Une sortie controversée, des crises, un départ tonitruant, beaucoup de patches et de revirements... On ne peut pas vraiment dire que le début de vie de Diablo III, en dépit de ventes toujours spectaculaires, se soit passé dans les meilleures conditions possibles.
L’arrivée du jeu sur consoles, outre le plaisir de revoir enfin une des franchises majeures du studio sur une autre plate-forme que le PC, est donc un petit événement. A la fois le signe que Blizzard n’a toujours pas abandonné son rejeton, et l’occasion pour un nouveau public de mettre les mains sur un hack’n’slash qui a tout de même bien évolué. Principalement pour le meilleur...
Il n’y a pas de niveau de vache.
Voici donc le grand retour de la franchise Diablo sur consoles, 15 ans après le portage du premier épisode sur PSOne. Un comeback en grandes pompes après une gestation née sous le signe du secret de polichinelle, Blizzard ayant depuis longtemps signifié son souhait de revenir sur les plates-formes qui lui ont porté chance, à l’époque des Lost Vikings et autres Rock’n’Roll Racing. Et si la saga Diablo a toujours été un des classiques du catalogue PC, plusieurs portages récents et tentatives réussies ont prouvé que le genre hack’n’slash avait toute sa place sur les machines de salon, pour peu, cela va sans dire, qu’on se sorte un minimum les doigts du fondement.
L’arrivée de Diablo III sur des consoles désormais “old gen”, mais aussi sur la future PS4, ne passe en tout cas pas inaperçue, notamment auprès de joueurs PC qui ne se sont pas tous sentis particulièrement bien traités à la sortie de la mouture originale, avec ses problèmes de connexion, ses déséquilibres de classes, ses boss insipides, et son système de loot assez mal fichu. C’est d’ailleurs la première chose qui frappe au lancement de ce Diablo III sur console : possibilité de jouer offline, absence remarquée de l’hôtel des ventes, que beaucoup de joueurs accusent d’avoir pourri l’échange d’items et rendu la course au meilleur équipement sans saveur... Les possesseurs de Xbox 360, de PS3 et bientôt de PS4 seraient-ils ironiquement les mieux lotis ?
Avancer, tuer. En résumé.
Avant tout, Diablo III demeure sur console ce qu’il est sur PC : un pur représentant de la race hack’n’slash, un membre de l’élite du porte monstre trésors, encore qu’il n’y ait pas beaucoup de portes dans Diablo. Plutôt des niveaux assez vastes qu’il faut nettoyer de fond en comble, afin d’accumuler pièces d’or et expérience, et ramasser de quoi équiper son personnage à mesure qu’il gagnera des niveaux et débloquera de nouvelles compétences offensives ou défensives. Le fin du fin étant de calibrer ses “builds”, ou choix de compétences, aux circonstances : protection, points de vie en masse et coups qui assomment pour un boss énervé, sorts de zone orientés gros dégâts pour les bastons surpeuplées… Le digne représentant de ce qu’on a appelé à une époque le “power gaming”, dans lequel la finesse n’a aucune place et le skill toute son importance. Rappelons d’ailleurs, pour ceux qui auraient passé les vingt dernières années en hyper sommeil, que tout se joue en vue pseudo isométrique, que l’on contrôle un seul avatar progressant à sa guise dans des décors générés à chaque nouvelle partie de manière aléatoire (ou presque), avec moult monstres, packs de créatures et autres champions surpuissants.
L’expérience est le nerf de la guerre, car elle permettra de débloquer les compétences indispensables à son héros pour briller sur le champ de bataille et devenir de plus en plus puissant. Et puis il y a les armes, armures ou objets magiques que l’on ramasse, porte, revend et répare. Le jeu intégre aussi un système de gemmes que l’on peut sertir dans certains items, afin de les améliorer et leur donner des bonus supplémentaires. Des artisans sont présents dans les villages, afin de fabriquer de nouveaux objets, les réparer, ou combiner les gemmes en question afin d’en obtenir de meilleures. Les joueurs solo pourront également s’adjoindre les services de mercenaires, pour équilibrer un peu les chances et se sentir moins seul au combat. Car Diablo, ce sont avant tout et quasi exclusivement des combats, de la baston en quantité astronomique, au fil de quatre actes nourrissants qui emmèneront nos aventuriers des forêts lugubres de New Tristram aux profondeurs des Enfers, et encore au-delà. Une aventure longue et difficile, en tout cas pour qui se donnera la peine de retenter le coup au-delà du trop simpliste mode Normal.
Manu Patché
On retrouve intactes les cinq classes de personnages, du barbare costaud au mage polyvalent (et toujours un poil abusé) en passant par le moine kickboxer ou le chasseur de démon et ses armes bruyantes. D’une manière générale, aucun contenu n’a été enlevé du jeu original, porté à l’identique sur consoles. Mieux encore, Diablo III nous est ici proposé mis à jour avec toutes les nouveautés de la version PC 1.0.7, et intègre même quelques mécaniques héritées de la 1.0.8 sortie en mai dernier. Sans s’apesantir sur chaque modification de compétence ou correction apportée au gameplay, disons que le jeu a bien évolué par rapport à ce qu’on a connu au moment de son lancement en 2012. Outre l’amélioration du système d’artisanat, désormais utile, le système de loot a été revu, et que ce soit le fait des mises à jour ou d’une optimisation pensée pour cette version il faut avouer que c’est en net progrès. Les boss lâchent enfin du jaune, comme on dit dans le milieu (des items rares bien meilleurs que les items magiques classiques), et l’aventurier moyen trouvera des légendaires (objets oranges uniques) de manière régulière, au lieu d’un tous les 6 mois comme c’était auparavant le cas.
Du fait des multiples patches et changements apportés depuis un an et demi, les joueurs consoles héritent inévitablement d’un jeu meilleur, toujours plus prenant et addictif. Faire la course aux objets est redevenu un sport valable, les dynamiques de loot et d’artisanat, bien que toujours critiquables, ont le mérite d’accrocher à nouveau, et si les boss intermédiaires sont encore de gros sacs à points de vie sans génie, Diablo III a clairement gagné en intérêt sur le moyen et long terme, notamment avec l’ajout de contenu en fin de jeu (la Machine Infernale, le Parangon). Tous les modes de difficultés classiques répondent présent, et se débloquent comme d’habitude au fur et à mesure que l’on termine le jeu dans le mode précédent. Sauf qu’ils sont désormais assortis du fameux “Monster Power” implémenté dans un récent patch, qui rend les monstres plus résistants, et booste en conséquence le gain d’XP et les probabilités de trouver or et objets magiques, selon des calculs savants très compliqués. Un joueur console pourra donc débuter Diablo III en mode Normal, et choisir en prime une option de puissance de monstres supplémentaire (de Facile à Master V) afin de pimenter sa partie ou au contraire de la rendre plus accessible.
Concessions ?
Pour qui se donnera les moyens, Diablo III restera donc une expérience tout aussi exigeante sur consoles, avec toujours la possibilité de créer un personnage en mode Hardcore. Ici, pas de deuxième chance : toute mort est définitive, même au niveau 60, le plus élevé qu’il est actuellement possible d’atteindre. Blizzard a également inclus les statistiques avancées, affichages de points de dégâts ainsi que le mode électif qui permet d’assigner n’importe quelle compétence active à n’importe quel bouton de la manette, au lieu de se contenter de ce qui est imposé. Peu de concessions en apparence, donc, même s’il faut bien admettre que certains petits changements vont plutôt dans le sens d’une certaine accessibilité. Ainsi, en mourant, on peut désormais réapparaître directement sur son cadavre (excepté dans les zones de boss), au lieu d’être immédiatement ramené au point de contrôle ou au portail précédent. La pénalité de perte de 10% de durabilité des objets est toujours appliquée, mais seulement à partir du niveau 10.
Le système d’orbes de vie de Diablo III a longtemps fait parler de lui, mais reste lui aussi toujours de mise, accompagné d’une nouveauté exclusive aux consoles appelée “Nephalem Glory”. Ce boost temporaire aidera là encore les joueurs à doper leurs compétences afin de faire plus de dégâts plus vite, ce qu’on pourra considérer alternativement comme de l’assistanat ou comme une volonté de dynamiser encore plus les combats. Argument rendu plus crédible par l’arrivée de la fonction Evasion, qui permet, avec la gâchette droite, d’esquiver les coups en faisant une roulade dans n’importe quelle direction. Une idée en apparence très “console” qui fait merveille dans le feu de l’action en rendant les bastons plus nerveuses et jouissives, si c’était encore possible. Mais même avec ces petites aides, difficile néanmoins de parler de simplification à outrance, notamment quand on tâte les modes de difficulté supérieurs, tout aussi impitoyables que sur PC. En tout cas, les personnages au corps à corps devraient toujours y suer sang et eau pour ne pas se faire démonter à la moindre pichenette.
+12 INT
Ces petits ajouts ne sont évidemment pas les seules transformations subies par Diablo III pour son arrivée sur les machines de salon. D’un hack’n’slash joué au clavier souris, on passe à un contrôle à la manette. L’interface a donc été intégralement repensée, et au lieu d’un système d’onglets on hérite d’un inventaire circulaire où l’on choisira d’inspecter son équipement ou ses compétences en fonction de la direction choisie sur le stick. Tout a été réorganisé, regroupé, rassemblé pour tirer parti des boutons de la manette et tenir compte des limites du périphérique. Et le résultat est excellent, digne de la réputation de Blizzard concernant les interfaces. Devoir fouiller dans son sac de gemmes n’est sans doute pas des plus fun et on aurait aimé un bouton pour tout vendre d’un coup chez le marchand, mais vu la tonne de choses à gérer, ces reproches sont bien mineurs. Comparer les objets, les jeter, les réparer, crafter de nouveaux items chez le marchand, rien ne manque à l’appel, et certaines idées, comme ces petits symboles qui résument en un coup d’oeil l’apport en armure, vie et attaque d’un objet, ne paraîtraient pas forcément déplacé sur PC.
Dans le feu de l’action, c’est le même constat : le boulot effectué par Blizzard est impeccable. Les personnages répondent bien, pas une seule fois on se trouve pris en défaut par une maniabilité douteuse ou des choix étranges. Rien ne vient handicaper le joueur même s’il est vrai que placer un météore au pixel près ou gérer son saut quand on est barbare est sans conteste plus simple avec une souris. Le flow du jeu, la gestion des apparitions de créatures, le drop d’item, tout a indéniablement été pensé pour l’expérience console, mais le résultat est identique point de vue intensité à ce qu’on a pu connaître auparavant. Ce Diablo III ne paraît en tout cas à aucun moment comme un pis-aller ou un Diablo du pauvre, et se montre digne de la franchise : profond, jouable, fun, et facile à prendre en main. Comme sur PC, la difficulté viendra des multiples runs nécessaires pour débloquer tous les modes et de l’inévitable grind pour amasser or et XP, certainement pas d’un portage au rabais.
SOS Amitiés Viriles
Les vieux de la vieille vous le diront, Diablo en solo, c’est pour les faibles. Diablo III intègre donc tout ce qu’il faut pour s’amuser en groupe, jusqu’à 4, que ce soit en ligne ou sur son canapé. Ce mode coopératif local est exclusif aux consoles, et permet de jouer à 4 dans la même piece avec tout ce que cela veut dire : convivialité, bonne humeur, mauvaise foi, et surtout jouabilité à l’ancienne. Pas de partage équitable d’or ou d’items : ici, c’est la philosophie du premier arrivé premier servi qui règne. Jouer en local est d’une simplicité enfantine : allumer une manette, se connecter à un compte, et choisir un personnage pour qu’il rejoigne la partie en cours. Chaque joueur est identifié à l’écran par un cercle de couleur du plus mauvais effet, mais ce qu’on perd en classe on le gagne heureusement en lisibilité. Difficile de faire plus efficace, même si ça n’est pas toujours super lisible et parfois même un peu confus. Mais on ne crachera pas sur une nouvelle occasion de partager à plusieurs bastons endiablées, rires gras et paquets de chips.
Jouer en ligne est tout aussi facile, et dans les faits très agréable, sans lag apparent. Un système de matchmaking permet de trouver une partie selon ses envies, chasse aux monstres classique avec choix de l’acte voire de la quête, combat entre joueurs dans une arène ridicule (une nouveauté censée faire patienter en attendant un vrai mode PvP), ou chasse aux clés pour la Machine Infernale. Là encore, rejoindre une partie est un jeu d’enfant, et l’expérience se montre tout aussi gratifiante et plaisante que sur PC. On peut inspecter ses coéquipiers, échanger des objets, bref, rien ne manque à l’appel, sauf les 40 demandes d’amis à la minute venant de bots et de gold farmers. Le joueur misanthrope pourra de toutes façons rendre à sa guise la partie visible aux amis uniquement, voire la mettre intégralement offline. Fin du fin, un mode LAN / System Link est même inclus, pour jouer en réseau avec d’autres consoles. Une option qui a le mérite d’exister, même si dans les faits elle n’est pas des plus simples à mettre en oeuvre.
Beau comme un camion plein d’alias
Reste enfin la question technique. Si les fondamentaux de Diablo III ont bien résisté pour leur arrivée dans les univers Xbox et PlayStation, le jeu a en revanche un peu accusé le coup visuellement. S’il est évidemment trop tôt pour se prononcer sur la version “next gen” (PS4), sur la génération actuelle les graphismes ont forcément moins de panache que sur un PC de bonne tenue. Le jeu demeure splendide, avec ses décors vastes et colorés (trop, au goût de certains), sa touche “peinture à la main” magnifique. Il est tout de même évident qu’il est moins fin et moins détaillé, plus aliasé, et parfois moins fluide. Des petites baisses de framerate, des micro saccades qui ne perturbent pas trop le gameplay et n’entachent pas la jouabilité, mais qui montrent qu’il est grand temps de changer de génération de consoles. La chose est particulièrement visible lors des combats les plus spectaculaires, comme ceux de l’Acte III, toujours insurpassés dans le domaine. Dommage, surtout que le reste du temps, le jeu est fluide et joli.
Enfin, Diablo III a beau conserver ses qualités sur console, il embarque avec lui certains de ses défauts. Un système de compétences se débloquant automatiquement qui n’a pas que des partisans, prenant la place des bons vieux arbres de compétences touffus, où l’on choisissait soi-même les aptitudes et pouvoirs de son personnage. Un scénario inintéressant, aussi, ponctué de cinématiques niaises, quoique toujours très belles. Et une construction plus scriptée que dans les précédents opus, qui a tendance à lasser plus rapidement lorsqu’on refait le jeu plusieurs fois afin de tout débloquer. Et il y en a, des choses à débloquer : niveaux, succès, hauts faits, bannières… Car il faut bien l’avouer : quand on aime le hack’n’slash, grinder de l’XP, et martyriser du monstre en quantité, difficile de passer à côté d’un tel festin.
On n’en attendait pas moins, mais pour le grand retour d’une de ses franchises majeures sur consoles, Blizzard fait le quasi sans faute. A l’exception de graphismes moins fins que sur PC et d’une fluidité parfois un peu mise à mal, Diablo III montre une fois encore qui est le patron dans le genre hack’n’slash, avec un portage de qualité. Outre une jouabilité irréprochable et d’une interface totalement refaite, le jeu hérite de petites attentions qui prouvent bien que Blizzard ne s’est pas contenté du minimum syndical en optimisant son jeu pour les consoles, sans pour autant choisir la voie de la simplification à outrance, et en laissant aux joueurs toute latitude de pimenter l’aventure avec les options qui vont bien. Inventaire repensé, esquives qui dynamisent encore plus les combats et coop local sont là pour rappeler que le trancher découper se pratique tout aussi bien dans son canapé, pour peu qu’on fasse les efforts nécessaires. Qui plus est proposé avec un mode offline, sans hôtel des ventes, et quasiment à niveau côté mises à jour, Diablo III débarque sur consoles au meilleur de sa forme, en tout cas tel qu’il aurait dû être au moment de sa sortie sur PC en 2012. Ironie, quand tu nous tiens...
8 -Très bon - Sélection Gamekult
Un Diablo mis à jour quasi au niveau du jeu PC
Parfaitement adapté à la manette
Les petits plus consoles
Du coop local pour se friter à l'ancienne
Du challenge pour ceux qui veulent
Toujours aussi jouissif et addictif
Graphismes moins fins
Pas toujours fluide
Histoire toujours aussi débile et cinématiques toujours aussi niaises