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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°11962121
rahsaan
Posté le 27-06-2007 à 21:19:31  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

neojousous a écrit :

Quelqu'un a-t-il lu L'animal que donc je suis de Derrida ?

Citation :


Souvent je me demande, moi, pour voir, qui je suis - et qui je suis au moment où, surpris nu, en silence, par le regard d'un animal, par exemple les yeux d'un chat, j'ai du mal, oui, du mal à surmonter une gêne. Pourquoi ce mal ? J'ai du mal à réprimer un mouvement de pudeur. Du mal à faire taire en moi une protestation contre l'indécence. Contre la malséance qu'il peut y avoir à se trouver nu, le sexe exposé, à poil devant un chat qui vous regarde sans bouger, juste pour voir.



 
Je dirais que dans ce cas, le chat s'en fiche royalement, que son maître soit à poil devant lui. :D
 
J'avais lu un livre de correspondance entre Clément Rosset et Michel Polac, Franchise postale. Ils évoquent le cas du chien qui ne supporterait pas qu'on le regarde quand il fait sa crotte. Il aurait ainsi honte de sa "merdité" animale.  
Mais n'est-ce pas un animal dévoyé, domestiqué, affaibli, qui peut ainsi éprouver de la honte ?  
Le cri du chien, honte du règne animal (Deleuze) ?


Message édité par rahsaan le 27-06-2007 à 21:20:30

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
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Posté le 27-06-2007 à 21:19:31  profilanswer
 

n°11962413
Lampedusa
Posté le 27-06-2007 à 21:49:38  profilanswer
 

Citation :

le solécisme entre l'acte et la parole...


 
Dites, le "solécisme" n'est qu'une faute de syntaxe ou de grammaire. A lui tout seul il ne réalise pas un écart, une différence, un départ, bref, un hiatus, si on veut, hein...?

n°11964871
Erroriste
Posté le 28-06-2007 à 05:17:41  profilanswer
 

Je n'ai pas vraiment le temps de répondre à tous, mais je réponds... ;)

 
Citation :

[Alcyon36]  (...) mais le Mr a l'air plutôt intelligent...le gros problème c'est que je ne comprend pas vraiment ce qu'il appelle le nazisme tout le long de son cheminement.
Enfin, bon vu la reception qui a ete faite par nombres de grands philosophes, historiens...de la "pêche" d'E. Faye, on peut se dire qu'après tout on peut dire tout et n'importe quoi, tant qu'on met pleins de notes en bas de pages, avec une belle bibliographie...c'est navrant.

 

http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] #t11569169
si ça t'intéresse, je peux t'envoyer ce petit travail de récapitulation au propre, il n'a pas grand interet en soi, mais on ne sait jamais.;)


L'intelligence, pour ce que j'en sais, n'est pas forcément un garde fou contre l'égarement ! Ce qui m'étonne assez chez le personnage c'est sa détermination à ne voir chez Heidegger qu'une volonté de contaminer la pensée, la culture avec une thématique proprement nazi - encore que j'ai l'impression qu'il joue d'une naïve iconographie, une mythologie grossière, en détournant ainsi les quelques phrases au mieux de leur contexte, au pire de leur sens, afin d'arriver à ses fins : un leit motiv qui me reste encore interdit. Une investigation concernant la période nazi d'Heidegger m'apparait légitime quoique ennuyeuse (il s'agit surtout de compléter et d'ajuster une doxographie selon une norme policière) mais une chasse au sorcière hystérique (qui fait souvent symptôme) sous couvert d'autorité historico-philosophique aurait plutôt tendance à me rendre l'objet de cette chasse encore plus sympathique... Encore merci pour ta proposition, mais je la décline, le temps est trop précieux pour se jeter dans un tel exercice. :)

 
Citation :

[Foutre de] On suppose que le nazisme ne pensait pas, on veut le supposer, parce qu'on ne veut pas voir la proximité avec la barbarie.

 

(...) C'est impensable parce que le nazisme est notre jalon du mal absolu.

 

Je me souviens d'un passage de Badiou dans son livre Le siècle dans lequel il évoque bien une pensée nazi. Une petite synthèse ici :  http://www.e-litterature.net/publi [...] rticle=310 « Alain Badiou se pose la question – qui est un tabou - quelle était la pensée des nazis, et donc - aussi - pourquoi la pensée démocratique affirme que le nazisme n’est pas une pensée (15)? Le tout serait une forme de dissimulation de la barbarie du capitalo-parlementarisme qui nous détermine aujourd’hui (14). Les démocraties sont-elles innocentes par axiome ? Alain Badiou propose : " ce qu’il faut défaire est cette procédure discursive d’innocentement " (16) »

 

Au delà des considérations factuelles (la crise économique, etc.) et de la convergence de forces et traits socio-historiques qui constituent la Weltanschaung national-socialiste, je serai bien en peine d'en établir les contours bien qu'il y ait quelques auteurs salutaires (Girard, Castoriadis, Badiou et bien d'autres) pour tenter de comprendre ce "polithème". Mais j'accompagne volontiers foutre de lorsqu'il écrit que « L'horreur des camps ne réside en rien dans le fait que ce soit la population juive qui en soit la victime. » Il y aurait tant à dire de cette stupeur face à la vérité de l'extermination systématisée (une forme d'économie politique dénuée d'empathie dans un monde définitivement profane) et qui renvoie à bien d'autre déclinaisons toujours actuelles.

 

Cette notion de jalon du mal absolu est intéressante à bien des égards : "le nazisme est la mesure de tout mal". Il y a donc bien une colonisation de l'imaginaire par le nazisme et ce n'est guère Heidegger qui en fût l'artisan : il se présente en effet comme figure indépassable du mal, l'autorité inévitable à l'aune de laquelle chaque fait jugé similaire sera condamné, dissimulant de ce fait ce qui échappe à son efficience, les rendant impensable, inimaginable (Badiou dit « Contrairement à ce qui se dit souvent, l'interdiction d'une répétition vient de la pensée , non de la mémoire » et n'est-ce pas Laruelle qui affirmait que de ce point de vue, « nous n'avons encore rien vu » ?) - il y a dans ce nazisme qui obnubile les esprits une diversion particulièrement efficace.  

 
Citation :

[Foutre de] sans distance pas de ressenti ? je vois mal pourquoi.


Re-sentir, cette distance qui permet le retour... (Je taquine ;) )

 
Citation :

[Foutre de] je ne sais pas si la phénoménologie est si spécifiquement touchée par ce phénomène.


Peut être est-il possible de distinguer la philosophie de la phénoménologie en raison de ce "retour aux choses mêmes". Ce que je peux en dire, mais je ne suis guère avisé sur le sujet et vous pardonnerez cette grossièreté, là ou en général la philosophie n'est qu'une "remise en/(à l')ordre" selon un horizon irréfragable déterminé - déjà fondé (d'où la référence historique obligée et les prises de position en retour), la phénoménologie est la tentative (impossible) de fonder une science première (analytique) en restituant l'"expérience" dans sa puissance singulière (bien que la phénoménologie soit toujours sous tutelle philosophique) - j'estime en tout cas que la phénoménologie fût l'athanor de bien des pensées d'une grande fécondité et inédites (mais surement peut-on dire cela de la philosophie...)

 
Citation :

Dites, le "solécisme" n'est qu'une faute de syntaxe ou de grammaire. A lui tout seul il ne réalise pas un écart, une différence, un départ, bref, un hiatus, si on veut, hein...?

 

Par extension, "solécisme" désigne aussi une faute contre la règle, la norme, dans quelque domaine que ce soit. Or le solécisme entre acte et parole pourrait être interprété comme une défaillance en référence à cette règle ancienne de la philosophie comme "art de vivre" (i.e. art de se préparer à mourir), l'identité entre vie et pensée. C'est ainsi que je l'ai compris. ;)

Message cité 1 fois
Message édité par Erroriste le 28-06-2007 à 13:42:34
n°11964936
Lampedusa
Posté le 28-06-2007 à 07:00:25  profilanswer
 

Erroriste a écrit :

Par extension, "solécisme" désigne aussi une faute contre la règle, la norme, dans quelque domaine que ce soit. Or le solécisme entre acte et parole pourrait être interprété comme une défaillance en référence à cette règle ancienne de la philosophie comme "art de vivre" (i.e. art de se préparer à mourir), l'identité entre vie et pensée. C'est ainsi que je l'ai compris. ;)


Non.
"Faute contre la règle, la norme...", oui, mais une faute contre la norme entre une chose et une autre est dénué de sens.
C'est syntaxiquement impropre.
"Solécisme" employé de cette façon est sans aucun doute un solécisme.

n°11965359
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 28-06-2007 à 10:09:37  profilanswer
 

J'ai la licence d'auteur chouchou


---------------
A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11967115
Erroriste
Posté le 28-06-2007 à 13:21:20  profilanswer
 

Citation :

Non. "Faute contre la règle, la norme...", oui, mais une faute contre la norme entre une chose et une autre est dénué de sens.
C'est syntaxiquement impropre. "Solécisme" employé de cette façon est sans aucun doute un solécisme.


 
Ha, mais je n'ai jamais dit le contraire ! J'éclairais simplement l'idée qui voulait être exprimée. Je n'ai pas eu à coeur de faire dans l'orthopraxie. :)

n°11967494
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 28-06-2007 à 13:55:26  profilanswer
 

:sarcastic:


---------------
A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11967547
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 28-06-2007 à 14:00:26  profilanswer
 

" (36) Mais on fait une question plus savante. Peut-il y avoir solécisme dans un mot seul? si, par exemple, en appelant à soi une seule personne, on dit uenite, ou si, pour en congédier plusieurs, on dit: abi, discede? Ou bien y a-t-il solécisme, quand la réponse ne s'accorde pas avec l'interrogation, comme si à ces mots: quem uideo? on répondait: ego? Quelques-uns vont même jusqu'à penser qu'il y a solécisme dans le geste, toutes les fois que, par un mouvement de la tête ou de la main, on fait entendre le contraire de ce qu'on dit.
 
 (37) Je n'adopte ni ne rejette entièrement ces opinions; car j'avoue qu'il peut y avoir solécisme dans un mot seul, mais seulement en ce sens qu'il y a quelque chose de sous-entendu qui tient lieu d'un second mot, et à quoi se rapporte le premier: en sorte que le solécisme est dans l'assemblage même de ce qui sert à signifier les choses et de ce qui sert à manifester l'intention de celui qui parle."
QUINTILIEN, L'INSTITUTION ORATOIRE
 
Vieux débat qui n'a pas attendu Lampedusa pour se conclure. [:prodigy]
 
C'est dans ce genre de cas que ma petite citation en signature se justifie  :lol:

Message cité 1 fois
Message édité par daniel_levrai le 28-06-2007 à 14:02:12

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A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11970553
foutre de
Posté le 28-06-2007 à 17:50:11  profilanswer
 

c'est vrai que citer Quintillien, là je suis épaté. ça fait du bien un nom comme celui là lu par un vivant de cette époque-ci


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11972760
Lampedusa
Posté le 28-06-2007 à 21:46:39  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

" (36) Mais on fait une question plus savante. Peut-il y avoir solécisme dans un mot seul? si, par exemple, en appelant à soi une seule personne, on dit uenite, ou si, pour en congédier plusieurs, on dit: abi, discede? Ou bien y a-t-il solécisme, quand la réponse ne s'accorde pas avec l'interrogation, comme si à ces mots: quem uideo? on répondait: ego? Quelques-uns vont même jusqu'à penser qu'il y a solécisme dans le geste, toutes les fois que, par un mouvement de la tête ou de la main, on fait entendre le contraire de ce qu'on dit.
 
 (37) Je n'adopte ni ne rejette entièrement ces opinions; car j'avoue qu'il peut y avoir solécisme dans un mot seul, mais seulement en ce sens qu'il y a quelque chose de sous-entendu qui tient lieu d'un second mot, et à quoi se rapporte le premier: en sorte que le solécisme est dans l'assemblage même de ce qui sert à signifier les choses et de ce qui sert à manifester l'intention de celui qui parle."
QUINTILIEN, L'INSTITUTION ORATOIRE
 
Vieux débat qui n'a pas attendu Lampedusa pour se conclure. [:prodigy]
 
C'est dans ce genre de cas que ma petite citation en signature se justifie  :lol:


 
En effet, c'est Levrai qui est l'auteur original:

Citation :

Le sollécisme entre l'acte et la parole est à ce point aberrant

Je n'avais pas fait attention, ma remarque n'ayant rien de personnel.
Or ta manière, Levrai, d'utiliser ce mot est exactement comparable à la façon dont tu l'écris: fautive, contraire à la règle.
Si tu veux y contrevenir, c'est ton droit le plus strict, mais curieusement, tu as corrigé la faute d'orthographe, alors que je t'aurais plutôt conseillé de la conserver, et d'avaliser en quelque sorte  ton dérapage syntaxique par une modification orthographique.
A mon avis, même en prenant le cas le plus extrême qu'envisage Quintilien, "solécisme dans le geste", il ne dit rien là qui ne puisse être appliqué à la "faute"; il y aurait "faute dans le geste" quand celui esquissé impliquerait le contraire de ce qu'on dit. Il y aurait donc toujours solécisme dans l'emploi  d'un quelconque signe, signifiant par là un écart entre deux choses, mais en aucune façon "solécisme entre deux choses"...?  
Il est du reste évident qu'un mot comme "faute" (ou son interchangeable "solécisme" ) établit immédiatement un rapport entre deux choses, ce qui est fautif, et la norme ou la règle qui est garante du "bon usage".
 
Je pense toujours qu'il y aurait plutôt eu au départ, de la part de Levrai, confusion de sens, ayant entraîné un emploi incorrect, mais bon...
 
Tout cela nous renvoyant à des questions qui n'ont n'ont strictement rien à voir avec un quelconque "pédantisme": qu'est-ce qu'une règle, pourquoi la suit-on en général, et pourquoi, selon certains, il serait impossible d'envisager la possibilité d'un langage privé.
 
("Solécisme" vient de Soles, ville de Cilicie, dont les habitants parlaient d'une manière fautive.)

mood
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Posté le 28-06-2007 à 21:46:39  profilanswer
 

n°11973047
pascal75
Posté le 28-06-2007 à 22:17:58  profilanswer
 

:o


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°11975866
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 29-06-2007 à 10:38:33  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :

qu'est-ce qu'une règle, pourquoi la suit-on en général, et pourquoi, selon certains, il serait impossible d'envisager la possibilité d'un langage privé.


 
 
Oui, au juste, pourquoi ne pas verser dans la glossolalie la plus totale ?  :o  


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A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11975912
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 29-06-2007 à 10:43:34  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :


 
Je pense toujours qu'il y aurait plutôt eu au départ, de la part de Levrai, confusion de sens, ayant entraîné un emploi incorrect, mais bon...
 


 
 
Ok, j'en prends acte, what else ? :o  


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A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11976316
rahsaan
Posté le 29-06-2007 à 11:21:45  profilanswer
 

Cette disputatio aura au moins été l'occasion d'évoquer ce Quintilien. :o


Message édité par rahsaan le 29-06-2007 à 11:22:41

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°11979378
alcyon36
Posté le 29-06-2007 à 16:01:18  profilanswer
 

pour ceux que ca interesse, voici une ptite itw de Zizek sur "le sujet qui fache"...c'est bête, les questions sont pas super, mais en tout cas ce Slavoj est bien marrant...
http://perso.numericable.fr/jx010786/SlavojZizek.zip

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 29-06-2007 à 16:01:52

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°11981619
Lampedusa
Posté le 29-06-2007 à 20:20:00  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Ok, j'en prends acte, what else ? :o


Par exemple, "La force de la règle, Wittgenstein et l'invention de la nécessité", de Bouveresse...?
Ça a l'air bien, je n'ai fait que le feuilleter jusqu'à présent, tu m'as donné envie de le lire.
 

n°11984246
foutre de
Posté le 29-06-2007 à 23:31:58  profilanswer
 


 
 
ben c'était impeccable pour accompagner mon repas en tout cas, doux bavardages ...


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11984395
foutre de
Posté le 29-06-2007 à 23:54:44  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Oui, au juste, pourquoi ne pas verser dans la glossolalie la plus totale ?  :o

eh bien si vous ne savez pas pourquoi, il y a ce très bon travail sur le langage absolument pas conceptuel, pur musique significative (voire signifiante, mais il faudrait s'entendre). Je n'en connaîs que quelques passages en extraits dans une vidéo de philo à destination des classes de terminale, chapitre "langage". Si vous avez de la chance, c'est en tout point exceptionnel, mais c'est assez rare ; peut-être dans une médiathèque de paris.
 
et pour ceux qui ne connaissent ni des voeux ni des dents Monsieur Georges Aperghis, voici un petit texte d'autorité :
 

Citation :

L'hétérogenèse
Félix Guattari
 
Opposant l'homogenèse qui conduit à l'auto-abolition et au chaos aléatoire à l'hétérogenèse qui permet une approche simultanée de la complexité et du chaos, Félix Guattari pose quelques idées se rapportant au théâtre musical de Georges Aperghis. Extrait d'une conversation de décembre 1991.
 
Ce qui me semble intéressant dans les spectacles de Georges Aperghis, c'est sa façon de jongler avec des éléments en quelque sorte chaotiques comme moyen d'écriture musicale, de rechercher des foyers de créativité possible, ce qui suppose prendre un risque absolu, le risque qu'il ne se passe rien, qu'on reste dans un aléatoire vide, ou peut-être qu'il y ait ce que j'appelle une “ligne chaosmique”, c'est à dire un chaos fondateur qui déploie non seulement des lignes de discursivité, des échos, des éléments baroques, mais aussi des liens de référence, des affects, une dimension existentielle qui elle est non discursive, qui se donne, non pas comme sens paradigmatique, mais comme texture d'un autre ordre. C'est une façon de jouer avec le non sens dans un domaine plastique qui est très différente de la tradition des jeux de non sens portés par les surréalistes ou des dadaïstesÉ
 
Le vertige d'abolition
 
Il y a ce cas de figure devant lequel on est, me semble-t-il, pris d'un vertige d'abolition. Par exemple la musique polyphonique - musique baroque, fugue de Bach... - repose sur un système formel rationnel, puis à travers certains éléments, il y a une transgression de plus en plus systématique des codes, par l'introduction de nouvelles données comme le timbre ou l'orchestration. On arrive à une dissolution de ce formalisme originel dont le terme ultime serait Marcel Duchamp ou John Cage chez qui le bruit en tant que tel devient musique. Cette ligne qui va vers l'abolition est homogénétique, c'est à dire qu'elle ne traite de la complexité que si celle-ci se trouve sur un support ontogénétique homogène.
 
C'est, je crois, cette référence de fascination par l'abolition, le chaos-bruit, qu'Aperghis contourne et déjoue radicalement. Il rompt avec cette homogenèse grâce à une hétérogenèse des composantes d'expression. La question est de savoir comment est-ce que l'alternative entre la complexité formelle et le chaos aléatoire peut être déjouée. A mon avis, c'est pourquoi je pose d'emblée le problème d'un univers de référence, il y a coalescence, coexistence entre la complexité et le chaos, c'est à dire que ce vertige chaosmique, plutôt que d'être comme un point à l'horizon où tout va s'abolir, est là, à tous les carrefours, à toutes les rencontres possibles comme indice de bifurcation potentiel. C'est un coefficient de liberté créative, une racine processuelle.
 
En tenant compte de cette coexistence, on peut essayer de relire ce qu'ont été les politiques chaotiques, y compris celles des musiciens les plus structurés, comme Schubert ou Schumann chez qui on trouve des structures très composées, très articulées. Il y a malgré tout des insistances, des jeux de dissonances, qui peuvent être mis en relief ou au contraire escamotés par les interprètes. Les interprètes ont bien une responsabilité particulière, a posteriori, par rapport à cette composante chaosmique. Chez Schubert, par exemple, on constate une autonomie de la ligne mélodique qui menace sans cesse les équilibres harmoniques qui la supportent...
 
La fonction existentielle du chaos
 
Partant de cette perspective d'une coexistence d'un chaos et d'une forme complexe organisée, il est obligatoire de s'interroger sur qu'est-ce que cette fonction existentielle du chaos ?
 
Dans Chaosmose (1), je développe l'idée que l'appréhension du monde, le fait d'être dans le monde (le “da sein”), est essentiellement une appréhension chaosmique : on s'abolit dans le monde, le monde se met à être pour soit, “je suis dans le monde parce que je suis le monde”, j'absorbe et je dissous toute la discursivité dans le même temps où j'affirme cette discursivité. Mais généralement ce temps de fusion, d'adsorbsion est complètement méconnu, voire même combattu.
 
L'appréhension du monde, ce que j'appelle la constitution d'un territoire existentiel, correspond dans la polyphonie existentielle à une sorte de basse continue, c'est à dire une base chaosmique sur laquelle vont, comme dans un motet, se construire les différentes lignes. Autrement dit, le déploiement d'un univers musical est, pour moi, toujours doublé d'une appréhension chaosmique qui constitue un territoire existentiel auquel l'auditeur viendra s'agglomérer d'une manière pathique, c'est à dire indépendamment du fait qu'il a un rapport cognitif à la musique, une mémoire, une connaissance. Il y a un phénomène de fusion chaosmique par rapport auquel, non seulement les formes, mais aussi le rapport de l'un à l'autre, le rapport d'altérité se dissolvent.
 
Aperghis a certainement acquis la liberté de se placer sur le fil de l'accrobate, de risquer la chute. Mais à la différence de certains autres, il sait que quand l'accrobate tombe, il ne tombe pas dans le vide, il tombe sur d'autres fils, auquel cas il peut sauter, d'autant plus !! Le danger, on peut le négocier, on peut jouer avec, le mettre en horizon, en faire un point de ligne de fuite. Chez lui, il est toujours là, il réémerge sans cesse, à toute occasion, à chaque fois que sont introduits des éléments d'iruption, non pas pour créer des points de rupture avec la chaine de complexité formelle, mais pour amener d'autres matières d'expression.
 
L'univers hétérogène
 
Quand il y a cette invite à la “chaosmose”, l'osmose avec le chaos, il y a une double bifurcation, un double pli qui est celui de la construction qui vient à s'effectuer, mais aussi du déploiement d'un univers hétérogène, créé de textures ontologiques imprévisibles, ne se rapportant ni au monde de l'affect, ni au monde plastique, quelque soient les projections qu'on peut en faire. Un peu à la manière dont Marcel Proust étalonne les différents univers qui sont mis en jeu, par exemple par la petite phrase de Vinteuil. C'est chez Proust une représentation littéraire, mais dans le cas d'une représentation existentielle, quelque chose se met à vivre. On ne peut pas dire que c'est quelque chose qui investit le sujet, c'est quelque chose qui se met à être sujet soi-même. On connait cette expérience devant un écran de cinéma ou de télévision, quand on est happé par ce qui se passe. Dans le domaine de la musique, ou plus encore du théâtre musical, on a beaucoup moins de support, de lignes narratives, de personnages constitués auxquels on peut s'accrocher. On est alors face à un monde beaucoup plus vertigineux car beaucoup plus déterritorialisé. Ce type de travail est sans doute une “tête chercheuse” des lignes de déterritorialisation, des mutations subjectives possibles. En tout cas, ça ne travail pas avec l'inconscient, ça travaille l'inconscient, ça produit de l'inconscient, ça produit de la subjectivité insconsciente.
 
Cela est flagrant avec un matériau abstrait, musical ou phonétique. Mais est-ce qu'une phrase compréhensible ne peut pas jouer comme telle le rôle de chaînon insignifiant malgré le fait qu'elle renvoie à des significations ? Cela semble possible puisque le but est de faire basculer des éléments plastiques, des éléments de signification, des éléments linguistiques dans la musique. Une phrase significative, hors contexte, ou dans un certain contexte peut s'affirmer en véhicule de leitmotives significatifs. C'est un risque supplémentaire à prendre.
 
Cet ensemble de choses me semble vraisemblablement marquer une très grande rupture avec la pratique homogénétique qui conduit au chaos aléatoire et à l'auto-abolition, au profit d'une hétérogenèse qui dissout l'individuation d'énonciation. On ne sait plus au juste ce qui circonscrit l'énonciation : l'ensemble orchestral est un agencement collectif auquel appartient également le public.
 
(1) Félix Guattari, Chaosmose, Editions Galilée, 1992.
 
Ces lignes sont la transcription d'une conversation entre Félix Guattari, Georges Aperghis et Antoine Gindt, le 22 décembre 1991.


Message édité par foutre de le 30-06-2007 à 11:40:12

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11984923
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 30-06-2007 à 01:13:44  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :

Par exemple, "La force de la règle, Wittgenstein et l'invention de la nécessité", de Bouveresse...?
Ça a l'air bien, je n'ai fait que le feuilleter jusqu'à présent, tu m'as donné envie de le lire.


 
 
Bonne suggestion !  :)


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A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°11986231
foutre de
Posté le 30-06-2007 à 12:18:58  profilanswer
 

je me permets d'attirer vore attention sur cet article qui met quelques éclairages ponctuels sur l'influence des conceptualisations de H. MAldiney sur G. Deleuze.
http://www.europhilosophie.eu/rech [...] ldiney.pdf
Ce n'est pas une révolutuion mais c'est très intéressant et j'espère que Baptiste R, quand il sera revenu de la Krisis II (au game play un peu complexe, faut dire), nous fera profiter de la conclusion de l'article Affect de la cyclopédia


Message édité par foutre de le 30-06-2007 à 12:34:48

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11987482
Baptiste R
Posté le 30-06-2007 à 16:11:05  profilanswer
 

Valdinoci, je n'y comprend goutte mais ça me parle, m'aide.
Pour tenter un brouillon d'ébauche de résumé, rappelons qu'il propose une nuit moustique ététique. Face à cela nous pouvons demander : les moustiques, est-ce thétique ? Précisement non, car le moustique est le vecteur de l'incision du réel, qui permet à l'âme antenne de ne pas être un Cid errant à travers la pleine, poursuivi par les écus-manes deterritorialisées de son passé banquier. Où trouve-t-on le moustique ? Dans l'essence de science, cette quintessence ambrée et stratifiée, ce distillat de réel accumulé, effarant et dé-faré, devant qui le philosophe ne sera guère faraud. Mais le philosophe sera aidé par le Still Nox, planeur anti-spleen et anti-split, antidépresseur existentiel incontournable dans ces moments de haute pression.
 
 
...
 
 
Cette intervention donnée devant la Société des gens qui ont peur d'être sérieux était fort agréable, mais trève de badinerie. Valdinoci c'est frustrant, parce qu'il y a des trucs qui m'intéressent pas mal (Ca : "Il n'y a pas l'homme et le monde l'un devant l'autre, dans un jeu de vis à vis ; il y a un en-univers, un être-dedans la chair de l'univers dans sa propre chair. // Et l'univers invente. Et Valdinoci ébauche une théorie expérimentale de l'invention" ) mais j'ai du mal à percer l'écorce des concepts, la coquille de ce philosophe à la noix. Tel quel, je ne vois pas comment c'est utilisable. C'est d'exposition tellement systématique que c'est saturé et impénétrable. Je suis incapable de le suivre linéairement, d'entrer dans sa logique (pourtant j'aime son écriture), donc je prend son bouquin comme un recueil d'aphorismes.
Donc je complète par Henry que je me mets enfin à lire sérieusement. Des trucs genre : "la connaissance du monde par le corps et la connaissance originaire du corps par soi ne sont [...] pas deux connaissances différentes, puisque la seconde est au contraire la substance de la première. L'expérience transcendante [celle du monde] est, en elle-même, une expérience interne transcendentale, l'expérience originaire est une expérience dans laquelle nous sont présents l'être du monde aussi bien que l'être du corps, bien que le monde monde selon lequel cette présence s'effectue soit radicalement différent dans les deux cas : le corps nous est présent dans l'immanence absolue de la subjectivité, le monde dans l'élément de l'être transcendant" (Philosophie et phénoménologie du corps, p. 130). J'avoue qu'en lisant Henry, j'ai eu la même inquiétude que, je suppose, beaucoup de lecteurs (Foutre a évoqué le reproche de dualisme) : en redonnant sa valeur à l'intériorité, est-ce qu'il ne tombe pas dans l'excès inverse en dénigrant l'extériorité (auquel cas y a plus de monde ou il n'importe pas, "le visible est irréel", "la connaissance c'est de la merde" (p. 20312634 de l'Essence de la manifestation)...) ou est-ce qu'il abat allégrement cette opposition (ou pour être moins grossier, si cette opposition se fait sur un autre plan).
 
 
A part ça, un autre bonhomme précieux qui faisait partie de mon monde intellectuel sans l'avoir jamais vraiment lu : Jean-Michel Salanskis. Je l'avais vu à quelques colloques ou lu rapidement, et sa simple existence me réjouissait (qu'un type lise et publie sur Heidegger, l'épistémo, Husserl, les maths, Deleuze, l'hérmeneutique, Lévinas... je trouve ça remarquable). Je ne me suis pas encore frotté à ses gros bouquins qui ont l'air assez high-level, mais hier j'ai lu un article sur "La phénoménologie dans le différend analytico-continental" et commencé son bouquin sur Husserl aux Belles Lettres. L'article n'a rien d'astourdissant, mais il est parsemé de réflexions intelligentes. Notamment, il dit que la philosophie analytique nous apprend ou nous rappelle que la philosophie est connaissance. On peut trouver ça un peu court voire ridiculement rationaliste, mais moi je suis d'accord. Salanskis dit aussi que la philosophie analytique se pare du prestige de la méthode scientifique, mais n'a rien saisi de celle-ci, si bien qu'elle se construit une identité publique et fictive qui fait sa fierté (et sa mauvaise réputation), mais qu'en pratique elle n'est pas capable de tenir sous peine de stérilité. Plus précisement, il dénonce la domination de la logique du premier ordre comme mode d'exposition (et pire, de pensée), avec son obsession de la preuve immédiate, de la référence (montrez-moi la conscience, montrez-moi un Visage...). Au contraire, la pensée procède en s'immergeant dans une ambiance, un monde possible doté de règles, d'une syntaxe, en suspendant la vérification empirique au profit de la cohérence interne (ici, rapprochement possible avec la pulsation de René Guitart : le travail  mathématique, chez un matheux, c'est à la fois pour de vrai et pour de faux). Et là, Salanskis est chouette parce qu'il abat la mauvaise distinction entre philosophies d'inspiration scientifique et littéraire ("Lévinas est axiomatique", il demande qu'on accepte ses hypothèses et qu'on voit ensuite ce que ça donne), ainsi que le conflit entre intuition (grand bordel mental ou intelligence créative) et formalisme (certitude et clarté des règles ou étouffement de la pensée) - conflit qui se résout souvent par un compromis guère bandant (l'intuition prospecte et découvre, le formalisme vérifie et rétrospecte) - en disant que si l'intuition est créative ce n'est pas en étant libre mais en se fixant des règles, ou plutôt elle est libre parce qu'elle se fixe des règles : elle n'est pas la sensibilité kantienne, ancre immuable qui bride l'imagination, c'est une intuition de l'espace et du temps, mais à la fois originaire et évolutive : elle est formelle, abstraite. L'intuition ce n'est pas la spontanéité qui fait des liaisons inattendues pour le meilleur (découverte) et pour le pire (erreur, pire illusion et antinomie), c'est un sens qui s'éduque et s'affine.  
J'ai pas beaucoup lu le bouquin sur Husserl mais le début est délicieux : Salanskis dit que Husserl est un père encombrant, qu'on le révère, par obligation plus que par amour, parce qu'il faut faire avec : Valéry disait "Victor Hugo, hélas !", répondant à la question "qui est le meilleur poète du 19e ?". Salanskis embraye sur la faculté du sujet d'être entre plusieurs mondes, de se connecter à des mondes différents, certains étant temporaires (je ne suis mathématicien que quand je fais des maths), d'autres originaires (le monde naturel, qui reste là en fond de tache quand je suis dans un autre monde, sans que les deux interfèrent). Comme je ne connaissais pas Husserl, ces premières pages sont bon signe.
 
Et merci pour l'article sur Maldiney, je le lis tantôt.
 
 
[divers edits pour (tenter d') alléger le style, car j'approchais avec brio d'un hégelianisme de l'anacoluthe]

Message cité 2 fois
Message édité par Baptiste R le 30-06-2007 à 16:28:35
n°11987588
Baptiste R
Posté le 30-06-2007 à 16:30:57  profilanswer
 

Ha oui !
Si c'est bien ça qu'espérait le duc de Foutre, la fin de l'article sur l'affectivité peut être trouvée , pardon , pardon là :
 
 
 
 Prolégomènes pour une phénoménologie de l'affectivité    
 
 
    Dans la mesure où elle doit méthodologiquement se tenir dans une situation de mise hors circuit (épochè) de toute téléologie d'ordre éthique, une phénoménologie de l'affectivité ne sera conséquente que si elle traite de front la problématique dans sa teneur classique et les pathologies que l'on a mises jusqu'ici sur le compte du « mental ». Deux voies semblent s'ébaucher pour un tel traitement : le premier consiste à reposer, dans la ligne de Husserl et de Merleau-Ponty, le problème de la Befindlichkeit heideggérienne comme Befindlichkeit incarnée, et la seconde consiste corrélativement à prolonger dans le champ de la phénoménologie la voie toute nouvelle qui a été proposée par Henri Maldiney, pour la compréhension des psychoses, avec son concept de « transpassibilité ».
    Selon la première perspective, l'incarnation de l'affectivité - qui fait écho, à sa manière, en son énigme, à ce que Descartes pensait comme l'énigme de l'union substantielle et cependant contingente (factice) de l'âme et du corps - signifie tout à la fois, d'une part que le corps-de-chair (Leib), distinct du « corps objectif » (Körper), est un être-au-monde, pris dans sa chair à l'existentialité du Dasein (Merleau-Ponty), et qu'en ce sens il n'y a pas de Stimmung qui ne soit du même coup Stimmung incarnée ou Stimmung de chair, et d'autre part que, prise de la sorte à l'existentialité de l'être-au-monde, l'affectivité est aussi prise au champ « intersubjectif » ou « interfacticiel » du Mit-sein, c'est-à-dire, dans son « expression », au langage comme temporalisation-spatialisation de sens (M. Richir). Cela signifie donc, contrairement à l'« hyperbole métaphysique » de Michel Henry, que l'affectivité est généralement à distance de soi, originairement divisée entre ce qui lui paraît comme son intériorité (ou son immanence : M. Henry) et ce qui d'elle est toujours déjà exposé au dehors, en tant que porteur de sens. Ce n'est pas seulement, en effet, « mon » affectivité que je saisis immédiatement, mais aussi celle des autres, et la réciproque est tout aussi vraie. Sans que cela veuille dire que l'affectivité ait une portée « cognitive » - encore que, comme l'a remarqué Heidegger, la theôria soit portée par la Stimmung du calme ou de la paix « contemplative » -, cela veut dire néanmoins que le mode de temporalisation de l'affectivité - indissociable de son mode spatialisation tout aussi originaire dans le Leib que j'aperçois comme le mien ou celui des autres - n'est pas à comprendre exclusivement « au passé » originaire, mais aussi dans la présence d'un sens se faisant - et ne se faisant pas nécessairement dans une énonciation linguistique. Or cette perspective communique avec la seconde, celle de Henri Maldiney, si l'on remarque que l'irruption de l'affectivité dans une situation a toujours, en tant que telle, la signification d'un événement, c'est-à-dire de l'inattendu, et que la distance de l'affectivité par rapport à elle-même, requise par son incarnation, signifie non pas que l'affectivité puisse s'autoaffecter circulairement elle-même dans ce qui serait son immanence métaphysique, mais s'accueillir elle-même dans son étrangeté, par-delà ce qui la rend possible à ce qu'elle semble avoir toujours été dans son passé ontologique. Cet accueil de soi au-delà de soi : telle est la transpassibilité. La dimension « intersubjective » apparaît alors comme dimension « interfacticielle », celle de la rencontre de facticité de Dasein à facticité de Dasein, où la Befindlichkeit comme incarnée n'est pas seulement lieu ontologique-existential du passé, mais encore et surtout lieu de rencontre d'affects qui, avec leur passé mais dans leur irruption, ouvrent au sens (à la présence) transpassible de l'événement - transpassibilité elle-même coextensive d'une transpossibilité excédant originairement les possibilités factices d'exister du Dasein : le réel, dit H. Maldiney, est ce qu'on n'attendait pas.
 
    Il est remarquable que ce soit au fil d'une patiente méditation, étendue sur des dizaines d'années, autour des problèmes posés par les psychoses, que H. Maldiney soit arrivé à sa conception de la transpassibilité - et de la transpossibilité. Celle-ci jette en effet sur les psychoses un jour nouveau : le séisme de la folie, cette véritable « catastrophe » qui survient à certains d'entre nous, et qui, comme tout fait humain fondamental, demeure inexplicable, vient d'un énigmatique court-circuit de la transpassibilité, qui non seulement coupe de la réalité comme de l'inattendu, rend la rencontre interfacticielle impossible, mais encore désincarne le « sujet », en tant que, fixé à son affectivité sans distance, le Dasein n'est plus en mesure de s'accueillir lui-même en son incarnation par-delà lui-même (dans la transpassibilité), sinon dans ce qui subsiste de lui dans la « catastrophe », mais comme « esprit » plus ou moins séparé d'un corps qui semble par là mener sa propre vie, sans que l'« esprit » puisse s'en faire du sens. L'immanence absolue de l'affectivité ou sa temporalisation exclusive au passé correspondent bien, par là, à une pathologie de l'affectivité, à une division « schizophrénique » du Dasein - sauf que, chez les philosophes, cette pathologie demeure le plus souvent dans la construction imaginaire. L'immanence absolue d'une affectivité qui s'auto-apparaîtrait purement (M. Henry) ne serait pas distincte de ce que, dans Le Cas Suzanne Urban, Binswanger décrit comme l'« horreur nue » du schizophrène ayant à vivre indéfinitivement la vie nue s'écoulant à côté de lui dans un temps suspendu. Et la temporalisation exclusive de la Stimmung au passé ontologique de la Befindlichkeit ne permettrait pas de distinguer la « tonalité » de l'angoisse ou de l'ennui profond de la tonalité mélancolique dont elle constituerait juste une sorte d'arrière-fond « métaphysique ». La transpassibilité est accueil d'une « possibilité » qui nous excède, fonde pour nous toute possibilité d'exister, parce qu'elle est, en deçà de tout projet conçu comme projet ontologique, dans et par le Dasein, de ses possibilités d'être (et non pas d'étant) - et celles-ci fussent-elles déjà jetées dans le projet jeté -, transpassibilité de l'accueil non seulement de toute facticité qui nous est étrangère, mais encore de la nôtre, avec leurs modes de temporalisation. Comprise sous l'horizon de la transpassibilité, l'affectivité n'est donc pas seulement le lieu ou le « système » de ce qui affecte, celui-ci désignât-il le soi lui-même, non pas simplement le lieu de ce qui serait censé avoir toujours déjà eu lieu sans avoir eu lieu dans une présence, mais le lieu d'une « susceptibilité » à ce qui, tout en ayant le même caractère, l'excède absolument. Le renfermement de l'affectivité sur elle-même, dans les psychoses où elle paraît se figer, est d'autant plus bouleversant que l'affectivité, comme l'avait déjà pensé Kant, ne vit que de son ouverture originaire à ce qui la transcende - ce pourquoi l'une de ses manifestations privilégiées est sans doute l'art, plus particulièrement la musique et la poésie, dont l'un des caractères est précisément de temporaliser les affects.
 
    Ce n'est donc pas, comme le pensait Heidegger, que la Stimmung soit muette, c'est qu'elle ne le paraît qu'après coup, une fois qu'a mûri la temporalisation du sens qui s'est amorcée en elle, et où elle continue d'habiter dans les frémissements de l'acte de langage, entre les lignes, les notes musicales ou les mots. Ce n'est que pour les diverses formes de délire psychotique qu'elle continue de se refermer dans l'opacité compacte et irréductible de ce que le délire s'épuise indéfiniment à mettre en sens, dans une fuite en avant qui est comme une effrayante course à l'abîme, tournoyant autour de son foyer inaccessible. Court-circuité par le court-circuit de la transpassibilité comme dimension profonde de l'affectivité, ce foyer est comme le centre absent de la « catastrophe » - dont, par définition, personne n'est maître, et que les Grecs rapportaient au divin. Il y a donc toujours, si l'on se rapporte à l'œuvre de Kant, une dimension sublime dans l'affectivité : mais la rencontre de l'excès auquel elle est originairement ouverte peut aussi bien se retourner en malencontre. Et celui-ci, faut-il à présent expliquer, n'est pas nécessairement celui de la « folie ». Il est le plus souvent celui des « passions » qui, mobilisant les affects, ne se prennent à l'excès que pour en distribuer des figures présentables. En ce sens, pourrait-on dire, les névroses et les perversions sont des « protections contre la folie », mais à condition de préciser tout aussitôt que ce qui fait tout l'entêtement des passions est déjà le malencontre de ce qu'il y a de sublime dans l'affectivité, en tant que le sublime s'y présente unilatéralement sous la figure du terrifiant, comme l'imminence de la mort, voire de la « catastrophe » psychotique imaginée. Ce ne sont pas tant, comme l'ont pensé Freud et la psychanalyse, le refoulement, la dénégation (névroses) ou le déni (perversions) qui font ces types de pathologies que la « peur » en quelque sorte « panique », originaire et existentiale-ontologique (en un sens hyper ou quasi heideggérien), de l'excès qui transparaît dans l'affectivité comme transpassible.
 
    Pour le comprendre, il faut en revenir là où l'on avait commencé : il n'y a pas d'« affect », ni de « passion » qui ne soient, dans toute culture, codés symboliquement, pris dans un réseau de détermination symboliques, aveugles dans la mesure où le plus généralement c'est depuis eux que l'on pense sans en avoir décidé nulle part, et non pas en deçà d'eux, dans ce qui apparaîtrait comme la liberté (illusoire) de la décision de penser. C'est dire que, sans que cela aille nécessairement jusqu'à des taxinomies explicites, la « prise » interfacticielle de l'affectivité est toujours indissociable, dans une culture donnée, des significations qu'on leur accorde, de valorisations et/ou de dévalorisations, et que leur absence d'origine causale, du point de vue phénoménologique, est redoublée par leur absence d'origine causale, du point de vue symbolique. Dans ce contexte, l'excès qu'il y a dans l'affect, mais aussi, quoique autrement, dans la passion, peut, selon les cas, être recodé comme le même - excès du corps, excès des dieux, etc. -, ou être différencié, avec une confusion ou une distinction corrélatives des affects et des passions, et l'effet coextensif que la sagesse ne peut être atteinte que dans l'ataraxie ou dans l'ouverture des affects à ce qui les excède. Dans les deux cas, cependant, l'excès, qui l'est toujours par rapport à la commune mesure ou un commun logos, paraît comme effrayant, en tant que menaçant l'ordre institué des êtres et des choses, et porteur, en ce sens, quels que soient ses recodages symboliques multiples, d'un « moment » sublime.
 
Mais ce « moment » peut être « négatif » (malencontre) ou « positif » (rencontre), l'effroi appréhendé comme une menace unilatérale de mort ou comme une « transpassibilité » au dépassement. Dans le premier cas, comme le montrent les « faits » psychopathologiques mis en évidence par la psychanalyse, l'affectivité, comprise en son sens le plus large, est plus ou moins bien « disciplinée » en étant redistribuée dans des recodages symboliques dont l'énigme est qu'ils sont inconscients, au fil d'une économie qui est « économie de la mort » (Freud) aux deux sens du génitif : canalisée ou polarisée par les « passions », l'affectivité apparaît simultanément, tel est le paradoxe, comme cela même qui doit être l'« esclave » de toutes les ruses qu'il y a dans les « passions », et comme cela même qui s'asservit toute mesure et tout logos par leur intermédiaire. Il y a dans les « passions » comprises en ce sens - et qui ne sont pas sans évoquer ce que la tradition juive et la tradition chrétienne nomment le « péché » - une sorte de servitude symbolique, qui est servitude volontaire, à l'excès en tant qu'il est représenté comme l'origine à l'égard de laquelle tout le « sujet », mais aussi tout le Dasein, est originairement en dette : mieux vaut cette servitude que la rencontre de la mort et la catastrophe. Mieux vaut même, s'il le faut, mourir empiriquement pour sa « passion » que mourir symboliquement - à savoir que disparaître comme être symboliquement identifiable qui n'est censé tenir son identité que de l'ordre symbolique existant, c'est-à-dire aussi de soi-même en tant qu'identité reconnaissable. Dans cette configuration, aucun rôle spécifique n'est reconnu à l'affectivité qui n'est jamais qu'un mode déguisé des « passions » : le soupçon, porté à son maximum sur l'« authenticité des affects », conduit, à travers leur relativisation intégrale, qui est du même coup celle de la mesure et du logos, non seulement à la corruption des mœurs d'une société, mais aussi à la corruption politique - puisque quitter une servitude ne peut être qu'entrer dans une autre, ce que Platon, déjà, avait fort justement marqué.
 
    Dans le second cas, celui du « moment positivement sublime », l'effroi porté par l'excès porte à son tour à une traversée de l'affectivité par elle-même à travers son écart originaire, au fil de cela même que Maldiney nomme « transpassibilité » : le sentiment kantien du sublime est à la fois « sensible » et « spirituel », ce qui signifie que, dans le transparaître - le paraître au travers - de l'excès, l'affectivité est transpassible à ce qui l'excède absolument. Ce qui signifie aussi que la traversée qui s'y effectue est traversée de l'ordre symbolique et de la mort symbolique au symbolique, exhaustion ou dépassement en lequel vacille l'ordre institué pour être réélaboré autrement, de manière à ce que le Dasein y soit non pas simplement assigné à sa condition finie, mais accueilli dans l'indétermination relativement innocente de sa liberté, c'est-à-dire ouvert, non pas simplement à sa « propre » immanence (Heidegger), mais aux facticités autres des autres et à la facticité en général et indéterminée de ce qui l'excède absolument. Or l'ouverture de l'affectivité à ce qui la dépasse absolument est « la vie même », non pas en tant que vie animale et encore moins biologique, mais en tant que vie proprement humaine, dans son énigme, et loin que l'affectivité soit quelque lieu de paisible et absolue transparence du sensible au suprasensible - dans ce qui serait une confusion les dissipant tous deux en nuées de pure lumière, ce qui a été, dans une certaine mesure, une idéologie « romantique » (R. Legros) -, elle est au contraire ce qui ouvre, dans les abîmes de ses obscurités, à la transcendance de l'excès comme abîme - comme énigme irréductible, que toute culture, à sa manière, a rencontrée, c'est-à-dire élaborée sans pouvoir la « résoudre » : dans les mythes, les mythologies, la tragédie, la philosophie, mais aussi dans les traditions religieuses. Sans doute tout cela est-il difficile à admettre pour notre époque excessivement matérialiste (dont témoignent aussi, et peut-être surtout, ses superstitions les plus irrationnelles), relativiste et nihiliste, où la confusion semble être à son comble entre « affects » et « passions », dans une complaisance narcissique en réalité très agonistique. « Reconnaître » l'affectivité n'est pas s'abandonner avec plus ou moins de ruses à « l'expérience irrationnelle d'un voyage subjectif », mais éprouver du dedans une traversée qui, pour porter ailleurs, n'en rouvre pas moins à la juste appréhension de la mesure et du logos. Certes, la traversée n'est pas sans risque, et chacun y fait plutôt ce qu'il peut que ce qu'il veut, mais précisément c'est là seulement qu'il peut savoir ce qu'il peut, comme c'est là aussi qu'il peut mourir, de mort lente et inexorablement administrée, d'avoir peur de courir le risque. C'est en ce sens, peut-être, qu'il y a encore une « vérité » dans l'injonction de Nietzsche de prendre le « corps » (c'est-à-dire l'affectivité) comme « fil conducteur ». Il y va en effet de l'énigme de notre vie comme incarnation, à l'écart de toute domination ou de tout asservissement volontaires.
 
Merci à Marc RICHIR
 
 
Ptain je pense enfin à vérifier à tout hasard, et il se trouve que le même morceau de l'article est déjà sur le net : http://www.elysees-monceau.com/The [...] tivite.htm
LOL. Regardez les tofs. Sympa.


Message édité par Baptiste R le 30-06-2007 à 16:35:46
n°11988432
foutre de
Posté le 30-06-2007 à 19:06:21  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Valdinoci, je n'y comprend goutte mais ça me parle, m'aide.
Pour tenter un brouillon d'ébauche de résumé, rappelons qu'il propose une nuit moustique ététique. Face à cela nous pouvons demander : les moustiques, est-ce thétique ? Précisement non, car le moustique est le vecteur de l'incision du réel, qui permet à l'âme antenne de ne pas être un Cid errant à travers la pleine, poursuivi par les écus-manes deterritorialisées de son passé banquier. Où trouve-t-on le moustique ? Dans l'essence de science, cette quintessence ambrée et stratifiée, ce distillat de réel accumulé, effarant et dé-faré, devant qui le philosophe ne sera guère faraud. Mais le philosophe sera aidé par le Still Nox, planeur anti-spleen et anti-split, antidépresseur existentiel incontournable dans ces moments de haute pression.

 

Cette intervention donnée devant la Société des gens qui ont peur d'être sérieux était fort agréable, mais trève de badinerie. Valdinoci c'est frustrant, parce qu'il y a des trucs qui m'intéressent pas mal (Ca : "Il n'y a pas l'homme et le monde l'un devant l'autre, dans un jeu de vis à vis ; il y a un en-univers, un être-dedans la chair de l'univers dans sa propre chair. // Et l'univers invente. Et Valdinoci ébauche une théorie expérimentale de l'invention" ) mais j'ai du mal à percer l'écorce des concepts, la coquille de ce philosophe à la noix. Tel quel, je ne vois pas comment c'est utilisable. C'est d'exposition tellement systématique que c'est saturé et impénétrable. Je suis incapable de le suivre linéairement, d'entrer dans sa logique (pourtant j'aime son écriture), donc je prend son bouquin comme un recueil d'aphorismes.

 

oui, c'est exactement cela, et un des nombreux problèmes de l'approche daseinanalytique c'est de trancher dans la ratio et la possibilité de dialoguer avec le malade autrement que par molécules interposées. Même Binswanger qui tente de rester psychanalyste n'échappe pas à ce péril. Mais c'est l'écueil des Psychoses ; pas sûr qu'on puisse encore parler.

 

Je sais à quel point la lecture de Valdinoci peut-être frustrante, surtout que tu n'as pas pris le livre le moins condensé. Cependant si l'on digère une bonne fois la logique d'écriture, de composition de néologismes, on parvient à circonscrire quelques données fondamentales.

 

Avant toute chose, malgré tout, puisque la pensée europanalytique se veut une mystique, la lecture de Eckardt, de jean de la croix, de Madame Guyon et de Laruelle (la non-philosophie est une bonne intro pour l'europanalyse, pourrait on dire de façon à peine exagérée), lectures autant que possible actives, participantes, sont de bonnes préparations.
L'europanalyse se présente comme un travail très corporel, qui passe par une réelle appréhension du fond de sensations dont est capable notre corps, impressions, équilibres, vacillements, mouvements, chaleurs etc. jusqu'à la sensation de la durée bergsonienne comme flux, ou chute inexorable.
S'enfoncer ainsi dans le sentir plutôt que dans le conceptuel implique une familiarité avec des situations anxiogènes de déstabilisations des schèmes culturels sur lesquels sont bâties nos certitudes ; autrement dit : pour entrer dans le non-savoir, il faut en faire le deuil (du savoir), autant dire travailler à une mort de soi (en tant que construction, sédimentation, accumulation identitaire, petit musée intime...)

 

* d'ailleurs, ce n'est pas une entrée dans le non-savoir, c'est plutôt une sortie ponctuelle (à maintenir constamment possible comme un horizon de désenclavement) de ce qui s'est accumulé : ne vous êtes vous jamais demandé pourquoi l'adolescence et la philosophie se rencontraient spontanément dès l'origine, dès  la condamnation socratique ? En tant que méthode de tabula rasa, de refondation à zéro de la compréhension dans le dialogue, la philosophie demande une constante possibilité de réécriture (de la civilisation, du sens) en soi, quelque chose comme un nouveau contrat social chaque fois possible (c'est pourquoi il est si important de repenser les figures d'intaurateurs - lycurgue, Moïse, Mahomé, etc. - , qui sont de potentiels Socrate à chaque fois)
L'adolescence, c'est l'exercice accompli de la constitution d'une psyché, l'aboutissement de la constitution d'un sens. Voilà, après, c'est soit on reste sur celle-là, soit on apprend la possibilité d'effacer et de récrire encore : et ça, c'est la possibilité philosophique.
En 15 ans nous apprenons à constituer un sens qui fait civilisation-moi-compréhension du phénomène : soit nous en faisons une thèse, soit nous en dégageons une méthode pratique (et les adolescents sont encore assez souples pour cela ; d'où le reproche de perversion qui pesait sur socrate : il apprenait la citoyenneté en éduquant à effacer/récrire son éducation : aujourd'hui encore ce serait un quasi scandale permanent).
En tant que support effaçable, tout apprenti philosophe est un médiateur exceptionnel (d'où les réussites dans les domaines de la diplomatie des étudiants en philosophie). Cette théorie du médiateur est un peu mise en place dans un des derniers livres de Valdinoci.

 

De Krisis II, dont je n'ai pas mené une lecture systématique linéaire, j'ai retenu du moins ceci : indépendamment d'origines historiques locales (grèce, judaïsme,...), la pensée philosophique fonctionne par mise à distance en énoncés de la fouille corporelle à laquelle ma vie livre l'univers qu'elle expérimente en elle-même. L'ensemble conceptuel, qui est largement développé et nourri dans les livres suivants (je conseille plutôt Vers Une Méthode d'europanalyse) tourne autour de la mise en place d'une pensée par analyse (ou crise ou incision) de la chair à même elle-même. C'est pourquoi c'est une pensée qui suit constamment deux voies (de chaque côté du cisaillement, les deux parties du discrimen) pour continuer de cerner cette incise en fonctionnement, pour ne pas s'arrêter aux résultats (deux entités distinguées par un geste de savoir lumineux), voire à un seul des deux (une entité évaluée au détriment de la seconde).
Difficile dans un livre aussi court de vraiment saisir ce que sont l'endoception, le tact, l'écumène, qui sont retravaillés dans les livres suivants (et c'est facile pour moi de sembler à l'aise, du fait que je les ai lus). Krisis II c'est un peu un livre schéma, à peine un squelette.
Ce qu'il développe le mieux dans ce premier "opus officiel", ce serait peut-être le concept d'une pensée par apposition. C'est-à-dire une pensée non-articulée par copule logique qui la pré-oriente. L'apposition c'est le discours qui progresse par identité (non pas x+y, ou x>y, ni x=y mais xy, un peu comme dans une écriture de mots-valises... mot-valise étant justement une apposition, héhé). Dans un des livres suivants, je ne sais plus lequel, La Traversée de l'immanence je crois, il radicalise ça en envisageant (il écrirait "en-visageant", certainement, le bougre) la pensée comme crase.

 

Etrangement, j'en conclus deux choses :
1. Derrida ayant résumé par procédure que tout discours philosophique n'est que trace, que tout concept n'est qu'emprunté (débordé par un supplément qui en ronge l'identité comme un manque), Valdinoci tente de frayer une voie dans "l'impossible" depuis lequel la trace se produit (pour éviter l'émiettement théorique de l'homme, sa désintégration en même temps que celle de la civilisation européenne qui n'est qu'un amas de vie humaine). En tant qu'impossible, le fondement de cette trace qui fait culture de discours est un effondrement des discours, soit une épochè radicale, qui sape tout savoir et ne tente pas de manière husserlienne de reconstruire le chemin jusqu'à la culture en place (pour husserl, la culture des modernes (Descartes-Kant... et presqu'hegel)). Parce qu'il y a effondrement, il y a raptus et contemplation : ce qu'il appelle theoria (selon l'étymologie). Ensuite il tente de ramener de cette expérience de quoi en décrire la structure interne, qui produit des civilisations (soit du sens)
2. parce qu'il y a exigence continue d'immanence, l'analyse, qui tranche, incise, discrimine... est maintenue dans son écriture comme UNE. C'est-à-dire que c'est la coupure qui réunit deux-à-deux les éléments distincts. Parce qu'elle reste dans l'acte de séparer, dans la crise, elle est la chair même qui réunit les éléments, qui sinon seraient errants et ne feraient pas UNivers (évidemment). Cet état de fait impose à la lecture une sorte d'épistémologie schizophrénique de base (qui selon moi est une effectuation de certaines potentialités deleuziennes) ; le lecteur doit maintenir au minimum deux niveaux d'appréhensions des énoncés qu'il lit (je pense d'ailleurs au fil des années que trois niveaux est plus rentable encore, mais j'ai du mal pour ma part à le maintenir autrement que par intermittence). Cette schize est parfaitement rassemblée dans un énoncé fondateur qu'il dégage dans un des livres suivant : REDUCTION=DONATION, qu'il faut vraiment une pratique corporelle assidue pour apercevoir de manière explicite, sans être pris en porte à faux dans des énoncés qui mèneraient des lignes contradictoires.
Ces deux niveaux de lectures, il leur consacre son plus petit livres, abrégé d'europanalyse, où il evoque une écriture en filigrane qui résonne en affect à même la platitude conceptuelle du dépôt sur la page : libre au lecteur de parcourir des énoncés ou d'essayer de vibrer dans sa chair de ce qui travaille vers son corps.

  

merci en tout cas pour ce Maldiney, qui est plus lisible que dans les liens (et c'est hallucinant ces vacances-thérapies qui sont proposées là... le club med n'a rien compris : c'est pas "méditerrannée", c'est "médicalisation" le vrai chaînon vendeur...)

 


NB: Duc de foutre, c'est une aimable promotion ; habituellement on ne me dit que Marquis de Foutre (mais c'est un titre usurpé... comme il se doit de tout titre :D)


Message édité par foutre de le 30-06-2007 à 19:15:28

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11990258
rahsaan
Posté le 30-06-2007 à 23:27:07  profilanswer
 

Je viens de lire l'excellent essai d'Eugenio d'Ors, Du baroque. :) Cette lecture m'a inspiré quelques idées sur le thème du baroque. Après quelques recherches, voici le résultat.  
(Pour faire tout à fait bien, il aurait fallu que j'évoque le livre de Deleuze, Le pli : le baroque est un mouvement particulier en cela qu'il porte la force du pli à l'infini... mais n'ayant pas (encore) lu ce livre, j'ai préféré ne pas faire semblant d'y faire référence. Et en attendant, je n'ai pas non plus lu Comment parler des livres que l'on n'a pas lus, donc...)
 
LE BAROQUE
 
Au sens le plus courant, est baroque ce qui est bizarre, surprenant, très orné, élaboré, excessif, extravagant... Aussi le terme est-il en ce sens péjoratif.  
Dans un sens plus mélioratif, est baroque ce qui est somptueux, éclatant, éblouissant, aérien, enlevé, fantasque... Le baroque repose sur cette ambiguité, car il s'en faut de peu que ce qui plait à l'un par son aspect étonnant, riche, paraisse à l'autre au contraire surchargé, pompeux.  
Le baroque est à la limite entre un surcroît de style, d'audace et la complaisance dans l'excès fastueux qui, à trop vouloir éblouir, épuise par ce débordement de vitalité. Sans doute n'y a t-il pas d'oeuvre baroque qui ne court ce risque du "trop", puisque si le classicisme est mesure, ordre, le baroque est déséquilibre, tentation du toujours-plus.  
En portugais, barrocco désigne une perle de forme irrégulière. On parle de perle baroque pour décrire celle qui présente une irrégularité, un défaut qui l'empêche d'être parfaitement ronde. Dans le cas des pierres précieuses (diamant, saphir, émeraude, rubis), une telle irrégularité est désignée par le terme de "crapaud". C'est une tâche qui affecte la pureté de la pierre. Le baroque serait-il une sorte de crapaud dans l'art ?  
Il faut se demander si le baroque peut être une catégorie des beaux-arts ou s'il en représente au contraire l'échec, lui qui fraye de bien près avec la laideur.  
 
En deux mots : Le baroque est-il beau ?
--> L'enjeu de cette question est d'interroger de ce qu'on entend par "beaux-arts", le baroque constituant, semble t-il, un cas limite.  
 
Dans un premier temps (I), je donne quelques indications factuelles ; puis (II) je résume les notions d'Eugenio d'Ors pour définir le baroque ; ensuite (III), j'analyse le baroque comme art décadent ; alors (IV), j'aborde l'idée d'une vision du monde proprement baroque et je termine (V) par le baroque comme vie propre de l'art.
 
 
I°/ Du baroque comme période
 
1) Je trouve mes informations à ce sujet sur Wikipedia : le baroque et cette page sur le baroque littéraire
Le baroque est une période qui comprend les 17e et 18e siècle. Les périodisations diffèrent manifestement d'un auteur ou d'un spécialiste à l'autre, mais mon but n'est pas de proposer un cours d'histoire de l'art sur le baroque.  
 

Citation :

(Wikipedia) Le baroque est un style qui naît à Rome, Mantoue, Venise et Florence à la charnière des XVIe et XVIIe siècles et se répand rapidement dans la plupart des pays d’Europe. Il touche tous les domaines artistiques, sculpture, peinture, littérature, architecture et musique et se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance et de la grandeur parfois pompeuse.
 
Il poursuit le mouvement artistique de la renaissance et le classicisme lui succède à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle.


 
Cependant, l'appellation même de baroque ne date pas de cette époque : elle est postérieure, les artistes concernés ne se désignant pas eux-mêmes comme baroques. La notion de baroque a été inventée par l'historien d'art Heinrich Wölfflin (1864-1945), dans son livre Baroque et classicisme.
 

Citation :

(wikipedia) ...en 1762, alors que le baroque s'achève, outre sa première signification, et toujours selon la même Académie, « il se dit aussi au figuré, pour irrégulier, bizarre, inégal. Un esprit baroque. Une expression baroque. Une figure baroque. ». Au XIXe siècle, pour la sixième édition de son dictionnaire, l'Académie inverse l'ordre des définitions : les perles passent au second rang et le sens figuré au premier. C'est en 1855 que, pour la première fois, le mot est utilisé pour décrire la période et l'art succédant à la Renaissance sous la plume de l'historien d'art suisse Jacob Burckhardt dans Le Cicerone [...] Il faut attendre une génération et 1878 pour que le « style baroque » fasse son entrée dans le Dictionnaire de L'Académie française et que la définition perde un peu de son caractère dépréciatif. Il est vrai que l'impératrice Eugénie a remis au goût du jour les mignardises et le style Louis XV et qu'est né, ce que nous appelons le néobaroque : la réhabilitation peut commencer et Wölffin écrire son œuvre pour nous éclairer sur ce qu'est ce baroque si complexe, compliqué, tourmenté, irrégulier et, au fond, plus fascinant que bizarre…


 
Le baroque commence à la période où se développe le Protestantisme. Par réaction, l'Eglise Catholique met en place ce que l'on appelle la Contre-Réforme, pour ramener dans son giron les fidèles tentés par la religion de Luther et Calvin. En particulier dans le domaine de l'art, où Rome promeut un art qui s'adresse au peuple, et plus seulement aux lettrés. Le Concile de Trente (1545-1563) fixe la position de l'Eglise romaine par rapport au Protestantisme : autorité du Pape, dogme de la transsubstantiation etc.  
L'Eglise promeut un art qui soit fastueux, séduisant, qui plaise au peuple, qui éblouisse, par opposition au rigorisme des temples protestants et du style de vie austère promu par Calvin.  
 
2) En peinture, le baroque joue sur l'ornementation, l'abondance décorative, les thèmes végétaux, l'utilisation du trompe l'oeil, des illusions, des figures qui semblent s'élancer vers le ciel, nous élever vers la splendeur divine.  
 
(Parmi les références suivantes, celles qui sont entre guillemets viennent de Wikipedia)
 

  • "Le baroque a été défini par Heinrich Wölfflin comme l’époque où l’ovale remplace le cercle au centre de la composition, équilibre substitué de la centralisation, effets de couleur et de peinture commencèrent à devenir de plus en plus proéminents. Quelques générales analogies en musique rendent utile l’expression « musique baroque ». Des phrases aux longueurs contrastées, l’harmonie et le contrepoint délogent la polyphonie, et les couleurs orchestrales apparaissent plus souvent. Une fascination semblable avec une expression simple, forte, dramatique, où les rythmes clairs, amples, syncopés remplacent les comparaisons métaphysiques, sophistiquées et entrelacées de Maniéristes comme John Donne. On ressent l’imagination fortement influencée par les développements visuels de la peinture dans le Paradis Perdu de John Milton, épopée baroque."


  • "En sculpture baroque, les ensembles de figures prirent une importance nouvelle, il y eut un mouvement dynamique et une énergie portée par les formes humaines – elles s’enroulent en volutes autour d’un tourbillon central, ou atteignent vers l’extérieur les espaces alentours. Pour la première fois, la sculpture baroque eut plusieurs angles de vue idéaux. Une caractéristique de la sculpture baroque fut d’ajouter des éléments sculptés supplémentaires, par exemple, des éclairages dissimulés ou des fontaines."  


  • Au théâtre, un chef-d'oeuvre du baroque est L'illusion comique de Corneille, où est utilisé un procédé de théâtre dans le théâtre : la pièce raconte une histoire, dont on s'aperçoit, au dernier acte, qu'elle est en fait joué par des comédiens de théâtre. Corneille défend le théâtre comme plaisir pris à l'illusion, à la surprise, au renversement. Déjà, dans sa jeunesse, Corneille a écrit des tragédies baroques, où le héros est confronté à un monde sans cesse changeant, instable, menacé de cataclysmes, d'engloutissements, de catastrophes, de démesures...  


  • En peinture, on dit que le baroque succède à la Renaissance, et vient après sa dernière période, le Maniérisme, représenté par exemple par la célèbre Madone au long cou de Parmigiano. Le Maniérisme transforme la peinture, après une période d'humanisme. Le maniérisme n'est-il pas déjà baroque ? Quelques caractéristiques du Maniérisme :  

   "* un espace désuni, et souvent indéfini
    * une image trouble et obscure,
    * une déformation et une torsion des corps,figure serpentina, le torsion du corps dessine un S
    * des tons acides et crus, hérités de Michel-Ange et la chapelle Sixtine à Rome
    * une recherche du mouvement
    * un art de codes, de symboles, de citations d'artistes classiques
    * un art de cour, qui s'adresse à des gens cultivés et lettrés" (Wiki)
 
Dans sa rupture avec l'équilibre de la Renaissance, le maniérisme semble donc partager quelques points communs avec le baroque : torsions, mouvement, envol... (voir les tableaux du Greco).  
Cependant, le baroque est bien plus épris de splendeur, d'artifices, de magnificence. Ainsi L'adoration des mages, de Rubens : http://www.wga.hu/art/r/rubens/13religi/55religi.jpg
"Une structure dynamique de formes qui s’enroulent en spirale autour d’un espace vide : d’éclatantes draperies, un souffle de mouvements éclairés par une flèche de lumière, peints avec une brillante maîtrise émancipée" (croyez-moi, si vous ne cliquez pas sur le lien du tableau, vous ratez quelque chose :o )
 
Succédant au Maniérisme, le Baroque laisse ensuite place au baroque tardif, qui donnera ensuite le Roccoco, art de la frivolité, des courbes bien rondes. Pensons aux tableaux de Boucher, à ses femmes lascives, ces chairs bien roses et grasses, ces fesses luisantes, ces décors de nature niaise qui font contrepoint aux poses aguicheuses, cette abandon aux plaisirs sensuels...  [:prodigy]  
 
--> En réaction au baroque et au roccoco, le néo-classicisme est, au 19e siècle, un retour aux canons de l'art antique, des temples et sculptures bien proportionnées, harmonieuses. L'historien Winckelmann, participe à ce mouvement de "redécouverte" de la beauté grecque : il parle de "Noble simplicité et calme grandeur".
 
Disons donc que pour définir simplement le baroque, il faut presque prendre le contre-pied de la définition Winckelmann et parler de "complexité fastueuse et de grandeur dans la démesure".  
 
 
II°/ Du baroque comme "éon"
 
1) Nous avons vu, en essayant de cerner temporellement le baroque, que des problèmes de dates se posaient : le baroque commence t-il directement après le Maniérisme ? Ou bien commence t-il vraiment après le Concile de Trente ?
Quand termine t-il vraiment ? A la fin du 17e siècle ? Ou du 18e ?  
C'est ici que la lecture du livre d'Eugenio D'Ors, Du baroque, est intéressante. Selon l'auteur, le baroque n'est ni réductible à un art en particulier (certains voudraient réserver le baroque à l'architecture), ni à une période. D'Ors utilise la notion d'éon : de même, dit-il, qu'il y a certains systèmes qui se retrouvent au cours de l'histoire (comme le système impérial, qui est celui d'Alexandre, de Charlemagne ou de Napoléon), il est possible d'isoler dans l'histoire de l'art des systèmes, qui surgissent de loin en loin à différentes époques. Ce sont des constances : "Ces constances entrent dans la vie universelle de l'humanité et dans sa pluralité multiformen, en instaurant une invariabilité relative et une stabilité là où tout le reste est changement, contingence, fluidité."
Il s'agit de points d'appui, de références. Non pas des lois, mais plutôt des types. "Mais il faut bien dire que ces élèments permanents de l'histoire ne sont spécifiquement ni des systèmes, ni des types : il convient de leur donner un nom propre. [...] C'est le terme grec "éon". Un "éon", pour les Alexandrins, signifiait une catégorie qui, malgré son caractère métaphysique [...] avait cependant un développement inscrit dans le temps, avait en quelque sorte une histoire."
Grâce à ce terme, il devient pensable que l'éternité connaisse des vicissitudes : le Christ est Eon, en ce qu'il est inscrit dans l'Eternité mais qu'il s'incarne dans le temps. Sont aussi Eons, pour D'Ors, l'Eternel Féminin, les races anthropologiques, la Féodalité, Rome en tant qu'unité, Babel en tant que dispersion, le Classicisme... ou bien le Baroquisme : "esprit et style de la dispersion, archétype de ces manifestations polymorphes, en lesquelles nous croyons distinguer chaque jour plus clairement la présence d'un dénominateur commun, la révélation du secret d'une certaine constante humaine."
 
2) Alors le terme de Baroque peut prendre une extension inattendue, très riche, et embrasser aussi bien la peinture d'un Magnasco (voir au Louvre un magnifique tableau représentant un banquet de voleurs, ou des paysages de ruines où s'arrêtent des bandes de pillards), des styles d'architectures portugais, mexicains, ou même le Greco, que nous rangions plutôt dans le Maniérisme. On rapprochera alors le baroque du gothique flamboyant de certaines églises jésuites (pensons à celle de Prague) ; pensons à la poésie de Gongora (à partir de lui a été forgé le terme gongorisme, pour définir un style des plus... mystérieux et ampoulé :D ; ainsi pour évoquer un oiseau, Gongora parle t-il d'une "lanterne à plumes" ) ou à celle de Gracian ; pensons à ce baroquisme exacerbé qu'est le churriguresque espagnol.  
La formule générale du baroque sera, selon d'Ors, d'être un "art qui s'envole", contre le classicisme, "art qui pèse".
 
Bien sûr, Pierre-Paul Rubens, nous l'avons vu, est éminemment baroque. Et d'Ors ajoute à la liste le peintre Rembrandt et même la philosophie de Vico ou encore le système médical de Linné, et même la découverte par Harvey de la circulation sanguine, puisqu'il crée d'un coup un système dynamique de connaissance du corps humain !
Cette liste est donc elle-même éminemment baroque.  
 
 
III°/ Du baroque comme esthétique de la décadence
 
1) Le baroque devient donc, avec d'Ors, plus qu'une simple période de l'art, et déborde même le cadre des beaux-arts, pour inclure des systèmes de pensée et de science. C'est à proprement parler une Weltanschaaung , au sens hégélien, une "vision du monde". Déjà, j'ai évoqué les tragédies de jeunesse de Corneille, avec ces visions d'une nature déchaînée, d'un monde en branle perpétuel et par conséquent d'une destinée humaine incertaine, mouvante, changeante...  
Comment définir alors le style, l'esprit du baroque ? Les caractères, toujours selon d'Ors, du baroque, sont le sentiment de la profondeur, du dynamisme, du mouvement l'emploi d'élèments animaux et végétaux ; le baroque constitue même un panthéisme, par opposition à l'humanisme du Classique. Et encore : vénération de la Nature, aspect de fête, de carnaval, par opposition au rigorisme protestant, célébrant les fastes de ce monde, suprématie (au sens de Schopenhauer) du monde comme volonté sur le monde comme représentation, caractère cosmique de l'architecture et de la peinture, style de convulsions, de dissonance. Théâtralité orgueillieuse, "grand vent d'apothéose", sont autant d'expressions pour définir la morphologie du baroque, et l'opposer à celle du classicisme.  
N'y a t-il pas ainsi dans tout art baroque, toute oeuvre baroque, une prodigalité, un tonus, une générosité, un élan sans cesse repris et dont les limites sont sans cesse repoussées ? Ainsi la musique baroque aspire t-elle peut-être à la "mélodie infinie". C'est un art de l'ellipse, de la fugue, de la rhapsodie. Ainsi, si le baroque est bien une soumission à la violence de la puissance de la Nature, le baroque est en quelque sorte préhistorique : il rappelle à une civilisation trop raffinée, trop équilibrée, certains principes élementaires inspirés par l'instinct, contre un rationalisme et un rafinnement excessifs.  
 
Disons qu'il n'y a peut-être d'immortalité que dans le classicisme. Si ce dernier, selon Hegel, se définit par l'équilibre parfait du fond et de la forme, alors le classicisme est le modèle de toute beauté. Le Parthénon, l'Aurige de Delphes, sont à jamais beaux, parce qu'en eux une perfection est atteinte, que rien ne peut surpasser.  
 
Le baroque peut-il prétendre à l'immortalité ?  
 
2) Le baroque n'est-il que décadence, pente glissante qui nous emmène vers la laideur ? Il est tentant de le penser. Le baroque est du côté du grotesque, de l'excès, de la démesure, du grotesque. S'il est immortel, il l'est négativement, en tant que toute belle chose, dans le monde sensible, finit par se dégrader, comme le plus beau fruit qui pourrit. Le baroque n'est-il pas justement le début du pourrissement de tout grand art ? Le moment, en somme, où l'art devient trop mûr, trop riche, trop tardif, et persiste à exister alors que son temps est bientôt révolu. En cela, le baroque serait l'excès du classicisme.
 
Les ors magnifiques de la Contre-Réforme, dans les églises, sont des surcharges, des ornements écrasants, resplendissants, dégoulinants. Cet excès est au bout du compte pénible à supporter. Ce qui ravit la vue peut aussi la fatiguer, l'irriter, l'agacer par la sollicitation perpétuelle de ce trop-plein de beauté, décidément suspect. A trop orner, trop décorer, trop donner de beauté, s'ensuit une profusion indigeste, qui vire au mauvais goût. Le baroque est "orange", couleur rouille, ou bien criard, saturé de tons, qui semblent gicler de partout.  
 
Déjà, devant la peinture tardive de la Renaissance, devant la peinture de Venise du 17e siècle, ou de Bologne, nous ressentons la chaleur, l'atmosphère automnale de cette peinture, comme le dernier soubresaut de l'été avant l'hiver, ce qu'on appelle l'été l'indien : le dernier tour de chant de la Nature, qui après nous avoir ravi par la beauté de l'été, doit user d'artifices, d'exagérations, de maquillages, pour masquer sa laideur naissante, pour nous séduire une dernière fois. Le baroque serait-il l'autre mot pour un art décadent ?  
L'art de Bologne est splendide, bien sûr, plein de chaleur, d'ors, d'ocre ; de même la peinture du Corrège, et ces ribambelles de satires, ces déesses aux cheveux blond vénitiens. Mais déjà, nous sentons que quelque chose est perdu, une flamme proprement divine qui animait Raphaël, Le Tintoret ou Veronèse, qui n'avaient par conséquent besoin d'aucun artifice pour réjouir l'oeil et l'âme. A peine peut-on même parler de joie, car, comme le dirait Spinoza, Dieu n'éprouve aucune joie. Or, l'apogée de la Renaissance est une sorte de célébration de la gloire des cieux et de la cité terrestre, la vision de Dieu lui-même. Peut-être faudrait-il dire que ces chefs d'oeuvres de Veronèse, comme le Dieu de Spinoza, "s'aiment eux-mêmes d'un amour infini".  
 
3) Au contraire, chez les meilleurs peintres des fastes vénitiens, comme Canaletto, nous ne trouvons plus l'ivresse printanière, merveilleuse des maîtres de la Renaissance, comme si, déjà, la beauté parfaite commençait à se retirer doucement. Chez les peintres des fêtes vénitiennes, comme Guardi ou Tiepolo,  nous voyons dépeints des magnificences excessives, des chatoiements d'étoffes, de masques, l'ivresse des danses, des sarabandes débridées, un entrain, une gaieté, un tourbillon de vie proprement réjouissants. C'est donc que ce sont des peintures de la joie, la gaieté, mais plus de l'Amour même.
Dès lors, la Renaissance tardive penche dangereusement vers le baroque. Il n'est pas étonnant que, selon Stendhal, le Bernin, un des représentants de la sculpture baroque, soit responsable de la mise à mort de la sculpture classique. Voyez ces expressions outrées, cette impudeur des sentiments, ces effrois terrifiants, ces pleurs et ces grimaces, cette dramaturgie, ces chevaux qui se cabrent, ce ridicule sans honte, impensables à l'époque de Michel-Ange ou de Léonard.  
 
A tout le moins, le baroque est donc dégradation de l'art classicique, excès de sensibilité dans la beauté, rupture d'équilibre, donc décadence, donc potentiellement intrusion du difforme, du monstreux, en un mot de la laideur.  
 
Faut-il dire en conclure que le baroque est la limite de l'art, sa frontière ou disons son moment de perte, d'enlaidissement, de pourriture ? Le baroque serait donc le mouvement vers le non-beau, le pourtour de l'art qui touche à l'intérieur les beaux-arts et à l'extérieur le domaine de ce qui est exclu du beau : les limbes ténébreuses, les choses informes, les sous-sols des oeuvres ratées...
 
 
IV°/ Du monde comme baroque
 
Contre cette vision du baroque comme limite externe des beaux-arts, je voudrais au contraire proposer l'idée que le baroque est une limite interne à l'art, que c'en est la dynamique qui fait pousser et croître de l'intérieur les oeuvres.  
Je m'explique, même si ce que je vais dire sera quelque peu elliptique (je qualifie donc par avance mes propos de "baroque", pour m'en sortir à bon compte).
 
1) Il se présente à nous une une objection : l'art romantique n'a t-il pas aboli la distinction figée entre beau et laid ? Pensons à Shakespeare : "fair is foul and foul is fair", qui a été traduit, entre autres, par "le beau est le laid, le laid est le beau". Depuis le romantisme, les artistes n'hésitent pas à utiliser des sujets qui relèvent, au sens du classicisme de la laideur : ainsi de Baudelaire et son poème la Charogne. Si même le laid a obtenu droit de cité en art, pourquoi hésiter à inclure le baroque à l'intérieur de la sphère artistique ? N'y a t-il pas une esthétique du baroque ? Peut-être s'oppose t-elle à l'esthétique classique, mais depuis le romantisme, qui se soucie encore de cette opposition ? Le baroque rompt moins avec le classicisme que le romantisme ne rompt avec le couple classique / baroque.  
Contre cette objection, défendons le baroque : nous allons montrer, entre autres, que le baroque survit au romantisme et qu'il est davantage qu'une certaine esthétique qui s'oppose au classicisme.  
 
 
2) L'imagination transcendantale
Je vais opérer ici un détour pour montrer l'importance fondamentale, "métaphysique" du baroque.  
J'ai découvert récemment, à la lecture de Zizek, Le sujet qui fâche, qu'Aristote propose dans son traité De l'âme cette idée capitale selon laquelle "l'âme ne peut pas penser sans fantasme".  
Autrement dit : toute pensée s'accompagne nécessairement d'une image. Pensez à la notion de cercle : en même temps se forme dans votre imagination l'image d'un cercle. Descartes, pour sa part, montre la supériorité de l'entendement sur l'imagination en disant que votre imagination ne peut pas vous represénter clairement un chiliogone (polygone à 1000 côtés) tandis que votre entendement peut en découvrir les propriétés.  
Cependant, la phrase d'Aristote nous dit bien qu'aucune pensée ne va sans image. C'est dire, si on tire les conclusions, qu'il faut que, même lorsque vous concevez les notions les plus abstraites, votre imagination se met quand même en branle. Et qu'une proposition telle que "il y a Identité de l'Identité et de la Différence" (Hegel) s'accompagne de la présence d'un "fantasme" (disons d'une image) dans votre tête. Or, si seule l'entendement conçoit clairement et distinctement, le fantasme, s'il est bien à ce point originaire, "colle" en permanence à la pensée comme une tâche que rien ne peut faire partir.  
Or, si l'art classique est art de l'équilibre, c'est un art où entendement et imagination se complétent harmonieusement, où entre autant l'un que l'autre, autant sens des proportions et structures que goût pour la finitions et le modelé, l'esthétique d'ensemble. ... Au contraire, le classicisme se dégrade et meurt de l'excès d'ornement, d'imagination, de sensible...  
Cet excès d'imagination, cette tâche originaire, ce fantasme qui accompagne toute pensée, cet excès logé au coeur même du je-pense qui assure la synthèse de toutes mes représentations, cette légère courbure, cet obscurcissement léger qui met en danger la clarté de la synthèse, c'est le baroque !
Plus qu'une période de l'art, plus qu'un éon, un style, le baroque serait ainsi inscrit au coeur de l'imagination transcendantale, à titre de "reste", d'excès qu'aucune synthèse, aucun équilibre, ne peut complétement résorber ! Découverte proprement fascinante.  
Du reste, l'exigence même de classicisme n'est-elle pas d'équilibre, de mesure ? Certes oui, mais dans ce cas, il est aussi valable de dire que, loin que le baroque soit en excès sur le classicisme, c'est le classicisme qui est, par avance, une victoire sur le baroque. Le moment classique se poursuit tant qu'une harmonie entre les contraires, entre les facultés et les forces, peut se maintenir. Mais quand cette alliance entre les opposés, mortelle comme toutes choses, finit par se relâcher, par craquer, alors survient le moment baroque. C'est à dire quand l'excès l'emporte sur la mesure. Pensons au système physico-mathématique des sciences de la nature, à cet âge classique de la représentation dont a parlé Foucault, où s'établit cet équilibre entre le sujet et l'objet. Et pensons maintenant au 19e siècle, toujours vu par Foucault, au moment où ces systèmes de mesure laissent place à l'expérimentation, au dynamisme de la recherche, à une science inscrite dans le devenir, dans l'évolution, dans l'étude des pathologies mentales... N'est-ce pas là du baroquisme ?...  
 
3) Du vivant comme baroque
 
Comme le montre Zizek, l'imagination transcendantale constitue une sorte d'abîme logé au coeur de la subjectivité kantienne,  une puissance de l’image, du fantasme : le "baroque" (si l'on peut employer ce terme pour excès, rupture, schize) est toujours déjà là, comme excès par rapport au pouvoir "originairement synthétique de l'aperception". Dès lors, cet art de l'illusion, du déséquilibre, du monde comme inconstant, il n'est peut-être que la meilleure expression de notre condition, de ce que Heidegger nommerait "l'être-au-monde" ou encore "Dasein".  
Il faut noter au passage qu'à l'architecture classique de la Critique de la Raison Pure s'oppose la composition baroque de la Critique de la faculté de juger, dont l'unité fait problème, le livre se partageant entre critique du jugement de goût et critique du jugement téléologique. Reprenant les termes kantiens, il faudrait étudier le baroque en rapport avec le couple beau/sublime, d'une part, et le couple mécanique/vivant d'autre part, et montrer comment le sublime constitue une limite pour notre imagination, en ce que le sublime ultimement tente de représenter les idées de la raison ; quant au vivant, l'entendement ne peut tout simplement pas le saisir à l'aide de ses catégories, sinon comme finalité interne organisé, et ne peut donc le comprendre qu'en le réduisant au mécanique. Il faut donc bien avouer que le vivant constitue une déviation baroque par rapport au mécanique, un excès, une impureté, un choc, une "image-mouvement" singulière.
 
 
5°/Du baroque comme vie de l'art
 
1°/ Nous avons pu qualifier le baroque essentiellement comme excès. Ni seulement un mouvement artistique sur une période définie ; ni même seulement un éon, mais une condition ultime de notre « être au monde ».  
 
Disons même que notre monde est lui-même une perle baroque. C’est le monde sublunaire d’Aristote, celui des accidents, donc celui où existent, comme exceptions aux régularités de la nature, des monstres, des ratés.  
 
Le baroque ne peut pas être beau sans le classicisme, qui est le Beau par excellence, le Beau authentique, éternel, universel, parfait (la sculpture grecque). Mais le baroque est cette légère déviation par rapport au Beau absolu. Mais notre monde est ainsi fait, le monde de notre imagination transcendantale, qu’il est toujours déjà affecté d’un excès d’image. Le fantasme est une excroissance originaire, une impureté.  
Donc le classicisme constitue, par rapport au baroque, en quelque sorte, un excès : l’excès qui contient les excès (comme la vertu, chez Aristote, est l’extrême opposé de deux vices contraire : le courage, contre la lâcheté et la témérité). Car l'idée même d'imposer ordre, régularité, simplicité, unité, bref classicisme, à un monde de démesure, de désordre, revient à lui faire violence pour l'organiser.  
Le classicisme est ainsi une victoire sur le baroque, qui parvient à le contenir. L’art beau, « sublimation » d’un chaos baroque –cas particulier de ce chaos. Au contraire, le baroque peut librement faire déborder les motifs floraux, animaux, jouir de ce chaos qui se libère soudain et menace de ruine l'ensemble, en le faisant s'écrouler sous l'excès d'un poids, d'une tendance.  
 
2°/ Donc notre condition est ainsi faite que nous ne pouvons pas aimer la beauté classique, dans sa pureté complète : celle-ci, absolue, brute, est en réalité ennuyeuse, mortellement ennuyeuse... Pensons à certains poèmes de Paul Valéry, qui à vouloir trop de stoïcisme, de repos, de silence et d'immobilité sont froids et soporifiques. Pensons au Parnasse, au néo-classicisme, qui, à trop vouloir l’équilibre, l’antique, produisent des œuvres qu'on a peu plaisir à regarder, des oeuvres ternes, et même parfois kitsch dans le cas de l'Académisme : ces oeuvres payent, avec usure, leur refus du baroque par leur facture rococo : ainsi la Vénus de Cabanel, les oeuvres de Bouguereau…  
La pure beauté vire ainsi à la pure niaiserie (comme la morale, selon Nietzsche). Il faut à cette beauté trop pure un rien de chaleur, d’excès, de vie, de dynamique. Songeons que dynamique vient de dunamein, ce qui, chez Aristote, désigne le caractère e ce qui est en puissance, donc inachevé. Or, le baroque est l'inachevé, le mouvement qui se poursuit, s'envole, indique qu'il n'est pas retombé ; ces torsions, ces vrilles, cette hypotypose (description si animée qu'elle rend l'oeuvre vivante). Il faut à la beauté du mouvement, de l’ampleur, de l’envol, un grain de folie, d’imprévu, comme ces top-models qui se ménagent volontairement un défaut qui rehausse, par contraste, leur beauté : si elles étaient des beautés modèles, elles ne seraient plus top-model. Un visage parfaitement symétrique ne séduirait plus.  
On a trop dit que la nature aimait la symétrie (la feuille etc.) : non, elle aime la quasi-symétrie, avec un rien de déviation, d’excès ou de manque. Elle est donc baroque elle aussi. Seul notre entendement est classique, qui aime la perfection formelle. Mais, par rapport à la vie, à la nature, cet entendement classique se condamne à être lui-même baroque, la symétrie étant une imperfection, une déviation, si la dissymétrie est la règle. Ce déséquilibre, c’est le baroque.
 
La pure beauté ennuie, elle n’a pas de charme. Le baroque est donc fondamental dans notre appréciation du beau. C’est l’écart qui nous sépare de la pure beauté et par là, la rend visible. C’est donc la beauté absolue en tant qu’elle manque à se réaliser parfaitement, mais c’est donc le milieu adéquat en lequel la beauté se réalise. En ce sens, le beau est pour nous l’écart même par rapport à la Beauté.
« Je suis belle, ô mortel, comme un rêve de pierre » dit la Beauté chez Baudelaire. Oui, faudrait-il répondre, mais tu n’es que rêve et que pierre : alors que le baroque est décalage, interstice du jeu de la vie. C’est l'impureté qui rend la perle belle, le "crapaud" qui réhausse la beauté du diamant, c’est la légère déformation de la Beauté qui nous donne les formes belles dans le sensible.  
 
Le baroque est donc la distorsion esthétique fondamentale, sans laquelle la Beauté elle-même ne pourrait tout simplement pas nous apparaître, l'illusion comme jeu même de l'apparence du Beau. ;)


Message édité par rahsaan le 30-06-2007 à 23:43:35

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°11992061
jean eymar​d
Posté le 01-07-2007 à 11:00:14  profilanswer
 

A vous lire, j'ai envie de vous soumettre cette question:
Peut-on espérer comprendre le monde sans l'usage des sentiments ?  
 
Je ne veux froisser personne et il se peut que je sois un imbécile inculte (j'hésite encore moi-meme), mais si je vous pose cette question c'est que j'ai l'impression que votre soucis principal est d'exercer la puissance de votre intellect plutot que de chercher a comprendre visceralement le monde extérieur.
La complexité-l'ivresse de l'intellect comme un rempart face au monde extérieur.
 
Je ne ressens pas d'angoisse dans vos propos qui me semblent froids, pour moi, vous essayez moins d'etre compris que de faire de la performance.
 
Je me trompe peut etre sur toute la ligne bien sur mais il parait qu'il ne faut pas avoir peur de se tromper parfois.
 
 

n°11992404
Baptiste R
Posté le 01-07-2007 à 12:18:05  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

A vous lire, j'ai envie de vous soumettre cette question:
Peut-on espérer comprendre le monde sans l'usage des sentiments ?  
 
Je ne veux froisser personne et il se peut que je sois un imbécile inculte (j'hésite encore moi-meme), mais si je vous pose cette question c'est que j'ai l'impression que votre soucis principal est d'exercer la puissance de votre intellect plutot que de chercher a comprendre visceralement le monde extérieur.
La complexité-l'ivresse de l'intellect comme un rempart face au monde extérieur.
 
Je ne ressens pas d'angoisse dans vos propos qui me semblent froids, pour moi, vous essayez moins d'etre compris que de faire de la performance.
 
Je me trompe peut etre sur toute la ligne bien sur mais il parait qu'il ne faut pas avoir peur de se tromper parfois.


Toi aussi tu trouves que Rahsaan est pire quand il essaye de faire l'intello beau parleur ?  :D

n°11992475
alcyon36
Posté le 01-07-2007 à 12:31:58  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

A vous lire, j'ai envie de vous soumettre cette question:
Peut-on espérer comprendre le monde sans l'usage des sentiments ?  
 
Je ne veux froisser personne et il se peut que je sois un imbécile inculte (j'hésite encore moi-meme), mais si je vous pose cette question c'est que j'ai l'impression que votre soucis principal est d'exercer la puissance de votre intellect plutot que de chercher a comprendre visceralement le monde extérieur.
La complexité-l'ivresse de l'intellect comme un rempart face au monde extérieur.
 
Je ne ressens pas d'angoisse dans vos propos qui me semblent froids, pour moi, vous essayez moins d'etre compris que de faire de la performance.
 
Je me trompe peut etre sur toute la ligne bien sur mais il parait qu'il ne faut pas avoir peur de se tromper parfois.


 
pas sur que Rashaan considère comme une performance intellectuelle de faire une reprise de l'opposition/articulation entre Dionysos et Apollon (même si tout ce qu'il a ecrit ne s'y reduit pas) :D ...c'est surtout le iV et le V qui sont interessant.
enfin, jdevrais la fermer, a tt les coups j'ai ^pas compris... :lol:  

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 01-07-2007 à 12:34:20

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°11992519
foutre de
Posté le 01-07-2007 à 12:38:55  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

Peut-on espérer comprendre le monde sans l'usage des sentiments ?


comprendre le monde ne m'intéresse pas, je ne me distingue pas du monde.[:alandon][:alandon][:alandon][:alandon]

  
jean eymard a écrit :

Je ne veux froisser personne  


c'est trop tard, je vais sortir de mes gonds une fois de plus....[:alexfly][:darkscreen]et je ne vais plus me contrôler, [:manu of zi vendee]et encore me transformer en l'antichrist  [:dkal]

 
jean eymard a écrit :

Je ne ressens pas d'angoisse dans vos propos qui me semblent froids, pour moi, vous essayez moins d'etre compris que de faire de la performance.

 

l'angoisse n'est peut-être pas ce que nous avons à partager ici. Quoique je sente certaines détresses[:ato76], peut-être sommes-nous portés par quelque mouvement d'autodépassement légué par Nietsche et qu'encore trop étudiants, nous nous livrons à des problématiques scientifiques obtuses à force de vocabulaire rafiné.
Pour ma part, je ne suis ici que parce que Alcyon36 doit finir la lecture de Grelet, parce que Rahsaan doit faire un nouveau vidéo documentaire sur les influences de Malebranche sur l'oeuvre de Delausse, que viscère musc peut réapparaître, que Daniel levrai peut faire un nouveau voyage, Baptiste R citer un nouvel aphorisme de Valdinoci, erroriste balancer un nouveau lien sympa, Pascal75 faire un nouveau quizz...
Bref tout ça parce que le matériau est logos, peut-être ne suis-je qu'un performeur de langage (un bête fan de poésie comme tu disais si bien, toi qui lui préfères le langage simple).

 

mais toi que fais-tu ? n'est-ce pas une performance que de comprendre le monde ? une autre de contaminer de son angoisse sincère son environnement ?
Bref quel dosages proposes-tu ?

 


Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 01-07-2007 à 12:40:27

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11992528
foutre de
Posté le 01-07-2007 à 12:41:41  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Toi aussi tu trouves que Rahsaan est pire quand il essaye de faire l'intello beau parleur ?  :D


 
pire ? que quoi ?


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11992598
alcyon36
Posté le 01-07-2007 à 12:54:24  profilanswer
 

foutre de a écrit :


 
mais toi que fais-tu ? n'est-ce pas une performance que de comprendre le monde ? une autre de contaminer de son angoisse sincère son environnement ?
Bref quel dosages proposes-tu ?


 

Citation :

Qu'est ce que c'est, tes machines desirantes à toi?

:lol:


Message édité par alcyon36 le 01-07-2007 à 13:10:35

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°11996276
oceandepoe​sie75
Posté le 01-07-2007 à 21:09:37  profilanswer
 

Moi j'ai une autre question à soumettre mais qui est éloignée du sujet actuel. Vous pourrez trouver la question immature mais bon. J'aimerais connaitre la manière la plus productrice pour lire de la philosophie sans être guidé par un prof comme dans les cours à l'univ. Vaut-il mieux lire une oeuvre complète d'un auteur, quitte à voir son attention diminuer à certain moment par les propos du philosophe parce que ce dernier serait trop ardu ou parce que la thématique ne correspondrait pas à notre préoccupation du moment, ou vaut-il mieux lire en fonction d'une thématique, problématique précise qui nous préoccupe et donc dans ce cas, sélectionner les passages pertinants en vue du problème?
Ou alors, chacun a-t-il sa propre méthode pour augmenter sa culture philosophique?

Message cité 2 fois
Message édité par oceandepoesie75 le 01-07-2007 à 21:10:01
n°11996643
foutre de
Posté le 01-07-2007 à 22:02:18  profilanswer
 

oceandepoesie75 a écrit :

Moi j'ai une autre question à soumettre mais qui est éloignée du sujet actuel. Vous pourrez trouver la question immature mais bon. J'aimerais connaitre la manière la plus productrice pour lire de la philosophie sans être guidé par un prof comme dans les cours à l'univ. Vaut-il mieux lire une oeuvre complète d'un auteur, quitte à voir son attention diminuer à certain moment par les propos du philosophe parce que ce dernier serait trop ardu ou parce que la thématique ne correspondrait pas à notre préoccupation du moment, ou vaut-il mieux lire en fonction d'une thématique, problématique précise qui nous préoccupe et donc dans ce cas, sélectionner les passages pertinants en vue du problème?
Ou alors, chacun a-t-il sa propre méthode pour augmenter sa culture philosophique?


Difficile de savoir ce que tu entends par cette "productivité". je considère que lire sans une problématique, sans une perspective qui oriente la lecture, c'est une lecture perdue, une flânerie, dont on ne garde que très peu et qui ne nous fait pas avancer mais au mieux virer jusqu'à la prochaine lecture.
tout dépend donc des finalités que tu te donnes. Si c'est pour augmenter ta culture, lire ni en fonction d'un auteur, ni en fonction d'une problématique, mais en se laissant porter par l'histoire de la pensée, ses grandes étapes, est une bonne méthode.
l'oeuvre complète est un choix que j'aime, mais c'est pour aboutir à une certaine intimité avec un personnage. il faut en avoir l'utilité.

 

je sais pas si ça répond très bien à ton problème. Donne plus de détails si tu peux

Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 01-07-2007 à 22:03:04

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11996817
oceandepoe​sie75
Posté le 01-07-2007 à 22:31:27  profilanswer
 

foutre de a écrit :

Difficile de savoir ce que tu entends par cette "productivité". je considère que lire sans une problématique, sans une perspective qui oriente la lecture, c'est une lecture perdue, une flânerie, dont on ne garde que très peu et qui ne nous fait pas avancer mais au mieux virer jusqu'à la prochaine lecture.
tout dépend donc des finalités que tu te donnes. Si c'est pour augmenter ta culture, lire ni en fonction d'un auteur, ni en fonction d'une problématique, mais en se laissant porter par l'histoire de la pensée, ses grandes étapes, est une bonne méthode.
l'oeuvre complète est un choix que j'aime, mais c'est pour aboutir à une certaine intimité avec un personnage. il faut en avoir l'utilité.
 
je sais pas si ça répond très bien à ton problème. Donne plus de détails si tu peux


 
Cela répond en partie à ma question: ce que j'entend par "productivité"(d'ailleurs, c'est vrai que c'est pas très clair  :pt1cable: ), c'est avoir la meilleure compréhension du texte, de sa problématique, de ses enjeux, de ses perspectives.

n°11996979
foutre de
Posté le 01-07-2007 à 22:47:40  profilanswer
 

pas de secret : pour une bonne compréhension des textes, il faut lire des commentaires qui en dégagent les aspects par recroisements avec d'autres auteurs, d'autres problématiques, d'autres oeuvres


Message édité par foutre de le 01-07-2007 à 23:00:16

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11997100
foutre de
Posté le 01-07-2007 à 22:59:54  profilanswer
 

Rahsaan> Je suis en train de lire ton article massif sur le Baroque (je terminerai demain je pense parce que la nuit m'attend). C'est très renseigné,  agréable comme somme d'information.
 
Je me permets de compléter deux points :
 
La Contre-réforme n'est appelée ainsi que du point de vue des protestants. On la nomme réforme catholique, chez les Catho, et c'est la figure de Saint Ignace de Loyola qui en est l'instigateur, par la fondation de l'ordre des jésuites. Les Catholiques étaient à l'époque eux-aussi conscients des corrections qu'il fallait apporter au culte, aux ordrres monastiques etc. Ils se sont fait bêtement couper l'herbe sous le pied, probablement à cause de la nationalité de Guttenberg
 
Le Gongorisme en Espagne, qui a son double en Italie sous le nom de Marinisme et en France sous le nom de Préciosité, est en fait d'origine anglaise et fut lancé par John Lily sous le nom d'Euphuisme.


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°11997174
phyllo
scopus inornatus
Posté le 01-07-2007 à 23:08:01  profilanswer
 

Moi je dis, pour une bonne compréhension d'un texte, rien ne vaut un bon contresens. Bien violent.
 
Du genre :
 
Spinoza : " Et donc Dieu existe nécessairement"
- Oh, non, encore cette preuve ontologique...
 
Bon, certes, on peut facilement passer pour un con mais une fois qu'on a tordu le coup au contresens, on a forcément l'impression d'avoir avancer.
 

n°12000444
oceandepoe​sie75
Posté le 02-07-2007 à 12:27:09  profilanswer
 

phyllo a écrit :

Moi je dis, pour une bonne compréhension d'un texte, rien ne vaut un bon contresens. Bien violent.
 
Du genre :
 
Spinoza : " Et donc Dieu existe nécessairement"
- Oh, non, encore cette preuve ontologique...
 
Bon, certes, on peut facilement passer pour un con mais une fois qu'on a tordu le coup au contresens, on a forcément l'impression d'avoir avancer.


 
Intéressante perspective si on est corrigé par la suite et qu'on ne traine pas avec ce contresens qui peut fausser la lecture du reste.
Sinon le livre Spinoza avait raison de Damasio a soulevé un questionnement en moi: au vue des dernières découvertes en neurobiologie et en sciences cognitives(tel que le fait que certain traumatismes cranien affecteraient certaines capacités liées traditionnelement à l'esprit) , il semblerait que la question de la division corps/esprit ne se pose plus; on en reviendrait donc à une perspective spinoziste qui poserait une "identité"(?) entre le corps et l'esprit et donc à une conception complètement matérialiste. Est-ce qu'il existe un courant philosophique actuel qui s'opposerait au matérialisme? Si oui quel genre d'argument avance-t-il contre le matérialisme?
 
J'espère avoir été clair, c'est pas gagné.  :??:

Message cité 1 fois
Message édité par oceandepoesie75 le 02-07-2007 à 12:28:38
n°12000790
neojousous
Posté le 02-07-2007 à 13:24:51  profilanswer
 

Pour une introduction à la philo de l'esprit :
http://francoisloth.wordpress.com/

n°12000926
oceandepoe​sie75
Posté le 02-07-2007 à 13:46:06  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Pour une introduction à la philo de l'esprit :
http://francoisloth.wordpress.com/


 
merci beaucoup, c'est ce que je cherchais!!!!

n°12001065
rahsaan
Posté le 02-07-2007 à 14:03:50  profilanswer
 

Très bien fait ce blog : 60 articles très clairs et très synthétiques. :)


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°12001163
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 14:12:49  profilanswer
 

oceandepoesie75 a écrit :

il semblerait que la question de la division corps/esprit ne se pose plus; on en reviendrait donc à une perspective spinoziste qui poserait une "identité"(?) entre le corps et l'esprit et donc à une conception complètement matérialiste.


 
hum, s'il n'y a plus de différence entre le corps et l'esprit, pourquoi cela ouvrirait-il toute vanne au matérialisme ?
le spititualisme devient matériel autant que la matérialisme devient spirituel. L'indifférenciation n'a aucune raison de se faire en faveur de l'un plutôt que de l'autre, ou alors on régresse en deçà...


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
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