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Vers un problème de santé publique ?
C’est dire si l’expérience cinématographique, pour certains, est devenue pénible. Insidieusement, les cinémas n’auraient-ils pas monté le son ? Non, assurent les exploitants, bien que rien ne leur interdise de le faire.
En effet, depuis 1998, la réglementation limite le volume dans les lieux sonorisés accueillant du public (discothèques, salles de concert…) : pas plus de 105 décibels (dB) en moyenne. Mais les cinémas ont été exclus de son champ d’application. Pour quel motif ? « Pour des raisons artistiques, prétend Alain Besse, à la Commission supérieure technique de l’image et du son (CST), et parce qu’on n’atteint jamais ces niveaux réglementaires. »
Pourquoi, dès lors, cette association de professionnels chargée de veiller à la qualité des projections s’alarme-t-elle dans son bulletin d’avril 2011 ? « Il est urgent, écrit-elle, que tous les maillons de la chaîne du son au cinéma […] travaillent de concert si l’on veut éviter que les niveaux sonores dans les salles ne deviennent un problème de santé publique, résolu finalement par l’installation de limiteurs, comme cela a été fait par exemple en Italie. » En d’autres termes, la CST préférerait que les professionnels s’autorégulent avant que le législateur ne s’empare du sujet.
Des sons trafiqués pour paraître plus forts
Pour en avoir le cœur net, à 60 Millions, nous avons baladé notre sonomètre dans les salles de cinéma. Sur le film le plus « bruyant » de notre échantillon, Pirates des Caraïbes 4 à l’UGC Ciné Cité Les Halles (Paris), l’appareil monte à 86,6 dB sur les dix minutes les plus fortes. Effectivement, on est loin de la limite imposée par la loi aux discothèques.
Dans les dernières minutes du film, pourtant, le cri du singe hurleur nous a vrillé les tympans ! Paradoxal ? Non, quand on sait une chose : les ingénieurs du son sont capables depuis longtemps de trafiquer un son pour qu’il nous paraisse plus fort, sans que le sonomètre ne s’en alarme ! « Le niveau sonore ne veut rien dire, insiste Alain Besse. À niveau égal, un film va être agréable, l’autre insupportable. Ce qui compte, c’est l’énergie sonore. »
Surenchères technologiques
Tout se jouerait pendant le mixage du film. Les ingénieurs du son savent parfaitement jongler avec notre audition. Par exemple, en renforçant les fréquences médiums, celles que l’oreille entend le plus fort, pour augmenter la sensation de puissance sonore.
Influencés par les productions américaines, les mixeurs ont aussi relevé les niveaux, de peur de voir leurs films diffusés trop bas. Selon Marie Massiani, ingénieure du son depuis vingt ans dans le cinéma, les spectateurs sont victimes d’une « surenchère qui consiste à exploiter au maximum les possibilités de la technologie. Or, celle-ci permet une utilisation de la dynamique sonore [différence entre les sons les plus faibles et les sons les plus forts] plus importante que ce que notre oreille peut supporter ».
Pour les cinémas, le problème est « complexe »
Les films d’aujourd’hui sont mixés plus fort, c’est entendu. Mais pourquoi alors les exploitants ne baissent-ils pas le son ? « On ne peut pas être constamment en train de baisser le son pour les scènes d’action et de le remonter pour les passages intimistes », se défend un responsable d’exploitation du Gaumont Opéra, à Paris.
Pour la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui regroupe la quasi-totalité des cinq mille salles de l’Hexagone, le problème est « complexe » : le niveau du son varie en fonction de la taille de la salle, de son acoustique, du nombre de spectateurs et enfin de la façon dont sont réglées les installations sonores. Et puis « le son, c’est comme la climatisation : il y a autant d’avis que de spectateurs dans la salle ».
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