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Un cafouillage administratif menace la "carte scolaire"
Les parents n'ont plus besoin de justifier de leur domicile pour inscrire leurs enfants. Luc Ferry a promis de rétablir la présentation de justificatifs.
Depuis le 1er janvier 2003, il n'est plus besoin d'imaginer des stratégies complexes pour réussir à inscrire ses enfants dans une école, un collège ou un lycée situé en dehors de son secteur de rattachement ? généralement appelé "carte scolaire".
En effet, ni les mairies, pour le premier degré, ni les inspections d'académie, pour le second degré, ne peuvent plus exiger des parents qu'ils produisent un justificatif de domicile, comme les contraignaient les textes officiels jusqu'alors.
En vertu d'un décret datant de décembre 2000, mais applicable seulement depuis le 1er janvier 2003, il suffit de déclarer sur l'honneur à l'administration que le lieu de résidence indiqué est réel.
La parade trouvée par les mairies et les inspections d'académie apparaît bien maigre : soit elles continuent d'afficher ? irrégulièrement ? l'obligation de fournir des justificatifs, soit elles envoient les certificats d'inscription par la poste, seul moyen pour vérifier que l'adresse n'est pas fictive.
Cette situation est potentiellement explosive pour le système scolaire, en particulier dans les grandes agglomérations. Depuis des décennies, le respect ? parfois très relatif ? de la "carte scolaire" n'est assuré qu'avec la contrainte, pour les parents, de fournir une ou plusieurs preuves sur la localisation de leur domicile. "La suppression des justificatifs risque de remettre en cause la carte scolaire", affirme Philippe Guittet, secrétaire général du principal syndicat de chefs d'établissement (SNPDEN).
La volonté de contourner la "sectorisation" des établissements obligeait les parents, notamment en région parisienne, à se domicilier chez un parent, à louer une chambre de bonne pour s'y domicilier fictivement, à déménager pour relever d'un établissement supposé "de qualité" ou à demander une dérogation pour des motifs plus ou moins réels. Une fausse déclaration pourrait aujourd'hui être suffisante.
Le ministère Ferry se trouve ainsi contraint de gérer une décision prise au nom de la simplification administrative par le gouvernement Jospin en 2000. Michel Sapin, alors ministre de la fonction publique, avait décidé de supprimer l'obligation de présentation de justificatifs de domicile pour un ensemble de formalités administratives, dont les inscriptions scolaires. Sous la pression des élus locaux et des chefs d'établissement, qui craignaient la multiplication des fausses déclarations (Le Monde du 10 novembre 2000), Jack Lang en avait repoussé l'application jusqu'en 2003. Une expérimentation devait être conduite mais n'a jamais eu lieu.
Ce délai s'est écoulé sans réaction du gouvernement. Le ministère de l'éducation a pourtant été alerté en décembre 2002. Le député (UMP) du Val-de-Marne, maire de Saint-Mandé, Patrick Baudoin, s'était inquiété, lors des questions orales à l'Assemblée nationale, d'un éventuel afflux de nouveaux élèves dans sa commune, réputée, selon lui, pour "la qualité de l'enseignement dispensé".
En réponse, Luc Ferry avait annoncé sa volonté de rendre à nouveau obligatoire la présentation de justificatifs de domicile. Aujourd'hui, alors que les procédures d'inscription ont déjà débuté pour le primaire dans plusieurs villes, dont Paris, aucun texte n'a encore été publié. "Cette modification suppose un décret en Conseil d'Etat, ce qui signifie des procédures un peu plus longues", justifie l'entourage de Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
"La saisine du Conseil d'Etat est en cours. Nous avons fait une demande de traitement en urgence qui nous laisse espérer que le décret sera signé d'ici quelques semaines", ajoute la même source. Le principe d'une modification est confirmé par l'entourage du secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat, Henri Plagnol, qui vient d'annoncer une nouvelle série de simplifications des formalités administratives (Le Monde du 19 mars).
Le gouvernement ne dispose que d'une marge de man?uvre limitée. S'il veut éviter un regain des pratiques consuméristes, il lui faut modifier les textes avant le début des inscriptions dans les collèges et lycées, qui commencent généralement en juin. Pour le primaire, là où les inscriptions ont déjà débuté, les effets se mesureront lors de la prochaine rentrée scolaire.
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