Et hop:
L'homme invisible, c'est (peut-être) pour demain
Des chercheurs travaillent actuellement à la mise au point de tenues de camouflage "actives". Reste toutefois à résoudre quelques menus problèmes techniques.
Au printemps 2003, Susumu Tachi, professeur d'ingénierie à l'université de Tokyo, a mis au point un manteau invisible rudimentaire. Le dispositif de Sasumu Tachi est relativement simple puisqu'il s'agit d'un imperméable brillant qui fait office d'écran et sur lequel sont projetées des images enregistrées par une caméra disposée derrière l'utilisateur. Il s'apparente plus à un gadget qu'à un véritable prototype [voir photo]. Mais, sous le bon angle et dans des circonstances précises, il peut effectivement aider le propriétaire du manteau à jouer les fantômes. Nul besoin de laboratoire pour effectuer le test : fixez une webcam dans votre dos et placez votre ordinateur portable devant vous, écran vers l'extérieur. Vos amis pourront voir à travers vous : idéal pour animer vos soirées ! Evidemment, ce petit tour ne fera effet qu'une fraction de seconde. Si seulement James Bond pouvait nous livrer le secret de son Aston Martin invisible, dans Meurs un autre jour ! Les communiqués de presse du ministère de la Défense américain faisant allusion à des tenues de camouflage "adaptatives", "avancées" et "actives" laissent penser que le gouvernement développe ce type de dispositifs. Si tel est le cas, ils sont entourés du plus grand secret. Le Jet Propulsion Laboratory de la NASA a tout de même publié l'ébauche d'un véhicule invisible, éveillant l'intérêt d'une multitude d'ingénieurs amateurs qui suivent l'affaire par le biais de newsgroups ou de blogs. Mais, pour rendre un objet invisible, il ne suffit pas de disposer des capteurs qui enregistrent les rayons lumineux d'un côté et des écrans LED ou LCD [les écrans plats] qui les retransmettent de l'autre. Pour leurrer tous ceux qui le regardent, un manteau invisible doit reproduire avec précision et sous tous les angles ce qui se passe derrière l'utilisateur. Comme il peut être regardé par plusieurs personnes à la fois, il doit reproduire l'arrière-plan sous tous les angles, au même moment. En somme, il doit projeter une image de son environnement pour chaque perspective possible.
Nombre d'obstacles ont déjà été surmontés
Impossible ? Non, mais très difficile. Au lieu d'une simple caméra, il faudrait au moins six paires de caméras stéréoscopiques afin de pouvoir filmer l'environnement sous tous les angles. Ces caméras transmettraient leurs images à un réseau serré de cellules d'affichage capables d'émettre des milliers de faisceaux lumineux dans des directions différentes. Bon nombre d'obstacles techniques ont déjà été surmontés. Ainsi, les caméras miniature que l'on trouve dans le commerce peuvent faire de bons capteurs de lumière. Pour que l'écran reste indétectable à une distance de deux mètres, la résolution n'aura pas besoin d'être beaucoup plus fine que la granularité perceptible par l'oeil humain à cette distance (environ 289 pixels par centimètre carré). On trouve déjà des écrans LED de ce type. De la même manière, la couleur ne devrait pas poser de problème : un affichage 16 bits courant doit pouvoir faire l'affaire. Le plus difficile consistera à produire des images donnant une sensation de réalité en situation de mouvement. Même à une courte distance, l'oeil humain ne perçoit pas la même chose qu'une paire de caméras fixées sur un corps. Car l'observateur discerne des détails que la caméra ne peut saisir. La solution ? Créer une image de synthèse fondée sur un modèle du monde en 3 D. Les paires de caméras stéréoscopiques permettront au système de repérer chaque pixel dans les trois dimensions et de détecter les couleurs et la luminosité. Pour transformer le modèle en image, le système devra recenser toutes les trajectoires qu'un rayon de lumière peut emprunter à travers la scène pour atteindre l'oeil de l'observateur. Ce procédé - connu sous le nom de rendu par tracé de rayons - est assez complexe. Reste ensuite à trouver comment recouvrir le manteau avec une imagerie synthétique capable de leurrer les observateurs quel que soit leur emplacement. Les écrans standards, même souples, sont conçus pour être visionnés de face. Les pixels d'un bon manteau invisible devront diffuser des faisceaux dans toutes les directions afin que l'image soit aussi bonne et réaliste sur les bords qu'au centre. Mais, même ainsi, on obtiendrait une image acceptable de l'angle sous lequel tout est aligné avec l'arrière-plan, et biscornue partout ailleurs. Pour remédier à cela, notre dispositif d'affichage devra être composé d'un ensemble de lentilles hémisphériques qui seront toutes équipées d'un minuscule écran vidéo de 180 x 180 pixels à l'arrière. Ces yeux panoramiques - des hyperpixels, si vous préférez - enverront des rayons lumineux dans toutes les directions, offrant ainsi 32 400 angles de vue.
Au bas mot, une centaine d'ordinateurs nécessaires
Maintenant, il ne reste plus qu'à placer 289 hyperpixels dans chaque centimètre carré, le tout sur une surface de 4 mètres carrés, et d'additionner, oh, juste un peu de puissance informatique. Combien exactement ? Le dispositif d'affichage totalise environ 375 milliards de pixels, soit l'équivalent de 286 000 écrans d'ordinateur. La restitution d'une image décente devrait nécessiter au moins 17 rayons tracés par pixel. Toutefois, même avec seulement 1 rayon par pixel et 60 rafraîchissements par seconde, le manteau devra être équipé d'une unité centrale cadencée à 10 milliards de gigahertz. Ajoutez à cela la capture de l'image, la stéréovision, la manipulation de scènes en 3 D, le traitement des images et la correction des déformations du manteau, et vous pouvez facilement doubler cette puissance. Même si d'astucieuses manipulations de logiciels permettent de réduire la charge de calcul de plusieurs centaines de millions de gigahertz, il faudra encore une centaine de processeurs Pentium. Ces ordinateurs nécessiteront une alimentation électrique : entre 8 et 10 kilowatts au total, soit la consommation de six sèche-cheveux puissants. Or aucun des procédés évoqués ne permet de masquer la signature thermique de l'utilisateur, sans compter que le manteau lui-même générera forcément de la chaleur. En revanche, si l'utilisateur est capable de porter une lourde charge, une bouteille d'air comprimé ou liquéfié qui se dépressurise lentement pourra le rafraîchir, lui et son manteau, à la manière d'un brumisateur. C'est pourquoi je pense qu'un écran holographique pourrait remplacer le dispositif panoramique et permettre de réduire considérablement la charge de calcul. Nul besoin de simuler des images en 3 D si votre dispositif d'affichage est capable d'en diffuser. En raison de leur trop faible résolution, les écrans vidéo actuels ne peuvent pas diffuser d'hologrammes ; mais il est fort probable qu'un jour les amas de points quantiques (jusqu'à mille fois plus petits que le grain des pellicules utilisées pour capter des images holographiques) pourront transmettre, sur une surface souple, des hologrammes très lumineux, en couleur et animés. Tant que les ingénieurs n'auront pas réglé tous ces problèmes, il sera impossible d'être complètement invisible. Alors, n'ayez crainte, personne n'est en train de lire par-dessus votre épaule !
Will McCarthy
Wired
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