J'ai travaillé à Survie quelques mois en 2000. Verschave était un homm d'une humanité extraordinaire, il faut le dire. Mais il serait malhonnête de passer sous silence le côté messianique de son message, j'entends par là qu'il y avait chez Verschave quelque chose de sectaire. Il n'a jamais supporté les opinions contraires aux siennes, ne les a jamais écoutées. Son travail se bornait à découper des articles de presse et d'écouter des opposants aux régimes en place en Afrique subsaharienne, mais à chaque fois, dans les locaux de Survie, avenue du maine. Il n'a jamais été en Afrique, et affirmait qu'il n'en avait pas besoin. Il vivait dans une bulle où très peu de gens pouvaient rentrer. Sharon Courtoux, Medhi Ba, Odile Biyibi-Tobner, Jean-Paul Gouteux, Antoine Comte, Olivier Morice, qui défend la veuve Borrel. Il détestait les journalistes. Stephen Smith et Antoine Glaser étaient ses deux ennemis intimes, qui eux-mêmes le tenaient pour un extrêmiste.
Pour lui, la France a systématiquement agi contre l'intérêt des Africains. Longtemps, on s'est tu sur les agissements de la Françafrique. Puis la parole s'est libérée. Nicolas Lambert joue actuellement un spectacle sur le procès Elf en reprenant les minutes du procès. Mais peu à peu, d'autres voix s'élêvent pour dire que la France n'est pas non plus le monstre que n'a cessé de dépeindre Verschave. Verschave qui se targuait sans cesse d'être soutenu par plein de députés, prix Nobels, etc. Ce qui est complêtement faux. Il a toujours mené son combat tout seul, entouré certes, par quelques personnes, mais c'est tout. Le livre de Pierre Péan vient par exemple totalement en contre-point des affirmations de Verschave sur le rôle de la france dans le génocide rwandais.
J'aimais beaucoup Verschave. Il avait un pouvoir de persuasion et un charisme énorme, une assurance qui ne s'est jamais démentie jusqu'au jour de sa mort. Son problême était son intransigeance. Il n'a jamais voulu s'allier avec d'autres associations, qui avaient peut-être des discours plus policés. Il est resté un Saint-Just jusqu'au bout. Je suis infiniment triste de savoir qu'il est mort de cette manière. Car je pense au tréfonds de moi qu'il y avait en lui une bile et un ressentiment contre les gens, qu'il n'aimait pas les gens. Et c'est ce qui l'a tué. Un cancer moral le rongeait, puis un cancer tout court l'a tué. L'histoire de Survie est tragique. Verschave est mort exactement cinq ans après, en juin 2000, la jeune femme que j'ai remplacée, d'un cancer également.
Ce qui me gêne finalement beaucou, c'est que le discours de Verschave ne s'est jamais appuyé sur des preuves irréfutables, mais des articles de journaux, des témoignages de gens qui ne cherchaient qu'une chose, c'était repartir dans leur pays renverser l'occupant du pouvoir en place. Si ça marchait, c'était alors l'ancien occupant du pouvoir qui venait dénoncer les exactions de celui qui était dans les locaux de Survie quelques mois auparavant. Tout le travail de Survie ne fut que du vent, des on-dit, des rumeurs. Il n'est que de lire les livres de Verschave. Toutes les notes en bas de page renvoient à des articles de jounaux, écrits par de sgens qu'il fustigeait par ailleurs avec une violence inouie. pour lui, toute la presse était aux ordres d'une françafrique toute-puissante. On était en pleine théorie du complot planétaire pour piller les resosurces africaines en toute tranquillité. ceux qui n'étaient pas ou plus avec lui étaient contre lui. Il n'y avait jamais de demi-mesure.
A ma connaissance, et pour avoir eu accès à toutes les bases de données de Survie, aucune personnalité de premier plan n'a donné un centime à Survie, sauf un comédien dont je tairai le nom, mais que vous reconnaîtrez tout de suite si je dis qu'"ils pompaient, ils pompaient..."
Je me suis souvent disputé avec les autres salariés de Survie qui étaient tous en emploi-jeunes. Pour moi, la stratégie devait être de ne pas seulement essayer de convaincre les députés de gauche, mais surtout ceux qui au départ sont insensibles aux questions africaines, aux questions de la population africaine, j'entends. Même chose pour le site internet de Survie. J'ai toujours milité pour qu'on se dote d'un vrai site, correct et bien documenté. Pour que Survie se dote aussi du haut-débit, afin de pouvoir multiplier les recherches, plus longtemps, plus profondément. Non, verschave refusait toutes innovations techniques et s'en tenait aux bonnes vieilles feuilles de choux qu'il daubait par ailleurs. Sauf quelques uns, Patrick de Saint-Exupéry, par exemple.
Cette expérience de quelques mois m'a laissé un goût extrêmement amer. Il n'y avait aucune démocratie à l'intérieur de l'association. Au final, c'est toujours Verschave qui avait le dernier mot. Billets d'Afrique et d'Ailleurs, le mensuel de Survie, était entièrement rédigé par lui. Il ne s'ouvrait pratiquement jamais à des influences extérieures. Seule avait grâce à ses yeux Sharon courtoux qui lui était entièrement dévouée. Mais comment ne pas être soulevé d'indignation quand on voyait une dame pourfendre ainsi la France des ministères et des ors de la République avec une férocité incroyable,et découvrir qu'elle vivait dans une des rues les plus chères du septième arrondissement de Paris, lui-même le plus cher de la capitale, elle-même une des villes les plus chères du monde.
Un jour, j'ai discuté de tout cela avec un oncle qui avait vécu plus de vingt ans en Afrique. Au Cameroun à Yaoundé puis à Libreville au Gabon, pour Elf. Il en est finalement parti, parce que profondément honnête, il ne supportait plus ces petits arrangements avec les pouvoirs en place. Je lui ai fait lire les bouquins de Verschave. Il me les a renvoyés à la gueule en me disant qu'un jour, s'il le rencontrait, il lui casserait la gueule. Parce que, disait-il, quand on na pas vécu en Afrique, on ne peut pas comprendre. Et qu'il lui était très facile, là-bas, de la Tour Montparnasse, de débiner un système infiniment plus complexe et gris que les couleurs blanches et noires uniques que voulait en laisser voir Verschave.