Pour moi, comme pour énormément d'autres citoyens de ma génération et à plus forte raison mes parents & grand-parents, le 6 juin est une date qui n'est pas du tout, du tout, anodine. En ce jour très particulier, mon regard et ma pensée se tournent vers l'Ouest, vers la Côte Atlantique, vers la péninsule du Cotentin. Oui, ce jour-là, je pense aux américains (aussi bien sûr aux autres unités & nationalités, et civils français bombardés), je salue avec force le sacrifice de ces soldats qui sont venus se battre et mourir dans nos pays, des contrées que la plupart d’entre eux ne connaissaient pas le moins du monde — pensons aux australiens, Néo-zélandais, Sud-africains !! — mais dont ils n’ignoraient cependant pas que nous étions en danger mortel.
Je n’ai pas voulu quitter cette vie sans avoir parcouru la belle région de France qu'est le Cotentin, vu et visité la Normandie, son histoire depuis Guillaume le Conquérant, et ses cimetières militaires de la IIè WW – celui de Colleville-Sur-Mer plus longuement que d’autres. Je l’ai fait, en partie, en pensant à mon père qui aurait certainement aimé le découvrir après ce qu’il avait enduré. À défaut, mes parents se sont contentés de regarder et d’écouter les diffusions, les commémorations, chaque fois que c’était possible, à la télé. En faisant cette sorte de pélérinage par télé interposée, j’aimerais croire qu’il y eut une réparation dans leur coeur là haut. Le lieu où reposent tant de soldats et que j'ai enfin foulé en 2008 est bien sûr un lieu de recueillement, mais il n’est pas seulement cela. Et pourquoi donc ? Parce qu’en même temps qu’extrêmement émouvant, il est beau, superbement agencé et entretenu. Beau, parlant d’un cimetière ? Oui, beau et digne par la reconnaissance et de l'hommage éternel. Oui encore, pour la façon dont les deux pays concernés — France et États-Unis — ont œuvré afin de situer, de fixer avec une incomparable grandeur d’âme, le sacrifice consenti par les hommes qui ont débarqué ici. J’assure, je certifie ici avec force, qu’on ne sort pas de là intact ; allez-y vivre un instant et vous analyserez, physiquement, ce que cela représenta à ceux qui foulèrent cette plage au pas de course avec tout leur barda ; rien que les hauteurs qui la bordent sont impressionnants. Grimper là-dessus sous la mitraille ?! On se rend compte à quel point ils ont dû avoir peur, pour certains être terrifié, et dans quelle mesure ils ont progressé sur cette quelque large centaine de mètres, à découvert, en sachant très bien qu’ils allaient rencontrer les blessures ou la mort. Aucun rempart, aucun abri, aucune protection.
 

Même si je suis assez vieux pour l'évoquer, je n'étais pas assez conscient de tout cela, tel que vous me voyez sur la photo prise en Septembre ou Octobre 44, je crois (restaurée avec DxO & Luminar) entouré de mes parents, oncles, tantes, voisins fraternels. En cette fin 1944, j'étais petit, beaucoup trop petit pour en comprendre la beauté de ce jour et l’immensité du sacrifice. J'étais tout juste en âge de subir, de brailler, de gueuler que j’avais faim. On distingue les drapeaux qui sont demeurés jusqu'à la fin de la guerre. Mais je me souviens quand même d'une seule chose ressentie : les sourires, les embrassades, la joie des adultes sur la Grand Place de BXL. Il y avait trop longtemps que ce n'était plus arrivé !
 
La France, ce grand et beau pays —ses militaires qui n'ont pas baissé la tête tels que le Gl De Gaulle, un patriote comme on en fait peu—, notre voisin dis-je, s'honore grandement en perpétuant cette cérémonie sur les lieux même.