Avec la mémoire holographique, la photonique prépare le disque dur de demain
STRASBOURG (AFP),
le 13-05-2004
En bombardant des protéines de poulet avec un rayon laser, des chercheurs strasbourgeois ont peut-être mis au point le disque dur de l'avenir: la "mémoire holographique" dont ils peaufinent la mise au point permettra de stocker l'équivalent de 27 DVD sur un fin support de la taille d'un CD.
L'"hypermémoire diffractive", comme l'ont provisoirement baptisée ses concepteurs, fait appel à des protéines animales qui stockent les données en se déformant sous l'effet d'un rayon laser, lui-même modulé en fonction des données à enregistrer, explique Patrick Meyrueis, le directeur du laboratoire de photonique (une science étudiant les potentialités technologiques de la lumière) à l'Université Louis-Pasteur de Strasbourg.
Ainsi déformées, les molécules issues des volailles, déposées sur un support de verre ou de plastique, forment une image holographique qui pourra ensuite être lue au moyen d'un laser.
"La technique n'a rien à voir avec celle du +disque laser+", souligne Sylvain Lecler, thésard dans l'équipe du Pr Meyrueis. "Sur un CD classique, les données sont physiquement gravées sur le support, et le faisceau laser n'est qu'un outil servant à lire la succession de 0 et de 1. Alors qu'ici, les données sont inscrites grâce à la lumière et stockées dans une image holographique qui contient 128 gigaoctets".
Les prototypes mis au point jusqu'à présent, issus de 20 ans de recherche, ne sont pas réinscriptibles, et seraient donc assimilables à des mémoires ROM (en lecture seulement).
Mais les chercheurs étudient parallèlement les effets de la lumière sur d'autres protéines, notamment celles contenues dans les algues, pour tenter de mettre au point une mémoire holographique, réinscriptible à volonté. Ils obtiendraient alors des disques durs de très grande capacité, accessible à très grande vitesse.
Le procédé, dont le fabricant japonais d'électronique Pioneer a déjà acheté le brevet, sans forcément envisager pour le moment une application industrielle, n'est qu'une facette parmi d'autres des applications de la photonique, science étudiant les potentialités technologiques de la lumière.
Dans les laboratoires strasbourgeois, les chercheurs planchent ainsi sur un microphone "optique" ultrasensible, fonctionnant grâce aux interférences provoquées par le son sur la propagation de la lumière dans les fibres optiques. Sur le même principe, ils mettent au point un sismographe photonique, capable de détecter d'infimes mouvements telluriques en étudiant leur impact sur la propagation d'un rayon lumineux.
D'autres chercheurs en photonique, notamment à Paris, ont mis au point des lentilles extraplates "liquides", constituées d'une goutte d'eau déposée dans de l'huile entre deux lames de verre. Soumise à une impulsion électrique, la goutte d'eau est capable de "faire le point" sur l'objet placé devant elle, ouvrant la voie à l'adjonction de lentilles autofocus extra-plates dans les appareils photo numériques miniaturisés des téléphones portables.
"La photonique sera la science du XXIe siècle, comme l'électronique fut celle du siècle dernier", assure le Pr Meyrueis. "Dans la médecine, l'astronautique, l'informatique ou les technologies du son et de l'image, ses applications sont immenses".