Mini-CR de mon trek de 4j :
J--1 :
Parti la veille du départ du trek, du Finistère, et pour seule expérience de montagne un trek de 4j en autonomie en Islande, elle simplement vallonnée, je pars la fleur au fusil, moi qui ne connais des Pyrénées qu’un petit mont gravi en train en crémaillère étant petit, mont dont j’ai oublié le nom, et une vision du cirque de Gavarnie quand j’étais petit toujours. De loin, hein, « on va pas se taper 4h de marche! » avait dit môman au sortir de la 504.
Bref. Vous l’aurez compris, ce compte-rendu ne sera pas court.
Fenêtres ouvertes dans la clio II 1.9D, à quelques dizaines de kilomètres de Tarbes, j’entraperçois une barre de nuages à l’horizon.
« Merde, j’ai fait demi-tour sans m’en rendre compte ? Pensai-je. » Ha ! La force de l’habitude, c’est certain ! Mais non, les nuages existent aussi ailleurs qu’en Bretagne ! Et on les voit de loin ! Car effectivement, cette barre sombre et menaçante plane au-dessus des Pyrénées, que je devine donc sans les voir à presque 100 km. Une fois j’ai tué une araignée à mains nues, mais là je vous avoue que je ne fais pas le fier ! Qu’est-ce-que je vais foutre dans ce merdier, seul, avec ma bite et mon couteau !!! Le breton a des ambitions, mais il boit beaucoup pour en arriver à bout. C’est une forme de courage, après tout. La boisson, je veux dire. A la votre d’ailleurs.
Moralement, premier coup au moral en entrant dans ma chambre d’hôtel « Première Classe », quelle horreur ce truc, une lampe néon jaune dans un coin qui éclaire à 1m, debout dans l’entrée j’ai l’impression d’être dans le noir complet. Heureusement, j’ai mon topo-guide, ma carte IGN (que je ne sortirai pas du trek) et FR3 Toulouse. Ouf. Vivement demain quand même.
J-1 : CAUTERETS – BIVOUAC AU REFUGE DES OULETTES DE GAUBE : 1100M D+
La journée début par une heure de route entre Tarbes et Cauterets. Zut, j’ai oublié de vous parler du menu du p’tit du Première Classe. Nan j’déconne, je pourrais être attaqué pour diffamation.
Je gare donc ma Clio au hasard à Cauterets, sur une place dont je note le nom, j’ouvre le coffre et enfile sur mes épaules mon meilleur ou pire compagnon de route c’est selon, mon sac décathlon forclaz ultralight 50L, et me rends à l’office du tourisme pour trouver le début du GR. C’est con à dire, mais j’ai appris un truc, c’est qu’en trek tu peux te taper 3000 bornes dans la pampa sans perdre ton chemin, mais il suffit de trois bicoques rassemblées pour être incapable de trouver la bonne rue pour foutre le camp. Pas de fierté, donc, on demande.
Et me voilà donc parti ce dimanche, vers mon but J1, le rufuge des oulè-teuh de Gauuu-beuh, comme on dit ici. Je suis un coureur à pied de 37 ans, avec un physique très endurant, nerveux, poussé vers la vitesse, et donc potentiellement un très mauvais randonneur.
Le potentiel a toujours raison.
Comme la montagne, le potentiel va du haut vers le bas, et moi je vais du bas vers le haut, je pars donc déjà avec un handicap. Le pire, c’est que j’y vais vite. Jusqu’au Pont d’Espagne, je suis seul ou presque, c’est boisé, agréable. Je souffle bien comme il faut, ça monte continuellement, et j’aime ça.
J’arrive au pont d’Espagne, bam la foule, et c’est comme ça jusqu’au lac de Gaube : des jeunes, des vieux, des très vieux ! Bordel, tout le monde marche ici, soit, mais dans des dénivelés pareils, ça me troue le fondement. Les gens d’ici ne sont pas comme nous. Avec cette foulée ferme, mon talon gauche chauffe déjà, c’est trop tard, lui il est condamné à me ch***jusqu’au dernier jour, la seule incertitude demeure sur le nombre de couches de peau que je perdrais chaque jour. Spoiler : au final j’ai gagné, 4 jours de marche pour 3 épaisseurs de peau perdues, HA !
Je marche donc bien avec mes 15 kilos sur le dos plus l’appareil photo à la poitrine. Et puis bam, le lac. Bôoooooooooooooooooooo. Et plaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaat.
Erreur. Le Gr10 qui le contourne par la droite me fait en fait passer par de gros blocs de caillasses, pas de dénivelé mais c’est au moins aussi usant. Le lac passé, et bien…ça monte. Toujours. J’arrive au refuge à 15h15, après 6h15 de trajet, dont 4h40 de marche. Je me doute que ma journée de marche est courte, mais pour mon premier jour, je « sens » déjà que c’est assez, 1000m D+ en quasi-continu, les jambes dures, le talon brûlé, et je suis dans les temps pour la boucle en 5j, no problem. Je prend un café au refuge, je vais me poser sur l’aire de bivouac située au pied du Vignemale , et sors mon monoculaire 10*25 pour mater les randonneurs qui grimpent vers la hourquette d’Ossoue via de longs lacets, afin de repérer le trajet pour demain.
HA ! « Hourquette », ça vous l’a fait aussi !?! Ca rime avec blanquette ! Mais bordel c’est quoi Hourquette ? Et bien c’est tout con, c’est « col » ou « fourche » ou « bifurcation ». Mais c’était trop simple.
Ce couple que je mate depuis presque 45 minutes disparait maintenant dans des replats au niveau de la « hourquette », (HA HA !) et il est … 17h. Bordel, Parc National oblige, pas le droit de planter la tente avant 19h…Petit à petit 3 puis 4 « emplacements » (comprendre cercles de pierre qui protègent des vents parfois violents qui s’engouffreraient sous les toits de tente pour les arracher du sol) se remplissent, une famille père/mere/garçon, puis père/garçon, et deux espagnols quadras. La famille monte sa tente dès 17h45, papa/garçon à 18h, j’attends les espagnols peu décidés, et entreprends mon montage à 18h30. Il s’avèrera que les espagnols dormiront à la belle étoile. Les fous ! penserai-je, avant d’enlever ma polaire et de sortir de mon sac de couchage 20 minutes après m’être allongé…le soleil se couche sur Vignemale, c’est beau, et dans un gros prout retentissant il lache un sérac en direction de ses visiteurs du jour. Le pic est joueur.
De toute façon, nuit blanche ou presque pour ma pomme, le sol est dur comme du béton, je joue à la rôtissoire toute la nuit, comprendre que je fais ¼ de tour environ toutes les 20 minutes de 21h à 7h du mat’…
J-2 : Refuge des Oulettes de Gaube-Refuge de la grange de Holle ou Le jour le plus long
Lever 7h, un coup d’œil sur le Vignemale, il n’a pas bougé, ouf. Lait en poudre, 100gr de céréales cruesli chocolat, je remets tout dans le sac dans la tente, je la plie, hop, 8h on the road. Je prends la foulée d’un couple de sexa qui monte tranquillou. Pas tant que ça au final, puisqu’ils ne font pas une pause pendant l’heure et demie qui nous amène au col au lieu des 2h du topo-guide. Le chemin est étroit mais propre et stable, pentu, les ampoules de la veille tiraillent déjà, mais bon, c’est mon lot, après je ne le sentirai plus, il faudra simplement constater les dégâts le soir…
Arrivé au col, je vois le bout qui reste à gravir pour atteindre le sommet du Petit Vignemale, le mari sexa me dit qu’il l’a fait il y a quelques années, si je laisse mon sac au col, c’est easy, 1h30 A/R à tout casser. En 1h15 c’est fait, j’ai longé la pente sud, qui me donne un panorama sympa sur la chaîne des Pyrénées, avec un beau ciel bleu et un brouillard discret qui me permet de voir une dizaine de différents plans montagneux successifs jusqu’à l’horizon. A mes pieds, le glacier où j’aperçois des fourmis grimper vers le Vignemale. Arrivé au sommet du petit Vignemale, je suis seul 10 minutes, moment sympa !
Mais la journée s’annonce longue, vu que j’ai prévu de bivouaquer +/- après le barrage d’Ossoue, mais je ne sais pas trop où…alors autant se laisser une marge de recherche de coin.
Je m’enfile mon ziploc de midi quotidien en 15 minutes, et c’est reparti. J’atteins le refuge de Baysselance un peu en contrebas en 10 minutes, je prends un café vite fait et zou. La descente est assez longue et j’utilise souvent les bâtons. Je suis heureux d’avoir fait la montée dans l’autre sens néanmoins, les grimpeurs en bavent comme c’est pas permis ! Le paysage est sympa, cascades, névés à traverser…mais par temps pluvieux, certains passages sur le pierre érodée doivent être un peu limites ! Comme en Islande, j’ai le cul bordé de nouilles, un gros soleil m’acompagnera jusqu’au bout du séjour, même le dernier jour alors que la pluie était prévue.
Ouf, le barrage est en vue, je me fais doubler par une brindille avec un camelbak en petites foulées, comprendre un traileur espagnol, l’enfoiré me met 1km dans la vue en 5 minutes sur ce terrain plat…où je lache mon sac pour m’allonger et profiter d’un repos bien mérité.
Puis je repars après m’être connement demandé par où j’allais traverser ce barrage. L’après-midi commence à être avancée, et il s’agit maintenant surtout de suivre quasiment une isocline, enfin on s’comprend, ça monte et ça descend, mais moins longtemps ! Je croise une cabane, deux cabanes, et décide de finir ma journée au pied de cette deuxième, il doit être 16h30, j’ai mal partout. Je vois un gars arriver de nulle part, soixantaine, short court, torse nu, qui marche à travers champ. Il s’avère que c’est un ex-gardien du Parc qui est venu « crapahuter » par manque de potes pour faire de l’escalade aujourd’hui…ils ont la santé ici ! Il me complimente sur ma foulée, et sur ma résistance quand je lui dis mon parcours de la journée et surtout mon expérience, qu’il sanctionne d’un « oh, les bretons ce sont des résistants !» Il me donne même son nom pour le cas où je monterais ma tente avant 19h et qu’un « jeune » (comprendre « jeune gardien ») viendrait m’embêter là-dessus. Sympa !
Ensuite, je pose mes fesses sur les marches, j’ouvre une carte, mais au bout de quelques minutes, 10 bovins en rang d’oignon face à moi, à 5 mètres, et qui font des petits pas vers moi avec des yeux genre « on peut voir ce que tu lis, dis, on peut voir ? » . Bordel…j’imagine déjà un de ces specimens me tomber sur le rable à 3h du mat’…pif paf, je remets mon sac, les laisse ruminer tranquille, et c’est reparti pour…je sais pas où !!!! Il y a bien un refuge-chalet grange de Holle, mais c’est encore loin ! Et puis surtout le chemin ne descend pas, alors que ce refuge est près de la route. J’y arrive complètement rincé à 19h15, après 8h de marche effective et un départ à 8h…c’est fou ce que 200m² de simple pelouse peuvent être réconfortants ! Et bonus, si la place est payante (6€), j’ai le droit à une paire de tongues et l’utilisation de la douche ! Ca va être ma première toilette depuis le matin du premier jour…je me couche 45 minutes après être arrivé, en jurant que demain je ferai une « demie-étape », que je profiterai du paysage, sans forcer, pépère…
Ha ha ha…pauvre de moi…
J-3 : Refuge de la grange de Holle – Sazos. La revanche du Jour le plus long
Départ à 8h45, le soleil se lève, je traverse un petit bois propice au bivouac, fallait le savoir. Bon, il n’y a pas la douche, je ne regrette pas. La montée commence. Et on n’est plus au premier jour, où la montée me ravit et bof la descente, maintenant c’est « ouille la montée » et « ouille ouille ouille la descente », surtout à cause de ces put*** d’ampoule qui m’auront quand même un peu gâché mes débuts d’étapes chaque jour, je crois que je n’aurai jamais autant serré les dents. La montée se fait donc sous le soleil plein Est, à ma droite, et je sais que s’il n’y a pas de nuage je l’aurai dans la face jusqu’au début de l’après-midi. Et il n’y a pas de nuage…ça monte longtemps, et mon moral est bas, j’ai passé mon principal focus du trek, le Petit Vignemale, je commence à souffrir physiquement, il fait chaud, je ne sais pas quoi faire de ma journée, jusqu’où aller, les bivouacs me semblent encore peu nombreux, et si le début de journée me voit m’éloigner et laisser dans mon dos un splendide cirque de Gavarnie qui se dévoile au fur et à mesure que la matinée avance, il y a aussi des lignes hautes tension, la route en contrebas qui relie Luz à Gavarnie, alors que jusqu’à maintenant j’étais « dans » la montagne. Bref, ça ne va pas fort, et quand on est seul, on a que ça à cogiter, entre deux chansons débiles…je vois devant moi un type et sa nana qui ont 200/300m d’avance, c’est pas mal, ça me donne du divertissement, je prends mon chrono et essaie de voir si je les rattrape ou pas…il s’avérera plus tard que le type et sa nana sont en fait deux toulousains d’au moins 90kg avec lesquels je vais faire +/- un bout de chemin plus tard. Je les nommerai Mitraille et Moscato, parce qu’en fin de journée mitraille est parti devant et on l’a jamais revu avant le camping. Et Moscato c’est parce que…et bien parce que je suis encore persuadé que c’était Moscato, c’est pas possible sinon…
Journée longue donc, je m’imagine même arrêter mon trek, descendre à Luz au lieu d’obliquer à l’Ouest vers Cauterêts…quand j’avais regardé ce qu’il faudrait faire pour finir le trek en 4 jours, j’avais vu ce nom de « sazos « , avec bar + bivouac, mais c’est beaucoup trop loin pour une journée de récup, voire beaucoup trop loin tout court…lors d’un échange Mitraille qui connait la région me sort, « nous ce soir c’est camping à Sazos, pizza et bière, il y en a pour 3h à peine » …Oh Pu-Tain ! J’ai dû sortir un truc comme « camping ? sans déconner ? 3h ? », alors que j’avais estimé à bien plus long. Du coup la perspective d’arriver jusque-là ce soir avec la récompense au bout me rassérène, surtout que j’ai deux compères sympas pour finir l’étape et qu’il y a des portions de bitume (c’est moche, mais bon) où je suis super à l’aise et tricote à bon rythme. Mais j’ai quand même un doute sur le temps, j’avais jusque-là toujours relativement bien estimé les durées avec le topo-guide. Il s’avère qu’au bout de 2h30, en haut d’une côte, on voit un joli panneau « Sazos – 1h30 »… »naaaaaaaaaaaaaaaaaann ! » Il est 18h15…je marche depuis 7h30…au final, moi et moscato on finira sur les rotules en boîtant en arrivant au camping vers 19h15, au terme d’une descente très pénible même si pas difficile techniquement.
Pour moi pas de pizza, une douche, un pipi, un lyo et un dodo pour finir cette journée record qui avait mal commencé et qui devait être courte…c’est ce genre de journée qui vous apprend vraiment à sa connaître, on bacule du côté mental du trek : tout est cassé, mais si la tête veut, le reste suit tant bien que mal…et ce mental fait le yoyo, il faut apprendre à serrer les dents quand on est en bas, c’est pas simple !
J-4 : Sazos – Cauterets
Le programme est simple, une montée jusqu’au col de Riou situé en haut de la station de ski de Luz Ardiden, 1000mD+ d’une traite sans replat, et ensuite 1000m de descente jusqu’à Cauterêts.
Départ 8h45, les compères partent devant le temps pour moi d’aller pisser…et de perdre 15 minutes dans Sazos. Pfff je me suis paumé dans 2 pâtés de maison en ratant le tout petit chemin sur la droite direction Grust, du coup j’ai rechoppé un signe GR plus loin, et j’ai tourné en rond…me voilà enfin parti dans la bonne direction et comme tous les jours au petit matin, par une belle montée. 1000m D+ ce matin en 3h/3h30 de prévu. Le talon gauche en feu comme d’habitude, mais au bout de 10 minutes c’est bon, la soufflerie est en marche, les bâtons se plantent dans la terre entre les caillasses façon départ de course de ski de fond, j’aimerais rattraper les loustics devant avant la fin de la montée, pour le fun. Il me faudra 1h pour leur reprendre le ¼ d’heure et les retrouver exsangue à siroter sur le bord de la départementale. « T’as astiqué, non ? » qu’ils me demandent. « Oh un peu, j’aime bien quand ça monte… » On arrive ensuite à la station de Luz Ardiden, là méfiance, il y a un peu de brouillard, le marquage GR est au sol sur la piste de ski, et on a d’ailleurs failli se planter de col et prendre celui trop à gauche…on fait la pause midi, mais j’ai sifflé mon ziploc en ¼ heure, et comme ils s’arrêtent une heure et que je sais que je vais souffrir dans la descente, je leur dis au revoir et leur demande de mettre le clignotant quand ils me doubleront. La descente est sympa, beaucoup de lacets au début à travers les buissons, avec vue sur la vallée, puis la forêt, et encore la vue sur la vallée. Au début, le rythme est bon, mais plus ça va plus je plante les bâtons devant moi…je sais qu’il y en a en tout pour 2h min, ça va être dur ! Et puis soudain, le miracle l’illumination : la pente étant plutôt douce, je décide de ne plus planter les bâtons, et pouf, je retrouve une foulée « normale », beaucoup plus souple, et plus rapide…mon sac ferait 5kg de moins j’aurais presque envie de trottiner !!! Je croise de plus en plus d’animaux à 3 pattes, je ne dois pas être loin de Cauterêts ! Au final donc je ne reverrai pas Mitraille et Moscato, tant mieux, ils ne verront l’espèce de petite larme à l’œil qui vient quand, après 4 jours d’efforts et parfois de difficultés mentales, je débouche sur le bitume de Cauterêts, soulagé.
Pour souligner la part de mental, je pourrais vous décrire l’effondrement physique au réveil dans le Formule 1 le lendemain matin, presque incapable de marcher, alors qu’il y aurait eu un « J5 » à tenir, la tension nerveuse m’aurait sans doute permis de tenir encore un jour de plus…fini le trek le 27, on est le 30, mon ampoule et mon hématome sous-unguéal suinte encore, mes quadris sont encore douloureux, mes pieds sont gonflés, mes trapèzes toujours raides…
La montagne, c'est beau!
La prochaine fois, les Alpes sans doute, pour varier
Message édité par Profil supprimé le 30-08-2014 à 17:34:04