je trouve ça original, je pense que c'est bien de s'inspirer de lui.
Le Ka2 Khlebnikov
Né en 1885, le Russe Vélimir Khlebnikov élabora dans le XXe siècle naissant une langue intensive, éclatante, transmentale, la langue Zaoum.
Des nombres et des lettres (L'Âge d'homme, 1986) s'ouvre par KA2, texte autobiographique que Khlebnikov commença à écrire en 1916. Cette prose de KA2 marque toute la force du poète et mathématicien russe, linguiste, passionné des liens entre les mots et les nombres, la langue et son inconscient structural. De papillons, voilà, par exemple sa vision : . Cette lampe à souder, ce jet d'escarbilles rouges, ponctuant le manteau de neige de profondes et fines trouées, c'est la langue de Khlebnikov, celle dont témoigne ce nouveau volume, Zanguezi & autres poèmes. Des six voiles des Enfants de la Loutre (1911-1913) qui ouvrent cette publication aux 21 plans de Zanguezi, en passant par un important choix de Poèmes courts et narratifs écrits entre 1908 et 1922 (date de sa mort), on entre dans une langue toute en rumination, qui fuse, s'assimile à un véritable crachoir de sperme, se dissémine, se lance en pure perte, à la gueule du pouvoir, de la terre natale, du marchand, de l'ordre social, de la police, du froid russe, de la rousseur de ses steppes.
Toutefois, la force perforatrice de Khlebnikov, précise Christian Prigent, son (La Langue et ses monstres, Cadex, 1989). Si le poète fait entendre le tout le long de Zanguezi et des Enfants de la Loutre, s'il veut (Le Pieu du futur, L'Âge d'Homme, 1970), c'est pour faire entrer dans la langue les bruissements les plus inaudibles du monde.Jusqu'à faire la place à l'étranger qui la mine, y couve toujours, des voix inter-ethniques venues du fin fond des plaines de Sibérie à celles issues de l'Inde, de sorcières, du soleil d'Égypte, de la Grèce, des mythologies africaines. Cette voix, tout à la fois agissante dans de longues plongées épiques et narratives, se troue d'un babil barbare fait de néologismes, d'une battue et d'une traque de la bonne langue maternelle. Cette voix est élevée même au nom de langue Zaoum, littéralement . Car, dans son perfectionnisme de mathématicien névrotique, et en plus de ce qu'ouvre une telle fouille du langage, Khlebnikov entendait sous les sons des mots un ordre cosmique, la d'une structure dont les phonèmes étaient pour lui ses premiers signes. Les théories de l'écrivain russe, sa volonté de totaliser ses recherches, ne remplacent pas la ferveur avec laquelle il a été l' d'une langue nouvelle, porteuse d'un futur que seule la littérature lance à la face des barbaries : . Il en souffrit, pourrissant de l'intérieur et mourant à 37 ans, laissant d'entre toutes les voix de Zanguezi celle-ci : .
Emmanuel Laugier
http://www.lmda.net/mat/MAT01970.html