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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

Total : 2656 votes (882 votes blancs)
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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°10309447
fennecfou
Vehementer Cupio Vitam
Posté le 06-01-2007 à 08:43:10  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
 
 
En parlant de Darwinisme social il y'a toujours eu chez les tenants (et non opposants) de cette théorie née de Charles Spencer quelque chose de profondément troublant.
 
Elle est désignée comme la sélection des plus aptes au détriment des moins aptes, sélection originellement justifiée par un facteur anthropologique puis étendue par confusion idéologique contemporaine à la pérennité des dominations sociales modernes. Le paradoxe (qui fut d'ailleurs, je crois, identifié par Darwin, il faudrait que j'en cherche les sources comme effet réversif de l'évolution) nait du fait que l'homme s'il sélectionne des "paramètres" biologiques en extrait aussi des instincts (sans exempter l'instinct d'un "contenant" obligatoirement organique) favorables et déterminants au choix de la compétence la plus apte à sa survie et son évolution. Hors, à l'observation des sociétés humaines, on constate que plutôt que d'appliquer des caractères discriminants à l'égard des plus faibles, ceci que la faiblesse soit d'ordre physiologique ou du domaine du positionnement hiérarchique social, les sociétés avancées ont toutes eu tendance à opposer et faire triompher en leur sein, l'aide au détriment de l'exclusion. De la prise en charge des démunis et la régulation sociétale via l'interventionnisme étatique, à la recherche permanente de solutions médicales envers les malades et l'accompagnement du dépérissement dû à l'age, progrès est synonyme d'altruisme.
 
Et voici comment l'évolution aurait elle même procédée à la discrimination effective et physique d'un instinct néfaste à sa propre effectivité et donc de facto à l'homme.
 
Alors lorsque des oiseaux de malheur serinent que l'ultra-libéralisme, l'eugénisme et le racisme sont parfaitement naturels et nécessaires car contribuant à la splendeur (sic) de l'homme et que tout cela est largement admis selon la théorie de l'évolution, ça en est autant cocasse qu'ils ne se rendent compte qu'en citant ceci, ils rendent leur dessein puant juste caduque


---------------
Quand un homme cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour croire à rien mais pour croire à n’importe quoi. J.K. Chesterton
mood
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Posté le 06-01-2007 à 08:43:10  profilanswer
 

n°10310182
neojousous
Posté le 06-01-2007 à 13:13:29  profilanswer
 


 
Je l'ai lu également, dans la foulée d'Impostures intellectuelles de Sokal et Bricmont. Bouveresse à un avantage d'autorité dans la communauté philosophique, par rapport à Bricmont et Sokal qui sont des scientifiques, soi-disant incapables de reconnaître la profondeur des textes analysés.

n°10310184
neojousous
Posté le 06-01-2007 à 13:14:27  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :

En tant que rare défenseur de la philo analytique, tu devrais te souvenir que le Tractacus insiste sur l'isomorphie du langage et de la réalité. Cette forme commune est la logique. En logique l'opérateur de négation ou d'exclusion est fondamental. La négation ou l'exclusion dans le langage doit donc avoir son pendant dans la réalité.


 
La thèse de l'isomorphisme langage-réalité a été abandonnée ;)

n°10312213
le vicaire
Posté le 06-01-2007 à 19:02:15  profilanswer
 

Bonjour et bonne année,
 
Je vous lis depuis quelque temps et je trouve vos interventions assez stimulantes. Je conseille à celui qui veut aborder la philosophie, sans risquer la crise d'épilepsie, le "Qu’est-ce que la philosophie antique ?" de  
Pierre Hadot. A lire aussi pour ceux qui sont allergiques à la phénoménologie.  ;)  

n°10312263
rahsaan
Posté le 06-01-2007 à 19:09:56  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Je l'ai lu également, dans la foulée d'Impostures intellectuelles de Sokal et Bricmont. Bouveresse à un avantage d'autorité dans la communauté philosophique, par rapport à Bricmont et Sokal qui sont des scientifiques, soi-disant incapables de reconnaître la profondeur des textes analysés.


 
Il y a d'ailleurs un article qui traine sur le Net, où Sokal et Bricmont remercient Bouveresse du bon accueil qu'il a réservé à leurs propos.
 

hephaestos a écrit :

Il faut simplement se garder d'imaginer que Dawkins a voulu mettre dans le concept de mème plus qu'il n'avait le droit : depuis la formulation de l'idée dans le gène égoiste, il a toujours été très clair sur la validité très limitée de son analogie, et, comme il l'a fait remarqué plus tard, le mème est l'exemple typique de mème qui voit son succès non pas à la qualité de l'idée qu'il recouvre, mais à la propension à se dupliquer efficacement.
 
D'après ce que j'en ai compris, l'idée derrière le concept de mème est de bien insister sur le fait que, dés lors qu'un processus de réplication a lieu quelque part, la sélection naturelle va avoir lieu et conduire à la prolifération des plus adaptés.
 
Ce concept avait donc pour objet de nous pousser, lorsque l'on est confronté à une proposition ou à une idée, à se méfier des idées et propositions qui sont faciles à accepter, et à dupliquer, puisque de la même façon qu'un gène qui a réussit n'a aucune raison de faire réussir son hôte, une idée qui a réussi n'a aucune raison d'être valable.


 
Intéressant. Dans ce cas, j'ai l'impression que Dawkins a été très prudent quant à son invention... mais que d'autres se sont chargés de la répandre comme une idée parfaitement valable, avec la mémétique.  


Message édité par rahsaan le 06-01-2007 à 19:11:31

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°10312298
neojousous
Posté le 06-01-2007 à 19:13:56  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

Bonjour et bonne année,
 
Je vous lis depuis quelque temps et je trouve vos interventions assez stimulantes. Je conseille à celui qui veut aborder la philosophie, sans risquer la crise d'épilepsie, le "Qu’est-ce que la philosophie antique ?" de  
Pierre Hadot. A lire aussi pour ceux qui sont allergiques à la phénoménologie.  ;)


 
Salut, bonne année ! Merci, ce livre à l'air intéressant, en tant cas les remarques trouvées sur le net à son propos sont élogieuses. Je le note dans ma liste de livres à lire ;)

n°10312563
rahsaan
Posté le 06-01-2007 à 20:00:00  profilanswer
 

>Le vicaire : il parle de toutes les écoles antiques, dans ce livre, ou bien de certaines seulement ?  

n°10313337
Baptiste R
Posté le 06-01-2007 à 22:18:52  profilanswer
 

Citation :


1 - LA VOIE
 
2 - L'ARCANE
 
3 - LES CLEFS


1 - Discours de la méthode
 
2 - Méditations métaphysiques
 
3 - La Dioptrique, Les Météores, La Géométrie


Message édité par Baptiste R le 06-01-2007 à 22:27:28
n°10313715
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 06-01-2007 à 23:15:46  profilanswer
 

ergonia a écrit :

Tout chercheur véritable se doit de l'avoir lu.


 
Et si on souhaite le lire, suffit de te demander tu nous le vends, hmm... ? [:hephaestos]

n°10314800
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 01:10:18  profilanswer
 

La Voie : d'eau
L'Arcane : sourcillaire
Les Clefs : chez la concierge


Message édité par rahsaan le 07-01-2007 à 01:24:56
mood
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Posté le 07-01-2007 à 01:10:18  profilanswer
 

n°10314892
pascal75
Posté le 07-01-2007 à 01:21:49  profilanswer
 

1 - LA VOIE : "par delà le bien et le mal"
2 - L'ARCANE : "L'éthique"
3 - LES CLEFS : "Mille plateaux"
 
[:maxicool]


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°10314926
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 01:26:33  profilanswer
 

1 - LA VOIE : BHL
2 - L'ARCANE : Michel Fields
3 - LES CLEFS : L'alchimiste de Paolo Coelho
 
 

n°10314937
pascal75
Posté le 07-01-2007 à 01:28:25  profilanswer
 

http://forum.altab.info/images/perso/1/pascal-san.gif


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°10314955
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 01:31:49  profilanswer
 

1 - La Voie : La Force
2 - L'Arcane : Obi-Wan (...Arcanobi, donc)
3 - Les Clefs : "Always in motion the future is."

n°10314984
Profil sup​primé
Posté le 07-01-2007 à 01:35:48  answer
 

ergonia a écrit :

1 - LA VOIE, chapitre de mises au point nécessaires, dénonçant les pièges du Sentier aux si redoutables illusions.


Si c'est un bouquin antisémite que tu cherches, essaie Mein Kampf.

n°10315003
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 01:39:39  profilanswer
 


 
Point Godwin en un coup. :o


Message édité par rahsaan le 07-01-2007 à 01:41:19

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°10315010
Profil sup​primé
Posté le 07-01-2007 à 01:40:32  answer
 

[:volta]

n°10316814
le vicaire
Posté le 07-01-2007 à 14:13:54  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>Le vicaire : il parle de toutes les écoles antiques, dans ce livre, ou bien de certaines seulement ?


 
Des présocratiques aux pères de l'Eglise. Il y a cette phrase de Kant en exergue qui résume assez bien le propos de l'auteur :
 
"Les anciens philosophes grecs comme Epicure, Zénon, Socrate etc. sont restés plus fidèles à la véritable Idée du philosophe que cela ne s'est fait dans les temps modernes.
 
Quand vas-tu enfin commencer à vivre vertueusement disait Platon à un vieillard qui lui racontait qu'il écoutait des leçons sur la vertu. Il ne s'agit pas de spéculer toujours, mais il faut aussi une bonne fois penser à l'application.
 
Mais aujourd'hui, on prend pour un rêveur, celui qui enseigne d'une manière conforme à ce qu'il enseigne."  
 
Je dirais que les plus belles républiques ne doivent rester dans les livres. :wahoo:

n°10316818
Profil sup​primé
Posté le 07-01-2007 à 14:14:33  answer
 

On m'a offert " Le Grand Atlas de la Philosophie " vous connaissez ?

n°10316832
l'Antichri​st
Posté le 07-01-2007 à 14:16:43  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Dans l'Anti-Nature, Clément Rosset a excellemment montré que la nostalgie de la nature perdue, la recherche de l'authentique, le désir de retrouver une origine vierge de toute dégradation... n'ont rien de spécifiquement modernes, mais que l'on retrouve ces désirs à toutes les époques, dans l'Antiquité comme de nos jours. En sorte que la Nature constitue bien un des fantasmes les plus puissants de l'humanité et qu'il n'y a guère d'espoir de le voir disparaître un jour, puisqu'il constitue l'équivalent rassurant d'une mère, et permet d'asseoir toutes les idéologies du manque et les discours de dénigrement du réel (Platon, Rousseau, les freudo-marxistes...)
Inversement, Rosset montre qu'il y a eu des penseurs qui ont réussi à penser en-dehors du fantasme de la nature, acceptant pleinement la dimension artificielle de ce qui est, c'est à dire le caractère factice, hasardeux et fragile de toutes choses (Lucrèce, Montaigne, Machiavel, Nietzsche...) Et il ne peut y avoir d'approbation inconditionnelle à ce qui est sans cette reconnaissance du caractère tragique (=hasardeux et insignifiant) du réel.


 

rahsaan a écrit :

>L'AC : oui, très bien, je vois que nous sommes d'accord... Je m'excuse de ne pas avoir pris le temps de refaire 2500 ans d'histoire de l'idée de Nature...  
Clément Rosset dit juste qu'il faut s'entendre sur le terme de Nature. En un sens, avec Nietzsche, il s'agit bien de "renaturaliser" l'homme. Mais pas pour retrouver une transcendance, seulement pour accepter que l'homme vive dans un monde qui n'a pas de sens, ou disons dont le sens lui échappe complètement. C'est bien la même chose chez Lucrèce... Une nature qu'aucune Providence n'a créée...  
Bref nous sommes d'accord sur tout, mais j'essayais juste de condenser cela en quelques lignes. :D


 

rahsaan a écrit :

Vous ne croyez pas que vous en faites un peu trop-là ?  :lol:
Et je ne vois nulle nostalgie de la phusis chez bien des Modernes... Chez Heidegger oui, mais chez Descartes, Spinoza, Leibnitz, Kant ?... La redécouverte des Grecs commence véritablement avec la philologie allemande du 19e (Winckelmann, Jaeger etc…) ainsi que Hölderlin, Hegel.  
A l'idée que les Grecs sont des modèles à suivre (conception des Classiques, qui imitent leur éloquence, leur style, leurs figures, leur rhétorique) succède l'idée que les Grecs constituent un idéal perdu, un temps originaire, un âge d'or disparu.  
Heidegger renverse les choses en disant, dans Hegel et les Grecs, que les Grecs ne sont pas derrière nous, mais devant nous, à l'horizon de notre modernité.  
Cependant, qu'a t-on gagné à ce changement ? Demeure toujours l'idée du manque, de la perte à combler... La philosophie de Lucrèce était au contraire une tentative de vivre dans un monde éphémère, hasardeux, changeant, sans souci d'un manque à être ou d'une perte.
 
Je m'excuse de ne pas produire à chaque message un exposé circonstancié de tous les livres, auteurs et courants de pensée évoqués, mais un forum est un lieu de discussion, pas le lieu de tenir des cours magistraux.


 
Bon, reprenons le problème depuis le début, vous semblez en avoir bien besoin ! Vos messages sont à la fois imprécis et erronés ! Imprécis lorsque vous affirmez sans précaution ni explication que « la nostalgie de la nature perdue, la recherche de l'authentique, le désir de retrouver une origine vierge de toute dégradation... n'ont rien de spécifiquement modernes, mais que l'on retrouve ces désirs à toutes les époques, dans l'Antiquité comme de nos jours ». Erronés lorsque vous placez des auteurs « miraculés », Lucrèce en tête, « en-dehors du fantasme de la nature ». Bien sûr, je comprends ce que vous dites : cette « mère » nature, matrice inconnaissable de toute vie, est une fabuleuse création de l’homme, un fantasme élaboré par le discours humain pour résister à l’entropie du monde et, de fait, la suite de mon message, qui part de cette évidence, vous paraîtra certainement aller dans votre sens... Mais votre propos en reste tellement à la surface des choses que vous en arrivez à vous contredire vous-mêmes : si la redécouverte de l’épicurisme par les romains est circonstancielle, si elle procède du détournement du monde des affaires, c’est-à-dire d’une spéculation financière et d’un retour à la vraie et seule spéculation, celle qui est en quête de l’essentiel, celle qui cherche l’évidence à connaître par l’usage d’une raison toute puissante capable d’élaborer la Science au-delà des superstitions religieuses qui nous force à penser la nature autrement que comme elle est, alors Lucrèce élabore un discours qui, comme les autres, dit la Nature de la Nature : la nature est encore et toujours un principe exclusif d’explication du monde, une sorte d’invariant théorique, de concept utopique d’unité de l’homme dans le cosmos. Nature créatrice, elle est la métaphore du divin, l’embryon de réponse – avant l’invocation directe à Dieu – au problème lancinant de notre origine. A la lettre, stoïcisme et épicurisme défendent des positions différentes : si pour les deux écoles il s’agit de se conformer à la nature, chez un Cléanthe la Nature est l’expression d’une providence immanente, tandis que pour Lucrèce la nature est soumise aux lois du destin, mais indépendante de toute divinité. Pourtant, qu’est-ce que cela change, puisqu’au final le Sacré n’est pas séparé de la nature : si nous sommes privés du Souverain Bien, si nous faisons l’expérience d’une nature déchue, celle-ci n’est qu’un déchet comme la coquille qui retombe du fruit est déchet ou la sciure est déchet : la « substance » est ailleurs ; ce que nous rencontrons n’est qu’une retombée qui indique vers une « substance » absente sans la dévoiler. Mais cette « substance » n’est pas à proprement parler une origine transcendante. Nulle dualité de la nature et de Dieu comme on peut le voir dans la pensée médiévale.
 
Dans la pensée médiévale, il est certes impossible de séparer ce qui est continuation de la tradition antique, des valeurs religieuses que véhicule le christianisme, puisque dans le naturalisme chartrain (chez Bernard Sylvestre par exemple, auteur du XIIe siècle), Silva (forêt, chaos informe) et Natura (ordre, progrès, réforme) s’opposent et se complètent : la forêt est le lieu païen, laïc par excellence, le lieu que l’homme ne cultive pas, le lieu touffu, matériau brut de la création, substance amorphe, désordonnée, la matrice infatigable de la génération, le premier projet des formes, et elle appelle l’action de l’homme (son travail consistant à contraindre le monde à plus de régularité et à plus de beauté aussi, arrachant ainsi le monde au mal), pour que la nature puisse triompher comme ordre (que Dieu avait imprimé et caché dès la création du monde) et devenir ainsi le support d’une explication progressive. Mais, dans le même temps, le même christianisme conduit l’homme à se détourner du monde dont Dieu, par sa transcendance, est radicalement séparé. Sans doute pour plus de clarté il faudrait indiquer ici que ce que cherche le théologien n’est pas, comme pour le philosophe antique, ce que la nature est mais ce qu’elle signifie : la recherche du plan divin ne console pas une perception déçue, elle la rend au contraire possible (Levinas). Elle crée le cadre dans lequel l’expérience se déroule non comme succession d’éléments isolés mais comme une globalité dont elle dit la cohérence, rassemblement de l’être tout entier autour d’une parole qui le dit. Les objets deviennent signifiants à partir du discours et non le discours à partir des objets. Bref, la découverte effective et concrète de la nature est conditionnée et nourrie par le discours biblique. Cela conduit à une désacralisation de la nature et, au-delà, du symbolisme né de sa contemplation.
 
Il est symptomatique de vous voir commettre cette grossière erreur à propos de Lucrèce alors que dans le même temps vous répondez à Ache à travers un post très intéressant sur la « religion » de Heidegger ! Nous avons toujours affaire au mythe (et ce terme n’est absolument pas péjoratif dans mon propos) de la nature déchue, laquelle peut très bien s’accommoder d’une description phénoménologique, comme le fait Sartre qui constate que la conscience est ce qu’elle n’est pas et qu’elle n’est pas ce qu’elle est sans s’en étonner, ou reposer sur l’idée qu’une chose, pour être ce qu’elle est, doit d’abord coïncider avec elle-même : la distance, le doute et la déception ne peuvent être que des faits dérivés dont on doit s’étonner et qu’il faut expliquer. Mais puisque l’homme est en état de déchéance et qu’il ne peut retrouver la coïncidence originelle de soi à soi, c’est le mythe ou l’imaginaire qui seul peut dire l’indicible, c’est-à-dire le sens.
 
Ainsi, vous ne tenez pas compte des ruptures épistémologiques dans l’histoire humaine de la nature par lesquelles nous sommes globalement passé de l’expression du sacré, c’est-à-dire de l’expérience concrète de l’abstrait et d’un langage immédiat qui dit le non-dicible (la lecture heideggérienne de la peinture de Cézanne...), à la représentation de Dieux très abstraits - le Dieu des grandes religions – ou à l’inverse... très concrets, ceux de nos intérêts, de nos vices et de nos passions...
 
Surtout, vous semblez ne pas comprendre l’enjeu de cette promotion du Suprasensible qui constitue en quelque sorte l’émanation mythologique de toute philosophie, qu’elle soit d’essence naturaliste ou artificialiste, païenne ou religieuse : ne pouvant en aucun cas être opposé à la réalité, le mythe de la nature est le mythe selon lequel il existe une réalité qui coïncide si bien avec elle-même qu’aucun doute ne peut l’ébranler ! Ce mythe de la nature révèle la nature profondément oraculaire de tout projet philosophique, autrement dit : son inconscient affectif... cette « face cachée » dont j’ai déjà parlé dans un précédent message, relevant du « monde de la vie » (Husserl) ou du « sol natal » (Heidegger) ou encore du « plan d’immanence » (Deleuze)..., et qui impose un nouveau langage : celui de l’interprétation, véritable champ ouvert à la virtualité (vieux concept aristotélicien), c'est-à-dire à des possibilités non démontrables dans un milieu donné... Car le mythe (et tout travail de l'imagination) est la recherche par la conscience, non de la vérité, mais du sens, c’est-à-dire d’une vérité qui se justifie, qui se pense elle-même comme suffisante. Dans le mythe la conscience découvre sa place (la figure de Sisyphe) et le pourquoi du monde. Mais en même temps, nous voyons plus haut et plus loin que le mythe : nous ne croyons pas stricto sensu en lui, mais nous croyons en nous qui lisons ce mythe et qui l’interprétons. Le mythe ne dit pas la vérité, il n’y prétend même pas, mais veut simplement signifier à la conscience toujours avide de savoir qu’elle doit chercher, qu’elle doit interpréter pour véritablement savoir ! La vérité du mythe est dans ses interprétations, ce qui signifie que le mythe n’est pas une totalité close sur elle-même mais l’ouverture sur un monde des possibles... Bref, tous ces « oublis » conduisent inévitablement à des inexactitudes dommageables pour la philosophie elle-même !
 
En fait, tout dans votre réponse suggère que vous confondez ce que j’appellerais la scène philosophique ou le défi philosophique à l’impensable réalité avec ce qui relève bien pour la modernité d’une perte de sens (difficulté que prendra au sérieux la phénoménologie, qu’elle soit transcendantale - Husserl -, historique - Heidegger - ou matérielle - Michel Henry : et ce n’est pas la critique deleuzienne de la « transcendance » qui changera quoi que se soit à l’importance primordiale de ces recherches...). J’ai pourtant tenté, en vain, de vous faire saisir l’enjeu épistémologique de la recherche d’une origine au niveau anthropologique d’une philosophie fondamentale sans thèse chez les « modernes » : d’abord avec la tentative, certes suspecte, de Hume de fonder la rationalité « irrationnellement », de faire dépendre « existentiellement » la prédication de quelque chose d’antéprédicatif : la croyance, puis avec la notion de symbolisme chez Kant, présence d’une origine imaginaire dans tout processus rationnel et que l’épistémologie contemporaine à récemment redécouverte… N’est-ce pas aussi la leçon que nous adresse amicalement Descartes dans sa VIe Méditation : le « clair de lune » est un symbole sensible, où la nature parle à l’esprit... par l’intermédiaire du corps. Autrement dit : la conscience est solidaire du corps, l’une étant un principe spirituel d’organisation de l’être, l’autre un principe matériel. La matière et le corps viennent donc se regrouper organiquement, autour du sujet pensant. Car, « par ma nature en particulier, je n’entends autre chose que la complexion ou l’assemblage de toutes choses que Dieu m’a données. Or il n’y a rien que cette nature m’enseigne plus expressément, ni plus sensiblement, sinon que j’ai un corps… » (cf. Méditation VIe). Si, par sa texture et sa complexion générale, l’homme puise toutes ses informations initiales dans le jeu du sensible - il n’y a rien dans l’intelligence qui n’y soit venu d’abord par le canal des sens, dit l’adage grec -, ses sensations sont aussitôt prises en compte par la raison, à travers un monde complexe d’interprétations, pour être filtrées, affinées, conceptualisées. Certes, dans l’être humain, il n’y a que de la matière, pourtant, l’homme n’est pas que de la matière : quelque chose, un-je-ne-sais-quoi s’effectue dans les lieux de son corps, qui échappe au jeu des causes purement physiques et biologiques. Cette expérience proprement humaine - fondée à la fois sur la présence du corps, pleine, irrévocable, et sur l’intelligence, abstractive, déréalisante - se rencontre aussi bien à l’origine des intuitions, pourtant contradictoires, de l’infinitisme (Lucrèce) et du finitisme (Aristote). Synthèse primordiale, par-delà les dichotomies des systèmes : parce que le « monde » et la « nature » ne sont, de par eux-mêmes, ni « finis », ni « infinis ». Simplement, ils présentent l’un ou l’autre aspect, suivant que la conscience éprouve dans sa sphère l’une ou l’autre des manières d’être dont son corps fait l’expérience...
 
Voilà donc pour mon introduction : il nous suffit maintenant de reprendre point par point...


Message édité par l'Antichrist le 07-01-2007 à 15:51:11
n°10318252
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 07-01-2007 à 18:34:20  profilanswer
 

J'espère qu'ergonia va se lancer dans le débat pour défendre ses thèses, j'ai besoin de m'entrainer sur les petites cibles, j'en aurai besoin quand je m'attaquerai aux professionnels de l'idéologie et du lobbying :d

n°10319040
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 20:28:55  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

J'espère qu'ergonia va se lancer dans le débat pour défendre ses thèses, j'ai besoin de m'entrainer sur les petites cibles, j'en aurai besoin quand je m'attaquerai aux professionnels de l'idéologie et du lobbying :d


 
Bah, ce genre de "débat" ne mènerait à rien.  
 
Franchement, Ergonia, tu es mal tombé(e ?) : crée un topic Esotérisme si ça t'intéresse, mais tu ne trouveras aucun écho positif à tes propos ici. La philosophie n'est pas une pratique d'initiation mystico-ésotérique. ;)


Message édité par rahsaan le 07-01-2007 à 20:43:07
n°10319332
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 07-01-2007 à 21:10:26  profilanswer
 

Tiens, cela me fait penser à la philosophie grecque qui trouve ses origines, probablement, dans l'orphisme et à Aristote qui distinguait son enseignement ésotérique de l'exotérique, destiné à une plus large diffusion.  

n°10319341
rahsaan
Posté le 07-01-2007 à 21:12:26  profilanswer
 

Tout à fait, j'y pensais aussi. En effet, Platon a été lié à certaines sectes orphiques.

n°10320910
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 04:46:12  profilanswer
 

bonjour et bonne année à tous...
ca fait bien longtemps  que j'ai pas trainé le bout de mon logos dans ces contrées...et dieu (ou l'AC c'est selon) sait que mon logos est tout petit;)
rahsaan, je me demandais si par hasard tu avais lu "nietzsche et l'ombre de Dieu" ou "Heidegger et le problème de l'espace"...de Didier franck?

n°10321082
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 08:50:56  profilanswer
 

Je crois avoir feuilleté le premier, Nietzsche et l'ombre de Dieu. Un bon pavé autant que je me souvienne... Pour ma maîtrise, j'avais lu Chair et corps du même auteur : ça m'avait semblé à peu près illisible à l'époque. :D
Et même quand Frank (prof à ULM je crois) était venu à la Sorbonne, au séminaire de JL-Marion, je n'avais pas pigé grand'chose à ce qu'il disait. :D
 
Mais si tu souhaites parler d'un de ces livres, tu pourras éclairer ma lanterne. ;)


Message édité par rahsaan le 08-01-2007 à 08:52:07
n°10321130
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 09:07:44  profilanswer
 

ba, si je me souviens biern tu me donnais l'impression d'être assez sensible à la pensée de Nietzzsche... et justement ce "pavé" m'a doné bnien des joies lol.
Comme toute interprétation elle à ses limites, blablabla... mais pour avoir lu bon nombre de commentaire sur Nietzsche, celui là mériteà mon gout une place de choix. il a le grand interet de mettre en lumière l'importance de l'explication de nietzsche avec le coeur de la révélation chretienne, à savoir la foi en la reincarnation des corps, expression de la puissance et de la justice divine.

n°10321182
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 09:23:50  profilanswer
 

Ah, d'accord... Sauf qu'il me semble que la réincarnation du corps après la mort n'est pas un thème tellement nietzschéen. :D
"Non pas la vie éternelle, mais l'éternelle vivacité."

n°10321183
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 09:24:05  profilanswer
 

enfin, sa thèse n'a rien d'etraordinaire, c'est plutot le mode d'exposition qui rend le tout pertinent. par exemple, bien que j'apprecie enormement Deleuze, plus ca va, plus sa lecture de Nietzsche me semble innaceptable... certes, une part de sa "mésinterpretation" est volontaire et est lié à sa conception même de la philosphie et de son devenir; comme il le dit si bien (malin, ptet trop malin...malin geni, jentends) un faussaire n'est pas dupe, il sait tres bien qu'il fait un faux. Mais par exemple son interpretation de la volonté de puissance comme volonté interne...est definitivement non fondée(voir/ l'eternelretour genèse et interpretation, par paaolo d'iorio ds cahier de l'herne)

n°10321229
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 09:38:47  profilanswer
 

justement, mais la question est comment supporter la mort de dieu? comment vivre quand l'homme perd ce qui justifait son existence? (enfin il s'agit pas d'une perte) pour ca il faut se confronter au coeur de la justification chretienne de l'existence, et sur ce point, comme le dit Nietzsche dans L'AC(jespere quen le citant je ne vais pas invoquer l'autre zozo)c Luther qui est notre guide. selon Luther c bien dans la doctrine paulinenne de la justification...seule la foi en Christ rescucité justifie. ainsi, selon franck le projet de nietzsche est permettre la création d'un corps après la mort de dieu, donc d'un corps actif , par la tansvaluation des valeurs sacerdotales et une nouvelle justice.
 
 
franck cherche egalement à montrer que l'essence de la technique exposé par heidegger, ne peut se réduir à une explicitation et un dépassement de la metaphysique, mais aussi de manière irréductible à la révélation chretienne...d'où l'interet de nietzsche

n°10321260
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 09:49:29  profilanswer
 

Ah oui, dit comme ça je vois mieux. :)
Le rapport de N. à Saint-Paul et Luther a été très bien expliqué par Barbara Stiegler, dans Nietzsche et la critique de la chair. Dionysos, Ariane, le Christ (PUF, Epiméthée)
La transvaluation de toutes les valeurs passe en effet par une transformation des sources de la foi : ce qui avait été l'objet de notre plus grande foi, de notre plus grande affirmation (Dieu ou l'Homme), le philosophe peut le dépouiller de ses oripeaux moraux et le renommer Dionysos, Eternel Retour ou Surhumain...


Message édité par rahsaan le 08-01-2007 à 09:51:27

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°10321275
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 09:53:10  profilanswer
 

tres drole, je viens de finir le livre de Stiegler il y a à peine 1heure...lol
etude assez interessante d'ailleurs, si elle t'a plu, je te conseille vivement de lire celle de franck.
Les tavaux de franck sur heidegger me semble tres profond aussi...il a de lavenir devant lui le garcon;) meme si il est plus tout jeune. au fait, il me semble qu'il enseigne à nanterre, mais ptet qu'il passe aussi à ULM mais je ne sais pas.

n°10321309
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 10:00:18  profilanswer
 

Là je ne pense pas m'attaquer à la lecture de Frank, pour être tout à fait honnête. Ya déjà tellement d'autres livres dans lesquels je voudrais me plonger...
Et il dit quoi sur Heidegger, Didier Frank ? :o


Message édité par rahsaan le 08-01-2007 à 10:02:59

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°10321336
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 10:06:50  profilanswer
 

oula, ca va

n°10321348
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 10:08:52  profilanswer
 

oula, ca va etre trop dur de resumer...je ne l'ai plus assez en tete.

n°10321353
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 10:09:41  profilanswer
 

Ok. ;) bon bah à l'occasion, parle -nous de ce livre-là ou d'un autre. :)

n°10321427
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 10:28:01  profilanswer
 

ca fait longtemps que je ne suis pas passé sur ce forum, dc je ne sais aps si vous en avez parlez...mais je suppose que oui. quid du livre de faye sur heidegger? ce livre est tout simplement une merde...ca se presente comme un livre de philo, et l'on n'y voit pas la moindre trace du debut de la queue d'une pensée. ca  pourrait, à "defaut" être un bon livre d'histoire ...mais la plupart des raisonnements sont du style heidegger utilse le terme A, tel penseur lié au nazisme utilise ce même terme A, dc Heidegger...blabla.
non pas que la question du nazisme et de la pensée de heidegger ne se pose pas, mais toujours sous condition de probité.  
Des le titre, on sent que faye, quoiqu'il ecrive, ne pourra que tout gâter..c un gâte-goût;) comment heidegger a t il introduit le nazisme en philo? déjà faudrait savoir ce que peut etre le nazisme comme pensée...pas facil.mais admettons . kan bien même heidegger aurait introduit le nazisme en phlo, alors on brûle ses bouquins... mais le vrai problème n'a pas dispâru, le vrai problème, c'est que dc bien être la philosophie, qu'elle doit être sa "forme" (je ne sait pas vraiment quel terme employé) pour que quelque chose comme le nazisme puisse être introduit en elle? Ce qui laisse emerger une autre voie... le geste de heidegger liant philosophie et nazisme est il bien un geste d'"introduction dans", ou bien plutot de "dévoilement de" la philosphie. Mais là, je pousse un peu

n°10321520
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 08-01-2007 à 10:47:07  profilanswer
 

neojousous a écrit :

La thèse de l'isomorphisme langage-réalité a été abandonnée ;)


 
 
Abandonnée ? Pas tout à fait, disons plutôt que ce postulat d'isomorphie de structure entre le langage et la réalité est l'écueil de toutes les philosophies du langage. W. éprouve une grande difficulté à faire le saut entre la réalité et la langage. Grosso modo, il continue sur la voie de ses prédécesseurs en acceptant d'emblée la Bildtheorie : la langage est une image de la réalité, un tableau qui représente ( mais quid de la question de la représentation ? il y a dans la philosophie analytique une tendance flagrante à éluder la représentation et toute sa problématique à la manière d'Aristote pour qui la perception d'un mur blanc donnait ipso facto la qualité de "blanc" à la substance "mur" ) parfaitement le monde. Les propositions sont soit simples, soit copmplexes. Une proposition complexe étant l'enchainement de propositions complexes articulées par des connecteurs logiques qui "ne représentent rien", il va de soi que la représentation émane directement des propositions simples. Or, chez W. il y a une incapacité à établir une explication objective à ce phénomène. Tantôt W. recourt aux analogies et aux métaphores, indiquant qu'il existe une règle de traduction entre la réalité extralinguistique et la langage qui est celle du disque dont le sillon se transpose par l'intermédiaire du tourne-disque en son, tantôt complexifiant la bildthéorie afin d'en retrouver les formes d'actualisations. Les langues naturelles sont caduques car il y a une inflation de sens et de mots. Une langue idéale se verrait assigner à chaque mot une chose, et à chaque chose un mot, une implication réciproque parfaite. C'est dire que le problème du vérificationisme et de l'isomorphie du langage et de la réalité est complexe, W. lui-même a dû employé un vocabulaire imagé dans son tractatus dont le caractère formel et objectif nous assure que W. s'est longtemps interrogé sur ce problème.  En tout état de cause, le tractatus est exemplaire car il montre la difficulté insurmontable qui se pose pour toute philosophie du langage.

n°10321835
alcyon36
Posté le 08-01-2007 à 11:26:26  profilanswer
 

voici les premiers pas d'une synthèse sur la maîtrise de la fortune chez Machiavel...
 
 
Ceux qui voient dans Machiavel un savant, un technicien de la politique, mettent souvent en avant son acuité à percevoir les « lois » qui gouvernent l’action politique inscrite dans l’histoire. Ainsi, en éclairant l’éventail des choix possibles que les gouvernants et les gouvernés peuvent faire, la connaissance théorique de ces lois s’impose comme la condition nécessaire pour l’action. On ne peut nier l’insistance de l’auteur du Prince sur l’importance de considérer les régularités  (plutôt que les « lois ») historiques et politiques susceptibles, de fonder des prédictions et en effet, d’éclairer l’action. Cependant, s’en tenir à cette seule dimension de la connaissance et de l’action politique risquerait sans doute de nous masquer l’essentiel de sa pensée. En effet, le problème le plus important de l’action ne consiste pas à se référer à des règles qu’il faudrait mettre en œuvre, mais à affronter ce qui précisément semble échapper à toute règle. Aussi, avant de chercher à comprendre s’il est possible (et comment) de maîtriser la fortune, il nous faudra mettre en lumière les propriétés de cette notion fondamentale dans l’œuvre de Machiavel.
 
 
 
 
 
La propriété fondamentale de la fortune chez Machiavel la place dans la continuité des conceptions traditionnelles de la fortune comme dans la pensée grecque, romaine, médiévale… ; cette propriété est celle de son imprévisibilité.
 
« si on observe attentivement la façon dont procèdent les affaires des hommes, on verra souvent apparaître des choses et advenir des événements dont le ciel a totalement refusé qu’on pût les prévoir ».  
 
Cela posé, il n’est pas si  évident de déterminer la nature de la fortune telle que la conçoit Machiavel. D’un côté, il semble en faire un pouvoir tout à fait analogue à celui auquel se référaient les Romains, à savoir une pure divinité païenne (la déesse Fortuna). Ainsi, dans le court I Capitoli, le Capitolo consacré à la fortune la présente comme « inconstante et changeante déesse » et tout le passage la décrit comme telle. Dans certains textes, la fortune et son imprévisibilité sont réinscrites dans un contexte chrétien ;
 
« je n’ignore pas que nombreux sont ceux qui ont été et sont d’avis que les choses du monde sont gouvernées par la fortune et par Dieu de sorte que les hommes malgré leur sagesse ne peuvent les corriger et n’y ont même aucun remède. »  
 
Et plus loin ;
 
« pensant pour ma part parfois à cela, j’ai en quelque occasion penché vers leur opinion » .
 
Machiavel semble ainsi partager avec de nombreux auteurs du Moyen Age et de la Renaissance l’idée que les choses du monde sont gouvernées par la fortune, qui est elle-même soumise à la volonté divine ; chercher à s’opposer à la fortune serait comme vouloir s’opposer à la volonté de Dieu . Mais ne pas s’opposer aux événements suscités par la fortune, ne veut pas dire que toute résistance soit impossible ou proscrite. Les stoîciens avaient mis en avant cette possibilité de se soustraire aux effets de la fortune, et ce particulièrement pour le sage. En effet, se contentant de la vertu, le sage n’est pas dépendant des biens soumis aux aléas des événements.  
Machiavel ne s’oppose pas en soi à cette interprétation, il n’hésite d’ailleurs pas à en user dans certains passages des Discours. Mais, l’intérêt de sa démarche repose sur le déplacement qu’il opère dans le questionnement ; pour lui, il s’agit bien de savoir si l’on peut s’opposer à la fortune dans les actions politiques, c’est bien le cours des événements qu’il s’agit d’influencer, en se demandant de quelle manière il nous est possible d’exercé une maîtrise sur eux. Dans ce même chapitre XXV, quelques lignes plus loin, après avoir affirmer que le monde est gouverné par Dieu et la fortune, il ajoute :
 
« Dieu ne veut pas tout faire pour ne pas nous ôter notre libre-arbitre et une part de cette gloire qui nous revient »  
 
Car, de fait,
 
« Pour que notre libre arbitre ne soit pas étouffé, je juge qu’il peut être vrai que la fortune est l’arbitre de la moitié de nos actions, mais qu’également qu’elle nous en laisse gouverner l’autre moitié ou à peu près ».  
 
La fortune se trouvant dans les mains de Dieu, il est possible d’en conclure que le fait même de pouvoir s’opposer à la fortune et de pouvoir maîtriser nos actions, dépend en dernière instance de la décision de Dieu . Cette interprétation, même si elle laisse intact la puissance décisionnelle de dieu, ménage déjà un espace à l’initiative humaine. Dans certains textes il arrive à Machiavel d’aller beaucoup plus loin et de radicaliser son propos. Dans ces textes, il explique que si les hommes étaient en mesure de s’adapter aux situations changeantes que leur présente la fortune, ils pourraient les tourner à leur propre profit ; pour de tels hommes, la fortune serait toujours favorable, ce qui équivaut en tout et pour tout à la vaincre. Sur ce point, ce passage de la lettre au neveu de Soderini est exemplaire :
 
« Et vraiment, qui serait sage de manière à connaître les temps et l’ordre des choses et à s’adapter à elles aurait toujours bonne fortune et se garderait toujours de la mauvaise et il serait vrai que le sage commande aux étoiles et aux destinées ».
 
Le sage ainsi décrit par Machiavel s’impose comme le maître de son destin politique, rien, à la lettre, ne lui échappe. Nous voyons immédiatement l’opposition radicale qui oppose cette interprétation aux deux variantes précédentes… la domination de Dieu dans le cours des choses se trouve ébranlée. En effet, si la fortune exerce une influence certaine sur les événements, ce n’est pas parce que Dieu décide de ce partage, mais parce que les hommes (et eux seuls) ne sont pas à la hauteur des exigences des différentes situations suscitées par la fortune. Nous nous trouvons face à une alternative, soit il revient à Dieu de décider du partage entre ce qu’il fait et ce que nous pouvons faire, ou bien c’est nous qui ne nous arrogeons pas tout le pouvoir que nous pourrions avoir et de ce fait nous renforçons le pouvoir de la fortune à notre égard.
Il semble très difficile de dire pour laquelle de ces deux interprétations Machiavel avait il tranché, mais le simple fait de considérer la deuxième interprétation comme possible opère un déplacement considérable avec la conception traditionnelle de l’action humaine à l’égard de Dieu et de la fortune. De ces interprétations divergentes retenons ce qu’il y a de commun, c'est-à-dire la possibilité pour l’homme, dans une certaine mesure, de se rendre les événements favorables. Sans aller plus loin pour le moment, bornons nous à reprendre ce qui a déjà été dit, à savoir que la fortune se présente sous la forme du pouvoir des événements imprévisibles, qui peuvent ou non tourner à notre avantage. Mais, il importe avant de cerner comment il serait possible de surmonter ces aléas, de comprendre quels peuvent être les effets de la fortune et de son imprévisibilité sur la manière d’agir des hommes.

n°10323287
l'Antichri​st
Posté le 08-01-2007 à 14:34:29  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

voici les premiers pas d'une synthèse sur la maîtrise de la fortune chez Machiavel...
 
 
Ceux qui voient dans Machiavel un savant, un technicien de la politique, mettent souvent en avant son acuité à percevoir les « lois » qui gouvernent l’action politique inscrite dans l’histoire. Ainsi, en éclairant l’éventail des choix possibles que les gouvernants et les gouvernés peuvent faire, la connaissance théorique de ces lois s’impose comme la condition nécessaire pour l’action. On ne peut nier l’insistance de l’auteur du Prince sur l’importance de considérer les régularités  (plutôt que les « lois ») historiques et politiques susceptibles, de fonder des prédictions et en effet, d’éclairer l’action. Cependant, s’en tenir à cette seule dimension de la connaissance et de l’action politique risquerait sans doute de nous masquer l’essentiel de sa pensée. En effet, le problème le plus important de l’action ne consiste pas à se référer à des règles qu’il faudrait mettre en œuvre, mais à affronter ce qui précisément semble échapper à toute règle. Aussi, avant de chercher à comprendre s’il est possible (et comment) de maîtriser la fortune, il nous faudra mettre en lumière les propriétés de cette notion fondamentale dans l’œuvre de Machiavel.
 
 
 
 
 
La propriété fondamentale de la fortune chez Machiavel la place dans la continuité des conceptions traditionnelles de la fortune comme dans la pensée grecque, romaine, médiévale… ; cette propriété est celle de son imprévisibilité.
 
« si on observe attentivement la façon dont procèdent les affaires des hommes, on verra souvent apparaître des choses et advenir des événements dont le ciel a totalement refusé qu’on pût les prévoir ».  
 
Cela posé, il n’est pas si  évident de déterminer la nature de la fortune telle que la conçoit Machiavel. D’un côté, il semble en faire un pouvoir tout à fait analogue à celui auquel se référaient les Romains, à savoir une pure divinité païenne (la déesse Fortuna). Ainsi, dans le court I Capitoli, le Capitolo consacré à la fortune la présente comme « inconstante et changeante déesse » et tout le passage la décrit comme telle. Dans certains textes, la fortune et son imprévisibilité sont réinscrites dans un contexte chrétien ;
 
« je n’ignore pas que nombreux sont ceux qui ont été et sont d’avis que les choses du monde sont gouvernées par la fortune et par Dieu de sorte que les hommes malgré leur sagesse ne peuvent les corriger et n’y ont même aucun remède. »  
 
Et plus loin ;
 
« pensant pour ma part parfois à cela, j’ai en quelque occasion penché vers leur opinion » .
 
Machiavel semble ainsi partager avec de nombreux auteurs du Moyen Age et de la Renaissance l’idée que les choses du monde sont gouvernées par la fortune, qui est elle-même soumise à la volonté divine ; chercher à s’opposer à la fortune serait comme vouloir s’opposer à la volonté de Dieu . Mais ne pas s’opposer aux événements suscités par la fortune, ne veut pas dire que toute résistance soit impossible ou proscrite. Les stoîciens avaient mis en avant cette possibilité de se soustraire aux effets de la fortune, et ce particulièrement pour le sage. En effet, se contentant de la vertu, le sage n’est pas dépendant des biens soumis aux aléas des événements.  
Machiavel ne s’oppose pas en soi à cette interprétation, il n’hésite d’ailleurs pas à en user dans certains passages des Discours. Mais, l’intérêt de sa démarche repose sur le déplacement qu’il opère dans le questionnement ; pour lui, il s’agit bien de savoir si l’on peut s’opposer à la fortune dans les actions politiques, c’est bien le cours des événements qu’il s’agit d’influencer, en se demandant de quelle manière il nous est possible d’exercé une maîtrise sur eux. Dans ce même chapitre XXV, quelques lignes plus loin, après avoir affirmer que le monde est gouverné par Dieu et la fortune, il ajoute :
 
« Dieu ne veut pas tout faire pour ne pas nous ôter notre libre-arbitre et une part de cette gloire qui nous revient »  
 
Car, de fait,
 
« Pour que notre libre arbitre ne soit pas étouffé, je juge qu’il peut être vrai que la fortune est l’arbitre de la moitié de nos actions, mais qu’également qu’elle nous en laisse gouverner l’autre moitié ou à peu près ».  
 
La fortune se trouvant dans les mains de Dieu, il est possible d’en conclure que le fait même de pouvoir s’opposer à la fortune et de pouvoir maîtriser nos actions, dépend en dernière instance de la décision de Dieu . Cette interprétation, même si elle laisse intact la puissance décisionnelle de dieu, ménage déjà un espace à l’initiative humaine. Dans certains textes il arrive à Machiavel d’aller beaucoup plus loin et de radicaliser son propos. Dans ces textes, il explique que si les hommes étaient en mesure de s’adapter aux situations changeantes que leur présente la fortune, ils pourraient les tourner à leur propre profit ; pour de tels hommes, la fortune serait toujours favorable, ce qui équivaut en tout et pour tout à la vaincre. Sur ce point, ce passage de la lettre au neveu de Soderini est exemplaire :
 
« Et vraiment, qui serait sage de manière à connaître les temps et l’ordre des choses et à s’adapter à elles aurait toujours bonne fortune et se garderait toujours de la mauvaise et il serait vrai que le sage commande aux étoiles et aux destinées ».
 
Le sage ainsi décrit par Machiavel s’impose comme le maître de son destin politique, rien, à la lettre, ne lui échappe. Nous voyons immédiatement l’opposition radicale qui oppose cette interprétation aux deux variantes précédentes… la domination de Dieu dans le cours des choses se trouve ébranlée. En effet, si la fortune exerce une influence certaine sur les événements, ce n’est pas parce que Dieu décide de ce partage, mais parce que les hommes (et eux seuls) ne sont pas à la hauteur des exigences des différentes situations suscitées par la fortune. Nous nous trouvons face à une alternative, soit il revient à Dieu de décider du partage entre ce qu’il fait et ce que nous pouvons faire, ou bien c’est nous qui ne nous arrogeons pas tout le pouvoir que nous pourrions avoir et de ce fait nous renforçons le pouvoir de la fortune à notre égard.
Il semble très difficile de dire pour laquelle de ces deux interprétations Machiavel avait il tranché, mais le simple fait de considérer la deuxième interprétation comme possible opère un déplacement considérable avec la conception traditionnelle de l’action humaine à l’égard de Dieu et de la fortune. De ces interprétations divergentes retenons ce qu’il y a de commun, c'est-à-dire la possibilité pour l’homme, dans une certaine mesure, de se rendre les événements favorables. Sans aller plus loin pour le moment, bornons nous à reprendre ce qui a déjà été dit, à savoir que la fortune se présente sous la forme du pouvoir des événements imprévisibles, qui peuvent ou non tourner à notre avantage. Mais, il importe avant de cerner comment il serait possible de surmonter ces aléas, de comprendre quels peuvent être les effets de la fortune et de son imprévisibilité sur la manière d’agir des hommes.


 
En effet, la réflexion de Machiavel sur la Fortune s'inscrit dans une réflexion sur le libre-arbitre, c'est-à-dire sur la force de la volonté.
 
Que l’homme soit un être qui veut semble aller de soi. L’homme en tant qu’être doué de volonté semble posséder une force en ce sens qu’il peut se déterminer vers telle ou telle voie. Mais si nous analysons la force de la volonté au niveau politique, alors nous voyons dans un champ plus lisible que les autres les rapports de la force et de la volonté. Machiavel écrit dans Le Prince : « Aussi est-il nécessaire à un prince, s’il veut se maintenir, d’apprendre à pouvoir n’être pas bon, et d’en user et n’user pas selon la nécessité (cf. chapitre XV). Sous un angle pragmatique, c’est-à-dire sous un angle des valeurs d’efficacité, Machiavel est confronté au dilemme du mal nécessaire et de la réalisation d’actes mauvais. Le prince se doit d’être capable d’orienter sa volonté vers le mal. L’homme doit savoir user de moyens immoraux. Il s’agit en ce sens d’une force de la volonté : le bien que vise l’homme d’Etat n’est pas morale mais politique. Pour orienter sa volonté, celle-ci se doit d’être forte. Vouloir des moyens immoraux relève d’une force de la volonté et d’une force du caractère non pas forcément liée au cynisme mais à ce que Max Weber appelle l’éthique de la responsabilité. Elle est liée à la volonté du prince de se maintenir. Celui-ci a une « virtù » dont l’une des traductions possibles est la « force », ce qui implique effectivement que le prince n’est pas un être dominé par le destin. Dans cette optique, la volonté tire sa force de la possibilité d’orienter ou de maîtriser son destin. Quand la pensée émancipe la volonté de la tutelle d’un destin omnipotent, alors la « Fortune » (chance, hasard) n’est plus à subir mais plutôt à prendre en main. La Fortune ne doit plus être la roue représentée sur les tarots qui élève ou abaisse alternativement et aléatoirement l’homme. Le prince, comme figure de l’humanité, est principe de ses actions, c’est-à-dire que sa forme est celle d’un être libre et créateur. Il est possible de devenir maître de son destin. Cela est possible parce que la volonté de l’homme possède une force à savoir celle de maîtriser l’existence et non de se laisser porter (sans volonté et donc sans force) par le destin. La force de la volonté consiste d’abord à s’opposer à une vision fataliste de la réalité (du fatum) et à laisser la possibilité de la liberté pour l’homme. S’opposer au destin, telle serait la force de la volonté.
 
Cette force de la volonté produit une place pour la liberté de celle-ci. C’est parce qu’elle est une faculté libre que sa force existe. Mais en quel sens la force est-elle au cœur d’une faculté ? Comment la faculté que nous appelons « volonté » peut-elle détenir de la force ? Pour que la volonté possède une force, entendue cette fois au sens d’une puissance effective, il est nécessaire qu’elle soit libre, c’est-à-dire non déterminée par une puissance supérieure et contraignante. Il faudrait alors pour comprendre ce point distinguer avec Duns Scot deux sortes de puissances ou de forces : « Ou bien une puissance est par elle-même déterminée à agir, de sorte que, pour ce qui dépend d’elle, elle ne peut pas ne pas agir quand elle n’est pas empêchée de l’extérieur ; ou bien elle n’est pas déterminée par elle-même, mais elle peut faire tel acte ou l’acte opposé, et aussi agir ou ne pas agir. » (cf. Quaestiones in Metaphysicam, IX, q. 15, § 22, qui reprend la distinction augustinienne du De libero arbitrio, III, 2, 8 ). La première puissance est celle de la nature et la seconde est celle de la volonté. Toute cause naturelle possède une cause par laquelle elle est déterminée à agir. Une cause déterminée suppose une cause déterminante. Mais tel n’est pas le cas de la volonté qui en tant que puissance rationnelle est puissance des opposés. La force de la volonté réside en ce sens dans la possibilité de choisir telle ou telle voie, et même de ne pas choisir du tout. C’est le nerf de l’indifférence de la volonté : la force réside dans l’indifférence, c’est-à-dire la possibilité pour la cause libre de la volonté de ne pas vouloir le bien. Cela prend le contre-pied de la position thomiste : la volonté n’est pas mue nécessairement vers le bien mais elle reste libre au moment où elle ne le veut pas. L’homme en tant qu’agent libre est dans un règne différent de celui de la nature. C’est pour cela que nous pouvons analyser une force de la volonté dans la mesure où celle-ci n’est pas déterminée essentiellement comme l’ensemble des phénomènes de la nature. Se situer hors des causes naturelles constitue une force pour les causes volontaires. Il est possible de faire l’expérience des causes volontaires opposées aux causes naturelles : l’homme tire donc une force de son propre fonds. Il n’existe pas seulement comme phénomène dans la nature, c’est-à-dire dans l’ensemble des liaisons entre les causes et les effets, mais par la force de sa volonté il peut se situer au niveau d’une cause libre. Qu’est-ce que la force de la volonté ? L’ indifférence de celle-ci.
 
Pouvons-nous aller plus loin ? Au moment où la volonté refuse le bien, elle est encore libre et cette manifestation de sa liberté est la preuve de sa force c’est-à-dire de sa vigueur. L’aspect vigoureux de la volonté ne semble pas s’arrêter ici. Si cette faculté est libre, alors elle peut manifester sa force par rapport au vrai. La force de la volonté résiderait alors dans la capacité à nier le vrai en sa présence, dans la possibilité pour elle de choisir mais de choisir absolument, c’est-à-dire de n’ être déterminé d’aucune façon. Sa force serait donc sa liberté. Ainsi Descartes écrit-il dans sa Lettre à Mesland du 9 février 1645 : « Car il nous est toujours permis de nous empêcher de poursuivre un bien qui nous est clairement connu, ou d’admettre une vérité évidente, pourvu seulement que nous pensions que c’est un bien de témoigner par là de notre libre arbitre. » Il est nécessaire que la force soit au principe de la volonté pour que celle-ci puisse être libre. Nous pouvons nier l’évidence pour prouver notre liberté. Pour prouver la force et la puissance de ma liberté, je peux vouloir le faux en présence du vrai. Cette force semble sans doute dérisoire puisque je n’affirme pas le savoir et la science. La force de la volonté apparaît quand celle-ci est éclairée et qu’elle confère une puissance à l’ensemble de mon être : je me sens plus fort quand je connais. Une volonté puissante comme celle de Dieu  (où la force de décision et la force de création sont une : ce que Dieu veut, il le fait) ne saurait faire le mal, puisqu’un Dieu trompeur est une contradiction dans les termes. La possibilité d’expérimenter une force libre de ma volonté en niant l’évidence est une expérience-limite à laquelle il faut préférer l’adhésion éclairée (celle qui force la connaissance comme on force le respect) aux vérités éternelles. Cependant, cette expérience-limite d’une force d’opposition au vrai pour prouver que je suis libre (c’est-à-dire que je suis fort) est possible en droit. Sans elle ma volonté aurait une faiblesse fondamentale qui ferait de l’homme un automate. Prouver cette force de la volonté, c’est donc prouver la puissance constitutive de mon être. Cette possibilité de nier le vrai et le bien en leur présence manifeste donc la force de la volonté.
 
La force de la volonté était à entendre au sens d’une force de réaction ou d’opposition. Par mes actions volontaires, je peux m’opposer à une vision fataliste des événements, aux prescriptions de la nature et même au vrai et au bien. La volonté tire donc sa force de sa capacité à s’opposer à ce qui s’impose à nous. Le destin, la nature, la vérité ou le bien peuvent essayer de nous contraindre, il n’empêche que notre volonté (en tant que faculté refusant la soumission) peut refuser ce qui cherche à la commander. Cette liberté de s’opposer est donc le nerf de sa force. Le fait que nous puissions constater ou faire l’expérience de cette opposition est la marque d’une force de la volonté. Mais cela pose deux problèmes qu’il faut analyser pour élucider la nature de cette force que l’on assigne à la volonté. Comment comprendre que cette prétendue force de la volonté laisse ouverte la possibilité de succomber au mal sous la forme de mauvaises actions ? Cela ouvre un problème concernant la nature de la force au sein de la volonté : si la faculté dont nous parlons est libre, alors la force qu’elle détient peut-elle être contrôlée ? Le soupçon de l’incontrôlabilité de cette force révèle ici le danger d’une volonté capable de faire n’importe quoi. C’est pourquoi il est nécessaire de se demander en quel sens la volonté est faible. Un homme qui fait une mauvaise action a-t-il une volonté faible (structurellement) ou affaiblie (conjecturalement) ? A moins qu’après tout il soit possible de concevoir une force de vouloir faire le mal. Car pour faire une mauvaise action, il faut bien le vouloir et même parfois employer des moyens sophistiqués qui témoignent d’une force et d’une vigueur tendues vers le mal.

n°10324441
rahsaan
Posté le 08-01-2007 à 16:37:09  profilanswer
 

>AC : il me semble que vous aviez déjà posté un texte qui, pour aller dans le sens de la discussion actuelle, montrait l'opposition de Descartes aux thèses de Machiavel : l'auteur des Méditations métaphysiques refusant qu'on puisse dissocier complétement morale et politique, et qu'on puisse par exemple trahir un ami pour préserver le pouvoir du Prince.
 
Oui, c'était là : http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] 1#t1669761
 
En fait, Descartes s'oppose dans l'extrait cité au scandale que représente l'amitié feinte : comment peut-on enfreindre à ce point les règles de la société, qu'on en vienne à faire semblant d'être ami par calcul politique ?
 
Le fait est qu'on sait bien ce que valent les grandes amitiés célèbres entre hommes politiques...


Message édité par rahsaan le 08-01-2007 à 16:44:03
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