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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°2301940
l'Antichri​st
Posté le 19-03-2004 à 17:07:17  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Voici une petite présentation de la Critique de la raison pure de Kant, surtout envisagée du point du vue du temps. Bonne lecture !
 
" Critique " est à entendre au sens juridique : examen des limites. " De " : sens de génitif objectif et subjectif (autocritique). " Pure " : a priori (nécessaire et universel). La CRP est une philosophie transcendantale : qui s'intéresse à la façon dont nous nous rapportons aux objets ; elle fonde la possibilité des jugements objectifs (ici, a priori). On n'a donc affaire ni à une recherche psychologique, ni à une psychanalyse de la science.
 
Du point de vue critique de la vérité, l'essentiel du travail philosophique kantien, c'est la Logique transcendantale. Mais quant à la signification de ce travail, un autre aspect décisif est le caractère inaugural de l'Esthétique transcendantale. Cela tranche avec les approches classiques antérieures. Ainsi, l'interrogatoire sur le temps s'inscrit dans un cadre neuf. Et celui-ci a un sens ontologique, même si Kant prétend délaisser l'ontologie : cette inauguration marque essentiellement la finitude du sujet. Pour connaître un objet, il faut que quelque chose lui soit donné dans l'intuition sensible. La connaissance et même la pensée se rapportent à ce donné. Le sujet fini ne pourra jamais accéder à un savoir absolu. Le temps comme forme a priori de la sensibilité, et non comme concept, montre que nous sommes le temps et ne pouvons avoir sur le temps le point de vue extérieur d'un entendement infini atemporel. Le sensible ne se laisse ainsi pas dissoudre dans la logique. Que le temps ne soit pas un concept est une thèse capitale pour un philosophe succédant au XVIIe siècle.
 
La CRP est une Logique : elle se demande quand nos connaissances sont valables. C'est une logique générale : elle se demande quand notre raisonnement est valable. Elle a donc aussi un aspect normatif : elle peut imposer une discipline pour aboutir à des connaissances valides. La critique part d'un " fait " : l'existence de la science. Mais cette existence recèle l'universalité et la nécessité inhérentes à nos facultés de connaître : Kant n'est pas lié historiquement à Newton au point de pouvoir être condamné par la suite à ce seul titre. La science révèle simplement les jugements nécessaires et a priori dans la mesure où nous ne suivons pas seulement l'expérience, mais où les structures de la subjectivité la rendent possible.
 
La question que se pose Kant est donc : à quelles conditions des Jugements Synthétiques A Priori sont-ils possibles ? Nous pouvons critiquer les prétentions du dogmatisme philosophique = la prétention d'aller de l'avant avec une connaissance pure tirée de certains concepts sans avoir recherché comment et de quel droit elle va ainsi de l'avant. Le dogmatisme de Descartes ou de Leibniz a beau prouver par raisonnement ses thèses (ex. Méditations Métaphysiques, III), la raison s'y déploie hors de ses propres limites qu'elle ignore. Mais Kant critique de Hume vise aussi le scepticisme : nous avons réellement des connaissances a priori vraies : il faut sauver la physique mathématique, qui n'est pas une vérité humaine seulement probable. Le problème de Kant n'est pas seulement de mettre en évidence les bornes de notre connaissance (ce qu'a fait Hume) mais de critiquer la raison, non de la censurer, mais d'en déterminer les limites par le savoir a priori de ce qu'il est possible de savoir a priori. Il y a plusieurs limites :
 
1) D'abord celles de la connaissance en général. Il faut distinguer phénomène / chose en soi dès l?Esthétique transcendantale, sachant que je ne peux jamais connaître que des phénomènes. La chose en soi est ce qui échappe à toutes les conditions de notre connaissance. La science est ainsi soumise par le sujet à des conditions qui lui sont propres : les Formes A Priori de la Sensibilité (FAPS), espace et temps et de l'Entendement, catégories et principes. C'est là la révolution copernicienne : le sujet détermine l'objet et non l'inverse. Les FAPS ne se laissent pas ramener à des déterminations intellectuelles. Kant s'oppose à Leibniz pour qui le sensible n'est que de l'intelligible confus. Leibniz pense l'espace et le temps comme des apparences qui du point de vue d'un entendement infini sont réductibles.
 
2) Ensuite, il faut séparer rigoureusement dans la science les éléments purs et les éléments empiriques et dans le cadre des éléments purs ce qui relève de l'intuition pure sensible et ce qui relève de l'entendement. Projet anti-leibnizien de discontinuité entre le sensible et l'intelligible, entre la chose en soi et le phénomène. La raison humaine est finie, limitée ; mais ne connaître que des phénomènes c'est aussi dire que la nécessité naturelle et le déterminisme (temporel) sont limités au monde des phénomènes. Au-delà de ces conditions il n'y a plus de nécessité, d'où la possibilité de la liberté, condition de toute moralité, d'où aussi la possibilité de sortir du temps.
 
Kant présente le caractère actif de la connaissance comme une révolution qu'il compare à la révolution copernicienne dans sa préface à la seconde édition (note). L'idée de Kant est que Copernic a expliqué les mouvements apparents des planètes à partir du regard des hommes : on a l'impression que les planètes ont une trajectoire errante parce que nous sommes en mouvement. C'est le point de vue de l'homme qui devient déterminant. Or, nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes. La science n'est pas la contemplation passive des objets extérieurs. Nous devons tirer de notre raison des hypothèses à mettre ensuite à l'épreuve. Les objets sont des phénomènes réglés par les facultés du sujet et son activité de connaissance. C'est cela que révèle la science moderne. Cf. la référence à Galilée et Toricelli : Galilée détermine à l'avance son hypothèse du mouvement uniforme et non accéléré. La nature est prédéterminée dans ce qu'elle est par la raison. Est phénomène tout ce qui se laisse intégrer dans une représentation qui précède l'expérience. Le kantisme en ce sens est bien un rationalisme et pas un naturalisme(Aristote).
 
Il faut distinguer entre raison et entendement. En général, penser, c'est se représenter quelque chose par concepts ; le pouvoir des concepts est celui de se former des représentations générales qui sont des règles de détermination pour les cas singuliers (jugement déterminant). Raison et entendement sont donc caractérisés par le pouvoir des règles. Mais la raison est au-dessus de l'entendement en ce qu'elle fournit à ce dernier les principes de ses règles : la raison est la faculté des principes (" Prinzip " ). Les principes (" Grundsätze " ) de l'entendement ne sont que les siens. Tel est, par exemple, le principe de causalité selon lequel un effet dérive d'une cause dans le temps selon une règle. Ce principe est à l'oeuvre dans tous les principes de la physique. Mais l'entendement a un rapport nécessaire à l'intuition. Le principe de causalité n'a aucun sens en dehors de cette condition. Ainsi, Dieu n'est pas " cause " du monde, parce que les objets de dieu et du monde ne sont pas donnés dans une expérience sensible, et que le terme de cause change : on a la causalité, non efficiente, mais créatrice. La raison n'a pas de rapport direct à l'intuition, mais elle pose que nous pouvons faire un usage extensif de ses principes. Elle élabore ses Idées. Elle pose a priori que tout est régi par le principe de causalité, que nous pouvons tout connaître comme la physique mathématique connaît le monde. On peut poser aussi qu'il y a une finalité dans l'origine de tout. Ainsi la raison, dans certaines idées qu'elle fournit, permet d'orienter la connaissance.
 
Distinguer l'intuition de l'entendement est requis pour constituer une connaissance ; Mais il faut distinguer aussi entendement et raison pour permettre de penser les idées qui n'ont pas de rapport adéquat à l'expérience mais peuvent orienter la connaissance. L'intuition nous permet de saisir le particulier donné, tel objet ici et maintenant ; elle donne quelque chose, elle nous affecte, nous sollicite. Le concept de l'entendement permet de saisir le général, mais sans intuition il reste vide. L'application du concept à l'intuition se fait par les règles du schématisme. De même sans concept l'intuition est aveugle et le donné ne s'organise pas. L'idée de la raison est la pensée proprement métaphysique. Avec l'idée, nous voulons penser l'inconditionné et l'absolu. La raison rationalise intégralement le réel. D'où la distinction entre l'usage régulateur que nous pouvons faire de ses idées comme principes anticipateurs pour la connaissance et l'usage constitutif (ontologique), que nous devons nous interdire.
 
Kant légitime un certain usage des idées (par ex. celle de finalité). Nous pouvons concevoir tout ce qui est comme organisé, mais cela relève du " comme si " et non du " c'est ". Dieu dans la science peut jouer un rôle en tant qu'entendement archétypal qui a une idée du tout de sa création, nais nous ne pouvons faire qu'un usage régulateur de ce point de vue, qui ne peut jamais être pris d'abord qu'à partir du nôtre. Nous n'avons pas de connaissance du monde tel qu'il est en soi. Cela traduit notre finitude.
 
cf. Descartes. Seulement Descartes pense la finitude par rapport à un absolu : elle est manque, imperfection, qu'il faut tenter de dépasser, à tout le moins de mettre entre parenthèse. Sans connaître la volonté de dieu ni ses desseins, je peux connaître sa nature. Quand nous connaissons la nature par la physique mathématique, nous la connaissons comme Dieu, sauf pour la finalité. Projet rationaliste intégral d'un effort métaphysique de dépassement de la finitude (du temps humain), qui s'achève par la mort. D'où l'immortalité de l'âme, la vérité absolue... Vieille ambition : se situer au plan de l'éternité, dans l'Antiquité par l'héroïsme immortel, ou la stabilité philosophique dépassant le devenir. La ligne directrice de la métaphysique, c'est la sortie hors du temps. Leibniz / Descartes ont tous deux tendance à ramener le temps à une représentation intellectuelle. Le temps mesure la distance entre notre point de vue et le point de vue absolu ; on part du relatif, pour mieux le fonder dans l'absolu. Y parvenir, c'est relativiser le temps. Cette thèse est poussée à l'extrême chez Leibniz où le temps est un concept qui s'abolit sous le regard de dieu. Le mouvement de la connaissance, c'est le passage de l'intelligible confus (le sensible) à l'intelligible sans reste.
 
Kant opère ici un renversement radical : l'absolu est pensé par rapport à la finitude. La sensibilité définit l'être du sujet, elle n'est plus un obstacle épistémologique, mais une caractéristique ontologique indépassable. Il n'y a d'intuition que sensible et la réceptivité, passivité a priori, est indispensable à la donation de tout objet dans le temps et dans l'espace sensibles. Connaître, c'est unir la forme du concept et le donné sensible qui nous affecte dans la sensation. L'expérience du savoir est toujours une " intuition pensante " (Heidegger).
 
Par suite l'idée d'une science achevée renfermée dans un entendement infini n'a pour nous qu'une portée régulatrice : c'est un idéal subjectif. La révolution copernicienne sacrifie l'absolu à la finitude et au temps : elle est la fin de toute ontologie au profit de l'analytique.
Le statut du temps est étroitement lié chez Kant à la conception du sujet comme sujet définitivement fini.
 
Qu'en est-il du discours critique qui énonce cela ? Problème : la philosophie elle-même se présente comme intemporelle. La philosophie veut dire la vérité. Nous sommes assignés au temps et cependant la philosophie construit un discours qui compte y échapper. La vérité philosophique refuse d'être historique : elle prétend ne pas être affectée par le temps. Ce pourquoi la philosophie hégelienne entreprend la critique de Kant en montrant la rationalité du réel historique. Le logique est historique ; l'historique est logique. La philosophie retrouve sa vocation d'auto-présentation de l'absolu.
 
Mais où la métaphysique classique repose en Dieu, même lorsqu'elle ne commence pas avec lui, la CRP commence par une Esthétique transcendantale. Question : Kant lui-même reste-t-il fidèle à son commencement ? Que devient le temps dans la 2nde édition, ou dans la CRPQ, qui nous parle de causalité par liberté, alors que la causalité dans la CRP est toujours la détermination d'une relation temporelle par un concept ? Le pb du temps ressurgit tout au long de la CRP, tandis que l'espace après la question de l'ET disparait [?], dans l'Analytique et dans la Dialectique.
 
Le but de Kant est de rechercher si et comment la métaphysique est possible comme science. Nous est-il possible de connaître des objets a priori tels que le temps et l'espace, sans le secours de l'expérience ? y a-t-il des jugements synthétiques à priori (JSAP) ? Jgt analytique a priori, ok : explicite un concept sans étendre la connaissance (ex : le corps est étendu). Jgt synthétique a posteriori, ok : j'ajoute une détermination venant de l'expérience (ex : le corps est pesant). Mais JSAP ? Ce problème de la relation des principes et des concepts à des objets de l'expérience est la recherche fondamentale de la CRP, la question transcendantale (Intro, VII) : " J'appelle transcendantale toute connaissance qui ne s'occupe pas tant des objets que de notre manière de connaître des objets dans la mesure où celle-ci [ce mode de connaissance] est possible a priori ".
 
La CRP est une connaissance a priori de ce qui rend possible une connaissance a priori (autre formule de l'autocritique de la raison) et de ce qu'il est possible de connaître ainsi. Elle est partiellement une science puisqu'elle énonce des JSAP dans la Logique transcendantale : les principes de l'entendement. L'Esthétique transcendantale quant à elle dégage les éléments permettant a priori d'établir quelque chose à propos des objets. Nous avons une précompréhension de ce qu'est l'être des choses avant que des choses ne nous soient données. A l'occasion de la connaissance, le sujet se révèle à lui-même, ce qui se manifeste exemplairement avec la science moderne. Les objets se règlent en effet sur les JSAP. A la base de toute connaissance et au fondement de tout ce qui est pour nous, il y a de l'a priori non conceptuel et non empirique.


Message édité par l'Antichrist le 19-03-2004 à 17:09:35
mood
Publicité
Posté le 19-03-2004 à 17:07:17  profilanswer
 

n°2303472
rahsaan
Posté le 19-03-2004 à 20:23:16  profilanswer
 

Il est de retour... et il n'est pas là pour plaisanter !  :fou:  
 
L'Antichrist III : La critique de la raison pure ! déjà sur vos écrans !  :ouch:  
 :lol:  
 
Merci pour ce nouveau texte.  :D

n°2304342
rogr
Posté le 19-03-2004 à 22:42:31  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

Voici une petite présentation de la Critique de la raison pure de Kant

[:lacuna coil]  

Citation :

Bonne lecture !


merci :sweat: [:xp1700]

n°2306390
l'Antichri​st
Posté le 20-03-2004 à 09:45:13  profilanswer
 

En complément de l'étude sur Kant, je vous propose aujourd'hui, à partir d?un texte de Wittgenstein, une présentation du Tractatus logico-philosophicus !
 
" Le livre traite des problèmes philosophiques, et montre ? à ce que je crois ? que leur formulation repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue. On pourrait résumer en quelque sorte tout le sens du livre en ces termes : tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
 
Le livre tracera donc une frontière à l?acte de penser,  - ou plutôt non pas à l?acte de penser, mais à l?expression des pensées : car pour tracer une frontière à l?acte de penser, nous devrions pouvoir penser les deux côtés de cette frontière (nous devrions donc pouvoir penser ce qui ne se laisse pas penser).
 
La frontière ne pourra donc être tracée dans la langue, et ce qui est au-delà de cette frontière sera simplement dépourvu de sens
".
 
Le texte à étudier est extrait de l?introduction au Tractatus logico-philosophicus (paragraphes 2, 3, 4). La philosophie de celui-ci s?inscrit dans la lignée d?une réflexion critique sur la métaphysique. Il s?agit pour Wittgenstein de délimiter le domaine de ce qui peut être dit légitimement de ce qui n?en fait pas partie, ce qui n?a pas de base sera avant tout logique pour le Tractatus, s?éloignant des projets similaires prenant pour critère des données empiriques.
 
L?analyse des propositions et la détermination de ce qui a du sens correspond notamment à une réflexion sur le langage : pour savoir ce que la philosophie peut et doit dire, il s?agit en effet de commencer par éclaircir la définition du dire.
 
Ainsi, en quel sens Wittgenstein propose-t-il de " tracer une frontière à l?acte de penser " ? Et selon quels critères ? Comment expliquer que la langue joue un rôle si important dans ce domaine ? La métaphysique est-elle vouée au silence ?
 
Dans la préface de son ouvrage, Wittgenstein expose son projet d?une manière extrêmement synthétique, permettant d?entrer plus facilement dans le labyrinthe des aphorismes qui suivront. L?intention est claire : traiter " des problèmes philosophiques " (l. 1), se prononcer, à son tour, sur les questions métaphysiques qui, au moment où le livre est écrit, n?ont pas trouvé de réponses. Il s?agit à présent de nous livrer des " vérités intelligibles et définitives ", comme il est mentionné au terme de cette même préface. Mais le développement qui suit n?est pas nécessairement celui auquel nous nous attendons : la formulation des problèmes philosophiques " repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue " (l. 2-3). Ainsi, comme s?il s?agissait pour Kant d?une audace de notre raison toujours en quête d?universalité, la métaphysique prend ici racine dans l?erreur grammaticale : sans cela, la plupart de ces problèmes ne seraient pas même formulés. La philosophie traditionnelle est une maladie de l?Intellect. Elle est donc due à un mauvais fonctionnement du langage, à sa méconnaissance. Poser des problèmes philosophiques, c?est simplement opérer une confusion grammaticale. C?est en particulier le caractère imagé du langage qui nous précipite dans la recherche de solutions qui n?existent pas, dans la construction de doctrines. Le langage nous fascine, puis nous échappe, se mettant à tourner à vide, ne s?engrenant pas dans le réel. La métaphysique est alors un " écho déformé de la grammaire ". Son tort consiste, entre autres, à se confondre avec la science, à assimiler empirique et concepteur grammatical.
 
En effet, selon Wittgenstein, la langue est corrélée au monde : elle reflète son agencement. La proposition est une image du monde qui lui impose sa structure : le nom correspond à l?objet, la phrase à un " état de choses ", une situation. Le langage est donc une capacité de figuration, il habilite une proposition à être l?image d?un fait réel ou possible. La vérité et la fausseté naissent de la comparaison entre la proposition et le fait, qui se fait sur la base de leur forme logique commune, condition même du caractère représentatif de la proposition : il y a identité de relation entre cette dernière et l?état de choses, ce " qui est le cas ". Il convient d?ailleurs de noter qu?il y a un rapport immédiat entre ces deux entités : quand on parle, on ne précise jamais que c?est la réalité. C?est peut-être cela qui favorise aussi les constructions métaphysiques : oublier que parler, c?est tacitement " dire ce qui est ".
 
Ce n?est donc pas simplement en mettant des mots les uns à côté des autres qu?une proposition représentera le réel, de même qu?un alignement de notes ne donne une mélodie et l?expression d?un sentiment. La proposition doit avoir une certaine structure et une certaine syntaxe : l?exemple de Carnap " César est un nombre premier " montre bien que ce qui est correct n?a pas forcément de sens : cela ne décrit pas un état de choses. C?est d?ailleurs pour cela qu?un nom seul n?a pas de sens : il ne dit rien. La proposition préexiste à l?objet. Pour avoir du sens, il doit être pris dans une structure propositionnelle. Celle-ci doit être saine, informative et permettre de distinguer un monde possible d?un autre. Il y a ainsi deux sortes de non-sens : les vérités nécessaires tout d?abord, vraies quel que soit le monde, ne nous apprenant rien. C?est la tautologie. Il y a aussi la contradiction, toujours fausse. Mieux que des non-sens, elles sont vides de sens. Il y a, d?autre part, la métaphysique, qui croit nous apprendre des choses sans en avoir le pouvoir : ses thèses ne sont ni vraies ni fausses. Elles n?ont pas de sens. Le système de Wittgenstein une fois présenté, nous comprenons en quoi la philosophie traditionnelle " repose sur une mauvaise compréhension de notre langue " (l. 2-3). A partir des bases que nous avons, nombre de questions se retrouvent remises en question. En effet, la phrase " Il n?y a pas d?image vraie a  priori " (2.225) rappelle que " pour reconnaître si l?image est vraie ou fausse, nous devons la comparer avec la réalité " (2.223). Il est donc inutile de spéculer sur la justesse de telle ou telle hypothèse métaphysique : une proposition n?a de sens que si elle représente une chose à laquelle on peut la comparer. Il n?y a pas de réalité (et donc ni fausseté ni vérité) a priori. Wittgenstein fait ici preuve d?un empirisme radical. Une image dépend de ce qu?elle représente. Si les mathématiques peuvent être considérées comme " vraies " a priori, elles n?ont pas vraiment de sens : elles ne représentent rien, ne décrivent pas de faits, ne sont pas connaissance. Elles sont davantage de l?ordre de la règle grammaticale. Elles dessinent la structure de notre description des faits. Il s?agit donc de rompre le parallèle classique établi entre cette discipline et la philosophie : les mathématiques ne décrivent pas la réalité, mais ils posent des règles, des connexions conceptuelles. Et notre adhésion à ces règles comporte une part de foi. Vouloir parler de relation causale est donc illusoire, Hume l?a déjà signalé. Le fondement des lois physiques est psychologique, non logique. Il n?y a pas de nécessité physique. Les faits sont indépendants les uns des autres. La notion de loi physique est donc illusoire. Le Tractatus présente un univers de contingence radicale. Le problème de la finalité de l?existence du monde, celui de la destinée de l?âme... tout cela n?a donc plus lieu d?être : il n?y a pas d?engendrement  d?un état de chose par un autre. De même, la volonté ne peut agir sur le monde : il n?y a que des coïncidences. La succession des événements d?un état de chose n?a pas de sens au préalable : c?est le sujet qui l?ajoute par la suite. D?autre part, Wittgenstein renverse le problème des essences en considérant que l?objet n?existe qu?en tant qu?il est pris dans une situation. La vision intemporelle des essences est, là encore, illusoire. Tous les débats qu?implique la notion d?essence reposent donc sur une erreur. Il ne s?agit pas de dire ce que sont les objets, mais bien " comment " ils sont. De même, la question pertinente à propos du monde est " Comment est-il ? " et non " Pourquoi ? ". De toute façon, la relation " image/état de choses " est individuelle : il n?y a pas de représentation générale du monde : c?est l?atomisme. De ce point de vue, la possibilité d?un état de chose n?est que ce qui peut être dit : il n?y a pas de puissance métaphysique.
 
De façon générale, tout ce qui concerne l?éthique, l?esthétique etc... ne peut faire l?objet d?une connaissance : il est vain de poser des questions à ce propos et de prétendre y répondre. Comme l?affirme Wittgenstein en 6.41 : " Le sens du monde doit être en dehors de lui (...) il n?y a en lui aucune valeur (...) car tout est accidentel ". On comprend comment sont évacués toutes ces mécompréhensions de la logique du langage que regroupe la philosophie : " Il ne peut y avoir de propositions éthiques. Les propositions ne peuvent rien exprimer de supérieur " (6.42). Et " La solution de l?énigme de la vie dans le temps et l?espace se trouve en dehors de l?espace et du temps ", et donc en dehors des cadres de notre connaissance.
 
Le problème de la philosophie est donc qu?elle ne tient pas compte du caractère descriptif d?une phrase. Elle joue sur la place des mots. Pour éliminer ces confusions, il faudrait créer une langue symbolique, donnant un seul terme à une seule fonction. Nous ne pouvons en effet dire indifféremment : " Ce couteau est bon " et " Cet homme est bon ". La dernière proposition semble avoir un sens, comme la première, mais elle n?en a pas : elle parle d?universaux, non de faits. Ce n?est pas faux mais cela n?a pas de sens, et ne devrait pas pouvoir être formulé. On ne peut pas jouer avec le sens des mots ordinaires comme le fait la langue métaphysique, pleine de non-sens, ne décrivant aucun état de choses mais faisant tout comme : elle déguise le langage, la pensée prend le normatif pour le descriptif. Ainsi, (4.002), l?homme possède la capacité de construire des langues par le moyen desquelles tout sens peut être exprimé, sans qu?il y ait une idée de ce que chaque chose. C?est pourquoi (4.003) les questions métaphysiques " ne sont pas fausses, mais dépourvues de sens. Nous ne pouvons en aucune façon répondre à ces questions ". La connaissance ne peut progresser que grâce aux méthodes des sciences de la nature.
 
Ainsi, " tout le sens du livre " (l. 4) consiste à délimiter " ce qui proprement peut être dit " et ce sur " il faut garder le silence ". Il s?agit de renoncer à poser des thèses : les propositions doivent être purement analytiques. La pensée est langage : il n?y a donc pas de pensée digne de ce nom qui soit confuse et non exprimable. La pensée est la logique, il n?y a pas de pensée illogique. La logique est une sorte de " forme a priori de notre sensibilité ". On ne peut se représenter dans l?espace ou le langage quelque chose d?illogique. Alors " tout ce qui peut être dit peut être dit clairement " (l. 5). Le reste, c?est l'ineffable. Wittgenstein disait lui-même que l?essentiel de son livre en était la partie non-écrite. Cela recoupe d?ailleurs le paradoxe du Tractatus : celui qui comprend vraiment comprend qu?il est dénué de sens. Il doit " jeter l?échelle après y être monté " (6.54). Les propositions servent à démontrer que les affirmations de leur type n?ont pas de sens. Il y a donc trois niveaux différents :
- le monde ou l?ensemble des états de choses.
- la pensée et le langage, qui représentent le monde.
- puis ce dont on ne peut pas parler, définit négativement. Les questions qui passent les limites du pensable n?ont pas de réponses : (6.5) : " D?une réponse qu?on ne peut formuler, on ne peut non plus formuler la question ". Ce qui n?a pas de réponse, comme les problèmes métaphysiques, n?a pas lieu d?être formulé en question. On ne peut connaître le sens de la vie ni savoir pourquoi le monde existe. Et l?Ethique, nous l?avons dit, se situe au-delà du vrai et du faux : elle est transcendantale. La philosophie doit avouer qu?elle ne donne aucune signification à certains de ces mots (Dieu, l?âme...). Mais il faut tout de même accorder qu?il y  a de l?ineffable. " Au delà des contingences, il existe des réalités dont le mystère est inexprimable, réalités mystiques ".
 
Il faut " garder le silence " (l. 6), ce que l?auteur lui-même a fait pendant plusieurs années, " trace une frontière (...) à l?expression des pensées ". L?injonction finale évoque le fait que la philosophie, malgré son effort pour elle-même de dévoiler les pièges du langage, se condamne finalement au silence. Le sens éthique du monde est indicible.
 
L?héritage kantien se fait perceptible dans cette volonté de limiter le monde à ce qui peut être dit. Sans le langage et le point de vue qui le forme, pas de monde. " Tracer une frontière à l?acte de penser " (l. 9), c?est le but de l?autre philosophie, légitime, elle ! Pas celle qui se présente sous forme de doctrines, mais celle qui est activité de description, " clarification logique des pensées " (4.112). " Elle doit délimiter l?impensable de l?intérieur, par le moyen du pensable " (4.114). Là où Wittgenstein se démarque de Kant, c?est sur les modalités de cette limitation du dicible : pour le premier, c?est le langage qui détermine le champ de notre pensée. Pour le second, ce sont nos principes qui limitent l?usage de la raison à la seule expérience possible. La perception prend le rôle de l?expression. Dans les deux cas, il s?agit d?interdire l?évocation d?un sens global du monde et de la condition humaine : ce serait un discours incorrect, ne parlant pas de faits. La philosophie doit parvenir à faire reconnaître l?obligation au silence sur ce qui n?a pas de sens. La question de Wittgenstein est bien, à la suite de celles de Kant : " Que peut-on exprimer ? ". Le critère est celui du sens, dont le propre critère est la correspondance logique entre une proposition et une réalité. Le sens conditionne la possibilité. Elle doit décrire un état de chose pour être exprimable. Il faut un objet, plus une pensée à propos de cet objet (ainsi le nombre n?a-t-il pas de sens). Et c?est le sens de cette pensée (comme celui du tableau) qui est comparé à la réalité.
 
Avant de savoir si les concepts s?appliquent à la réalité, Wittgenstein pose comme préalable de savoir si l?harmonie est possible. Ce ne sont pas nos capacités qui délimitent le langage, comme chez Kant, mais le sens. On ne peut en effet se placer sur la frontière, penser en dehors de la pensée. On reste toujours dans le langage, c?est pourquoi la limite lui est interne : on trace les contours du dicible. On demeure malgré tout à l?intérieur de la relation entre le monde et l?image du monde. Voilà la nuance entre " l?acte de penser " et " l?expression des pensées " (l. 8) éclaircie. Kant oublie que nous ne pouvons " penser les deux côtés de cette frontière " (l. 10) : pour trouver une limite, il faut se trouver des deux côtés de la limite. Ne pouvant pas penser l?impensable, nous nous rabattons donc sur la limite du pensable-exprimable / pensable-insensé. " La frontière ne peut être tracée que dans la langue ". Le véritable langage est celui qui reflète logiquement la structuration, elle-même logique, du monde, sur le reste, il faut se taire. La proposition qui a un sens (elle décrit un fait possible) avant sa confrontation avec le monde est légitime. Ce qui n?a pas de sens correspond à ce qui n?est ni vrai ni faux. Le faux représente la réalité, bien que ce soit incorrectement : il peut donc être exprimé, puisque réfuté. Seule une proposition qui peut être vraie (et donc vérifiée, même si elle ne l?est pas) a un sens.
 
Limiter l?expression de la pensée, c?est limiter le domaine du sens dans le langage. Puisque nos capacités nous permettent de penser plus qu?il ne faut, c?est le langage qui, dans son exigence de logique, doit faire barrage. Mais il ne faut pas en conclure que certaines pensées sont illogiques : on ne peut raisonner illogiquement comme on ne peut dessiner en ignorant les lois géométriques ou l?espace. Le monde est logique, le langage et la pensée doivent l?être aussi. Notons que l?art est une tentative de sortir des limites du langage et de la logique, en suggérant la possibilité de nier la géométrie, en s?en servant d?une façon détournée, mais continuant finalement à servir les lignes et les courbes. La métaphysique, elle, déconnecte réellement le langage ordinaire de ses objets. Et c?est quand il n?y a plus d?objets qui correspondent à l?image que l?on en donne qu?il faut tracer la frontière. Sans réalité, la représentation n?a pas de sens. Ce qui est simplement " dépourvu de sens ", c?est donc le langage qui fonctionne à vide.
 
Il existe donc deux sortes de langage, et deux sortes de philosophies. La seconde, pour s?exprimer, s?assure de la validité logique de ses propositions. Son but n?est pas de rechercher des essences ou de faire des déductions : elle prononcerait alors des phrases dénuées de sens. La philosophie, le langage, doit être purement descriptive et renoncer à expliquer et à théoriser sur le modèle des sciences. De toute façon, une fois les confusions grammaticales éliminées, les problèmes s?évanouissent. La philosophie doit être la description du cas singulier, des différences et des parentés. Elle décrit l?usage ordinaire des mots au lieu d?en faire un usage métaphysique. Mais sa tâche n?est pas prête d?être terminée pour autant, son activité est toujours partielle, et l?évolution du langage amène de nouvelles confusions à élucider. Elle apporte, au moins provisoirement, la paix dans les pensées.
 
Tout ceci ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes : Wittgenstein reconnaît l?existence de " réalités mystiques " mais qui sont ineffables. L?objet de la philosophie est la pensée, mais pas dans son caractère psychologique ; c?est comme problème linguistique qu?elle doit être considérée. Mais même ce modeste projet semble dénué de sens. L?auteur le reconnaît lui-même : " il faut jeter l?échelle ". Comme le dit Quine, vouloir énumérer ce qu?il y a dans le monde est déjà un projet métaphysique. Le Tractatus lui-même est dénué de sens, il fait partie de ce qui est du mauvais côté de la frontière. Il n?est composé que d?aphorismes dogmatiquement posés. D?ailleurs, malgré sa première conviction d?avoir livré des vérités définitives, Wittgenstein est finalement insatisfait de son livre. Il reprendra son projet en tentant de lever les points délicats de son exposé, notamment le caractère dogmatique qui annulait sa démonstration. Comment dépasser la philosophie au nom de la philosophie ? Quel est l?intérêt de dissoudre les problèmes au lieu de les résoudre ? Et celui d?une philosophie " orthopédique ", imposant le silence ? la réflexion ultérieure que Wittgenstein fait sur les jeux de langage semble d?elle-même montrer combien les contraintes de la pensée correspondant à un fait, les contraintes du langage pourvu de sens étaient trop strictes. Avec cette limitation de l?expression de la pensée, le " problème de notre vie demeure encore intact " (6. 52).


Message édité par l'Antichrist le 20-03-2004 à 09:47:31
n°2306942
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 20-03-2004 à 12:18:21  profilanswer
 

Salut Antichrist
Tu es ensaignant? non pas que tes posts soient ininteressants , ils recoupent cependant une dialectique très académique sinon scolaire c'est assez amusant :D
De plus pour aborder de façon globale les themes du langages , de la communication et de la sémantique des échanges humains je pense qu'une analyse sociologique complémentaire est indispensable , notamment avec Pierre Bourdieu et Ce que parler veut dire
 :jap:


Message édité par Magicpanda le 20-03-2004 à 12:21:06
n°2306998
barnabe
Posté le 20-03-2004 à 12:26:14  profilanswer
 

"propos sur le pouvoir"   Alain
 
Un peu complexe, je l'ai lu il y a longtemps et je n'avais pas tout compris, mais très interressant et plus que jamais d'actualité.

n°2307132
l'Antichri​st
Posté le 20-03-2004 à 12:45:43  profilanswer
 

Citation :

...pour aborder de façon globale les themes du langages , de la communication et de la sémantique des échanges humains je pense qu'une analyse sociologique complémentaire est indispensable , notamment avec Pierre Bourdieu et Ce que parler veut dire


 
Juste ! Il existe d'ailleurs un topic consacré à Bourdieu (dans la section société je crois) où j'avais apporté ma petite contribution à une analyse générale de sa pensée.

n°2316084
zizza
Posté le 21-03-2004 à 20:33:35  profilanswer
 

j'ai fini "la république" de Platon, c'est génial et je le conseille à ceux qui ne l'auraient pas lu. la fin est magnifique, et la totalité de l'oeuvre contribue vraiment à nous rendre meilleurs (enfin c'est ce dont j'ai l'impression)

n°2321327
l'Antichri​st
Posté le 22-03-2004 à 16:08:45  profilanswer
 

Sur le platonisme, je vous propose cette minuscule présentation historique qui, s?inspirant largement du fameux Platon de François Châtelet, pourrait servir de fiche pour cet excellent ouvrage.
 
1) Socrate dans la tourmente de la vie athénienne au Ve siècle :
 
a) Athènes au Ve siècle :
 
Au Ve siècle avant Jésus-Christ, Athènes est la plus puissante et la plus riche des cités. Cela est du à bon nombre de réformes politiques entreprises par Solon, Pisistrate et Clisthène. Ces réformes permettent de mettre fin à la guerre civile entre les Eupatrides et les paysans endettés. De plus, Athènes se dote d?institutions démocratiques. Celles-ci confèrent plus de pouvoir aux paysans et aux artisans qui attirent de nombreux étrangers. Athènes s?impose alors grâce à sa puissance militaire et permet aux Grecs de battre les Perses lors de trois grandes batailles : Marathon (- 490), Salamine (- 480) et Platée (- 477). Athènes supplante sa rivale Sparte, cité aux institutions oligarchiques.
 
Athènes constitue la Confédération de Délos (- 477) et échange sa protection contre un tribut à quelques cités plus faibles. Une période glorieuse s?ouvre alors : le règne de Périclès (- 449 à ? 429). A cette époque se développe alors l?architecture, la peinture, la sculpture, le théâtre et la science.
 
Mais Athènes réclame un tribut toujours plus lourd aux cités alliées, ce qui conduit à la révolte de ces dernières. Une guerre éclate et qui s?étend de - 431 à - 404 (sauf pendant la paix de Nicias de - 421 à - 415). Cette guerre est extrêmement meurtrière. A cela s?ajoute le désastre de l?expédition d?Alcibiade. La flotte athénienne est décimée par Syracuse qui était en guerre contre Ségeste. Alliée de Sparte, Syracuse fait advenir Sparte au rang de grand vainqueur du monde grec.
 
Cette victoire spartiate (ou lacédémonienne)consacre le parti oligarchique athénien qui supprime les institutions démocratiques  (- 404). Les démocrates ne reprennent le pouvoir que huit mois plus tard avec Thrasybule. Le programme de celui-ci s?articule autour de quatre points : restaurer entièrement la démocratie, reconstruire une cité meurtrie, restaurer le crédit des institutions et régénérer les ressources du pays. C?est dans cette époque de reconstruction que Socrate est condamné à mort.
 
b) Socrate accusé :
 
De quoi accuse-t-on Socrate ?
 
" De corrompre la jeunesse, de ne pas croire aux dieux qu?honore la cité et d?introduire de nouvelles divinités ".
 
Avant d?analyser ces chefs d?accusation, il faut s?interroger sur le déroulement d?un procès à Athènes. Le procès se passe devant un tribunal, l?Héliée, composé de 500 à 600 membres qui sont issus des 6000 juges tirés au sort (les Héliastes). Un particulier est jugé dès qu?un autre particulier intente une action contre lui. Tout citoyen jouissant de ses droits pouvait intenter une action publique : il déposait alors une plainte auprès des magistrats chargés de l?instruction du procès (soit les Onze, soit l?Archonte, selon la nature de la plainte).
 
Après l?instruction, l?affaire était portée devant le tribunal populaire, et le plaignant et l?accusé montaient à la tribune pour convaincre les jurés. Il n?y avait pas d?avocat, tout au plus des logographes qui écrivaient les discours de plaidoirie. Après l?écoute des parties, on procédait au vote secret : chaque juré plaçait dans une urne un jeton percé (culpabilité) ou un jeton plein (innocence). On procède ensuite à un autre vote pour juger de la condamnation si elle n?était pas fixée par la loi.
 
" Nous retrouvons une partie de ces éléments dans l?Apologie de Socrate : nous entendons la plaidoirie de Socrate, puis, après le premier vote concluant à sa culpabilité, nous entendons Socrate proposer une peine - en l?occurrence non pas une peine mais une récompense : être nourri au Prytanée (aux frais de l?Etat), comme tous ceux qui se sont rendus dignes de la reconnaissance de l?Etat. Enfin nous l?entendons réagir à la peine décidée contre lui - la mort -, celle qui avait été demandée par les accusateurs ".
 
Qui sont les accusateurs de Socrate ? Mélétos, poète de peu de talent, Anytos, riche tanneur et Lycon, un orateur obscur. Anytos était un démocrate exilé pendant le gouvernement des trente. Le procès de Socrate est donc politique. De toute façon, l?accusation d?impiété a un caractère politique : les affaires religieuses sont des affaires d?Etat. Comme Protagoras, Socrate est considéré comme un sophiste qu?on accuse de saper les valeurs de la cité et de ruiner les fondements traditionnels de l?éducation. Le terme de " sophiste " n?a rien de péjoratif : sophos veut dire savant. Il a fini par désigner des hommes habiles à la parole et qui vivent de leur enseignement. Les sophistes forment à la vie publique les jeunes gens et les rompent aux exercices de la rhétorique. L?art de la parole était extrêmement important dans la démocratie athénienne pour parler devant l?Assemblée populaire (l?Ecclesia) ou devant le Tribunal. Le rejet des sophistes est donc le rejet des hommes supposés avoir une influence néfaste sur la vie politique mais aussi le rejet des savants qui s?intéressent aux spéculations sur la nature, les mathématiques, l?astronomie...
 
c) Socrate, savant ou sophiste ?
 
Les " présocratiques " d?Héraclite à Anaxagore avaient émis des hypothèses concernant la formation du monde mais aussi sur la nature de l?être même du monde. Le monde est-il voué à la permanence et à l?immobilité dans l?éternité (Parménide) ou bien à un devenir perpétuel, à un flux et un reflux incessants dynamisés par une tension jamais éteinte entre des contraires (Héraclite) ? Est-il constitué d?atomes (particules matérielles indivisibles) en nombre infini dans un vide infini contenant une infinité d?Univers comme le nôtre (Démocrite) ? Le nombre régit-il l?Univers puisque les mathématiques rendent compte de l?harmonie des astres ou de la musique (Pythagore) ?
 
Socrate est-il de ce clan ? Ainsi Aristophane le présente-t-il dans Les nuées : adepte de spéculations spécieuses et tétrapilectomiques (expression heureuse de Umberto Eco pour qualifier un coupeur de cheveux en quatre), mais aussi impies.
 
d) Socrate, images et réalité :
 
Socrate n?est pas un professionnel de l?art oratoire et ne s?est jamais fait rétribuer pour la moindre leçon. Il donne cependant l?impression d?être un sophiste : il s?entretient avec tout le monde et coupe les cheveux en quatre en prenant un malin plaisir à confondre ses interlocuteurs. Son attitude négligée et provocante irrite certains athéniens. De plus, cet extravagant est considéré comme un illuminé dans la mesure où il se considère guidé par un démon c?est-à-dire un génie tutélaire qui hantent l?environnement des hommes. On voit comment on a pu accuser Socrate d?introduire de nouvelles divinités dans la cité, les démons ne figurant pas dans les rites et la mythologie.
 
Mais c?est par Platon, Xénophon et Aristote que nous pouvons cerner la richesse de l?enseignement socratique. Nous retiendrons sept points :
 
- Socrate n?a jamais prétendu s?intéresser aux spéculations sur la nature. Il cherche seulement la sagesse auprès des hommes. La sagesse est en nous : il ne faut pas se disperser pour paraître, il faut être.
 
- Connais-toi toi-même : la sagesse est en nous. Mais il faut la mesurer : cela n?est possible que si l?on mesure son ignorance. Socrate sait qu?il ne sait rien.
 
- La sagesse ne saurait être seulement de surface. Pour savoir, il faut savoir qu?on sait et donc cerner l?objet de son savoir. Pour atteindre l?essentiel, Socrate pose toujours la question " Qu?est-ce que... ". Afin d?amener son interlocuteur à définir l?essence d?une chose, il lui pose des questions sur l?objet de leur recherche.
 
- Les questions de Socrate sont des questions morales : il s?agit de bien se comporter dans la cité. Les hommes pensent connaître l?essence des choses mais sont embarrassés dès que Socrate les interroge.
 
- Comment être un homme beau et bon si on ne sait pas ce qui est beau et bon. On touche un trait caractéristique de l?enseignement de Socrate : la vertu est science. La vertu ne peut être donnée par la naissance, par la nature ou par de bonnes habitudes : on ne peut l?acquérir sans que l?homme vertueux ne sache ce qu?est la vertu. Car nul n?est méchant volontairement : les hommes ne sont méchants que par ignorance du bien.
 
- Il ne s?agit pas de révéler aux hommes leur ignorance pour le plaisir : il faut les inciter à chercher la sagesse. Socrate accouche les hommes comme sa mère, sage-femme, accouchait les corps. Socrate aide l?âme à enfanter la sagesse dont elle est grosse, dans la douleur de la conscience de son ignorance. Il s?agit ici de la maïeutique : l?aide à enfanter.
 
- La tâche socratique consiste à réveiller les hommes du sommeil de l?opinion. Dans l?Apologie, Socrate se réjouit de mourir s?il peut interroger les héros dans L?Hadès. Nous apprenons par là que la quête de la vérité est toujours inachevée et que Socrate n?est pas un savant (sophos) mais un homme de la mesure (phronimos)
 
2) Platon ou la constitution d?une philosophie originale :
 
Qui était Platon ? Quelle fut son ?uvre et l?interrogation philosophique qui la traverse ?
 
a) Platon, une carrière marquée par la rencontre de Socrate :
 
b) Une philosophie à la chasse de l?être et de la vérité :
 
Platon a le souci de la vérité. Il admire la " justice " de Socrate. A l?instar de ce dernier, Platon a pour préoccupation essentielle de définir les vertus morales (justice, courage, sagesse, tempérance) et la vertu tout court : est-elle une ? La vertu est-elle donnée par la science ?
 
Dans les dialogues Protagoras et Ménon, le problème consiste à savoir si la vertu est une techné, un art qui s?enseigne comme l?art de la flûte... Mais si elle était une techné, comment se fait-il que les hommes de valeur, les kaloikagathoi, n?aient pas réussi à transmettre leur vertu à leurs enfants ? La vertu vient-elle de la naissance ? De l?exercice et des habitudes ?
 
La réponse de Platon réside en ceci que la vraie vertu vient de la science du bien. Ceux qui ne peuvent atteindre cette science devront être exercés, dressés et formés à la vertu par l?habitude et par l?exercice. La science n?est pas une technique, elle exige au contraire une véritable conversion de l?âme, un détournement de l?âme du sensible vers l?intelligible.
 
Platon s?efforce donc toujours de définir la science : comment saisir une vérité quand les hommes se battent pour des opinions contradictoires ? Comment fonder une justice dans la cité quand on encourage les débats d?opinions et que l?emportent ceux qui savent le mieux les défendre, et qu?on laisse croire légitimes toutes las ambitions qui s?entre-dévorent ?
 
La science n?est pas un vain mot. Socrate a appris à Platon à s?efforcer de rechercher l?essence de chaque chose, à discerner ce qui paraît vrai de ce qui l?est réellement, quitte à reconnaître son ignorance quand il découvrait que ce qu?il croyait savoir n?était que sa propre opinion. Mais Platon donne une dimension ontologique, cosmologique aussi, à ce qui n?était que rigueur logique et rigueur morale chez Socrate. Ontologique vient de " onto " participe du verbe être. Les vérités n?existent pas pour et par notre esprit seulement, elles sont. Platon s?inscrit dans la logique de l?être et du non-être comme :
 
- Parménide : on ne peut penser le non-être. Le devenir (une chose est puis n?est pas) est impensable et impossible. L?Etre est un éternel présent, immuable et constamment identique à lui-même.
 
- Héraclite : le monde visible ne cesse de changer. " Le temps est un enfant qui joue au tric-trac. Royauté d?un enfant ".
 
cf. Gorgias : on ne peut dire de l?être que " Il est " : n?est-on pas condamné au silence ? Si l?on en parle, on parle de tout et de rien mais pas de l?être : on fait être ce qui n?est pas.
 
Que fait Platon face à cela ?
 
c) La théorie des Idées (ou Formes) :
 
L?affaire de la philosophie est d?atteindre l?essence des choses sur lesquelles elle est amenée à discuter ou à questionner. La méthode utilisée est la dialectique qui consiste à mener une interrogation par le dialogue de telle sorte que la moindre étape du raisonnement suppose l?accord de chacun des interlocuteurs. On coupe court à toute envolée oratoire.
 
Saisir l?essence d?une chose, ce n?est pas simplement la définir nominalement car l?essence est trop riche : il faut avoir recours au mythe de l?anneau de Gygès pour appréhender la justice. La justice existe, la beauté existe : ces réalités ne sont pas le résultat de convention entre les hommes et ne sont pas non plus des effets passagers de l?opinion. Elles s?imposent à l?âme si l?âme fait effort vers elle.
 
Les Idées sont comme l?Etre parménidien : éternelles, immuables. La Beauté est quelque chose d?absolu et ne change pas selon les époques et les lieux, au gré des sentiments humains. Ce quelque chose d?absolu est divin. Mais le monde donne le spectacle de la mobilité permanente. La véritable réalité est au-delà du mur de nos fantasmes et de nos illusions, de nos croyances les plus claires et de nos opinions les plus assurées.
 
Pour connaître le monde, il ne faut pas se conduire comme les physiciens : ce ne sont pas mes os et ma chair qui me guident mais mon intelligence. Il faut étendre cela au monde. Mais alors, quelle est l?intelligence qui gouverne le monde ? Ce n?est pas un Dieu-créateur mais le Bien : " Si le Bien est la véritable cause de l?ordonnancement des choses, c?est que celle-ci ne sont pas reliés ensemble aveuglément, dans le désordre d?un devenir chaotique et sans dessein. Et c?est parce que le Bien est le principe ordonnateur du monde, et ainsi de son organisation intelligente, qu?il est possible alors d?atteindre, au-delà des apparences visibles, à la réalité de Formes ou d?Idées stables et éternelles. "
 
La véritable cause des choses, telle qu?elle apparaît dans le monde sensible, réside dans l?existence des Idées :
 
- La beauté d?un corps ne réside pas dans son aspect visible mais dans une présence de la beauté en-soi de cet être, ou de la participation de cet être à la Forme.
 
- Problème du Phédon : le grand est-il grand relativement au petit, en sorte que rien ne serait grand ou petit en dehors des situations dans lesquelles on se trouve ? Un nombre grand est-il grand relativement à un petit ? Le nombre n?est-il pas une convention ? Le nombre " un " n?est pas une simple construction de l?esprit (résultat de 2/2 ou ½ + ½ ) car s?il était une convention, alors aucun nombre n?aurait de véritable unité. Les mathématiques n?auraient plus de cohérence. Si on raisonne à partir du nombre " un ", c?est qu?il existe une réalité de l?unité, une idée de l?Un que Platon appelle " monade ".
 
Platon évacue la thèse de Gorgias. Les mots, distincts des choses, renvoient non pas simplement à l?intelligence humaine qui les manie, mais à des réalités : non pas celle que je vois et que je nomme naïvement comme en les nommant j?atteignais leur essence mais bien des formes non-visibles, lesquelles donnent un sens stable et réel aux mots que j?emploie.
 
d) La destinée de l?âme. L?influence pythagoricienne :
 
La quête de l?être n?est pas une simple question théorique : elle engage notre pratique, notre manière d?être : " Retourne le regard de l?âme non pas à l?extérieur de toi, vers ce qui est apparent ou visible, mais à l?intérieur de toi, vers ce qui est invisible et pourtant réellement existant. " (on peut rapprocher Socrate de Bouddha ou du Christ : le sage n?est plus l?habile homme qui sait bien qu?il ne sait pas. Il est phronimos, dans cet état  de l?intelligence qui donne comme conscience d?être dans le Vrai le juste discernement de ce qui est beau et bon)
 
Platon prolonge le " Connais-toi toi-même " par la théorie pythagoricienne de la réminiscence. Qu?est-ce que le pythagorisme ? C?est un courant de pensée qui considère que le cosmos est enveloppé par une unité (monade) qui lui donne sa cohérence et sa mesure. Il est menacé par la tentation de la multiplicité. Il est régi par le nombre (produit de l?un et du multiple). D?où une mystique du nombre qui gouverne la révolution des planètes, la musique... Les âmes (des végétaux, des animaux, des humains) sont multiples et pourtant reliées entre elles et solidaires dans l?espace et le temps : d?où la règle du végétarianisme, de l?interdiction de tuer des animaux et la croyance en la réincarnation : une âme peut se réincarner dans un corps d?animal.
 
A cela s?ajoute l?orphisme qui affirme que nous devons nous libérer du sommeil causé par la plongée de notre âme dans la prison du corps. Le corps est un tombeau de l?âme (" soma sema " ). L?existence doit être orientée vers la purification de l?âme, voie d?accès au divin.
 
Tout cela se rejoint dans le Phédon : la philosophie est la meilleure incantation pour délivrer l?âme du corps. La raison est sollicitée pour que l?âme se convainque de son immortalité ; mais cette conviction en retour naît d?une vérité qui nourrit l?ardeur de la raison. On ne chercherait pas la vérité si on ne l?avait déjà trouvée. La conscience de notre possible éternité révèle notre aspiration à la vérité et à l?éternité. Cette aspiration vient de la part d?éternité en nous. L?âme en tombant dans un corps apporte un trésor qui vient de l?au-delà où nous pouvons alors raisonnablement espérer retourner.
 
Pour Platon, nous désirons une chose parce qu?elle est bonne. Les hommes aspirent au Bien car le Bien les aspire, de même qu?il est principe d?ordre et de beauté dans le monde parce qu?il est ce vers quoi tend le Monde. Encore faut-il que les hommes ne le confondent pas avec le plaisir, sa faible image : " Encore faut-il éviter que le corps et les sollicitations du monde sensible n?empêchent l?âme de se ressouvenir d?un savoir qui est en elle de toute éternité, et ne l?immergent davantage encore dans l?oubli. "


Message édité par l'Antichrist le 22-03-2004 à 16:18:02
n°2361771
l'Antichri​st
Posté le 28-03-2004 à 13:09:29  profilanswer
 

En deuxième complément à l'étude de la Critique de la raison pure, je vous propose cette analyse des Fondements de la métaphysique des moeurs, ouvrage dans lequel Kant nous livre sa conception de la morale. Bonne lecture !
 
Emmanuel Kant instaure une rupture avec les morales métaphysiques (éthiques), qui fondent l?acte vertueux sur la représentation de la justice et du bien : Platon, pour qui est juste celui qui conçoit le juste, saint Thomas d?Aquin pour qui est libre celui qui agit en fonction du vrai et du bien, Spinoza pour lequel la vertu est puissance de l?âme cognitive. De telles morales ont pour conséquence que seul  celui qui pense vrai est moral, a " droit au salut " . Ceux qui demeurent soumis aux passions ne peuvent que rencontrer une force passionnelle plus grande : celle de l?Etat. L?éthique implique une aristocratie de la raison : en effet, si seule la connaissance libère, l?éducation est la condition déterminante de la moralité. Or, Kant refuse cette aristocratie. Pour lui, chacun peut être moral. Le projet kantien est d?examiner si une morale est possible sans se rapporter aux Idées de la raison pure. Il faut entreprendre une métaphysique des moeurs qui exclut la confusion avec la morale empirique. La métaphysique des moeurs pense des lois a priori auxquelles est soumise la volonté humaine dans son comportement moral. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant fonde le principe suprême de la moralité en trois moments. L?idée de la volonté bonne fait qu?on pense le passage de la connaissance rationnelle commune de la moralité à la connaissance métaphysique. L?impératif catégorique fait penser le passage de la philosophie morale populaire à la métaphysique des moeurs. La liberté fait penser la nécessité d?une critique de la raison pure pratique pour fonder la métaphysique des moeurs.
 
1) La volonté bonne :
 
L?analyse de la conscience commune indique ce qui peut être tenu pour moralement bon de façon inconditionnelle. Il s?agit de la volonté bonne. Pourquoi la volonté ? Parce que contrairement à d?autres paramètres (talents de l?esprit ou dons de la fortune) la volonté est bonne en elle-même La volonté est bonne non par ses résultats mais en soi, par son seul pouvoir intérieur. Et elle reste telle, même quand elle ne peut pas accomplir matériellement ses intentions, du moment qu?elle a fait dans ce sens tout l?effort qui dépendait d?elle.
 
Kant justifie la volonté bonne en s?appuyant sur l?idée de la finalité de la nature. Supposons que la raison nous ait été dévolue comme faculté pratique pour réaliser notre tendance au bonheur. Dans ce cas, la nature aurait développé l?instinct puisque celui-ci est un guide plus sûre que la raison qui rompt plutôt avec les sentiments spontanés et la vie simple. La raison est là : c?est donc pour une autre fin que le bonheur. Il s?agit d?atteindre une voie plus haute et plus noble.
 
Pour comprendre la volonté bonne, il faut la mettre en relation avec la notion de devoir, c?est-à-dire à l?écart entre ce que nous voulons faire et ce que nous devons faire. La bonne volonté est la volonté d?agir par devoir. Il ne s?agit pas d?agir conformément au devoir mais par devoir. Des actes conformes au devoir peuvent être accomplis sous l?empire ou en vues d?inclinations non-morales. Pour éviter cette confusion, donc pour manifester l?essence pure du devoir, il faut distinguer la volonté et les inclinations naturelles. Donc il faut distinguer l?acte moral et l?acte intéressé, l?acte moral et l?acte fait par inclination. L?action morale est effectuée par respect pour la loi. L?action morale tire donc sa valeur, non pas de son but, ni de son objet mais du principe en vertu duquel la volonté l?accomplit ; non pas des fins matérielles qui s?imposent à la volonté  mais des règles formelles qui comprennent les motifs de sa décision. Le respect est le mobile qui détermine la loi morale. Le respect se rapproche de la crainte mais est original dans la mesure où il est produit en nous par une Idée pure, l?Idée de loi. Le respect a la loi pour cause et pour objet.
 
La représentation de la loi est ce qui peut déterminer la volonté à produire le motif de l?action... Mais quelle est cette loi ? Il faut que la maxime, ou règle subjective de la volonté, soit telle que le sujet puisse vouloir qu?elle soit érigée en loi universelle. Exemple : tenir sa promesse est une obligation dont on ne peut nier l?universalité puisque sinon l?idée de promesse se détruit d?elle-même dans une contradiction interne. La promesse devient chose absurde si on ne la pose pas comme principe à conserver universellement. La question qu?a à se poser le sujet moral est celle-ci : peux-tu vouloir que ta maxime devienne une loi universelle ? Pas besoin d?être puissant d?esprit pour faire son devoir. Alors, pourquoi a-t-on besoin de la philosophie ? Parce que les inclinations nous écartent de ce bien. Il faut une philosophie pratique qui sépare le principe moral des maximes suscitées par les inclinations.
 
2) L?impératif catégorique :
 
Le devoir n?est pas un concept empirique et n?est pas objet d?expérience. On peut douter qu?une action ait déjà été accomplie par devoir. Dans le monde, la moralité est vite ruinée tandis qu?elle est inébranlable dès qu?elle s?appuie non sur ce qui est mais sur ce qui doit être absolument. La loi morale ne peut avoir son origine que dans la raison.
 
Dans la nature, toute chose toute chose agit d?après des lois. Seul un être raisonnable a la faculté d?agir d?après la représentation des lois, c?est-à-dire selon des principes. Chez l?homme, la raison détermine la volonté mais pas au point de supprimer la représentation subjective du vouloir. La représentation d?un principe objectif comme contraignant la volonté s?appelle un impératif. L?impératif marque le rapport d?une loi objective de la raison à une volonté qui, dans sa nature subjective, n?est pas nécessairement déterminée par cette loi. Il ne s?applique donc qu?à une volonté imparfaite. On distingue deux catégories d?impératifs :
 
- L?impératif hypothétique : il exprime la nécessité pratique d?une action uniquement comme moyen d?obtenir que l?on désire. Il peut être une règle de l?habileté (problématiques) ou des conseils de prudence (assertoriques).
 
- L?impératif catégorique : il exprime la nécessité pratique d?une action comme bonne en elle-même et pour elle seule.
 
Comment tous ces impératifs sont-ils possibles ?  Ils sont l?application du principe " Qui veut la fin, veut les moyens " que ce soient pour des fins possibles ou des fins poursuivies par tous les hommes. L?impératif catégorique rattache inconditionnellement la volonté à la loi sans subordonner la position de la loi à l?influence préalable d?un objet poursuivi par la volonté. Les impératifs hypothétiques ne peuvent être conçus qu?avec la connaissance d?abord donnés des conditions auxquelles sont relatifs leurs commandements. L?impératif catégorique détermine immédiatement ce qu?il ordonne parce qu?il n?a à énoncer que l?idée d?une loi universelle en général, avec la nécessité qui s?impose à la volonté de conformer sa maxime à cette idée. D?où la formulation de l?impératif catégorique :
AGIS UNIQUEMENT D?APRES LA MAXIME QUI FAIT QUE TU PEUX VOULOIR EN MEME TEMPS QU?ELLE DEVIENNE UNE LOI UNIVERSELLE.
De cette formule, Kant tire trois formules destinées surtout à présenter l?impératif catégorique sous une forme plus proche de l?application.
 
AGIS COMME SI LA MAXIME DE TON ACTION DEVAIT ETRE ERIGEE PAR TA VOLONTE EN LOI UNIVERSELLE DE LA NATURE. Cette loi est en rapport avec la nature c?est-à-dire avec l?ensemble des êtres qu?elle régit. Kant donne quatre exemples qu?il est important de citer :
- Se suicider dans une situation difficile.
- Faire une fausse promesse pour avoir de l?argent.
- Laisser ses talents sans culture.
- Se montrer indifférent aux maux d?autrui.
Universalisées, les deux premières se détruisent logiquement et les deux dernières ne peuvent constituer une nature gouvernée par des lois.
 
Nous avons envisagé dans la volonté la faculté de se déterminer par des lois ; nous allons l?envisager comme faculté de se déterminer par des fins. Pour concorder avec l?impératif catégorique, il faut des fins en soi. Or, l?homme est  cet être dont l?existence a en elle-même une valeur absolue. Les êtres raisonnables sont des personnes et non des choses à la valeur seulement conditionnelle.
D?où : AGIS DE TELLE SORTE QUE TU TRAITES L?HUMANITE, AUSSI BIEN DANS TA PERSONNE QUE DANS LA PERSONNE DE TOUT AUTRE, TOUJOURS EN MEME TEMPS COMME UNE FIN, ET JAMAIS SIMPLEMENT COMME UN MOYEN.
 
Dans la troisième formule, on rapproche les deux formules précédentes. L?être raisonnable en tant que fin en soi ne peut être simplement soumis à la législation universelle car il ne serait que moyen. Il en est donc l?auteur. Il doit agir avec l?idée que la volonté de l?être raisonnable qu?il est, est une volonté législatrice universelle. C?est le principe de l?autonomie de la volonté. L?acte de poser soi-même une législation universelle suffit pour intéresser la volonté et la rendre capable d?y obéir. La loi morale apparaît alors indépendante de toutes les conditions dont la sensibilité offrirait la matière. L?autonomie de la volonté est donc le principe suprême de la volonté. D?où : AGIS COMME SI TU ETAIS LEGISLATEUR EN MEME TEMPS QUE SUJET DANS LA REPUBLIQUE DES VOLONTES.
 
3) La liberté :
 
Kant s?empare alors du problème de la liberté pour justifier ultimement l?impératif catégorique. La liberté est la propriété qu?a la causalité des êtres raisonnables de pouvoir agir indépendamment de toute cause déterminante étrangère à elle. Cela conduit à penser que la liberté est indépendante des lois naturelles mais ne peut pas être en dehors de toute loi. La liberté est la faculté de se donner à soi-même la loi : c?est l?autonomie. Or, celle-ci est justement l?expression de la loi morale ! Si bien qu?une volonté libre est une volonté soumise à sa propre législation universelle ne font qu?une. La volonté ne peut se déterminer sans cause : voilà une belle réponse aux nécessitaristes.
 
Mais n?est-ce pas réintroduire un déterminisme ? Seule une critique de la raison pratique permet de répondre. Si la liberté est l?autonomie de la volonté, pour ne pas retomber dans la nécessité, il faut placer une liberté de choix avant cette autonomie de la volonté : si la loi morale détermine la volonté, encore faut-il que la volonté se détermine à la loi morale. C?est à cette sorte de dédoublement de la volonté que nous assistons dans la Critique de la raison pratique.
 
Au lieu de fonder une morale sur la métaphysique, Kant fonde une métaphysique sur une morale. Ainsi, le devoir me prescrit de réaliser une certaine perfection morale que je ne parviens pas à atteindre dans la vie présente parce que je n?arrive pas à purifier la détermination du vouloir des mobiles sensibles. Interviennent alors les postulats de la raison pratique.  Kant postule l?idée de l?immortalité de l?âme pour me donner la possibilité de réaliser mon devoir. De la même façon, les méchants sont prospères ici-bas : Kant postule un Dieu consolateur qui rétablira l?harmonie dans l?au-delà. A partir de l?obligation morale, Kant postule la liberté. L?obligation morale exclut la nécessité des actes humains. Etre moralement obligé, c?est avoir le pouvoir de répondre oui ou non, c?est avoir la liberté de choisir. L?obligation morale n?aurait pas de sens si j?étais déterminé. La liberté est l?obéissance aux règles qu?on s?est soi-même prescrit mais cela suppose le libre-arbitre.
 
C?est le libre-arbitre qui choisit la maxime, c?est-à-dire qui soumet la raison à la sensibilité (ou le contraire). Mais la volonté qui choisit la raison se fait libre de cette liberté qui ne peut pas être mauvaise puisqu?elle est identique à la raison et à la loi. Donc la liberté morale est la liberté. Mais n?assiste-t-on pas à un cercle vicieux puisque la loi morale est démontrée par le libre-arbitre et la liberté par la loi morale ? De plus, comment la liberté, ainsi entendue, est-elle possible dans un monde phénoménal ?
 
Pour répondre, il faut penser que nous nous situons à un autre point de vue que lorsque nous représentons notre moi d?après la suite de ses états empiriques. Or, il ne faut pas oublier la distinction entre phénomènes et les choses en soi. Cette distinction d?un monde sensible et d?un monde intelligible, l?homme la vérifie par lui-même. L?homme possède une raison dont la pure spontanéité produit des Idées. L?homme peut donc se considérer à deux points de vue : comme être appartenant au monde sensible, il est soumis aux lois de la nature, et sa volonté, quand elle s?y enferme, ne peut être qu?une volonté hétéronome ; comme être appartenant au monde intelligible, il relève des lois purement rationnelles, et sa volonté, qui loin de les subir, les promulgue par ses maximes, est une volonté autonome. Liberté et loi morale sont donc rattachées à l?affirmation d?un monde intelligible. On voit comment l?impératif catégorique est possible : si nous n?appartenions qu?au monde intelligible, nos actions seraient toujours en accord avec le principe de l?autonomie pure ; si nous n?appartenions qu?au monde sensible, elles seraient inévitablement soumises à l?hétéronomie des événements naturels. Mais nous appartenons aux deux mondes, et comme le monde intelligible est le fondement du monde sensible, la nécessité idéale pratique du monde intelligible s?impose à nous comme un devoir. Ainsi le concept du monde intelligible est ce qui opère la synthèse entre la volonté affectée par les inclinations et la volonté législatrice universelle, comme dans l?ordre de la connaissance l?intuition du monde sensible rend possible la liaison du sujet et du prédicat dans les jugements synthétiques a priori.
 
C?est la philosophie spéculative qui résout le conflit apparent entre la liberté et la nécessité naturelle. Nous sommes libres en tant que nous appartenons au monde intelligible et nous sommes déterminés sensiblement en tant que nous appartenons à l?univers phénoménal, et que c?est le libre arbitre, dont la possibilité se trouve fondée par notre nature nouménale, qui crée le lien entre ces deux mondes.


Message édité par l'Antichrist le 29-03-2004 à 14:15:08
mood
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Posté le 28-03-2004 à 13:09:29  profilanswer
 

n°2362555
pascal-san
Posté le 28-03-2004 à 14:58:04  profilanswer
 

Pour tout ceux que la philosophie intéresse, lisez cette analyse de "la critique de la faculté de juger". L'Antichrist a écrit dans ce topic plusieurs résumés comme celui-ci, qui sont parmi les meilleurs du genre. Ils sont listés dans le premier message.

n°2362576
Sprite
Press Start
Posté le 28-03-2004 à 15:00:55  profilanswer
 

Je vois ce topic de philo alors j'en profite pour en demander une petite aide... Si vous pouviez m'aider ce serait sympa :jap:  
J'ai une dissert à rendre pour la semaine prochaine, le sujet est "Qu'est-ce qui fait l'identité e chacun de nous ?".
J'ai pensé à faire un plan progressif, mais mon plan est encore incertain... Définir l'identité, parler de l'inné (biologie etc.) et de l'acquis (culture, éducation..). Si vous avez des idées, merci  :jap:  :hello:


---------------
I'm rick james, bitch.
n°2363977
l'Antichri​st
Posté le 28-03-2004 à 18:47:03  profilanswer
 

Citation :

"Qu'est-ce qui fait l'identité de chacun de nous ?".


 
Pour t'aider un peu, voici une introduction problématisée (on peut bien sûr faire plus consistant et précis...).  
 
Comme être conscient, l?homme est capable de se représenter sa propre existence c?est-à-dire de s?identifier en se différenciant des choses du monde comme des autres consciences par un mouvement de négation : je ne suis pas cela ! Être conscient, c?est pouvoir dire moi ce qui suppose de pouvoir opposer son moi à ce qui n?est pas son moi propre. La spécificité de la conscience humaine est cet évènement de la dualité entre le sujet (le moi) et l?objet (le non-moi). Mon identité, c?est ce qui fait de moi un être unique (un individu) qui reste le même dans le temps, donc identique.
 
Mais qu?est-ce que le moi ? Dans l?attitude naturelle, nous sommes toujours prêts à dégainer nos papiers d?identité, à énumérer un catalogue de qualités : je suis Pierre X, né à Paris, étudiant, etc... L?identité du moi se constitue par rapport à ce que le moi revendique comme sien. Moi, c?est ce qui est à moi ! Mais si, comme moi empirique, le sujet peut se définir, il devient aussi variable que l?objet avec lequel il se constitue. Rechercher le moi du côté de l?objet, c?est s?empêcher de trouver une unité stable. Dans l?expérience empirique nous ne sommes pas un mais plusieurs, un défilé de personnages imposés par le regard d?autrui.
 
S?il est toujours possible de définir une chose (un animal, un objet), peut-on en faire autant avec un sujet ? Peut-il y avoir un moi permanent ? Mais si, comme être conscient, je ne suis pas mes appartenances individuelles, cela a-t-il encore un sens de parler d?un " soi " ? Peut-on encore parler de connaissance de soi s?il n?y a pas de soi ? Qui suis-je ?


Message édité par l'Antichrist le 28-03-2004 à 18:50:56
n°2364147
Sprite
Press Start
Posté le 28-03-2004 à 19:12:25  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

Citation :

"Qu'est-ce qui fait l'identité de chacun de nous ?".


 
Pour t'aider un peu, voici une introduction problématisée (on peut bien sûr faire plus consistant et précis...).  
 
Comme être conscient, l?homme est capable de se représenter sa propre existence c?est-à-dire de s?identifier en se différenciant des choses du monde comme des autres consciences par un mouvement de négation : je ne suis pas cela ! Être conscient, c?est pouvoir dire moi ce qui suppose de pouvoir opposer son moi à ce qui n?est pas son moi propre. La spécificité de la conscience humaine est cet évènement de la dualité entre le sujet (le moi) et l?objet (le non-moi). Mon identité, c?est ce qui fait de moi un être unique (un individu) qui reste le même dans le temps, donc identique.
 
Mais qu?est-ce que le moi ? Dans l?attitude naturelle, nous sommes toujours prêts à dégainer nos papiers d?identité, à énumérer un catalogue de qualités : je suis Pierre X, né à Paris, étudiant, etc... L?identité du moi se constitue par rapport à ce que le moi revendique comme sien. Moi, c?est ce qui est à moi ! Mais si, comme moi empirique, le sujet peut se définir, il devient aussi variable que l?objet avec lequel il se constitue. Rechercher le moi du côté de l?objet, c?est s?empêcher de trouver une unité stable. Dans l?expérience empirique nous ne sommes pas un mais plusieurs, un défilé de personnages imposés par le regard d?autrui.
 
S?il est toujours possible de définir une chose (un animal, un objet), peut-on en faire autant avec un sujet ? Peut-il y avoir un moi permanent ? Mais si, comme être conscient, je ne suis pas mes appartenances individuelles, cela a-t-il encore un sens de parler d?un " soi " ? Peut-on encore parler de connaissance de soi s?il n?y a pas de soi ? Qui suis-je ?


Merci bcp pour ta réponse, c'est vraiment super intéressant :jap: Tu as fait quel type d'études ?
Bon, ton intro est vraiment bien, mais j'pense que c'est *trop* bien pour moi, je ne pense pas pouvoir suivre sur la longueur. En gros ton plan n'est pas du tout celui que je voulais faire...Le tien est mieux mais vraiment plus dur. J'vais essayer de synthtétiser le plan..
 
merci :jap:


---------------
I'm rick james, bitch.
n°2367803
pascal-san
Posté le 29-03-2004 à 00:47:51  profilanswer
 

Sprite a écrit :


Merci bcp pour ta réponse, c'est vraiment super intéressant :jap: Tu as fait quel type d'études ?
merci :jap:  


Il est prof de philo :D

n°2367931
rogr
Posté le 29-03-2004 à 01:01:07  profilanswer
 

certifié [:aloy]

n°2369502
rahsaan
Posté le 29-03-2004 à 12:52:04  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Pour tout ceux que la philosophie intéresse, lisez cette analyse de "la critique de la faculté de juger". L'Antichrist a écrit dans ce topic plusieurs résumés comme celui-ci, qui sont parmi les meilleurs du genre. Ils sont listés dans le premier message.


 
Ce n'est pas la Critique de la Faculté de Juger dont parle l'Antichrist, mais bien de la Critique de la Raison Pratique. Lui-même s'est trompé au début de son post.  ;)
 
Par ailleurs, merci encore pour tous ces textes. Celui sur Wittgenstein est vraiment plaisant à lire.  :) Je ne connais que très peu cet auteur, il était temps que je le découvre.  ;)


Message édité par rahsaan le 29-03-2004 à 13:13:54
n°2369955
l'Antichri​st
Posté le 29-03-2004 à 14:12:00  profilanswer
 

Citation :

Ce n'est pas la Critique de la Faculté de Juger dont parle l'Antichrist, mais bien de la Critique de la Raison Pratique. Lui-même s'est trompé au début de son post.


 
Il s'agit d'une présentation (très sommaire !) des trois sections des Fondements de la métaphysique des moeurs et non, comme l'a très justement corrigé Rahsaan, de la Critique de la faculté de juger ! J'étais un peu en avance sur une étude en préparation ! Désolé !

n°2369985
rahsaan
Posté le 29-03-2004 à 14:17:40  profilanswer
 

Alors on attend avec impatience ton texte sur la 3e critique.  ;)

n°2370966
pascal75
Posté le 29-03-2004 à 16:47:02  profilanswer
 

Et moi j'avais anticipé ma lecture du texte :D

n°2372080
rahsaan
Posté le 29-03-2004 à 19:32:25  profilanswer
 

Déjà 700 réponses pour ce topic.  
Festina lente.  
 
[:mad_overclocker]


Message édité par rahsaan le 29-03-2004 à 19:32:52
n°2372219
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 29-03-2004 à 19:47:18  profilanswer
 

Tiens, deux auteurs assez agréables à lire, Reiser et Friedman. Dans leurs divers petits ouvrages ou publications ils font le point de façon claire et vulgarisatrice - au sens noble - sur des problèmes de la philosophie (mouvement, sciences, rationalité etc.).
 
Une bonne porte d'entrée qui donnera envie de se pencher sur Reichenbach, Kuhn, Poincaré, Einstein etc.

n°2372500
zizza
Posté le 29-03-2004 à 20:29:59  profilanswer
 

bonjour à tous! pour aujourd'hui j'ai eu à rendre ma dissertation philosophique pour l'instant, dont le sujet est :"la passion est-elle une excuse?" et je ne suis pas très sûre de moi. quelqu'un peut-il me dire ce qu'il pense sur ce sujet? merci

n°2372841
rahsaan
Posté le 29-03-2004 à 21:12:44  profilanswer
 

zizza a écrit :

bonjour à tous! pour aujourd'hui j'ai eu à rendre ma dissertation philosophique pour l'instant, dont le sujet est :"a passion est-elle une excuse?" et je ne suis pas très sûre de moi. quelqu'un peut-il me dire ce qu'il pense sur ce sujet? merci


 
La passion est-elle une excuse ?
 
Jolie formule ma foi.  :D  
 
Derrière toute question, tu dois trouver le problème qui s'y niche et qui valide le fait de se poser la question. Dès lors, il ne convient pas de vouloir donner une réponse à tout prix, mais, ayant identifié et exposé le problème, de montrer tous les enjeux qui se déploient dans cette question.  
Dès lors, tu pourras véritablement sortir de cette question.  ;)  
 
Alors, quel est le problème en question ?
Pourquoi la question se pose t-elle ?
 
A quoi la passion est-elle une excuse ?  
Hé bien par exemple, à un mensonge, à une faute, à un oubli. Par passion, on désignera, dans l'optique de ce sujet, une force qui nous submerge et nous fait commettre un acte dont nous avons à nous excuser, ou à y trouver une excuse.  :D  
Dans quels cas s'excuse t-on ? Quand on a fait qqch qu'on regrette. Soit on s'excuse platement, on assume la faute ; soit on cherche à se disculper en accusant qqch d'autre nous. Soit on cherche un compromis entre les deux.  
 
En l'occurrence, le cas qui nous occupe est celui-ci : je m'excuse en accusant la passion. C'est ce cas-là, qui regroupe une multitude de situations très communes, qu'il faudra décortiquer, étudier, disséquer, analyser.
Donc j'ai commis une faute, plus ou moins grave, et je cherche à m'en excuser en accusant la passion.  
Ainsi quelqu'un dira qu'il a volé une montre par passion pour l'or (kleptomanie) ; qu'il a trompé sa femme par passion pour les femmes ; qu'il a assassiné son voisin par haine ; qu'il a dépensé tout son argent au casino, par passion du jeu ; qu'il a (non qu'elle a  :D ) dévalisé le magasin de fringues par passion pour les robes.  
Bref, à chaque fois, l'auteur de la faute, de l'excès, s'est laissé posséder par qqch de trop fort pour lui : une passion immodéré, qu'il n'a pas su contrôler, qui l'a emmené trop loin.  
 
De manière classique, on oppose en philosophie la Raison aux passions. L'homme qui ne contrôle pas ses passions en est esclave. Par ailleurs, on définit la Raison comme faculté proprement humaine.
Voici donc un premier enjeu de la question : la passion peut-elle excuser une action déraisonnable ou folle ? Le propre de la passion est justement d'être forte, tyrannique, de chercher sans cesse à subvertir notre raison.  
Dès lors, est-elle une excuse pour nos folies ? Mais on admet que la passion en est la source. On risquerait, à défendre cette position, à faire l'aopologie de l'irresponsabilité et à se laisser aller à tous nos penchants : la passion excuse t-on, donc je ne suis pas responsable quand j'en ai envie.
 
Approfondissons donc l'élucidation du problème : on cherche à savoir si l'on est coupable de se laisser aller à ses passions. Mais reporter la faute sur les passions, n'est-ce pas dissimuler lâchement notre responsabilité, et donc ne pas assumer nos actes ?
Voilà à mon avis, chère Zizza, les termes du débat qu'amène cette question.  :)  
 
Si l'Antichrist, Pascal ou d'autres ont des choses à ajouter...  ;)  

n°2373293
rogr
Posté le 29-03-2004 à 22:02:30  profilanswer
 

zizza a écrit :

bonjour à tous! pour aujourd'hui j'ai eu à rendre ma dissertation philosophique pour l'instant, dont le sujet est : "la passion est-elle une excuse?" et je ne suis pas très sûre de moi. quelqu'un peut-il me dire ce qu'il pense sur ce sujet? merci

l'ahurissement, le fait d'être à l'ouest de tout, n'est en aucun cas une excuse, lorsque le délinquant est en situation de prendre des décisions qui pourraient être défavorables à tel ou tel ange.
par contre la "passion" oui bien sûr, d'ailleurs dans le droit criminel le crime passionnel bénéficie de la compréhension des jurés [:aloy]
et de toutes façons : "nul n'est méchant volontairement" [:spamafote]

n°2373375
zizza
Posté le 29-03-2004 à 22:10:31  profilanswer
 

merci beaucoup, c'est très gentil. je dois avouer que mon analyse est de loin inférieure à la tienne... je veux dire par là que la tienne est plus logique...

n°2373915
pascal-san
Posté le 29-03-2004 à 23:16:18  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
Si l'Antichrist, Pascal ou d'autres ont des choses à ajouter...  ;)  
 


Bien vu quand tu dis que derrière la question il faut trouver le problème et voir si effectivement il y en a un. C'est aussi ce que disait mon prof :)
L'excuse qui est à la lettre la mise "hors de cause" est comme tu dis la recherche d'une raison valable à un acte. Et évidemment si on pose le problème ainsi, la passion ne peut pas être, par définition, une raison. Maintenant si la passion en question n'est pas la passion des philosophes (celle où l'on patit, donc le contraire de l'action selon la raison) mais un amour immodéré, dans ce cas, comme dit Rogr, la passion est une excuse selon la loi (mais pas pour autant une mise hors de cause dans le cas de l'exemple de Rogr). Est-ce que cette passion-là peut être également une excuse, non pas selon la loi, mais selon une justice immanente ? reprenons le cas concret de Rogr pour dramatiser et simplifier : un crime. Si on tue quelqu'un par amour immodéré pour une tierce personne selon la loi on peut dans certains cas être innocenté, dans d'autres cas fautifs, ces deux jugements selon la loi en vigueur. Pour reprendre ma question, peut-on être innocent du point de vue de la justice immanente, c'est à dire de la vie, et condamné du point de vue de la loi ? oui, sans doute dans le cas d'un crime ou la victime serait une nuisance à la vie, exemple pourri pour faire vite : si le complot contre Hitler l'avait tué, les instigateurs auraient été condamnés selon la loi, mais innocents du point de vue de la vie parce qu'Hitler était plus porteur de mort que ses éventuels assassins. Voilà un cas me semble-t-il où la passion immodérée pour la vie (l'amour de la vie) peut être une excuse à un acte répréhensible selon la loi. Mais dans ce cas la passion est une action positive donc pas une passion du point de vue des philosophes.

n°2374366
rogr
Posté le 29-03-2004 à 23:51:56  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Maintenant si la passion en question n'est pas la passion des philosophes (celle où l'on patit, donc le contraire de l'action selon la raison) mais un amour immodéré, dans ce cas, comme dit Rogr, la passion est une excuse selon la loi (mais pas pour autant une mise hors de cause dans le cas de l'exemple de Rogr). Est-ce que cette passion-là peut être également une excuse, non pas selon la loi, mais selon une justice immanente ? reprenons le cas concret de Rogr pour dramatiser et simplifier : un crime. Si on tue quelqu'un par amour immodéré pour une tierce personne selon la loi on peut dans certains cas être innocenté, dans d'autres cas fautifs, ces deux jugements selon la loi en vigueur. Pour reprendre ma question, peut-on être innocent du point de vue de la justice immanente, c'est à dire de la vie, et condamné du point de vue de la loi ? oui, sans doute dans le cas d'un crime ou la victime serait une nuisance à la vie (...)

ce sujet est du plus haut intéret, mais il faut tempérer par ce proverbe chinois :
"L'homme de bien sait attendre trois années avant de se venger, l'homme mesquin aspire à une vengeance immédiate."
[:itm]

n°2374573
pascal-san
Posté le 30-03-2004 à 00:11:15  profilanswer
 

rogr a écrit :

ce sujet est du plus haut intéret, mais il faut tempérer par ce proverbe chinois :
"L'homme de bien sait attendre trois années avant de se venger, l'homme mesquin aspire à une vengeance immédiate."
[:itm]


Dans le cas de mon exemple dont j'ai un peu honte, l'assassinat raté d'Hitler : ce n'est pas la vengeance qui le motivait mais une tentative d'arrêter par un acte, une série de crimes, ceux d'Hitler.

n°2415511
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 03-04-2004 à 23:37:18  profilanswer
 

J'ai envie de m'acheter " l'etre et le néant " dans une belle édition , c'est le seul bouquin de Sartre que je n'ai pas encore ^^ .
Vous en connaissez une autre que la Gallimard  ?
 
Sartre est pour moi LE personnage qui livre la plus honnète et la plus pure vision du monde , de la société et de l'homme.
Visiblement ses écrits ne font plus d'émules depuis 1970 , la pensées existensialiste semble en perte de vitesse ..
Je ne comprend d'ailleurs pas tellement ce qui explique ce pseudo rejet d'idées qui ont pesées très lourd de 1945 à 1975 dans le débat intellectuel français et mondial


Message édité par Magicpanda le 03-04-2004 à 23:44:30

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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°2416043
pascal-san
Posté le 04-04-2004 à 01:24:50  profilanswer
 

Perso, je connais pas d'autre édition que celle de Gallimard, mais en cherchant bien tu pourras peut-être trouver un exemplaire de tirage spécial. Ou alors achète-toi une édition originale de 43 et fais la relier si tu es bibliophile, j'en ai vu un exemplaire à 63?.
Quant à Sartre, effectivement on en entend moins parler aujourd'hui que lorsqu'il écrivait ses bouquins et surtout que lorsqu'il avait une activité militante (à sa manière) : le bateau pour le Vietnam, la création du quotidien "Libération"... Mais quand même il n'est pas complètement oublié et BHLevy a écrit une bio qui, à ce qu'on dit, est plutôt bonne (pas lue).

n°2416314
rogr
Posté le 04-04-2004 à 02:18:39  profilanswer
 

MaGicPaNdA a écrit :

Sartre est pour moi LE personnage qui livre la plus honnète et la plus pure vision du monde , de la société et de l'homme.

c'est LF Céline qui l'appelait "le ténia"...
 
http://www.phenomenologyonline.com/scholars/sartre.jpg
 
 [:pamplemousse]

n°2416766
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 04-04-2004 à 08:08:37  profilanswer
 

rogr a écrit :

c'est LF Céline qui l'appelait "le ténia"...
 
http://www.phenomenologyonline.com/scholars/sartre.jpg
 
 [:pamplemousse]  


je crois qu'il avait finit par accepter cette appelation d'ailleurs  
compte tenu des tendances politiques , Sartre n'avait pas grand chose à envier à Céline , c'était plutôt l'inverse :)
Il a finit aveugle quelques années avant sa mort :jap:


Message édité par Magicpanda le 04-04-2004 à 08:09:10

---------------
" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°2418241
rahsaan
Posté le 04-04-2004 à 22:42:36  profilanswer
 

rogr a écrit :

c'est LF Céline qui l'appelait "le ténia"...
http://www.phenomenologyonline.com/scholars/sartre.jpg
 [:pamplemousse]  


 
Il le surnommait aussi JP Tartre.  [:maestro]  
Après guerre, les intellectuels de gauche étaient des adversaires pour Céline.

n°2418248
pascal-san
Posté le 04-04-2004 à 22:43:06  profilanswer
 

Satan le parjure

n°2447618
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 09-04-2004 à 05:11:46  profilanswer
 

Je réouvre ce sujet pour signaler (si ce n'a pas encore été fait) qu'on trouve pas mal d'ouvrages de philo, classiques ou non, sur le site de la Bibliothèque Nationale (bnf.fr), au format Acrobat. Blaise Pascal (-san ?) entre autres.
Par ailleurs quelques ouvrages, et diverses publications universitaires sont disponibles sur les réseaux d'échange eMule etc. - je n'ai aucune idée de la légalité de la chose, amha une partie doit être diffusable librement comme pour les autres publications universitaires. :)


---------------
Amoureux du Te Deum de Berlioz.
n°2455486
l'Antichri​st
Posté le 10-04-2004 à 15:30:55  profilanswer
 

La passion est-elle une excuse ?
 
Je découvre ce sujet un peu " après la bataille" ! Malgré tout voici quelques suggestions. Tout d'abord, l?analyse du sujet par Rahsaan me paraît très pédagogique, claire, précise mais d?une facture toute classique... Il faut dire aussi que la formulation de la question, comme souvent en philosophie, est suffisamment ambiguë pour autoriser ce genre d?interprétation. Mais justement, problématiser une question c?est aussi (et peut-être surtout !) en dénoncer les limites, voire les contradictions ! La valeur d?une dissertation se mesure précisément à cette capacité du candidat à envisager, au-delà d?une analyse " ordinaire " imposée souvent par une culture (trop) bien cadrée (la fameuse opposition classique raison/passion qui certes ici est requise mais qui manque l?essentiel !), l?enjeu philosophique de la question. Il me semble donc vraiment important d?adopter devant une question philosophique l?attitude philosophique appropriée : l?étonnement ! N?est-il pas étonnant, en effet, de devoir considérer que les hommes se déresponsabilisent en rejetant leurs fautes sur " des " passions (du jeu, des femmes... comme le précise sans surprise Rahsaan !), alors même que la question porte sur " la " passion ? N?importe quel élève de terminale connaît ici le sens du singulier : il ne renvoie pas seulement à telle ou telle passion (passion de...) mais signifie que " la " passion est un état de conscience qui se retrouve dans les différentes passions. C?est pourquoi il est si facile de voir dans la passion-de-quelque-chose une excuse car étant devenue ma passion (ce que veut traduire l?expression " état passionnel " ) je suis aveuglé par elle c?est-à-dire par un objet dont la valeur à mes yeux est exagérée, imaginée et fantasmée au point que mon univers mental se vide de toute autre préoccupation. Le passionné ne vit pas dans la réalité mais dans un monde à la mesure de sa passion (et du coup pauvre et solitaire). Les règles de la raison ne sont pas celles du passionné ! Mais ceci une fois établie, n?y a-t-il pas dans la formulation même de la question le préjugé que " la " passion dépend de son objet sans lequel elle ne pourrait naître ni se développer ? Nous aurions autant de passions que nous avons de désirs (le désir donne à la passion son objet), le désir devenant passion lorsqu?il envahit toute la vie psychique, se fait exclusif et finit ainsi par créer un déséquilibre. Ce qui signifie que notre " excuse " se trouverait en fait dans notre passivité face au mécanisme d?auto-justification de la passion : loin que la raison soit en sommeil dans la passion, elle serait au contraire l?élément moteur de l?illusion par laquelle nous entretenons notre passion-de ! Le passionné répète une " idée fixe " ! Il " raisonne ", non pas certes au sens où il examinerait les causes et les conséquences de sa passion, mais parce qu?il monopolise tous les moyens de la logique pour justifier sa passion ! Comme le signalait déjà Spinoza dans L?Ethique, si je désire quelque chose, ce n?est pas parce que je juge la chose que je désire bonne en ce sens qu?elle m?est utile pour être heureux ou en ce sens qu?elle me fait défaut, mais c?est parce que je la désire que je la juge bonne. Le désir est souverain, c?est lui qui détermine la valeur de son objet : il en accorde à celui qu?il vise et en refuse à celui qu?il dédaigne. Mais alors, n?est-il pas surprenant de dire que la passion est passivité face à l?objet et d?y voir une excuse ? La véritable excuse ne se trouve t-elle pas, au contraire, dans le drame personnel d?un soi prisonnier de soi, en révolte avec soi ? N?est-ce pas avec soi-même que le passionné est aux prises dans la passion plutôt qu?avec un objet extérieur ? Il n?y a pas la raison d'un côté et la passion de l'autre, deux domaines distincts et opposés (en conflit permanent) mais deux rapports a soi, deux modes d?êtres, tous deux affectifs : c?est de la vie dans son unité dont il est question dans ce sujet et non de l?état passionnel comme d?un simple mode psychologique ! La vie EST passion c?est-à-dire sentiment de soi, auto-affection, épreuve de soi ! Vivre, c?est sentir en soi cette unité de l?être, cette absence de division entre soi et soi. Peu importe l?objet, la passion est fondamentalement la manière de vivre sa vie, de trouver en elle sa joie et sa force (ou d?en faire un lieu de tristesse et de faiblesse) ! Ainsi, lorsque ce rapport affectif à soi devient conflictuel et vient rompre l?harmonie, il y a encore passion mais une passion " malade d?elle-même ". Tant que la passion est seulement passion-de-quelque-chose, passion vers l?objet, elle reste limitée par le désir-manque (concupiscence, convoitise...) et enfermée dans les attentes de l'ego (égoïsme..). Il n?est alors pas étonnant que nous cherchions des excuses à notre propre mécontentement en projetant la faute sur l?objet de notre passion ! La recherche d'une excuse est le signe de ce déchirement intérieur, de cette haine de soi, de cette souffrance qui exige une victime expiatoire : le passionné se déteste et déteste les autres ! Il y a un vrai paradoxe à vouloir donner un sens à sa vie en dépensant son temps et son énergie en DE vaines passions mortifiantes alors même que LA passion à désertée notre vie ! On voit donc au final quel peut être le véritable enjeu philosophique de la question : échapper à l?alternative ! Ou bien l?homme pâtit des passions, esclave des illusions qu?engendrent en lui la poursuite effrénée des désirs et il ne peut que se chercher des excuses, signes que la vie ne brûle pas du feu de la passion-lucidité, ou bien il parvient, par une ascèse, une discipline, une réflexion, un calcul à s?en libérer mais au prix d?une austérité déshumanisante (nier la vie à sa racine en châtrant - Nietzsche - la raison) ! N'est-ce pas plutôt le propre de la passion (sans objet donc), ce feu intérieur de l'âme, d'offrir une disponibilité et une ouverture qui permettent de vivre sa vie dans la plénitude et l'excellence ?


Message édité par l'Antichrist le 11-04-2004 à 13:13:16
n°2458564
pascal-san
Posté le 11-04-2004 à 02:34:08  profilanswer
 

"La matière pour nous est un ensemble d'images"

n°2480562
rahsaan
Posté le 14-04-2004 à 21:41:19  profilanswer
 

Pour la beauté de la chose, les topics philo sur le podium de ce forum.  [:yajing]  
 
http://membres.lycos.fr/Wilhelm2051/Images/philo.jpg


Message édité par rahsaan le 14-04-2004 à 21:42:10
n°2484943
Ryan
Foupoudav
Posté le 15-04-2004 à 13:34:07  profilanswer
 

http://images-eu.amazon.com/images/P/2266079905.08.LZZZZZZZ.jpg
 
tres tres bon livre, je sais pas si ca a déja été posté mais bon :)

n°2487196
pascal-san
Posté le 15-04-2004 à 17:41:51  profilanswer
 

Si le fils est du niveau du père, ça doit craindre ce bouquin :/

mood
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