Apocalypse Natio :
MinIsraël
BLINGBLINGBLINGBLINGBLING
Voilà ce qui le réveillait, tous les jours. Deux fois par jour. Le son de la matraque contre les barreaux de sa cellule.
BLINGBLINGBLINGBLING
I
"Debout ! C'est l'heure des pipes !".
L'heure des pipes. C'était le soir, alors. Sept heures. Tous les soirs, à sept heures, c'était la même chose : trente pipes, cinquante pipes, cent pipes, ça dépendait des jours, qu'il devait tailler à ses geôliers, à ses Maîtres.
Il ne savait pas quel jour on était, mais il était sept heures du soir, ça il en était sûr.
L'heure des pipes.
Vincent se mit à pleurer.
II
La semaine du grand effondrement (il n'avait fallu que quelques jours pour que ce que l'on appelait la "société de consommation" croulât sous le poids de ses contradictions) avait été une sorte de fête, pour lui, pourtant. Il avait eu raison ! Alain avait eu raison, et lui avait eu raison de suivre Alain ! Ce système détestable, qu'ils avaient combattu sans relâche, était mort.
Mais maintenant, que faire ? Plus rien de ce qu'il avait fait ces dernières années n'avait de sens. Plus rien à dénoncer, plus d'ennemis à démasquer. Plus de reportages à filmer, plus d'articles à sélectionner, plus d'internet, plus de réseau, plus d'édition, plus rien. Alain, qui avait de solides contacts à la DGSI, avait réussi à fuir dans le sud de la France, à moto. Lui n'avait pu fuir Paris, et Paris était devenu une jungle, que se disputaient bandes ethniques, anciens groupuscules gauchistes et équipes d'anciens corps constitués. Les autres, les "moutons", se terraient, et quand ils en avaient marre de se terrer, ils se déplaçaient en groupe, fouillant les poubelles, pillant les appartements, en essayant d'éviter les ennuis.
Vincent aurait bien voulu rejoindre une des bandes des "constitués" (les "gauchistes" l'auraient exécuté sur le champ, et les "ethniques" voulaient rester "ethniques" ), mais il n'avait pas la "condition", comme on dit. Il n'était pas assez musclé, pas assez fort. Surtout, il n'était pas assez dur. Il aurait été incapable d'exploser le crâne d'un gauchiste avec un parpaing, comme il avait vu un "constitué" le faire. Il aurait été incapable de planter un "ethnique" dans le dos. Il aurait été incapable de décocher un coup de poing, d'ailleurs. Ce qu'il savait faire ne protégeait pas des coups, ce qu'il savait faire ne plaisait plus à personne, ce qu'il savait faire ne soulageait pas la faim. Et il avait faim.
III
"Allez Vincent, lève-toi putain, plus vite t'auras pipé, plus vite tu pourras revenir dormir".
Ça n'était pas un monstre, ce gardien, ce David. C'est ce qu'il appelait, comme le disait Alain, un "juif du quotidien", avant-effondrement. Pas un fanatique, pas un salaud. Jamais il ne lui avait imposé une pipe, lui. Jamais il n'avait exigé un café... Il travaillait pour les types qui dirigeaient MinIsraël, bien sûr, mais avait-il le choix ? Tout le monde haïssait les juifs, post-effondrement : les constitués, les gauchistes, les ethniques, les moutons, tout le monde. Ça avait toujours été comme ça, partout, tout le temps, mais en ces temps de chaos, où tout le monde cherchait une explication, un coupable, le ressentiment à l'encontre des juifs était plus fort que jamais.
C'est pour ça que MinIsraël avait été créé. Dés que les premières émeutes avaient éclaté, un grand supermarché aux portes de Paris avait immédiatement été colonisé par les juifs influents, les juifs riches. Les Attali, Hanouna, Bruel, BHL, Fabius, Haziza, les patrons de presse, les acteurs, les journalistes, les politiques, les financiers, ils étaient tous là ou presque. Ils avaient protégé les entrées, avaient armé des gardiens, aménagé l'immense surface du magasin. Ils avaient de quoi manger pour plusieurs années. Des dizaines de pendus, sur le parking, décourageaient, en pourrissant, les attaques. Ils s'étaient bien débrouillés, il fallait bien l'avouer. Un matin, ils avaient remplacé les gigantesques lettres de l'enseigne du grand magasin par une gigantesque banderole : MINISRAËL.
"Vincent, lève-toi. Tu fais tes pipes, je reviens te chercher, je te ramène. Tu sais ce qu'ils vont te faire si tu ne te dépêches pas, hein ? Allez Vincent, lève-toi..."
Il savait ce qu'ils lui feraient s'il refusait de piper oui. Et ça, c'était pire que tout. Alors il essuya ses larmes, et se leva.
IV
Il n'avait jamais eu faim comme ça. Ça faisait mal. On ne pouvait plus penser à rien d'autre, quand on avait mal comme ça. Tout son corps n'était plus qu'un grand estomac qui hurlait, qui se tordait. Il fallait qu'il sorte, qu'il trouve quelque chose à manger, n'importe quoi. Il commençait à se dire que ça n'était pas si mal que ça, avant. Pouvoir se balader dans la rue, sans avoir peur, pouvoir dormir au chaud, pouvoir manger à sa faim... Manger à sa faim !
Déjà, les enfants des "moutons" avaient du mal à croire que tout le monde pouvait à peu près "manger à sa faim", avant l'effondrement. Pour eux, la vie c'était ça : une ville presque morte, un grand silence troublé par de rares cris, par une rafale de fusil-mitrailleur, la peur, la soif, la crasse et la faim.
Par chance, il n'avait pas eu à forcer la serrure d'Alain, la semaine de l'effondrement. Il avait un double des clés, et quand son appartement à lui avait été pris d'assaut par des "ethniques", il était venu s'y réfugier. Il dormait sur le canapé, ce canapé qu'il avait tant aimé, tant filmé.
Il fallait sortir. Il ouvrit la porte délicatement et descendit les escaliers sur la pointe des pieds.
Il poussa doucement la porte de la rue, et regarda longuement au loin, à gauche : personne. Il tourna la tête vers la droite : une trentaine de moutons, qui passaient par là. Ils l'avaient vu. Ici et là, des badges "Star Wars" usés, des t-shirts "Macron Président !" mités, des casquettes "PS", "RPR", "UMP" délavées, des autocollants "CGT", "UNSA", "NPA" à peine lisibles... Une femme grosse et moche, qui le regardait fixement, arborait un sweatshirt "Patrick Bruel, tournée 1991", troué, qui laissait pendre un sein flasque... Tous les déchets du système étaient là, et il était trop faible pour fuir.
Un homme d'une quarantaine d'années, une sorte de chef, lui adressa la parole :
- Vincent Lapierre, n'est-ce pas ?
Vincent regarda cet homme : il portait une casquette "En Marche !", un t-shirt taché "Oui à Maastricht", un pantalon constellé de badges : SOS-racisme, mariage pour tous, arc-en-ciel, Végétarien !, Non au F-Haine... Par-dessus tout ça, une cape marron de jedi. Il tenait un sabre laser en plastique télescopique vert.
- Ne répondez pas, nous savons que vous êtes Vincent Lapierre.
- Vous pouvez me frapper, mais vous n'aurez pas ma liberté de penser !
Un autre type, la cinquantaine, les yeux exorbités, hurla, en montrant le poing "laisse Florent en dehors de ça, connard ! Facho !".
L'homme écarta un peu sa cape, pointa son sabre laser sur le fan de Pagny en lui demandant de se calmer. Le fan de Pagny se tut, comme paralysé par la force. L'homme, dans un sourire, se retourna vers Vincent :
- Nous n'allons pas vous frapper, Vincent. Nous allons vous livrer à MinIsraël. Pour vous, ils nous donneront au moins une semaine de vivres, peut-être même du carburant.
Le troupeau de moutons exulta :
- À Mi-ni-sra-ël !
La bande sautait sur place, le sein de la grosse se balançait dans tous les sens.
- À Mi-ni-sra-ël ! À Mi-ni-sra-ël !
Vincent baissa la tête, pendant qu'on lui liait les mains dans le dos.
Cette fois, c'était fini. Ils le tueraient, là-bas. Il avait vu les cadavres, sur le parking : ils le pendraient.
V
Dans le couloir qui menait aux anciens bureaux de la direction du grand magasin dans lesquels les dirigeants de MinIsraël avaient pris leur quartier, Vincent regrettait de ne pas avoir été pendu comme les autres. Ça n'était pas une vie, ça.
Faire le café, tous les matins, de sept heures à deux heures de l'après-midi, pour mille deux-cents personnes.
Tailler des pipes, des dizaines de pipes de sept heures du soir à deux heures du matin.
Le reste du temps, il le passait dans sa cellule, parmi les meuglements, les cris, et les rires fous des autres prisonniers. Pour s'occuper l'esprit, il écrivait, dans sa tête, une nouvelle biographie d'Hugo Chavez, qu'il priait, le soir, comme s'il s'était agi de Jésus-Christ lui-même. Mais il fallait aussi se reposer, nettoyer, dans une bassine, ses cheveux souillés, curer ses ongles noircis par le café (les Maîtres n'acceptaient que du café en grain, que Vincent devait moudre lui même, dans un pilon de fortune), dormir un peu. Il n'en pouvait plus.
Le garde ouvrit une des portes. Un petit homme râblé, au regard bête, assis dans un grand fauteuil en cuir, cigare aux lèvres (il y avait donc encore des cigares ? Alors que dehors, on se battait à mort pour un mégot de cigarette ?) avait déjà le pantalon sur les chevilles, et attendait.
- Alors El facho de Caracas, Cómo estás ? Hahaha ! Ton café était pas terrible ce matin, j'espère que ta pipe sera meilleure hein ?
- Vous êtes ridicule M'sieur Haziza !
Le gardien, obligé d'intervenir, balança une gifle monumentale à Vincent, dont la tête alla heurter un coin du bureau du petit individu.
- T'y es allé un peu fort David.
- Pardon Monsieur Haziza.
- Mais non c'est pas grave, ce petit goy de merde n'a jamais su fermer sa gueule. Ramène-le dans sa cellule, et va m'en chercher un autre.
- Vous avez une préférence, Monsieur Haziza ?
- hmmm, Conversano, va chercher Conversano.
VI
La bande de moutons exultait : un mois de vivres, cent litres de Gazole. C'était plus qu'ils n'avaient espéré. Et tout ça pour quoi ? Pour livrer ce connard de Lapierre, qui les avait humiliés avec ses interviews, avant-effondrement. "Tout bénèf !", se réjouissait la grosse fan de Bruel, "gagnant gagnant !", ricanait un type qui tenait une peluche de Yoda sous le bras, "mort aux cons !", hurlait un autre, qui arborait un tatouage maori et tenait un petit chien en laisse.
- "Vaste programme...", marmonna le chef, qui avait rabattu la capuche de sa cape, pour se protéger de la fine pluie qui tombait sur le square Séverine, situé à l'opposé du grand magasin, de MinIsraël, de l'autre côté du périphérique. Il avait rangé son sabre laser télescopique en plastique dans sa ceinture.
Le chef regardait sa petite bande, trente personnes à peu près, se gaver de sucreries, de sodas et de surimi. MinIsraël gardait pour lui les fruits, les légumes, la viande. On avait même entendu parler de plantations, sur le toit du grand magasin, et d'autres encore dans l'immense parking, au sous-sol. C'était vrai : Grégory Chelli, Ulcan, avait installé un gigantesque système de lumière artificielle, et faisait pousser des centaines de kilos de carottes, de salades, de tomates. Chelli avait eu la malchance d'être à Paris la semaine du grand effondrement, obligé qu'il avait été d'assister à un procès pour incitation à la haine raciale. Maître Gilles-William Goldnadel l'avait brillamment défendu, et lui avait permis de rejoindre MinIsraël.
"Ils ont même trouvé un juif capable de faire pousser des trucs, eux qui ont toujours pillé les sédentaires comme mon grand-père !", pensa le chef. Il avait toujours combattu l'antisémitisme, de tout son cœur, mais là c'était trop. MinIsraël, ses champs de légumes, sa viande, son eau, ses tonnes de nourriture industrielle, ses téléviseurs, ses Blu-ray, ses jouets, ses vêtements, ses piles, ses esclaves, sa police... Ils avaient tout, et eux, les "moutons", les goys, ils n'avaient rien, rien que ce que MinIsraël leur donnait, en échange d'un prisonnier ou d'un peu d'huile. Que faisaient-ils de toute cette huile ? Personne ne le savait. Il devait y en avoir des litres et des litres, pourtant, dans le grand magasin ! Quoiqu'il en soit, ils payaient rubis sur l'ongle : un litre d'huile valait trois livres, un litre d'huile valait deux chemises, un litre d'huile valait une pile électrique... Tout le monde le savait, dans Paris : le meilleur whisky, le meilleur Bordeaux, le meilleur parfum, valaient moins qu'une bouteille d'huile, aujourd'hui.
Ils étaient les rois, et ils s'étendaient. Jusqu'à la rue Robespierre et la rue Jules Ferry, au sud. Jusqu'à la rue Lénine et la rue Sadi-Carnot, au nord. Un mouton, ancien journaliste, comme le chef, parlait déjà de "territoires". On évoquait le projet de construction d'un mur, qui séparerait Paris de Bagnolet, le long du périphérique.
La pluie avait cessé. Le chef releva sa capuche et déploya son sabre laser.
Il fallait réagir. Il fallait se battre.
"Non", dit-il tout haut. "Je ne suis pas antisémite, ça non, mais ça ne fera pas de moi un... un... SUCEUR DE SIONISTE !"
Il avait crié ces derniers mots. Tout le monde se tût et arrêta de mastiquer. La grosse en avait laissé échapper son paquet de Délichoc, le petit chien du tatoué eut peur et se réfugia dans les bras de son Maître.
Le chef les regarda tous, et leur dit, en brandissant son sabre en plastique vers le ciel : "Si vous êtes avec moi, plus personne ne sucera jamais un sioniste".
Comme une réponse, un rayon de soleil vint faire briller le grand badge qu'il arborait sur sa cuisse gauche : le visage de Che Guevara.
VII
Vincent se réveilla et porta immédiatement sa main à son front : un pansement. Très mal. Qui l'avait pansé ? David sûrement. Tout lui revint très vite : l'énième trajet dans le couloir, la porte qu'on lui ouvre, un juif, pantalon sur les chevilles... Combien de fois avait-il vécu ça ? Cinquante fois ? Cent fois ? Difficile à dire. Mais cette fois, il n'avait pas eu à tailler des pipes : on l'avait frappé et il s'était évanoui.
Il avait eu l'impression, pendant qu'il était inconscient, que des personnes passaient près de lui, en chuchotant. Il avait même cru reconnaître des voix : celle de Tariq Ramadan, celle de Caroline Fourest... Non, ça n'avait aucun sens ; il avait dû rêver.
Quelle heure pouvait-il bien être ? Impossible de le déterminer : dans l'ancienne boutique Mango qui lui servait de cellule, il faisait toujours désespérément sombre. Pas encore sept heures, en tout cas. À sept heures, il commençait à faire le café. À moins qu'on l'ait dispensé de café, ce matin ? Ni pipe, ni café... "NipNic". Il sourit. Il n'avait pas souri depuis longtemps.
VIII
Les constitués étaient installés, sur des chaises, sur des coussins, accroupis à même le sol, devant une table qu'occupaient deux anciennes vedettes de la télé, assises côte à côte sur deux tabourets de bar, face à leur public.
Dans l'église éclairée par de rares bougies, le débat battait son plein.
C'était un spectacle que les constitués n'auraient raté pour rien au monde : le grand débat du vendredi soir.
Toute la semaine, ils traquaient les gauchistes et les ethniques, ils les frappaient, les torturaient, les violaient, les tuaient, mais le vendredi, ils se réunissaient tous, plusieurs centaines, dans la belle église de la Madeleine, qu'ils avaient reprise aux ethniques des mois auparavant, pour assister au débat. Zemmour contre Naulleau, comme avant, mieux qu'avant : pas d'écran entre les chroniqueurs et eux, maintenant.
- non mais tu peux pas, Éric, encourager les gens à faire manger leurs propres enfants aux ethniques, c'est pas possible ça enfiiiiin.
- pfffff, mais c'est des discours des années quatre-vingt çaaaa, Éric, c'est ringard, voilà, ringard. On ne peut pas laisser tout le monde en vie, tu te souviens de ce que disait Rocard ? "La France ne peut pas accueillir tout la misère du monde", voilà. Eh bien Paris ne peut pas accueillir toute la misère du monde.
- mais bien sûr, tout le monde est d'accord avec ça, mais pourquoi forcer les ethniques à manger leurs enfants ?
- pfff, tu chipotes. Les gens en ont marre, marre ! Tes discours d'amour entre les peuples, c'est du blabla, les gens n'en veulent pas, voilà, ils n'en veulent pas.
- Et arracher les testicules des gauchistes pour jouer au billard avec, devant eux, c'est parce que les "gens en ont marre aussi" ?
Zemmour pointa l'index :
- tu sais ce que disait le Général de Gaulle ? Il disait "La fin de l'espoir est le commencement de la mort".
- Mais quel rapport avec les exactions commises sur les gauchistes Éric, enfin ??
- Les gens comprennent, Éric, les gens comprennent.
Et en effet, les gens comprenaient : les constitués applaudissaient, riaient, s'embrassaient. "Zemmour ! Zemmour ! Zemmour !".
Naulleau se tût, il finissait toujours par se taire ; il savait bien que s'il était vivant, c'était uniquement parce que les constitués voulaient assister à leur débat du vendredi soir. S'il arrivait quelque chose à Zemmour, ses couilles finiraient sur un billard, c'était certain.
Les constitués soulevaient Zemmour, le portaient en triomphe, le baladaient d'un coin à l'autre de l'église. Comme tous les vendredis.
Naulleau se leva, et se dirigea vers son petit lit, dans la sacristie.
Plus personne ne faisait attention à lui.
IX
"Et ainsi, un soir de pleine lune, alors que Saint-Jean-Luc Delarue pleurait sur son épaule, le salaud de Soral planta ses crocs dans sa gorge, et le rendit fou."
L'Imamprêtre Ahmed, un peu nerveux mais solennel, regarda attentivement le groupe, et arrangea ses lunettes d'un geste lent.
Les ethniques avaient l'air attentif, bien qu'on ne puisse dire s'ils l'étaient vraiment, ou s'ils feignaient : les colères de l'Imamprêtre étaient terribles, et tout le monde préférait écouter tranquillement ses prêches.
"Les chevaliers d'Islam & Info réussirent à voiler les crasseuses Femen, mais Dieu savait que le voile n'était pas une de Ses prescriptions, et Il les punit".
L'Imamprêtre disait que le Livre était incréé, mais certains des ethniques en doutaient.
"Il fit grossir Laïbi jusqu'à ce que son ventre soit plus large que Bernard Tapie.
Puis Il lui demanda de manger Bernard Tapie.
Et Laïbi mangea Bernard Tapie."
C'était un gros livre noir d'un millier de pages, très abimé et brûlé par endroits. Des passages manuscrits voisinaient avec des passages imprimés. Des pages avaient été arrachées, d'autres avaient été ajoutées. Certains passages avaient été biffés, augmentés, corrigés. Des ethniques soupçonnaient l'Imamprêtre d'être à l'origine de toutes ces modifications ; ils en parlaient entre eux, en riant, la nuit, quand Ahmed dormait.
"Il fit grossir Laïbi jusqu'à ce que son ventre soit plus large que le Phocéa.
Puis Il lui demanda de manger le Phocéa.
Et Laïbi mangea le Phocéa."
Sur la couverture à moitié brûlée du Livre, on pouvait lire : "ES ORC". Es orc ? Certains ethniques pensaient que c'était du latin. D'autres qu'il manquait des lettres. On ne le saurait sans doute jamais.
"Il fit grossir Laïbi jusqu'à ce que son ventre soit plus grand que Marseille.
Puis Il lui demanda de manger Marseille.
Et Laïbi mangea Marseille."
Au fond, les ethniques s'en fichaient, de tout ça. Soral, Laïbi, les femen, Marseille... Histoire, parabole, légende ? L'important était de se réunir, de se serrer les coudes, de s'entraider, de trouver de quoi manger, de faire front face aux ethniques.
"Par Marianne et Mahiedine Mekhissi, notre prophète.
Que Dieu brise le dos de Dieudo.
Sa rrrace".
Les ethniques reprirent en cœur, mécaniquement :
"Sa rrrace".
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Fondateur, Président et Generalfeldmarschall de la T.E.P.A