L'Antichrist a écrit :
Citation :
Bonsoir, un ptit HS sur Nietzsche;
Je ne comprend pas ce qu il veut dire par les vertus (ou les hommes de vertus) ?
Et pourquoi on fait toujours l amalgame Nietzsche, Nazisisme (peut etre a cause du surhomme, surhumain) ?
Si qq un pourrait m eclairer, en 2/3 lignes ca serait sympa !
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L'expression " les hommes de la vertu " constitue en fait un reproche à l'égard de ceux qui se réclament de la philosophie morale de Kant.
En effet, Nietzsche c'est d'abord débarrassé de Platon et ses " arrières-mondes " qui tendent à dévaluer le monde réel (au profit du monde dit " intelligible " ). Viser l?être c'est faire naître un désir de l?idéal et non du constat du monde tel qu?il est. Pour Nietzsche, le réel suprasensible des métaphysiciens est néant et ne peut engendrer qu'un nihilisme (l'illusion que le monde sensible, le monde du devenir n'est qu'une apparence, un pur néant par rapport à l'éternité de l'immuable). Et c'est pourquoi, Shopenhauer pourra mener ce nihilisme à son terme : il nie justement cette aspiration au néant pour se complaire dans la fascination morbide de la non-valeur : il rejette le monde pour les mêmes raisons que les autres le valorisent : le désir de l'immuable, du repos éternel. Shopenhauer discutent encore avec les valeurs de l?ancien monde même si c?est pour les nier et pour ne pas les vouloir. Au lieu de ne rien vouloir (la sagesse platonicienne de la pure contemplation), Shopenhauer veut le rien (refus de toute valeur qui mène au suicide).
Pour Nietzsche, il faut nier la négation, aller jusqu'au bout du mouvement. Or, ces " hommes de la vertu " sont ceux qui, refusant cet abîme, ont voulu sauver la morale en désolidarisant la morale de la connaissance au profit de la foi. Kant c'est lui aussi débarrassé de Platon c'est-à-dire d'une recherche de l'absolu (inconnaissable) mais en le réintégrant dans son système éthique comme devoir, comme loi morale intérieure. D?un point de vue nietzschéen, Dieu comme postulat de la raison pratique n?est qu?un cache-misère. Il ne suffit pas de récuser l'idée de Dieu, il faut aussi mettre fin à la conception de la pratique dont elle est porteuse. L'athéisme peut être mauvais dèslors qu'il reste pris dans les filets de la croyance métaphysique : le dix-neuvième siècle a renié l'idée de Dieu, mais en réalité, il prétend lutter contre la nature, il proclame sa foi dans l'égalitarisme, dans le progrès .... Autant de signe qui montrent selon Nietzsche un refus de la vie telle qu'elle est vraiment. Il faut assumer le meurtre de Dieu, c'est-à-dire restaurer la primauté de tout ce qui a une nature active et créatrice. La dimension morale de l'idée de Dieu est le principal obstacle à dépasser pour éliminer les facteurs d'aliénation de l'existence.
Vous pouvez maintenant comprendre la récupération de cette magnifique philosophie par les nazis ! Nietzsche leur offre une justification a-priori : les moralistes sont ceux qui veulent empêcher la race supérieure de s'affirmer ! Mais les nazis sont eux-mêmes des hommes de la réaction, ils ne sont pas libres : au lieu de défendre l'homme comme le ferait celui qui veut vraiment (librement), ils expriment leur faiblesse dans le ressentiment à l'égard du bouc-émissaire ! L'homme faible ne peut que dominer (il ne veut pas), l'homme fort veut créer. Refuser toute transcendance, c'est assumer sa propre volonté et être un homme sensible aux autres hommes et à leurs souffrances. Au contraire, dans la barbarie nazie, beaucoup n'ont rien voulu véritablement mais ont consenti au pire, à ce qui n'est pas humain (l'inhumain) : non la bestialité mais l'insensibilité, l'indifférence. N'est-ce pas l'idéal encore une fois qui nous aliène, nous rend unidimensionnel.
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