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LES PLATINES de DJ Lam.C sont muettes depuis hier matin. De son vrai nom Sébastien Guéry, le jeune homme de 22 ans, qui animait régulièrement des soirées au Queen sur les Champs-Elysées (VIII e ), est mort dans la nuit de mercredi à jeudi au sous-sol de son immeuble dans le X e arrondissement, sous les coups d'un copain d'enfance. Il était 1 heure, lorsqu'Adel est entré chez lui dans cette petite cité de la rue Louis-Blanc, près de la place du Colonel-Fabien. Il a les mains couvertes de sang et dit à sa mère, qui se précipite sur le téléphone, prévenant la police, qu'il a « fait une bêtise ». Au sous-sol où Adel les conduits, les hommes de police-secours découvrent Sébastien couvert de sang, visiblement touché au cou, un canif à ses côtés. Au Queen, on l'attend. Olivier, alias DJ Subzero, son « frère en musique », avec qui il doit animer la soirée, s'inquiète. Une rumeur lui dit d'abord que Lam.C s'est fait « planter... et je me disais on s'en remet. Mais quand j'ai appelé la police, ils m'ont posé tellement de questions que j'ai compris que c'était très grave », confie le jeune musicien d'une voix blanche. Rue Louis-Blanc, les secours ne peuvent rien pour sauver Sébastien. Son corps est transporté à l'Institut médico-légal, tandis qu'Adel, très agité, placé en garde à vue dans les locaux de la 2 e DPJ tous proches, est conduit à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police à l'aube, puis, dans la matinée, placé d'office à l'unité des malades dangereux de Villejuif.
« Toi, tu as trop de chance » Ce n'est pas la première fois que le jeune meurtrier séjourne en psychiatrie. Entre ses placements, il s'est fait remarquer de la police du quartier pour divers faits toujours marqués par la violence. Selon ses amis proches, pour Sébastien, il était malgré tout resté comme un « petit frère ». « Ils se connaissaient depuis tout petit, ils ont toujours habité là, allaient à l'école ensemble. » L'un vivait au cinquième, l'autre au deuxième. A 16 ans, l'un a découvert la musique, investi dans une platine et une grosse console de mixage. A 18 ans, Sébastien, qui assiste à la soirée d'un ami aux Follies Pigalle, se voit proposer de tenir les platines. C'est le grand saut, passionné, dans le monde des discothèques, où l'on réinvente la musique en mélangeant les morceaux. Sébastien crée son style, dans la catégorie rythm and blues, en faisant la tournée des boîtes de France, lance son collectif de DJ, rencontre Olivier, et sort, avec lui, une compilation en juillet chez Warner... Non seulement on ne lui connaît pas d'histoires mais la vie, avec argent et voiture, lui sourit. Les filles aussi sans doute. Pendant ce temps, le monde d'Adel se limite aux abords du boulevard Louis-Blanc. Une cité où l'on s'énerve contre le bailleur et contre l'insécurité. Il y a ceux qui traînent toute la journée dehors. Il y a eu des incendies volontaires, du trafic de drogue qui se négocie en sous-sol et parfois sur le trottoir. « Quand on appelle la police on nous dit : il n'y a pas d'agression, alors on ne vient pas » s'indigne un proche de la victime, parmi ceux qui se sont rassemblés hier matin, défaits, devant les immeubles, se demandant s'il ne faut pas voir dans ce meurtre une agression raciste, du Maghrébin contre le juif. La rancoeur viendrait de si loin. Adel un jour lui aurait dit : « Toi tu as trop de chance je te tuerai. » « Je pense que c'est plus sûrement un geste de jalousie », analyse Olivier, sous le choc. « Sébastien lui donnait beaucoup. De l'argent, des tee-shirts, il l'emmenait en boîte et lui laissait porter ses disques... » Mercredi soir, parce que Sébastien défendait sa belle-soeur, avec qui Adel aurait eu une embrouille, ce dernier s'est énervé, étranglant et frappant, selon les résultats de l'autopsie, « l'ami d'enfance qui l'avait nourri, choyé et blanchi ». L'enquête, qui se poursuivra sur commission rogatoire si les expertises psychiatriques le permettent, dira peut-être si Adel est allé jusqu'à préméditer la mort de son copain.
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