Et bien sûr, il y a celle de Virginie Chomicki (lire l’épisode 52, « Virginie Chomicki, l’antenne de Bolloré »), + de recul. Le concept est, il faut bien le dire, brillant, ânonné par celle qui, si elle a quitté son poste de numéro 2 de CNews, conserve son émission et ce pour le plus grand bien de l’humanité : « Ils prendront plus de recul sur ce qu’on a trop vu et mettront en lumière les sujets dont on n’a pas assez entendu parler. » Quand on écrit « ânonné », promis, on n’exagère pas : Virginie Chomicki passe les trois quarts de son temps à réciter ses questions inscrites sur ses fiches, yeux baissés sans regarder la caméra. Lesdites questions sont destinées aux deux grands penseurs qui nourrissent l’émission de leur impérissable réflexion, PPDA et Rachid Arhab.

Las, cette débauche cérébrale n’est pas payée en retour. 45 000 téléspectateurs, selon Médiamétrie, ont regardé la dernière de Virginie Chomicki. Et 100 000, en moyenne, se shootent à Jean-Pierre Elkabbach le matin, soit le même score qu’avant son arrivée, un crime de lèse-Elkabbach. Soit, surtout, six fois moins que la grande rivale BFMTV, qui semble de toute façon hors de portée. Depuis le lancement de CNews, à la fin du mois de février, la nouvelle mouture d’i-Télé recueille la même part d’audience que l’ancienne : 0,6 %, quand LCI, désormais gratuite, est à 0,7 % et BFMTV à 2,9 %.

Une centaine de salariés dont 74 en CDI ont quitté la chaîne ? Quatre CDI seulement ont été signés. Quatre. Alors que la direction s’est engagée par écrit dans le protocole de sortie de grève à remplacer tous les partants. De même pour les CDD : neuf partants et cinq contrats signés seulement. Les syndicats de Canal+ viennent d’adresser au ministère du Travail ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un mail, dont Les Jours ont obtenu copie, pour les alerter de la situation.

La chaîne ne semble plus fonctionner qu’à la bonne volonté de ceux qui restent et aussi aux heures supplémentaires non payées des pigistes. Il y a deux semaines à peine, un Grand Journal de la présidentielle, chaque jour de 18 à 22 heures, a été monté d’un coup d’un seul pour suivre l’élection, mais qui doit se faire avec les maigres moyens du bord, surveillé par le cost killer Susperregui.

Et puis CNews peut-elle tenir le choc avec un service politique de… quatre personnes ? C’est en effet ce à quoi il se résume après le départ de Myriam Encaoua pour Le Parisien. Et elle n’est toujours pas remplacée. C’est pas comme s’il y avait une élection présidentielle, en même temps, hein. Du coup, note un membre de la rédaction, « le service politique fait des horaires de fous ». Certains journalistes ont appris par la bande – c’est l’habitude chez CNews – qu’il y aurait dix CDD recrutés pour la présidentielle, mais aucune annonce officielle. De même Yani Khezzar, qui rejoint TF1, n’a toujours pas de successeur alors qu’il était le seul journaliste spécialisé en économie de CNews. « Ça tient pour le moment, mais c’est un château de cartes », commente une salariée. Du côté des syndicats, on soupçonne fortement la direction de « vouloir gonfler artificiellement les chiffres ».

Ah tiens, puisqu’on en est au toujours délicieux chapitre de la déontologie, permettez-nous de finir par le début, c’est-à-dire le cocktail de lancement de CNews, le 27 février dernier. Ce jour-là, un pot est organisé à la rédaction dont les murs ont été nettoyés des articles de presse consacrés à Serge Nedjar et Vincent Bolloré. Mettons cela sur le compte du champagne : dans un discours en forme d’autocongratulation, Serge Nedjar promet que CNews va rejoindre les audiences de BFMTV d’ici à la fin de l’année 2017. Puis, le toujours jovial Nedjar entraîne la rédaction, façon chenille, vers un studio au prétexte d’une photo de groupe. Et là, les journalistes médusés se retrouvent au beau milieu d’une présentation aux annonceurs publicitaires ! Avec Gérald-Brice Viret dans son rôle favori : celui de Monsieur Loyal, faisant monter sur scène ceux que, dans le langage fleuri de la télé, on appelle les « incarnations », petites blagues sur l’âge canonique des nouveaux recrutés de type Elkabbach, pour faire genre. « C’était la foire à Châteauroux, gronde un journaliste, on montre les bestiaux. » Une autre se fait plus philosophe : « On s’est vengés, on a compensé en leur vidant leur champagne ! »

Une centaine de salariés dont 74 en CDI ont quitté la chaîne ?