Nico [PPC] a écrit :
Je comprends pourquoi Julien Gracq l'a refusé, ils devraient l'intituler le prix Médiocre, ce serait plus proche de la réalité
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y'avait justement un article sur tv5.org
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Goncourt 1951 : Le "scandale" Gracq
PARIS, 21 oct (AFP) - 21/10/2003 14h31 - "J'appartiens à l'une des plus vieilles familles d'Orsenna. Je garde de mon enfance le souvenir d'années tranquilles, de calme et de plénitude entre le vieux palais de San Domenico et la maison des champs, au bord de la Zenta": ainsi commence le roman qui a enflammé la rentrée littéraire 51.
"Le rivage des Syrtes" est le 3ème roman de Julien Gracq, déjà auteur notamment de "Au chateau d'Argol", refusé par Gallimard, ou "Un beau ténébreux".
Le roman, qui paraît à l'automne 51, est l'histoire d'un suicide collectif sur fond de pays imaginaires. Il est très bien accueilli par une partie de la critique. Antoine Blondin dit qu'il s'agit d'"un imprécis d'histoire et de géographies à l'usage des civilisations rêveuses".
Mais d'autres parlent de style "surchargé et cérémonieux" et le jugent dénué de toute attache au monde extérieur.
Très vite, la rumeur enfle: Julien Gracq "serait menacé d'un Goncourt comme on le serait d'un retrait de permis de conduire", selon la formule de l'écrivain-journaliste Pierre Assouline.
Car, avant même d'être cité pour le prix, l'auteur avait publiquement annoncé qu'il le refuserait.
Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, professeur d'histoire-géographie, a écrit en 1948 un pamphlet, "La littérature à l'estomac", où il regrette l'accent mis sur l'auteur au détriment de l'oeuvre et dénonce l'incompétence des jurys littéraires et les préjugés de la critique.
Malgré tout, les Goncourt lui accordent le prix.
caractère artificiel des prix
Ce jour d'automne, Drouant est noir de monde. Un des jurés, Raymond Queneau, farceur à souhait, assure à la meute de reporters qui attendent le verdict que le prix a été attribué à Julien Green pour "Les ravages de Sartre".
Le nom du (vrai) lauréat est enfin annoncé. Or, Gracq n'a pas déserté Paris. Dans un café de l'Odéon, il explique à la presse, et à sa manière, inimitable, que "le jury n'a pas tenu compte de mon attitude. Ce n'est pas que je sois impressionné par une détermination ferme. Je reconnais aussi volontiers -si je n'aime pas les prix- qu'il y a parmi eux certains suffrages qu'aucun écrivain n'a le droit de récuser sans une intolérable grossiéreté". Pour cet homme du refus et de l'intégrité, les prix sont davantage affaire de librairies que de littérature.
Son éditeur, aussi secret que lui, José Corti, voit plus de monde en une journée qu'en 13 ans d'activité. Il se refuse à habiller les volumes de la traditionnelle bande "prix Goncourt".
Le juré Goncourt, Alexandre Lanoux, s'explique: "Nous avons jugé que ce livre était le meilleur de l'année. Nous le disons, un point c'est tout". Autre juré, André Billy regrette le "rigorisme" de Gracq.
L'écrivain, que les photos de l'époque montrent avec les cheveux courts et portant une veste en tweed, chemise blanche et cravate, devient alors pour quelques jours une figure publique. La presse s'empare de son passé, illustrant cruellement les travers qu'il dénonçait dans "La littérature à l'estomac".
José Corti a vendu 110.000 exemplaires du roman la première année et seulement 175 la seconde. Julien Gracq y voyait la confirmation du caractère artificiel des prix.
En 52 ans, le livre s'est vendu au total à 287.000 exemplaires, selon l'éditeur, interrogé la semaine dernière. Il n'y a pas d'édition de poche. La seule autre édition est celle de la Pléiade.
Message édité par greenleaf le 21-10-2003 à 19:02:35