le décrochage. Alors que Jacques Chirac surfe sur l'Irak (lire page 4), Jean-Pierre Raffarin, lui, se trouve scotché dans le bourbier intérieur. Et le Premier ministre s'en sort mal. Selon l'Obser vatoire de l'opinion Louis Harris, enquête effectuée pour Libération et AOL (1), le chef du gouvernement perd 7 points par rapport à la vague de janvier : 52 % des personnes interrogées jugent «plutôt» ou «très positive» son action à Matignon (elles étaient 59 % il y a un mois) et 42 % la jugent «plutôt» ou «très négative» (contre 32 % en janvier). Un mouvement descendant, à l'inverse de la courbe suivie par le chef de l'Etat, qui gagne 3 points : 61 % jugent son action favorablement (contre 58 % il y a un mois) et 35 % défavorablement (sans changement par rapport à la précédente enquête). Selon François Miquet-Marty, directeur des études politiques à l'Institut Louis Harris, cette évolution divergente des popularités des deux têtes de l'exécutif est «un phénomène sans précédent au cours des dernières années», quand, de 1997 à 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin se marquaient à la culotte. Impôt sur la fortune. A l'exception de son action contre l'insécurité, la politique du gouvernement est sanctionnée dans tous les domaines sectoriels analysés par Louis Harris. Et sur des questions très idéologiques, comme l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ou politiques, telle la réforme des modes de scrutin régional ou européen, le verdict est sans appel. Ainsi, 56 % des Français jugent que Jean-Pierre Raffarin va dans le mauvais sens en abaissant l'ISF (31 % au contraire lui donnent quitus). Sur ce point, la désaffection touche surtout les sympathisants de la gauche, puisqu'ils sont 74 % à réprouver cette largesse faite aux plus fortunés des Français.
Cette «forte sanction», comme le note François Miquet-Marty, doit aussi être mise au compte de la proximité affichée par le Premier ministre avec le Medef, notamment lors son discours devant le congrès des patrons, le 14 janvier. Autre thème sur lequel Raffarin n'est pas suivi : la réforme électorale, où 47 % des personnes interrogées 58 % chez les sympathisants de gauche, 61 % chez ceux de l'UDF pensent qu'il fait fausse route (26 % estimant qu'il va dans le bon sens). Même si, sur ce dernier point, il ne s'agit que d'une majorité relative de jugements négatifs, il est à noter que l'enquête a été réalisée vendredi et samedi, alors que le Premier ministre venait de faire état de son intention d'utiliser l'article 49-3 de la Constitution pour abréger le débat à l'Assemblée nationale et que celle-ci s'apprêtait à débattre de la motion de censure déposée par la gauche. Sur d'autres enjeux, le Premier ministre perd aussi des points. 65 % (plus 5 par rapport à janvier) considèrent qu'il se trompe s'agissant du chômage. Les plans sociaux de ces dernières semaines sont là un facteur d'explication de ce discrédit. Sur l'avenir des retraites, si 55 % (+ 8 points) pensent qu'il ne va pas dans le bon sens, 61 % estiment que le chef du gouvernement est capable de conduire la réforme, ce qui le place à un niveau comparable à celui de Lionel Jospin en mars 2000 (63 %). L'insécurité reléguée. Spontanément et plus largement, les Français se disent d'abord obnubilés par les perspectives d'un conflit en Irak (89 %), un sujet qui, ces dernières semaines, a beaucoup frappé les esprits des personnes inter rogées, loin devant la politique sociale (20 %) et les risques d'attentats en France (8 %). Même les projets de Nicolas Sarkozy sur la sécurité ne sont plus un événement marquant pour les Français (6 %). Dans la suite logique, ils placent parmi les enjeux prioritaires la préservation de la paix (49 %), devant la diminution du chômage (43 %), la réforme des retraites (37 %) et la lutte contre l'insécurité (30 %). Si ce dernier thème est moins retenu, sans doute est-ce dû à l'action et à «l'agitation» du ministre de l'Intérieur. Et si la lutte contre le chômage reste un thème prégnant, c'est que le gouvernement a encore beaucoup à prouver. D'autant que c'est une question qui touche au coeur, puisque 73 % des personnes interrogées pensent qu'elles (ou un membre de leur famille) peuvent perdre leur emploi. Depuis la campagne présidentielle, accaparée par le thème de la sécurité, les Français ont donc changé leurs priorités.
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