'antan.
