PARIS (AFP) - L'ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, 80 ans, a été relaxé mercredi par la cour d'appel de Paris dans un des volets de l'affaire Elf qui avait entraîné sa chute en le conduisant à démissionner de la présidence du Conseil constitutionnel.
Près de cinq ans après sa mise en examen, en avril 1998, dans l' affaire politico-financière la plus médiatique des années 90, cet ancien fidèle de François Mitterrand connaît le dénouement judiciaire le plus favorable qui soit.
A l'issue d'un procès en appel au cours duquel il a été largement ménagé par ses quatre co-prévenus, la cour d'appel a décidé de relaxer purement et simplement l'ancien ministre, ne suivant pas les réquisitions du parquet général qui avait réclamé une peine de prison avec sursis sans en préciser la durée.
"Les éléments de la procédure ne démontrent pas que Roland Dumas ait eu connaissance dés l'origine du caractère fictif de l'emploi de Christine Deviers-Joncour", écrit la cour d'appel dans son arrêt, soulignant par ailleurs que "l'accusation se fonde principalement sur les déclarations de Christine Deviers-Joncour dont le caractère fluctuant a déjà été souligné".
"Je suis content que justice me soit rendue", a simplement déclaré à l'AFP l'ancien président du Conseil constitutionnel, très ému, peu après l'annonce de la décision de la cour d'appel qui a par ailleurs délivré un mandat d'arrêt à l'encontre de l'ancien Pdg d'Elf Loïk le Floch-Prigent.
"On a fait démissionner le quatrième personnage de l'Etat, on a été au bord de l'incarcération, on lui a imposé un contrôle judiciaire humiliant (...) pour que se révèle qu'il n'y a rien à lui reprocher pénalement", a pour sa part déclaré son avocat Me Jean-René Farthouat.
"Il n'y avait pas de volet Dumas à l'affaire Elf", a-t-il ajouté.
En première instance, M. Dumas avait été condamné à six mois de prison ferme et deux ans avec sursis. Le tribunal correctionnel avait estimé qu'il avait bénéficié d'une partie des fonds indûment versés par Elf à son ancienne maîtresse Christine Deviers-Joncour.
Si la cour d'appel a relaxé M. Dumas, elle a revanche prononcé de lourdes peines (maintien ou placement en détention) à l'encontre des anciens dirigeants du groupe pétrolier.
Loïk Le Floch-Prigent, ancien Pdg du groupe Elf (1989 à 1993), a été condamné à trente mois de prison ferme.
Fait rare dans une affaire financière, la cour d'appel a décerné un mandat d'arrêt à l'encontre de l'ancien patron du groupe pétrolier qui était absent à l'annonce de cette décision en raison de son "état de santé" selon son avocat.
Ce mandat d'arrêt devrait être mis à exécution rapidement, ce qui signifie qu'à moins qu'il ne se constitue lui-même prisonnier, l'ex-Pdg devrait être interpellé puis placé en détention mercredi ou dans les jours à venir.
Alfred Sirven, ancien directeur des Affaires générales du groupe pétrolier français, a écopé d'une peine de trois ans de prison ferme.
Ecroué à Paris depuis son interpellation en février 2001 aux Philippines après avoir échappé pendant plus de trois ans à la justice française, Sirven, mi-décontracté, mi-désabusé, s'est déclaré "très heureux" pour M. Dumas.
L'ancienne maîtresse de M. Dumas, Christine Deviers-Joncour, qui avait déjà passé six mois en détention provisoire, a pour sa part été condamnée à 18 mois de prison ferme et douze mois avec sursis. Cette peine n'étant pas assortie d'un mandat de dépôt, elle reste libre pour l'instant.
A moins d'un éventuel pourvoi en cassation, qui a un effet suspensif, cette décision deviendra définitive et donc synonyme de retour en prison probablement dans les semaines à venir.
Interrogée mercredi après-midi par l'AFP, son avocate, Me Sophie Bottai a indiqué qu'elle n'avait "pas pris de décision à ce stade".
La décision de la cour d'appel signifie que Le Floch-Prigent comme Sirven comparaîtront détenus lors du procès de l'affaire Elf qui débutera le 17 mars devant le tribunal correctionnel de Paris. |