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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°12001163
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 14:12:49  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

oceandepoesie75 a écrit :

il semblerait que la question de la division corps/esprit ne se pose plus; on en reviendrait donc à une perspective spinoziste qui poserait une "identité"(?) entre le corps et l'esprit et donc à une conception complètement matérialiste.


 
hum, s'il n'y a plus de différence entre le corps et l'esprit, pourquoi cela ouvrirait-il toute vanne au matérialisme ?
le spititualisme devient matériel autant que la matérialisme devient spirituel. L'indifférenciation n'a aucune raison de se faire en faveur de l'un plutôt que de l'autre, ou alors on régresse en deçà...


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
mood
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Posté le 02-07-2007 à 14:12:49  profilanswer
 

n°12001920
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 15:20:42  profilanswer
 

Parce que je dois lire Point, ligne sur plan de V. Kandinsky, qui est un livre de théorie picturale vraiment bouleversant, je saisis cette occasion pour compléter la discussion autour de la chair Henryenne et ali menter le moulin de Jean Eymard
 
Henry, on le sait, a composé un livre sur l'oeuvre de Kandinsky, principalement appuyé sur la lecture de Du Spirituel dans l'art.
 
 
La notion qui m'importe est celle de climat. Pour Kandinsky, toute forme et toute couleur émet, ou nous plonge dans, un climat spécifique. A partir de la composition de ces élements formels, un peintre produit par son tableau un effet spécifique d'ambiance, de sentiment, de sens.
 
c'est pourquoi il n'y a pas tant dualisme qui relègue le monde à distance chez Henry, que mise à sa place de l'intentionalité, à laquelle il reproche de n'être qu'une théorisation reposant sur le sens de la vue, qui serait un sens aussi dictatorial qu'applatissant, depuis les Grecs.
Non que l'intentionnalité et sa donation sous forme d'un horizon et d'une distance soit irréelle, mais elle ne fait que défaire les liens entre le phénomène et le sujet (aporie constante des phénoménolgies historiques, comme il dit). Si le sujet est traversé, "en vérité", par le monde, c'est que toute forme, toute représentation, emmène avec elle un fond d'affect, de sentiment, de climat qui lui donne sa vibration dans le sujet, son sens.
 
quand tu dis :

rahsaan a écrit :

Je ne comprends donc pas bien ce projet de revenir à l'immanence en chair du pur vécu. Puisqu'il est inévitable qu'en posant l'immanence charnelle, je pose du même coup la transcendance du monde. Or, pourquoi ne serais-je pas plutôt, comme le dit Bergson (début de Matière et Mémoire) une image parmi les images qui composent le monde ?


 
tu entends que le monde est à distance. Or le propos est justement inverse : le monde n'est pas à distance, c'est le mode intentionnel d'apparaître qui entraîne cette impression ; par ses climats, ses ambiances, les affects dont sont pleines nos représentions, le monde est au contraire enraciné en nous, nous sommes à l'unisson affectif avec lui.
Je crains que cette proposition bergsonnienne d'une "image parmi les images" ne soit qu'une proposition intentionelle de plus. Encore de la vue et de la distance.
 
 

rahsaan a écrit :


une difficulté que, pour ma part, je ne cesse de percevoir dans ces thèses sur l'auto-affection charnelle : l'immanence réside t-ellle vraiment dans la chair et son pouvoir de se ressentir ?
Je vois mal comment pourrait s'annuler cette distance entre "l'affect et le sujet affecté". Sans distance, pas de ressenti.


 
Tu n'as pas répondu quand je t'ai demandé de justifier cette nécessité que tu énonces : "Sans distance, pas de ressenti." - j'en reste curieux
Les descriptions henryennes nous amènent à ne pas confondre l'affect avec la conscience et son horizon de lumière et ce qu'elle nous livre de l'affect selon son mode de donation spécifique très différent de celui de l'affect. C'est pourquoi il est amené à repenser l'inconscient freudien comme corps vécu en deça des représentations. Les sentiments, les affects, précèdent toujours les représentations et les prises de distance (c'est une thèse tout simplement spinoziste). De là découle une passivité qu'il est difficile de supporter pour l'intellect, qui peut être îvresse mais aussi angoisse, mais en tout cas débordement, excès, et chose terrible, excès depuis l'intérieur (ce qui fait toute la différence d'avec Levinas).
 
si tu poses une distance nécessaire, c'est que tu demandes à l'affect d'appraître. Or il ne le fait pas, ou sur le mode de la représentaion et donc de l'intentionnalité, rétroactivement. Le sentiment est déterminant sur nos représentations (les lectures que Henry a proposées de Nietzsche sont à ce sujet toujours somptueuses)
Tu poses ta question depuis la multiplicité (celle des images du monde). henry, posant la question de l'ipséité, de l'identité, l'inverse : comment cela circule-t-il dans le multiple ? qu'est-ce qui fait du multiple quelque chose de un et non un éparpillement où rien ne communique avec rien ?
C'est pourquoi, au terme de son travail il revient sur le problème de l'intersubjectivité qui est irrésoluble (?) en passant par l'intentionnalité (l'aperception, l'apariement husserliens...). la communauté est première, inapparaissante, affective ; d'homme à homme, le sentiment d'appartenance à la même chair précède toute représentation, et la communication a déjà commencée bien avant le premier mot concept échangé depuis l'extérieur.
En cela, Henry rejoint une partie des théories lacaniennes (ou d'obédience) qui posent qu'il n'y a pas un inconscient par personne mais que l'inconscient ne peut advenir qu'à plusieurs (au minimum l'analyste et l'analysant)
 
 
il y a donc, comme le proposait Jean Eymard à notre réflexion, une précompréhension du monde par le sentiment, par l'affect. henry nous demande de changer de paradigme d'appréhension, et on peut dire que Laruelle et valdinoci plus encore tentent de déployer l'épistémologie que correspond à ce changement de paradigme, où la distance n'est plus reine, ou la distance est déterminée par un sans-distance passivement premier.


Message édité par foutre de le 02-07-2007 à 23:07:30

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°12002695
neojousous
Posté le 02-07-2007 à 16:34:28  profilanswer
 

Très intéressant foutre (pour une fois que je comprend un post contenant les noms de Laruelle Vadinolci et Henry, je suis vraiment content, vais aller fumer un pétar pour fêter ça)

n°12002786
rahsaan
Posté le 02-07-2007 à 16:44:18  profilanswer
 

oceandepoesie75 a écrit :

Cela répond en partie à ma question: ce que j'entend par "productivité"(d'ailleurs, c'est vrai que c'est pas très clair  :pt1cable: ), c'est avoir la meilleure compréhension du texte, de sa problématique, de ses enjeux, de ses perspectives.


 
Oui, il me semble que c'est bien cela. :)
 
 

jean eymard a écrit :

A vous lire, j'ai envie de vous soumettre cette question:
Peut-on espérer comprendre le monde sans l'usage des sentiments ?  
 
Je ne veux froisser personne et il se peut que je sois un imbécile inculte (j'hésite encore moi-meme), mais si je vous pose cette question c'est que j'ai l'impression que votre soucis principal est d'exercer la puissance de votre intellect plutot que de chercher a comprendre visceralement le monde extérieur.
La complexité-l'ivresse de l'intellect comme un rempart face au monde extérieur.


 
J'ai pourtant éprouvé certains sentiments forts en regardant les oeuvres des peintres que je cite, et j'ai essayé de cerner "viscéralement" le monde extérieur, au moins le monde du baroque.  
 

foutre de a écrit :

Rahsaan> Je suis en train de lire ton article massif sur le Baroque (je terminerai demain je pense parce que la nuit m'attend). C'est très renseigné,  agréable comme somme d'information.


 
Merci pour ces compléments. :) A vrai dire, je ne voulais pas amasser une somme d'informations, juste montrer quelques enjeux. Je ne suis pas historien de l'art, donc mes connaissances sur le baroque sont lacunaires.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°12002880
rahsaan
Posté le 02-07-2007 à 16:54:40  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

pas sur que Rashaan considère comme une performance intellectuelle de faire une reprise de l'opposition/articulation entre Dionysos et Apollon (même si tout ce qu'il a ecrit ne s'y reduit pas) :D ...c'est surtout le iV et le V qui sont interessant.
enfin, jdevrais la fermer, a tt les coups j'ai ^pas compris... :lol:


 
Oui, tout à fait : ce sont avec les IV et V que j'ai tenté de comprendre l'enjeu philosophique du baroque.  
Je comptais justement ajouter une petite note sur les rapports baroque/dionysiaque. La voici.  
 
BAROQUE ET DIONYSIAQUE
 
Question : le couple classique / baroque est-il "identique" au couple Apollon / Dionysos ?
 
Rapprochement possible :  
Le baroque est un excès, un déséquilibre par rapport au classique ; de même que le classique est la victoire de l’ordre et de la mesure sur la prodigalité, le surcroît de forme et d’énergie baroque. Il y a bien un antagonisme, une lutte au cœur de ce couple baroque / classique, qui se formule dans les mêmes termes que la lutte entre Apollon et Dionysos.  
Le classique  les belles formes, la mesure, l’individualité, l’équilibre, l’harmonie…
Le baroque  le monstrueux, le laid, la démesure, le panique, l’excès, la prolifération, la surcharge, le mouvement…
 
Eugenio D’Ors rapproche nettement baroque et dionysiaque : dynamisme et panthéisme. Mais ce rapprochement vient de la lecture même de Nietzsche.  
Corneille est un auteur qui se situe entre tragédies baroques (de jeunesse) et tragédies "classiques". Dans le Cid, tragédie qui pourrait être parfaitement classique, s’introduit un élément baroque, une « impureté » qui fait dévier tout le cours de la pièce, qui perturbe l’équilibre éternel du tragique (faute, déchirement puis châtiment), c’est Chimène. Elle qui refuse de châtier Rodrigue, et de faire terminer la pièce dans le sang et le déchirement, elle transforme le Cid en une tragi-comédie, avec une fin ouverte. ("Espère en ton courage, espère en ma promesse ; / Et possédant déjà le coeur de ta maîtresse, / Pour vaincre un point d'honneur qui combat contre toi, / Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi." )
 
Admettons donc qu’Apollon soit tout à fait proche de la forme classique de l’art. C’est à peine si l’on peut les discerner.  
En art, le classicisme articule une vision de l’art et une vision du monde : l’art imite la perfection du monde. Pour Nietzsche, Apollon désigne un instinct, celui par lequel les Grecs de l’époque archaïque surent dompter leur fond dionysiaque et lui donner forme. C’est une des deux tendances de l’ivresse : l’ivresse de la forme.  
 
Le rapprochement baroque / dionysiaque va moins de soi. Le baroque est l’impureté, le défaut, l’inachevé, le mouvement incessant, l’aspiration à l’envol des formes, le tourbillon des sens.
Dans le dionysiaque, chez N., n’est pas présente cette légère connotation négative, qui demeure dans le baroque, comme imperfection constitutive.  
L’affirmation du baroque est celle-ci : le monde n’est qu’illusion. La vie n’est qu’un songe (Calderon). Le monde n’est qu’excès et perpétuel déséquilibre. L’art doit rendre ce mouvement infini de la vie : mais c’est le mauvais infini, le non-fini, ce qui ne parvient pas à la forme parfaite, classique.  
--> C’est sur ce point que le dionysiaque n’est pas / n’est plus le baroque.  
Zizek l'énonce très bien :

  • Le baroque dit : la vie, ce n’est que l’illusion (affirmation mélancolique)
  • Le dionysiaque dit : l’illusion, c’est la vie ! (affirmation joyeuse)


 
N’y a-t-il pas une mélancolie secrète logée au cœur du baroque, l’aspiration impossible à satisfaire à la perfection, ce sentiment du "paradis perdu" (Milton), cette nostalgie du beau qui se manifeste dans cette complaisance envers le laid ? Si un artiste n’a plus la force d’être classique, alors il utilisera les artifices de second ordre du baroque.  
L’art classique procure le sentiment immédiat, magique, de la belle nature ; tandis que l’art baroque use de l’artifice, de l’illusoire. Le baroque, n’est-ce pas déjà la nostalgie de l’âge d’or, le monde de "la seconde nature" (Pascal) ?
Cette nostalgie ne se retrouve pas dans le dionysiaque, instinct le plus fort de la transfiguration de la vie, dont Nietzsche a peut-être donné l’expression la plus concise et la plus belle dans ces lignes (in Le cas Wagner) :
 
"Ils ont raison, ces jeunes gens allemands, puisqu’ils sont ainsi faits : comment pourraient-ils regretter l’absence de ce que, nous autres Alcyoniens, nous regrettons chez Wagner —la gaya scienza ; les pieds légers ; l’esprit, le feu, la grâce ; la grande logique ; la danse des étoiles ; l’insolente spiritualité ; les frissons de lumière du Midi ; la mer unie — la perfection..."


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°12003075
oceandepoe​sie75
Posté le 02-07-2007 à 17:14:37  profilanswer
 

foutre de a écrit :

hum, s'il n'y a plus de différence entre le corps et l'esprit, pourquoi cela ouvrirait-il toute vanne au matérialisme ?
le spititualisme devient matériel autant que la matérialisme devient spirituel. L'indifférenciation n'a aucune raison de se faire en faveur de l'un plutôt que de l'autre, ou alors on régresse en deçà...


 
J'avoue que je suis allé un peu vite. C'est vrai qu'en fin de compte les deux perspectives se tiennent mais ce dont on a l'impression comme le fait remarquer Damasio c'est que les neurosciences n'ont fait que déplacer le problème au lieu de l'avoir résolu: Si autrefois l'opposition corps/esprit signifiait la séparation totale de l'esprit et du corps, les neurosciences semblent avoir fait avancer le problème en distinguant l'esprit(cerveau+entité immaterielle parce qu'il semble que certain processus ne peuvent s'expliquer par des configurations neurales) et le reste du corps. Je me pose encore pas mal de question mais ce n'est pas encore très clair dans mon esprit. Mais mon souci principal reste quand même de pénétrer et de comprendre l'Ethique   qui est très difficile.

n°12005034
jean eymar​d
Posté le 02-07-2007 à 20:35:00  profilanswer
 

Foutre de a ecrit:

comprendre le monde ne m'intéresse pas, je ne me distingue pas du monde.


Bel  aveu s'il est sincère  :jap:  
Je trouve ça assez fascinant, c'est trés nouveau pour moi qui n'ai pas du tout les memes rapports au monde.
Le monde c'est toi, tu te vois essentiellement comme un acteur-moteur, une force agissante-créatrice, c'est trés pure comme vision, cependant ça me semble  quelque peu contradictoire avec la démarche philosophique classique.
A moins peut etre que tu penses créer ton propre sens dans un monde qui sans sujet pensant n'a pas de sens.
 

mais toi que fais-tu ? n'est-ce pas une performance que de comprendre le monde ? une autre de contaminer de son angoisse sincère son environnement ?
Bref quel dosages proposes-tu ?


Je ne dis pas que je comprend le monde, loin de la!, je dis seulement que j'ai un besoin viscéral de comprendre le monde (plus qu'intellectuel).
Pour moi, les philosophes interessants sont ceux qui se sont dirigés vers la philosophie parce qu'ils ressentaient une souffrance, un malaise, un mal-etre a la base.
Je ne crois pas que l'intellect pur puisse se brancher sur le monde, je le vois davantage comme un outil permettent d'éclaircir-préciser une intuition (d'origine affective donc). Comme tu l'as dis un peu plus loin, je crois a la préiminence de l'affectif  sur l'intellect, c'est pour ça que quand je lis un discours, meme brilllant, s'il me semble froid, je ne lui prete pas toute ma considération.  
 
Sinon, il ne s'agit surtout pas de contaminer son environnement de son angoisse, au contraire je dirais que c'est lorsque l'on éprouve de l'angoisse que l'on cherche a tout prix a éviter de la faire partager aux autres.  
Mais tu as peut etre mis le doigt sur quelque chose d'important, malgré tous ses efforts, est-ce qu'en définitive on peut eviter de contaminer les autres ?
Entre les etres, c'est peut etre simplement une question de domination, il y en a qui se font absorber, d'autres qui contaminent.
 

C'est quoi tes machines désirantes ?


La je comprend pas ton emploie du mot "machines", il y a peut etre kkc d'important.
 

"Sans distance, pas de ressenti."


Je ne suis évidemment pas d'accord avec Rashan la dessus, pour moi c'est tout le contraire, la distance permet d'analyser, pas de ressentir.
Et quand on souffre et que l'on se met a analyser, c'est souvent pour minimiser sa souffrance.  
 
Sinon je te suis reconnaissant d'avoir tenter de théoriser ce que j'essayais d'exprimer avec mon ressenti a moi. :)  
 
 
 
 

n°12005531
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 21:16:22  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Très intéressant foutre (pour une fois que je comprend un post contenant les noms de Laruelle Vadinolci et Henry, je suis vraiment content, vais aller fumer un pétar pour fêter ça)

 

devrais faire tourner, y a Alcyon36 qui cherche une ultime boulette en brossant son tapis de salon avec un peigne anti-poux.... :D

 


Rahsaan> En fait, ayant rédigé ce post à la pédagogie plus accessible donc, je me suis demandé quelles résistances pouvaient être les tiennes devant cette histoire de chair, alors que ce n'est qu'une Nième approche de la Volonté (comme monde ou de puissance), bref de la pulsion ou encore de l'inconscient...
Je ne t'entends pas souvent parler psychanalyse (j'entends jamais personne parler psychanalyse ici en fait... ouhouh! y a quelqu'un ?), mais Schopenhauer et nietzsche ne te semblent pas aussi rébarbatifs que henry on dirait... alors : quel est ce mystère ?

Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 03-07-2007 à 08:07:55

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°12005628
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 21:20:27  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

Foutre de a ecrit:
[fixed]


 
 
je ne sais pas si ça peux t'aider mais au dessus de chaque message, il y a des petits symboles dont l'usage peut s'avérer utile, notamment celui avec un +, si tu veux citer des posts différents.. ;)


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°12005806
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 21:33:07  profilanswer
 

oceandepoesie75 a écrit :

mon souci principal reste quand même de pénétrer et de comprendre l'Ethique   qui est très difficile.


 
Pierre macherey, Introduction à l'Ethique, 5 tomes (un par livre de l'Ethique), PUF
et les deux incontournables Deleuze (surtout sa thèse complémentaire sur l'expression qui est tiptop!)


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
mood
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Posté le 02-07-2007 à 21:33:07  profilanswer
 

n°12006189
neojousous
Posté le 02-07-2007 à 22:00:41  profilanswer
 

Perso, j'ai commandé "Le spinozisme" qui avait l'air d'avoir une bonne réputation sur le forum. http://www.infotechart.com/jalbum/ [...] petard.jpg

n°12006232
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 22:03:29  profilanswer
 

un godemichet qui fonctionne au charbon?  


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°12006237
oceandepoe​sie75
Posté le 02-07-2007 à 22:03:57  profilanswer
 

Merci à vous deux pour vos références qui vont m'être très utiles!
 
J'ai lu l'article concernant Spinoza dans le Gradus Philosophique mais je trouve qu'il n'en dit pas assez!


Message édité par oceandepoesie75 le 02-07-2007 à 22:11:27
n°12006522
neojousous
Posté le 02-07-2007 à 22:27:58  profilanswer
 

foutre de a écrit :

un godemichet qui fonctionne au charbon?


 
j'aurai pas la témérité de vérifier cette fonction

n°12006930
foutre de
Posté le 02-07-2007 à 23:10:36  profilanswer
 

c'est parce que tu n'a spas de chatte sous la main
 
 
http://laurent16.hautetfort.com/images/medium_051116-_chat_joint_petard.jpg


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°12007040
phyllo
scopus inornatus
Posté le 02-07-2007 à 23:28:50  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Perso, j'ai commandé "Le spinozisme" qui avait l'air d'avoir une bonne réputation sur le forum. http://www.infotechart.com/jalbum/ [...] petard.jpg


 
De Delbos ?
 
Deleuze dans ses cours dont on a vu passer un lien récemment le conseille à ses élèves sans détour. Il dit un truc du genre : "si vous avez besoin d'explication pour l'éthique, c'est ce livre là qu'il faut prendre".

n°12007283
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 00:19:08  profilanswer
 

phyllo a écrit :

De Delbos ?
 
Deleuze dans ses cours dont on a vu passer un lien récemment le conseille à ses élèves sans détour. Il dit un truc du genre : "si vous avez besoin d'explication pour l'éthique, c'est ce livre là qu'il faut prendre".


 
Ouai le Delbos, il devrait arriver demain.
Sympa la chatte à Foutre

n°12008919
jean eymar​d
Posté le 03-07-2007 à 11:21:47  profilanswer
 

foutre de a écrit :

je ne sais pas si ça peux t'aider mais au dessus de chaque message, il y a des petits symboles dont l'usage peut s'avérer utile, notamment celui avec un +, si tu veux citer des posts différents.. ;)


Si tu réponds a mon post précedent, j'essaierais d'améliorer ma présentation.  :o  

n°12009578
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 12:35:32  profilanswer
 

foutre de a écrit :

Rahsaan> En fait, ayant rédigé ce post à la pédagogie plus accessible donc, je me suis demandé quelles résistances pouvaient être les tiennes devant cette histoire de chair, alors que ce n'est qu'une Nième approche de la Volonté (comme monde ou de puissance), bref de la pulsion ou encore de l'inconscient...
Je ne t'entends pas souvent parler psychanalyse (j'entends jamais personne parler psychanalyse ici en fait... ouhouh! y a quelqu'un ?), mais Schopenhauer et nietzsche ne te semblent pas aussi rébarbatifs que henry on dirait... alors : quel est ce mystère ?


 
Si j'ai une résistance vis-à-vis de ce concept, c'est peut-être parce que mon mémoire de maîtrise y était consacré, et que j'ai l'impression, à la fin, de n'avoir pas abouti à quelque chose : j'ai l'impression que la chair ne fait que nous fermer sur nous-mêmes, sur mon ressenti, ma petite sphère personnelle, mon petit moi... Chez Husserl, le thème de l'intersubjectivité (qui était celui de mon mémoire) constitue une impasse (Didier Frank, venu au séminaire de JL Marion l'avait confirmé). Donc soit la subjectivité est première et dans ce cas, on ne parvient pas à renouer le lien avec autrui, donc l'intersubjectivité n'est pas vraiment "pensable" (je ne ressens pas la chair d'autrui, je ne peux pas réellement voir le monde d'où il le voit).  
Et si on pose que l'intersubjectivité est première, alors c'est la notion même de subjectivité qui devient problématique, car si je suis fondamentalement un être intersubjectif (un être pour autrui, un être dans un monde), alors comment la subjectivité est-elle possible (c'est à dire une sphère égoïque immanente à elle-même) ?
 
Bref, c'est un vrai casse-tête. [:spamafote]
 
Sur la notion même de chair, je ne sais pas bien... Peut-être que je ne suis pas trop convaincu par ces notions de ressentis charnels du monde, ces expériences d'intimité et d'auto-affection, de pure présence à soi et au monde... Cela ne me parle guère. Je suis plus convaincu par l'idée heideggerienne du caractère ex-tatique de l'existence. Ce qui est bien, en passant, parler de la chose la plus banale du monde : la plupart du temps, je suis occupé à d'autres choses qu'à moi-même, surtout dans les occupations, les besoins, les soucis quotidiens. Je suis en "ex-tase" devant cette table, ce crayon, le trottoir, le travail qui m'attend...  
D'où cette formule que je propose, marquée du sceau du paradoxe : l'attitude extatique n'est, le plus souvent, en rien mystique.
 
Peut-être que devant un tableau de Cézanne je peux m'immerger dans l'intensité charnelle de la peinture, me plonger dans un univers d'immanence pure, être traversé par les formes et les couleurs que je vois et ressens. Mais c'est alors une expérience plutôt rare.  
 
J'en viens au point que tu me réclames (à juste titre), sur la distance et le ressenti. Je disais : "sans distance, pas de ressenti". Or Jean Eymard me dit que la distance permet au contraire l'analyse, l'étude.  
La distance serait pour le sens de la vue, le ressenti, en tant que contact, pour le toucher. Mais la chair suppose la distance entre senti et ressenti : quand je sens le bois de la table, je me ressens d'abord touché. Le touché est plus profond que le touchant. Or, il me semble que cela suppose un minimum de distance (ou bien peut-être de distinction) entre le corps et la chair, puisqu'un corps non-charnel n'est ni touchant ni touché : il n'a aucune "distance" par rapport à lui-même, il est entièrement hors de lui-même. Alors que le leibkörper est intériorité, ce qui oblige bien à penser une différenciation si minime soit-elle, entre le touché et le touchant, cette distance minimale pour que le ressenti soit possible.
 

  • Par ailleurs, non je n'y connais pas grand'chose à la psychanalyse. J'en apprends un peu en lisant Zizek, qui est disciple de Lacan. L'aspect proprement philosophique de la psychanalyse m'intéresse, mais pas les méthodes de traitement, tout ce vocabulaire ésotérique, occulte. Chez Lacan, je comprends un peu mieux les notions d'objet petit-a et de traversée du fantasme.  

Autrement dit, j'aime bien la psychanalyse quand elle sort de son cabinet de consultation et de ses pratiques "mystérieuses" ; ainsi Freud et ses textes sur l'illusion religieuse et le malaise dans la civilisation.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 13:40:37

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°12009809
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 13:07:08  profilanswer
 

Deleuze, 17/03/87
http://www.webdeleuze.com/php/text [...] z&langue=1
(C'est moi qui ai ajouté les sauts à la ligne)
 
"Voilà exactement ce que nous dit Plotin : toute chose se réjouit, toute chose se rejouit d'elle-même, et elle se réjouit d'elle-même parce qu'elle contemple l'autre. Vous voyez, non pas parce qu'elle se réjouit d'elle-même. Toute chose se réjouit parce qu'elle contemple l'autre. Toute chose est une contemplation, et c'est ça qui fait sa joie. C'est à dire que la joie c'est la contemplation remplie. Elle se réjouit d'elle-même à mesure que sa contemplation se remplit.  
Et bien entendu ce n'est pas elle qu'elle contemple. En contemplant l'autre chose, elle se remplit d'elle-même . La chose se remplit d'elle-même en contemplant l'autre chose. Et il dit : et non seulement les animaux, non seulement les âmes , vous et moi, nous sommes des contemplations remplies d'elles-mêmes. Nous sommes des petites joies. Mais on ne le sait plus ! Sentez que ce sont les mots du salut de la philosophie.  
C'est la profession de foi du philosophe, et ça ne veut pas dire : je suis content. Quelles bêtises on a pu dire sur l'optimisme de Leibniz ; ça ne veut pas dire tout va bien ! Quand quelqu'un vous dit, comme Plotin : soyez des joies, ça ne veut pas dire allez les gars, tout va bien, soyez des joies, contemplez et remplissez vous de ce que vous contemplez. A ce moment là vous serez des joies.  
Et il dit : et non seulement vous et moi, vos âmes sont des contemplations, mais les animaux sont des contemplations, et les plantes sont des contemplations, et les rochers eux-mêmes sont des contemplations. Il y a un self-enjoyment du rocher. Du fait même qu'il contemple il remplit de ce qu'il contemple. Il se remplit de ce qu'il contemple et il est par là même self-enjoyment.  
Et il termine splendide, c'est un texte d'une telle beauté, il termine splendide : et on me dira que je plaisante en disant tout ça, mais peut-être que les plaisanteries elles-même sont des contemplations. C'est un texte splendide, voyez-le !"


Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 13:17:54

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n°12010174
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 13:46:52  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Salanskis dit aussi que la philosophie analytique se pare du prestige de la méthode scientifique, mais n'a rien saisi de celle-ci, si bien qu'elle se construit une identité publique et fictive qui fait sa fierté (et sa mauvaise réputation), mais qu'en pratique elle n'est pas capable de tenir sous peine de stérilité.


 
Euh perso j'ai l'impression du contraire. La philo analytique a saisi quelque chose du travail scientifique : la collaboration, le travail en communauté, la production d'articles courts ayant saisis quelque chose d'intéressant, plus que de gros pavés (pesant sur la réactivité, les échanges entre chercheurs). Pour ce qui est de l'usage de la logique, c'est une composante traditionnelle, mais non essentielle. Certaines branches l'utilisent peu (philosophie de l'esprit), voir pas du tout (philosophie de l'action). Pour qui est habitué à l'étude des sciences, la méthodologie analytique est très agréable, en ce sens que les arguments et contre arguments s'enchainent de manière rigoureuse, et surtout dans un soucis de clarté maximale.
La philo analytique ne se contente pas d'une méthodologie d'inspiration scientifique, mais aussi d'un soucis de prendre en compte le matériel empirique et théorique que la science lui fournit. A cela elle ajoute un autre outils, les expériences de pensée qui peuvent répugner à certains (une de mes profs me disait que c'était ce qu'elle aimait pas trop dans la philo analytique). Après, c'est pas la philo analytique qui a inventé ça, suffit de jeter un coup d'oeuil à l'oeuvre de Hume bourrée d'xps de pensée.
Pour la stérilité, je ne suis pas d'accord. Ce style "scientifique" permet de progresser, de tester une pensée, de creuser les apories jusqu'à cogner contre les limites du formalisme intrinsèque à cette pensée. Une nouvelle pensée plus subtile, au formalisme plus fin, en sort alors dévoilant des aspects jusqu'alors dissimulé.


Message édité par neojousous le 03-07-2007 à 13:47:42
n°12010550
jean eymar​d
Posté le 03-07-2007 à 14:24:14  profilanswer
 

Rahsaan,
Bien que tu t'ai adressé  a foutre de, je me permet de te répondre  car le sujet m'interesse au plus haut point.
Nul doute que le sus nommé le fera a son tour.
 
Pour moi le monde est subjectif, il s'unifie dans la subjectivité.
Mais si le monde est subjectif, l'intersubjectivité est possible.
Tous les etres vivants sont fait de la meme pate (certains vont jusqu'a englober ce qui n'est pas vivant), il est donc possible (dans l'absolu) a un etre de comprendre tous les autres et ceci grace a son ressenti.
Aprés tout, certains savent qu'un chien ou un chat peut arriver a comprendre son maitre, ses emotions...
C'est un peu pour ça que je disais que l'intellect est secondaire, qu'il n'est qu'un outil permettant de clarifier ce que l'intuition avait d'abord perçu.
[A noter que Shopenhauer va meme jusqu'a dire que l'intellect n'est que le valet de la volonté, toujours première].
Donc, puisque le monde est subjectif, si je veux comprendre les autres je dois les chercher en moi-meme, parfois trés loin certes.
Sinon le ressenti c'est l'interprétation immédiate que tu fais de l'information que t'apporte tes sens.
 
Le texte de Plotin est trés beau, je dirais avec mes pauvres mots a moi que pour se sentir exister, pour avoir envie d'exister, les autres nous sont necessaires.
On a tout simplement  besoin de se sentir utile sinon a quoi bon ?
Utile, mais pas comme un simple boulon.  
 

"La chose se remplit d'elle-même en contemplant l'autre chose"


Oui car c'est en moi que je suis descendu pour comprendre cette autre chose, et donc en comprenant cette chose je me comprend un peu plus moi-meme. Je comprend surtout ce qui me relie a cette autre chose.
 
 
 
 
   
 
 
 

n°12010597
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 03-07-2007 à 14:30:15  profilanswer
 

Neojousous, on sait tous que tu es un espion anglo saxon venu saper de l'intérieur la philosophie continentale dans cet auguste forum :o


---------------
A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°12010792
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 14:52:56  profilanswer
 

I don't understand what you're talking about ! Shit, i forgot how to speak in french !

n°12010816
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 14:54:43  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Neojousous, on sait tous que tu es un espion anglo saxon venu saper de l'intérieur la philosophie continentale dans cet auguste forum :o


 

neojousous a écrit :

I don't understand what you're talking about ! Shit, i forgot how to speak in french !


 
 :lol: A lire cet échange du tac au tac, on croirait deux artistes de music-hall.


Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 14:55:32

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°12011025
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 15:21:26  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

Oui car c'est en moi que je suis descendu pour comprendre cette autre chose, et donc en comprenant cette chose je me comprend un peu plus moi-meme. Je comprend surtout ce qui me relie a cette autre chose.


 
Oui, intéressant. :)  
 
De toute façon, il est "évident" que chacun a sa subjectivité, et que l'intersubjectivité est possible, sinon :
1) sans subjectivité, nous serions transparents les uns aux autres
2) sans intersubjectivité, chacun vivrait dans un monde séparé
 
Mais comment en rendre compte conceptuellement, sans en appeler à l'évidence ? C'est là que commencent les difficultés. Le monde est-il subjectivité ? n'est-il pas plutôt au-delà de ce qui est seulement subjectif ?
 
Si tu dis

le ressenti c'est l'interprétation immédiate que tu fais de l'information que t'apporte tes sens

, tu vois bien qu'il y a un minimum de décalage entre senti (contact par les sens) et ressenti (contact de ce contact).  
Le cours de Deleuze sur Plotin nous permet de comprendre que le self-enjoyment (disons : le sentiment heureux, grâcieux, de se sentir exister) n'est produit que par la contemplation de ce dont je procède, qui me précède donc en droit. La chair ne tire pas de self-enjoyment d'elle-même, mais du ciel bleu d'été, de Cézanne, des jeunes filles en fleurs... La chair ne se ressens que pour ressentir plus intensément le monde.  
Alors que s'abandonner au pur flux de conscience, cela ne m'évoque pas une expérience des plus attrayantes. Cet abandon à soi me rappelle plutôt ce moment où on est laissé à vide, traîné en longueur par le temps, ce que Heidegger appelle l'ennui.  
Est-ce vraiment si intéressant, si "immanent" de se sentir son petit corps vécu, et son petit moi, et son petit flot de conscience et ses petits soucis ?...  
"La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres" (Mallarmé)
 
Pour répondre à nouveau à Foutre de : je me souviens d'un article de Marcel Conche, où il disait qu'une métaphysique n'est pas une science, au sens où la métaphysique suppose un engagement du sujet, en tant que ce système de pensée fait sens pour lui, qu'il se sent porté à soutenir telle thèse plutôt qu'une autre.  
Ainsi, une philosophie qui ne nous parle pas ne nous semble pas tant fausse qu'inaudible : elle ne nous dit rien, nous ne voyons pas son intérêt pour notre vie. Nous la laissons juste passer, car elle ne retient pas tellement notre attention. Tant qu'on n'est pas prêt à "vivre" une pensée, à la laisser modifier notre vie, l'argumentation ne saurait nous convaincre.

Message cité 3 fois
Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 15:22:40

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n°12011171
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 03-07-2007 à 15:36:58  profilanswer
 

Citation :

Ainsi, une philosophie qui ne nous parle pas ne nous semble pas tant fausse qu'inaudible : elle ne nous dit rien, nous ne voyons pas son intérêt pour notre vie. Nous la laissons juste passer, car elle ne retient pas tellement notre attention. Tant qu'on n'est pas prêt à "vivre" une pensée, à la laisser modifier notre vie, l'argumentation ne saurait nous convaincre.


 
 
 :)


---------------
A pédant, pédant et demi. Qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
n°12011210
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 15:40:43  profilanswer
 

Etonnant, je viens juste de citer à Rahsaan sur msn ces 3 lignes là, en lui disant que j'étais totalement d'accord :)

n°12011310
jean eymar​d
Posté le 03-07-2007 à 15:48:38  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Oui, intéressant. :)  
 
De toute façon, il est "évident" que chacun a sa subjectivité, et que l'intersubjectivité est possible, sinon :
1) sans subjectivité, nous serions transparents les uns aux autres
2) sans intersubjectivité, chacun vivrait dans un monde séparé
 
Mais comment en rendre compte conceptuellement, sans en appeler à l'évidence ? C'est là que commencent les difficultés. Le monde est-il subjectivité ? n'est-il pas plutôt au-delà de ce qui est seulement subjectif ?
 
Si tu dis

le ressenti c'est l'interprétation immédiate que tu fais de l'information que t'apporte tes sens

, tu vois bien qu'il y a un minimum de décalage entre senti (contact par les sens) et ressenti (contact de ce contact).  
Le cours de Deleuze sur Plotin nous permet de comprendre que le self-enjoyment (disons : le sentiment heureux, grâcieux, de se sentir exister) n'est produit que par la contemplation de ce dont je procède, qui me précède donc en droit. La chair ne tire pas de self-enjoyment d'elle-même, mais du ciel bleu d'été, de Cézanne, des jeunes filles en fleurs... La chair ne se ressens que pour ressentir plus intensément le monde.  
Alors que s'abandonner au pur flux de conscience, cela ne m'évoque pas une expérience des plus attrayantes. Cet abandon à soi me rappelle plutôt ce moment où on est laissé à vide, traîné en longueur par le temps, ce que Heidegger appelle l'ennui.  
Est-ce vraiment si intéressant, si "immanent" de se sentir son petit corps vécu, et son petit moi, et son petit flot de conscience et ses petits soucis ?...  
"La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres" (Mallarmé)
 
Pour répondre à nouveau à Foutre de : je me souviens d'un article de Marcel Conche, où il disait qu'une métaphysique n'est pas une science, au sens où la métaphysique suppose un engagement du sujet, en tant que ce système de pensée fait sens pour lui, qu'il se sent porté à soutenir telle thèse plutôt qu'une autre.  
Ainsi, une philosophie qui ne nous parle pas ne nous semble pas tant fausse qu'inaudible : elle ne nous dit rien, nous ne voyons pas son intérêt pour notre vie. Nous la laissons juste passer, car elle ne retient pas tellement notre attention. Tant qu'on n'est pas prêt à "vivre" une pensée, à la laisser modifier notre vie, l'argumentation ne saurait nous convaincre.


Peut etre  me suis je mal exprimé en disant que le ressenti est une interprétation, meme immédiate.
Si le ressenti est vérité il ne peut etre une interprétation.
 
"la chair est triste"  oui probablement, mais ce qui anime la chair ne l'est pas.
De plus, je ne parle surtout pas d'un abandon a soi mais d'une ouverture a ce qui n'est pas soi c'est cela qui donne l'impression d'exister.
Savoir que l'on est pas seul, que l'on peut comprendre cet autre, que cet autre nous ressemble (en partie du moins), qu'il peut nous faire grandir et que l'on peut le faire grandir.

n°12011363
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 15:52:55  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

"la chair est triste"  oui probablement, mais ce qui anime la chair ne l'est pas.


 
Très bien dit. :)
 

jean eymard a écrit :

De plus, je ne parle surtout pas d'un abandon a soi mais d'une ouverture a ce qui n'est pas soi c'est cela qui donne l'impression d'exister.
Savoir que l'on est pas seul, que l'on peut comprendre cet autre, que cet autre nous ressemble (en partie du moins), qu'il peut nous faire grandir et que l'on peut le faire grandir.


 
Tout à fait. ;)
Dans ce cas, la chair est un "point de passage", un "milieu de vie" traversée par des courants, des intensités qui la dépassent.


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n°12011396
alcyon36
Posté le 03-07-2007 à 15:56:08  profilanswer
 

j'ai sauvé les meubles...un ptit 16 pr mon memoire;)


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°12011407
jean eymar​d
Posté le 03-07-2007 à 15:57:29  profilanswer
 


Moi je suis pas vraiment d'accord avec ceci:

Ainsi, une philosophie qui ne nous parle pas ne nous semble pas tant fausse qu'inaudible : elle ne nous dit rien, nous ne voyons pas son intérêt pour notre vie. Nous la laissons juste passer, car elle ne retient pas tellement notre attention. Tant qu'on n'est pas prêt à "vivre" une pensée, à la laisser modifier notre vie, l'argumentation ne saurait nous convaincre.


 
Tu peux lire un texte qui te semble confu, complexe et que tu ne comprends pas trés bien ,mais  tu seras capable de dire si ce texte  a de la valeur ou pas.
Disons que tu le ressentiras. Je suppose que c'est la meme chose quand on rencontre un grand homme, on le comprend pas mais on voit(ressent) qu'il y a quelque chose de grand chez lui.

n°12011427
alcyon36
Posté le 03-07-2007 à 15:59:16  profilanswer
 

jean eymard a écrit :

Moi je suis pas vraiment d'accord avec ceci:

Ainsi, une philosophie qui ne nous parle pas ne nous semble pas tant fausse qu'inaudible : elle ne nous dit rien, nous ne voyons pas son intérêt pour notre vie. Nous la laissons juste passer, car elle ne retient pas tellement notre attention. Tant qu'on n'est pas prêt à "vivre" une pensée, à la laisser modifier notre vie, l'argumentation ne saurait nous convaincre.


 
Tu peux lire un texte qui te semble confu, complexe et que tu ne comprends pas trés bien ,mais  tu seras capable de dire si ce texte  a de la valeur ou pas.
Disons que tu le ressentiras. Je suppose que c'est la meme chose quand on rencontre un grand homme, on le comprend pas mais on voit(ressent) qu'il y a quelque chose de grand chez lui.


vous ne parlez pas de la même chose, ce que tu dis est vrai, mais Rashaan ne disait pas le contraire;)


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°12011450
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 16:03:22  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

j'ai sauvé les meubles...un ptit 16 pr mon memoire;)


 
 :lol: Tu fais mieux que sauver les meubles, pour un travail fait dans l'urgence !  
 

alcyon36 a écrit :

vous ne parlez pas de la même chose, ce que tu dis est vrai, mais Rashaan ne disait pas le contraire;)


 
En effet.  
Dans le cas que tu présentes, Jean Eymard, tu piges intuitivement la pensée, même si tu te l'expliques encore mal.
 
EDIT
Déjà 5600 réponses et 136.000 vues pour notre topic. :)


Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 17:02:14

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n°12013168
Baptiste R
Posté le 03-07-2007 à 19:05:18  profilanswer
 

Citation :

Déjà 5600 réponses et 136.000 vues pour notre topic. :)


 
http://www.jedessine.com/img/audimat-66694.jpg


Message édité par Baptiste R le 03-07-2007 à 19:05:29
n°12013246
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 19:14:30  profilanswer
 

Moi ce que je trouve dommage, c'est que avec 140 pages c'est dur de retrouver des posts précis, alors qu'il y en a un paquet de franchement géniaux, passionants... quelqu'un est motivé à tout indexer ? Et après on sort le topic en bouquin ? :D

n°12013307
Erroriste
Posté le 03-07-2007 à 19:24:11  profilanswer
 

Avant de continuer, sur ce thread impressionnant et intimidant par la tenue et le foisonnement issus des intervenants, je suis un lecteur très occasionnel de Valdinoci (que j'ai eu comme professeur) et Laruelle (mais aussi Deleuze, Sloterdijk, etc.), le site de la non philosophie m'ayant conduit ici. Lecteur occasionnel, je serai aussi posteur occasionnel - sans nécessité - avec la maladresse et la timidité d'un autostoppeur à l'occasion d'un voyage intempestif. :) (puis faut vous suivre, bande de furieux ! !)

 
Citation :

[foutre de] L'europanalyse se présente comme un travail très corporel, qui passe par une réelle appréhension du fond de sensations dont est capable notre corps, impressions, équilibres, vacillements, mouvements, chaleurs etc. jusqu'à la sensation de la durée bergsonienne comme flux, ou chute inexorable.


Du peu que je me souvienne, Valdinoci l'avait d'ailleurs souvent assimilée à une "phénoménopathie", c'est à dire une science en-tact de la "multitude" des phénomènes (comme Stimung, climat, lebenswelt, ambiance antéprédicative, non comme une « symphonie de particules de sensations » comme chez Hume) laissée intacte, sans découpage par le logos et ses séparation en domaines distincts. Une science (des) esthésies sans distance logocentrique. Bien entendu, il ne s'agit pas de retomber dans l'illusion romantique et ses exaltations, seulement prêter l'oreille "la chair de l'esprit" (l'Un-stinct ?) à l'immensité dans laquelle je et le monde sont. Cela nécessite dont une réelle réduction... (foutre de l'a déjà bien mieux exposé).

 

A bientôt ! :hello:  

 

Note pour plus tard : Il faudrait vraiment que je lise le thread en entier...  :sweat:


Message édité par Erroriste le 03-07-2007 à 19:27:09
n°12013356
rahsaan
Posté le 03-07-2007 à 19:30:24  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Moi ce que je trouve dommage, c'est que avec 140 pages c'est dur de retrouver des posts précis, alors qu'il y en a un paquet de franchement géniaux, passionants... quelqu'un est motivé à tout indexer ? Et après on sort le topic en bouquin ? :D


 
Il y a quelques liens au premier post.  
Et puis, la fonction recherche est pratique, en cherchant un mot précis et/ou le post d'un forumeur. :)
 
> Baptiste R : je sais bien que l'audimat ne fait pas la qualité, mais quand même. :o Ce topic a 4 ans, il tient le coup et je trouve que c'est bien. :)  
 
> Erroriste : si tu veux tout lire, page après page, tu n'es pas sorti. :D
Mais ça doit être marrant de voir l'évolution des gens, au cours des années.


Message édité par rahsaan le 03-07-2007 à 19:33:12

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n°12013500
pascal75
Posté le 03-07-2007 à 19:44:32  profilanswer
 

En première page j'ai mis quelques liens (le hall of fame :D) vers des posts qui ont (ou qui auraient pu...) initié des discussions. Il y en manque beaucoup, je vais m'y mettre.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°12013609
alcyon36
Posté le 03-07-2007 à 19:56:24  profilanswer
 

voilà kelk remarques sur la construction européenne...facon gros pavé indigest.
pour ki vx...;)
 
La construction européenne ;
Ambiguïté constructive et européanisation
 
 
La construction européenne est sans aucun doute une tentative politique des plus singulière. Après avoir développé et répandu  la forme-nation à travers le monde, au point  que cette dernière en est devenue la norme, les nations européennes ont entrepris un processus d’intégration à ce jour inédit sur l’ensemble du globe. Cette singularité de la construction européenne en fait un « objet » particulièrement difficile à saisir et à décrire ; quels concepts ou schèmes devons-nous utiliser ? Devons nous en créer de nouveaux ? Tout un ensemble de joyeuses perspectives pour la recherche en sciences politiques.
Dégageons un peu le sens de cette singularité. Ne pourrions nous pas simplement dire, en insistant, et ce à juste titre, sur le rôle prépondérant des Etats membres au sein du processus de décision de l’Union Européenne, que l’Europe n’est, au bout du compte, qu’une Organisation Internationale, comme l’on peut en trouver à différentes échelles régionales ? Rien n’est moins sûr ;

Citation :

Il faut commencer par souligner, à cet égard, ce que le processus européen a de parfaitement original à la surface du globe. Il est banal d’invoquer à son propos, afin d’en plaider la nécessité, les exemples d’intégration économique régionale qui se multiplient un peu partout dans le monde, en Amérique ou en Asie. Le rapprochement n’est pas infondé, là aussi, mais il ne saisit qu’une petite partie de la question, la moins importante. L’Alena ou le Mercosur n’ont pas grand-chose à voir, en vérité, avec ce que représente la construction européenne. Il est indispensable de bien en mesurer la spécificité. (M. Gauchet, La condition politique, X, p. 466)


 
En effet, les effets que la construction européenne peut avoir sur notre vie quotidienne, ne sont aucunement comparables à ceux, dont sont capables l’Alena ou le Mercosur.
A vrai dire, la comparaison avec un Etat fédéral n’est pas plus éclairante. Certes, la construction européenne, à l’instar du développement de l’Etat moderne, passe par l’appropriation progressive de différentes prérogatives de puissance publique. Mais il est intéressant de mettre en exergue, que ce mouvement d’appropriation s’effectue en sens inverse de celui de l’Etat moderne ; la défense européenne et le projet d’une armée commune ne sont plus que lettres mortes, l’idée d’une fiscalité et d’un impôt européens semblent encore bien loin devant nous. En revanche, l’Union Européenne semble pouvoir s’enorgueillir de posséder sa propre monnaie. Mais là encore, le processus n’est pas encore parvenu à son terme. D’ailleurs, aussi comparables que puissent être le développement de l’Etat et celui de la construction européenne, nous ne retrouvons pas dans cette dernière les schèmes, qui fonctionnent dans le cadre national ; la séparation des pouvoirs, les changements de majorité…  
Cette ambiguïté est au cœur de la construction européenne, de son projet, et  peut-être même aussi ce qui a permis, en tout cas jusqu’à maintenant, au processus d’européanisation de s’effectuer. Comme le rappelle  P. Manent ;
 

Citation :

La « construction européenne » n’a progressé qu’à la faveur de cette ambiguïté, qui faisait de l’Europe à la fois une chose prosaïque et utile – disons comme la PAC en son temps – et une chose sublime, cette fédération européenne, ces Etats-Unis d’Europe qui accompliraient dans la liberté le rêve de Charlemagne. ( P. Manent, Cours familier de philosophie politique, VI, p. 107)


C’est donc bien, en un sens, « à la faveur » de cette ambiguïté constructive que s’est développée l’Europe. Certes, voici maintenant quelques années que la construction européenne semble en crise, que des critiques de plus en plus sérieuses se font entendre sur son manque de légitimité, son déficit démocratique (les critiques contre des institutions comme la Commission européenne) et de représentation… Pour autant, il n’est pas contestable que le processus d’européanisation a déjà fait un bout de chemin ; l’idée européenne nous imprègne, nous vivons avec elle ;

Citation :

Dans la logique des travaux des historiens consacrés à l’idée républicaine (M. Agulhon et E. Weber notamment), ce concept (d’européanisation) doit permettre d’observer le degré d’imprégnation de l’idée européenne. Les citoyens de l’Union Européenne l’ont intériorisée comme une réalité évidente, déjà là, extérieure à leurs espaces nationaux et compatible avec une conception du « nous ».  (  G. Courty, G. Devin, La construction européenne, p. 105.)


 
Cette référence au problème de la républicanisation est particulièrement intéressante. Il s’agissait, en l’espèce, de comprendre le rôle de la pédagogie républicaine dans l’exposition des individus au sentiment républicain, c'est-à-dire, en dernière instance, comprendre comment des paysans sont devenus des citoyens de la République. Tout le problème, pour les tenants de la République, étant justement de faire face à la réticence de la population. En effet, l’adhésion à l’idée républicaine était loin d’aller de soi. Il fallait, à l’époque, réussir à faire comprendre, à incorporer, une idée politique à une population démunie de compétence littéraire. Il s’agit alors de mettre en exergue l’ensemble du dispositif, la mise en place de différentes stratégies afin de conquérir le cœur et la tête de la population ; développement des écoles, lutte contre l’analphabétisme, création de symboles et de slogans, afin de faciliter la transmission… L’Europe est quelque chose que nous ne voyons pas, elle nous est étrangère. Pour autant, nous la côtoyons dans l’actualité, dans notre vie quotidienne… pour le dire brièvement, notre rapport à l’Europe est distant et discontinu. Aussi, à la manière dont Marx aimait à répéter que c’est « la mort qui saisit le vif », il s’agit pour nous de savoir comment nous sommes saisis par l’Europe ?
 
Sur ce point, l’idée européenne est, tout autant,  un label que la République. Différents agents ne cessent de se saisir de l’idée européenne, de s’en  prévaloir, de s’en revendiquer, bref, de s’en servir. C’est justement « la multiplication des usages » de ce « label » européen, qui tend à donner une existence effective à l’idée européenne.

Citation :

Un demi-siècle après les premières initiatives, L’union européenne est un symbole de plus en plus présent dans les représentations que donnent d’eux-mêmes les pays membres (i.e. : son drapeau bleu étoilé, son hymne de Beethoven, sa nature Europa de R.-L. Chavanon, sa fête le 9 mai commémorant la déclaration de R .Schuman sur la CECA). Etroitement mêlé à des réalisations concrètes, le succès de l’Europe est aussi celui d’investissements symboliques multiples. (  G. Courty, G. Devin, La construction européenne, p. 104.)


 
Comment la construction européenne cherche-t-elle à justifier son bien fondé ? Nous y reviendrons, mais il faut commencer par remarquer que la pédagogie sur l’idée européenne, même si elle tend, peu à peu, à se développer, n’existe quasiment pas…elle n’en n’est qu’à ses balbutiements. Ce qui est particulièrement frappant en ce qui concerne la construction européenne et les stratégies de justification qu’elle déploie, c’est le rôle, visiblement secondaire, accordé à la pédagogie. Que font donc les institutions européennes pour nous convaincre, nous citoyens, de leurs pratiques ? On peut noter, par exemple, les discours du Président de la Commission européenne devant les parlements nationaux... et d’autres tentatives de ce genre.
Mais, nous voyons bien les limites inhérentes à de telles initiatives, à savoir  leur incapacité à toucher les citoyens. Pouvoir être touchés, interpellés par ce genre de dispositif politique, n’est possible que pour certains citoyens, et en réalité un très petit nombre. Car, non seulement pour saisir, mais bien aussi pour être seulement curieux, intéressé par la chose européenne et  sa vie politique, il est de première nécessité de posséder une réelle connaissance des institutions, des rapports de forces entre Etats… Nous pourrions, sur ce point, reprendre l’expression de Daniel Gaxie, qui parlait, à propos de la question générale de la politisation, d’un « cens caché » . En effet, s’il est nécessaire d’être surdiplômé pour pouvoir appréhender la construction européenne, alors nécessairement si l’on ne possède pas ces pré-requis, le désintéressement est loin d’être étonnant.
 
A ce propos, il serait assez intéressant de prendre en considération le rôle déterminant des média. La manière dont le traitement des informations est effectué a une influence non négligeable. Il faudrait, par exemple, compter le nombre d’envoyés spéciaux uniquement détachés aux différents lieux où s’exerce le pouvoir européen (Bruxelles, Strasbourg…), afin de mesurer le faible investissement des média pour la question européenne. .
Mais même si ils ne sont pas particulièrement intéressés par les enjeux européens, ou seulement dans le cadre d’une renationalisation de l’information, ce qui est le plus remarquable, c’est cette flagrante incapacité de l’Union européenne et de ses institutions à produire et proposer du simple à penser et à comprendre.  
 
 
S’il nous semblait nécessaire d’insister particulièrement sur cette question du rôle marginal qu’occupe la pédagogie dans le dispositif d’européanisation que déploie l’Union européenne, il n’est pas question pour nous, de prétendre réduire ce dernier à cette lacune. En effet, l’ensemble de la situation n’est pas aussi simple. L’Union européenne loin d’être inactive et d’occulter le problème, s’est, au contraire, efforcée d’explorer et d’exploiter différents terrains.
Les institutions européennes tentent,  d’une certaine façon, de façonner un homme européen ; l’ « homo europeus ». Certes, c’est une fabrication très lente et partielle, mais se déroulant sur différents plans, elle produit d’indubitables effets. Qui est donc saisis par Union Européenne, et comment ?
 
*Sur le premier plan, l’homme que l’idée européenne saisit, est celui qui est enserré par une politique commune de l’Union Européenne. Il s’agit d’un homme au travail ; les agriculteurs, les marins pêcheurs, les mineurs…qui à un moment ou un autre, se retrouvent en prise avec l’Europe.  

Citation :

Avec le développement des politiques publiques européennes et la création de l’euro, toutes les situations professionnelles sont progressivement visées, et les labels se multiplient, englobant de plus en plus de secteurs économiques et donc de métiers : Europe sociale, Europe de l’image, Comité d’entreprise européen, etc.…Dans cette perspective, d’autres dimensions de l’Europe s’édifient, mais de plus en plus subjectives. Elles ne résultent plus directement de l’action des groupements d’intérêts, mais s’imposent à chacun dans l’exercice de sa profession : les identités professionnelles sont au centre des réflexions et également au cœur des politiques sectorielles (  G. Courty, G. Devin, La construction européenne, p. 105-106)


Ce n’est qu’en fonction de l’intensité d’une politique commune que certains se retrouvent saisis par L’Europe, alors que d’autres en sont totalement ignorés.
Il faut également prendre en considération le développement, à la suite de l’acte unique, de programmes de recherches scientifiques portant sur le médical, les télécommunications…près de 2500 nouveaux programmes d’insertion depuis 1985. L’intérêt de ces programmes est évidemment la multiplication des possibilités offertes, par le renforcement du travail entre les Etats au sein de l’Union.
 
*Ensuite, l’Europe s’intéresse aussi grandement à la formation de l’identité du futur européen ; ce n’est pas tout de saisir l’homme du présent, il faut tout autant s’adresser à celui de demain. C’est particulièrement à partir des années 80 que l’Union européenne a commencé le développement d’une politique éducative. Il s’agit de faciliter le déplacement des étudiants au sein de l’Europe, on songe aux programmes ERASMUS et TEMPUS, et celle des enseignants. Mais, il faut tout autant, favoriser et aider la formation professionnelle avec le projet LEONARDO, ou développer les stages professionnels à travers l’Europe …
Même si ces différents programmes, projets ou institutions, comme l’institut universitaire de Florence, restent dans l’ensemble plutôt timides, et n’obtiennent pour l’instant que des effets marginaux, ce qu’il faut retenir, c’est bien le but affiché par l’Union européenne, de tenter d’élever les générations à venir, de manière à ce qu’elles soient sensibles et conscientes des enjeux propres à la construction européenne.
 
*Enfin, nous devons prendre en considération, les prémices de la définition d’une citoyenneté européenne, qui se traduisent par le développement d’un ensemble d’éléments en mesure de la composer. On songe principalement à la reconnaissance du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes pour tous les citoyens d’un Etat de l’Union Européenne. L’existence d’une protection diplomatique pour tous les ressortissants d’un Etat membre. Il faut y ajouter l’ouverture d’un recours auprès du médiateur, en cas de mauvaise administration (13000 plaintes depuis 1995) et le développement du droit de pétition auprès du parlement européen, permettant ainsi aux citoyens, dans une certaine mesure, de faire entendre leurs revendications. Malgré ces quelques tentatives, les vrais problèmes de citoyenneté se cristallisent particulièrement autour des droits politiques.
 
 
Bien qu’elle soit présente dans de très nombreuses sphères, l’idée européenne n’en est pas pour autant acceptée univoquement par tous. Les années 80 ont vu se mettre en place le concept d’euroscepticisme. Ce concept fut forgé afin de mettre en exergue la diversité des opinions sur la construction européenne.
Comme nous l’avons vu, pour faire l’Europe, il faut convaincre. Il s’agit donc d’être en mesure de connaître les raisons de ceux qui ne sont pas convaincus, leurs doutes quant à la construction européenne… Aussi, la création de nouvelles organisations, à savoir les Eurobaromètres (1973) et Eurostat (1970), dont le rôle est « d’harmoniser les données socio-économiques concernant les pays membres et de suivre l’évolution des opinions à l’égard d’un processus historique qui est aussi un projet. » est loin d’être anodine.  Les Eurobaromètres semblent bien relever une certaine stabilité dans le soutien des européens à l’idée européenne depuis 1962 ; l’engouement reste toujours plus ou moins le même. En fait, ce qu’il faut prendre en compte, c’est que pendant longtemps, la construction européenne c’est faite dans l’ombre, à l’écart des peuples. Ainsi, jusqu’aux problèmes rencontrés lors de l’adoption du traité de Maastricht en 1992, l’Europe ne s’est pas construite par rapport aux opinions publiques des différents Etats membres. D’ailleurs, comme le relève justement Courty et Devin ;  

Citation :

Les enquêtes Eurobaromètres confirment globalement l’existence d’un niveau stable de soutien à la construction européenne depuis 1962, mais avec des nuances qui n’ont guère retenu l’attention des décideurs : les questions posées systématiquement sur le « moral des Européens » permettaient pourtant de saisir les positions peu favorables des Danois et des Britanniques. (Idem)


Aussi, ce n’est que très tardivement et lorsque la réticence de certaines opinions publiques commença à devenir saillante, que l’Union européenne s’est efforcée d’exercer une politisation de ces sondages ; elle a, en effet, développé de nouvelles questions portant sur l’élargissement, l’adoption de la monnaie unique, le Traité Constitutionnel Européen… et ce, afin de pouvoir mieux appréhender et agir sur les opinions publiques en question. Une telle volonté, bien qu’elle soit sans doute nécessaire (mieux vaut s’intéresser aux opinions publiques des Etats membres que de les ignorer totalement),  semble plutôt difficile à mettre en oeuvre, tant le traitement de ces données est hasardeux. Un des grands problèmes de ces sondages, est justement l’incompétence des européens en ce qui concerne l’Union européenne. Il s’agit là, d’un problème classique de la sociologie portant sur la mesure des « opinions publiques ». En effet, de tels sondages fabriquent des artefacts, des faits artificiels. En imposant à l’enquêté d’exprimer une opinion sur un problème qu’il ne maîtrise pas, ou qui ne suscite chez lui aucune réflexion spontanée. De telles enquêtes ne permettent pas aux individus interrogés, de pouvoir avouer leurs incompétences sur un sujet donné.
En ce qui concerne la construction européenne, il est, comme nous l’avons déjà indiqué, plus nécessaire, afin de comprendre le rôle et le fonctionnement des différentes institutions, l’histoire dans laquelle s’inscrit cette construction, les différentes prérogatives…de posséder une réelle connaissance de l’Union européenne et de ses enjeux. (sans parler tout ce qui se joue de politique étrangère). Dans les faits, l’Europe reste en grande partie dans la pénombre, les européens ont peu de connaissances de son histoire, des grandes dates fondatrices, même à propos des élections, le manque de connaissance et donc d’intérêt est patent. Il suffit de se référer aux sondages publiés par les Eurobaromètres, concernant la connaissance que les européens ont de la construction européenne, pour mettre en évidence la distance qui les sépare des institutions de l’Union européenne.(voir Eurobaromètre 61, opinion publique de l’Union Européenne, rapport national français de printemps 2004, p. 13-14/ Eurobaromètre 63.4, opinion publique de l’Union Européenne, rapport national français de printemps 2005, p. 25.)
Le clivage le plus important, que mettent en exergue ces enquêtes, est sans conteste socio-économique. L’intérêt pour la vie politique est en grande partie fonction du niveau de diplôme et des origines sociales. De tels indicateurs de politisation ne se suffisent évidemment pas à eux weuls, mais supposent également une certaine pratique politique au sein de la société donnée.
Ce qui est frappant, c’est que lorsque l’on se pose face à la question européenne, l’influence de ces critères double d’importance. Le clivage est particulièrement significatif, pour le décrire schématiquement, entre la vie quotidienne et les intérêts de n’importe quel citoyen d’un Etat membre, et celle d’un individu doté d’un habitus international, comme nous pouvons en trouver au sein de ce que l’on nomme « l’immigration dorée » ; jeune, surdiplômé, maîtrisant plusieurs langues, issu d’un couple bi-national ou d’une structure familiale pas uniquement nationale, ayant une expérience précoce des voyages et peut-être même engagé dans un mariage mixte… bref, l’ensemble de ces habitudes contractées, qui rendent familier les problèmes et enjeux européens. D’ailleurs, certains, comme A. Percheron, n’hésitent pas à parler d’un « acquiescement de façade »  (en 1992), c'est-à-dire que l’on peut adhérer à cet édifice, car il est de bon ton, il est bien vu d’être pour la construction européenne, de posséder des connaissances, d’avoir un avis sur le sujet. C’est  particulièrement remarquable à propos de l’élargissement de l’Union Européenne aux pays d’Europe de l’Est ; nombre des personnes qui affirmaient être pour cette intégration, dès que l’on évoquait l’existence d’une autre possibilité que celle de l’élargissement, n’hésitaient pas à revenir sur leur prime adhésion.
 
Ce que les réticences envers le Traité de Maastricht et le refus du Traité Constitutionnel Européen, ont montré, c’est bien dans une large mesure, que l’opposition à la construction européenne, ou en tout cas à cette forme là de l’Europe, n’est plus considérée comme une position extrémiste. Ces deux traités, ont vu l’émergence d’un camp du « non » (48% en 1992 / 54% en 2005), qui est certes sociologiquement de plus en plus cohérent (homogénéisation au niveau des diplômes et des CSP), mais qui n’a, en revanche, aucune ligne idéologique. Cette progression du camp du « non » révèle un glissement ; une partie des catégories qui étaient en faveur de la construction européenne, sont désormais contre cette Europe là, ce qui nous renvoie justement à la question de l’acquiescement de façade. Mais l’idéologie, les motifs qui sous-tendent ce refus sont très disparates et hétérogènes. Il est possible de refuser l’Europe des élargissements successifs, comme on peut refuser le dessaisissement de la souveraineté nationale, sans même évoquer les règlements de compte qui s’inscrivent dans le cadre de la politique nationale (la situation du PS pendant la campagne sur le Traité Constitutionnel Européen).
 
La question électorale est particulièrement significative, et éclaire de façon patente le processus d’européanisation. Il est certain qu’à la différence des élections nationales, le sens des rituels et de la compétition électorale est singulièrement plus difficile à saisir pour les électeurs. Si nous jetons un œil sur la mobilisation électorale aux élections européennes, force est de constater que la situation est loin d’être brillante. En effet, la France est un des pays de l’Union Européenne qui mobilise le moins.
De fait, il est difficile de rendre compte de la réalité de la mobilisation, tant la France est en prise avec un désengagement électoral généralisé . L’éventualité d’un taux de participation équivalent à celui de l’abstention n’est, en effet,  pas à écarter. Ainsi, plus la construction européenne tente de mimer institutionnellement les Etats, plus elle augmente les pouvoirs du Parlement, renforce le développement du droit de vote et de la démocratie, plus elle est considérée distante, étrangère ; ce qui ne manque pas d’intensifier la crise de légitimité. Mais il faut bien noter que si les élections européennes, en elles-mêmes, ne suscitent que peu d’intérêt, il n’en est pas de même lorsque les questions européennes sont inscrites dans le cadre national. Si l’on écarte le rôle de bouc-émissaire que les hommes politiques font jouer à l’Union Européenne, cette dernière tend, petit à petit, à s’imposer comme un enjeu dans les élections ; les programmes politiques nationaux présentés aux électeurs, contenant une certaine vision de la construction européenne, imposent de ce fait, dans une certaine mesure,  aux citoyens de se prononcer.
 
 
 
Ainsi, malgré son manque flagrant de pédagogie, l’Union européenne développe un ensemble de stratégies afin de saisir les individus, d’être en mesure de cerner et de mieux répondre à leurs attentes. Il est certain, que cette absence de simplification dans le fonctionnement des institutions, avec la méconnaissance et le désintérêt qu’elle ne manque pas de susciter, constitue le principal obstacle du processus d’européanisation.
Mais en se demandant, sur le modèle de la républicanisation, ce que pouvait faire l’Union Européenne pour nous saisir, la manière dont elle accompagne le processus d’européanisation, ce qui était sous-jacent à notre questionnement était bien de montrer la manière dont la construction européenne affronte les obstacles, les réticences qui s’opposent à elle.
Or, en posant la question en ces termes, ne risquons nous pas de passer à côté de ce que peut, plus profondément, signifier la construction européenne ? Car quand nous parlons de ce processus en terme d’opposition à certains obstacles, nous présupposons toujours, au bout du compte, que ce processus est nécessaire et inéluctable ; la construction européenne irait dans le « sens de l’histoire ». Pierre Manent ne dit pas autre chose ;

Citation :

En tout, le problème est d’une telle importance que nous devons l’examiner sereinement, sans nous laisser intimider par la proclamation du caractère « irrésistible » de la construction de l’Europe (après tout, les communistes aussi, qui d’ailleurs parlaient de la « construction du socialisme », faisaient taire les objections en affirmant que le sens de l’histoire était pour eux ; on sait ce qu’il en est advenu). (P. Manent, Cours familier de philosophie politique, VI, p.103-104.)


 
Plutôt que de parler d’obstacles à la construction européenne, peut être serait il plus sage et prudent, de chercher à comprendre le problème en terme d’absence de cause(s) positive(s).
Que voulons nous faire en faisant l’Europe ? Pourquoi donc, est il souhaitable de faire l’Europe ?
Mais poser cette question, c’est de fait, poser le problème de la définition du projet européen, ce qui revient à dire, au bout du compte, que cette « ambiguïté constructive », qui est au cœur du développement européen, n’est justement plus constructive.
 
N’allons nous pas un peu trop vite ? Pourquoi donc cette ambiguïté dans la définition du projet européen, n’est elle subitement plus constructive ? Ne serait il pas possible de soutenir qu’il n’est en aucun cas nécessaire de clarifier les finalités de la construction européennes, ou tout au moins, de signaler qu’une telle clarification se devra toujours d’être limitée. J. Lacroix détermine ainsi cette ambiguïté de la construction européenne. D’un côté, nous avons une discipline constitutionnelle et juridique, avec sa hiérarchie des normes, reposant sur les effets directs des règlements, le principe de primauté du droit communautaire sur le droit national, la jurisprudence de la Cours Européenne de Justice…et de l’autre, nous trouvons une chaîne du pouvoir hiérarchisée du bas vers le haut, des Etats-nations vers l’Union Européenne.
Ce qui est remarquable, c’est que ce pouvoir constitutionnel, ces ensembles de normes et d’institutions, à la différence des fondations politiques traditionnelles, ne se reposent justement pas sur un peuple constituant, et d’ailleurs, la constitution d’un tel peuple européen, n’est en aucun cas le but de la construction européenne. Ce que le Traité de Rome proposait déjà, c’était la formation d’une Union des peuples d’Europe, vivant au sein de communautés politiques distinctes. « Ce caractère singulier de l’architecture  constitutionnelle de l’Union Européenne, cette absence de demos constituant, exprime la finalité ultime, le véritable télos de l’intégration européenne. »  
 
Si bien que, comme toute communauté politique, que ce soit les Etats-Unis ou la France, l’Union Européenne n’aurait aucunement besoin de clarifier totalement ses finalités, de définir ce qu’elle est…cette clarification ne pouvant être que partielle. Même si nous pouvons entendre le propos de J. Lacroix, les faits nous invitent plutôt à suivre la réponse qu’en donne M. Gauchet. En l’espèce, si des communautés politiques, telles que les Etats-Unis ou la France, n’ont pas eu besoin, lors de leur fondation, de dire ce qu’elles faisaient, c’est que justement, elles s’appuyaient sur quelque chose de déjà donné.

Citation :

Le pourquoi de cette question, qui peut sembler artificielle, en disant en effet, quand les Etats-Unis ont fait la nation américaine, ils ne se sont pas demandés pourquoi…quand les français ont fait la révolution et adopté une série de Constitutions, ils ne se sont pas demandés pourquoi… Oui, pour une raison, qui dans le cas français est très importante, ils partaient d’un donné ; il existait une entité politique pré-existente, dont il s’agissait de changer la loi. Mais on supposait acquis, l’héritage de l’unité dont on parlait. La construction européenne a cette difficulté supplémentaire, qui la rend extraordinairement chargée d’enjeux, c’est qu’elle est artificielle. D’une certaine manière, elle institue le donné, elle ne part pas de quelque chose qui lui est préalable. C’est le fait justement qu’elle soit cet artifice singulier, qui est une communauté de communautés politiques, qui rend la nature de ce qu’elle prétend mettre en œuvre, une question cruciale. (Intervention de M. Gauchet lors de la conférence, Europe et nations : quelle forme politique pour l’Europe ?, donnée à l’ENS le 12 mai 2006.)


Reprenons notre question. Pourquoi donc cette ambiguïté constructive, n’est elle plus  constructive ? Comment expliquer, que cette question se pose maintenant ?
Si la construction européenne est actuellement en crise, si la nécessité de la définir devient toujours plus pressante, c’est en majeure partie à cause de la chute du mur du Berlin, de l’effondrement du bloc soviétique. Si, à l’origine de la construction européenne, le dispositif fut en grande partie technico-juridique, traités, normes, institutions…et que le problème politique, n’en était justement pas un, c’est à cause de la surdétermination de l’opposition à l’ex-URSS ;

Citation :

Le problème est communément ressenti. L’incertitude sur l’objet de la construction européenne n’a cessé de grandir, en fait, depuis le tournant de 1989-1991 qui, en mettant fin au partage du continent et à la menace soviétique, lui a ouvert d’autres horizons. Elle a fait la fortune de l’expression lancée par Jacques Delors : »un objet politique non identifié », qui, en effet, la résume assez bien. On ne peut plus faire comme si on savait, comme si l’objectif était parfaitement clair, au-delà des justifications pragmatiques qui vont ou qui allaient, de soi (M. Gauchet, La condition politique, X, p.465.)


Donc, la fin de l’opposition bipolaire constitutive de la Guerre froide, et l’opposition déterminante au bloc soviétique qu’elle supposait, ont pour conséquence de mettre à nu le squelette institutionnel et juridique, qui semble désormais être privé de chair.  Une telle construction institutionnelle et technique n’est elle pas, en elle-même, suffisante et souhaitable ?  
J. Lacroix met en évidence la différence de traitement, de ce qu’elle appelle, les deux « dimensions » de la citoyenneté, qui se joue dans la construction européenne. La dimension de la citoyenneté verticale, c'est-à-dire les rapports que les citoyens nouent avec les institutions européennes étant ténus, est peu développée. Mais après tout, ce qui caractérise l’Europe, c’est bien plutôt la construction de cette citoyenneté horizontale, où l’on est européen, en ce qu’on ne peut pas être discriminé sur le sol d’un Etat membre de l’Union Européenne.

Citation :

La reconnaissance par chacun des pays du principe d’égalité des droits entre nationaux et européens, dimension qui ne suppose pas la création d’une nouvelle citoyenneté européenne, mais une ouverture des citoyennetés les unes sur les autres, celle là a acquis une véritable substance, car finalement, à l’exception de certains secteurs protégés, comme la haut fonction publique, le principe qui prévaut aujourd’hui, est celui de la non discrimination totale, entre nationaux et européens.  (Intervention de J. Lacroix lors de la conférence, Europe et nations : quelle forme politique pour l’Europe ?, donnée à l’ENS le 12 mai 2006.)


Mais justement, c’est cet acquis de la construction européenne qui pose problème à P. Manent. Sur quoi repose cette double dimension de la citoyenneté ? Cette ambiguïté de la citoyenneté recouvre, à ses yeux, une ambiguïté bien plus profonde concernant la démocratie ; la conception, toujours équivoque, que nous nous en faisons, renvoyant au citoyen et à l’individu.

Citation :

La notion de démocratie comporte une ambiguïté, ou une dualité, qu’il est impossible de surmonter : la démocratie, pour nous, c’est la garantie de la protection des droits individuels, donc de l’autonomie personnelle, et c’est aussi l’organisation du self-government, donc de l’autonomie collective. Les deux aspects ne sont pas séparables, mais ils sont distincts. Dans le langage de la philosophie politique contemporaine, le premier aspect concerne l’individu, le second concerne le citoyen. Or, il ne fait pas de doute que la « construction européenne »signifie une extension des droits de l’individu, des possibilités qui lui sont ouvertes, et là réside à coup sûr une grande part de l’attrait de l’Europe pour les habitants, du moins pour ceux qui sont ou se sentent capables de tirer profit de ces nouvelles possibilités.(P. Manent, Cours familier de philosophie politique, VI, p.104. ; Voir également P. Thibaud, Discussion sur l’Europe.)


 
Pourquoi une telle conception de la démocratie, comme « protection » des droits des individus, n’est elle pas souhaitable, ou suffisante ? Il est remarquable que sur ce point, et ce malgré des conceptions différentes de la modernité, de son développement, de la construction de Nations, du rôle de la religion…, deux philosophes politiques comme P. Manent et M. Gauchet semblent se retrouver. Si cette conception de la construction européenne n’est pas souhaitable, ni même en un certain sens peut-être possible, c’est qu’elle constitue une tentative de fuite hors du politique. La construction européenne tend à faire, pour faire signe aux travaux de Gauchet, de l’Europe, le continent de la sortie du politique.
 

Citation :

Quand au rêve de dépassement du politique, au moyen d’un montage subtil de pouvoir proche, d’administration et de droit, il est en train de faire long feu. Aucune gouvernance, si sophistiquée qu’elle soit, ne viendra à bout de l’exigence de se gouverner, laquelle suppose de renouer avec le cadre qui la rend possible. Il n’y a d’autre issue que de revenir au politique là où il se trouve et où il est destiné à rester, dans les Etats-nations. (  M. Gauchet, La condition politique, post-scriptum « La nouvelle Europe », p. 502)


 

Citation :

Il y a un nombre déterminé de formes politiques. C’est une des propositions « théoriques » les plus importantes de la science politique. Le monde humain, en tant qu’il est politique, ne présente pas une variabilité indéfinie : il est articulé, il est ordonné. Dès lors qu’on vit politiquement, on vit dans une forme politique, ou alors dans la transition d’une forme à une autre. Cette proposition théorique est lourde de conséquences « pratiques ». Soit la construction européenne : si nous quittons décisivement la forme-nation, il nous faudra rejoindre une autre forme, car on ne peut vivre dans l’indéfinition politique.  (P. Manent, Cours familier de philosophie politique, IV, p.75)


 
Il s’agit de préciser ce que, P. Manent veut dire par là. En l’espèce, ce qu’il entend remettre en question, c’est qu’il puisse exister, pour reprendre le mot de Dante « une opération propre de l’humanité universelle » . Il est compréhensible qu’un spécialiste des formes politiques, tel que Manent, soit particulièrement sensible à ces questions. En un sens, le problème politique n’a de sens, que s’il est lié à la construction d’un corps politique, d’une « communauté concrète d’action » ;  si l’Europe est désincarnée, c’est qu’elle n’est pas en mesure de rendre compte de ce sentiment d’appartenance, d’identification, propre à une communauté politique.
Selon lui, une grande partie du problème, repose sur cet affect démocratique, trop démocratique, que Tocqueville appelait la « passion du semblable ». La construction européenne est la tentative de constituer « un kratos sans demos ».  

Citation :

En outre, les développements économiques, techniques, moraux, postérieurs à la Seconde Guerre mondiale ont conféré une sorte d’évidence immédiate à la notion d’humanité, à la conviction ou au sentiment que nous sommes maintenant, que nous serons de plus en plus « citoyens du monde », et d’un monde sans frontière. Dans une humanité qui semble en voie d’unification, la nation, avec son particularisme, avec sa préférence pour elle-même, semble péniblement archaïque, vaguement ridicule, sans doute immorale, en tout cas destiner à s’effacer de plus en plus.  (P. Manent, Cours familier de philosophie politique, IV, p.72. ; Voir également, chap XI, « La religion de l’humanité ».)


Mais après tout, et c’est ce que J. Lacroix cherchait à rappeler, depuis le Traité de Rome, il n’est pas question de viser la formation d’un demos européen. Si la citoyenneté européenne déstabilise la nationalité, elle ne sépare pas pour autant la nationalité de la citoyenneté. (il faut avoir la nationalité d’un des Etats membres, pour être considéré comme un citoyen européen). Elle ne remet pas en cause la nationalité, elle la décentre.
Ce point mérite d’être précisé. Certes, la citoyenneté européenne ne remet pas en cause la nation, mais il faut bien constater que depuis la fin de la Guerre froide, la construction européenne s’est accompagnée d’un travail mémoriel, qui a largement contribué à disqualifier la question nationale ; faisant, à tort, du nationalisme le cœur et l’essence même de la nation .
Quand bien même, on ne serait pas sensible à cette disqualification de la forme-nation, qui permettait au désir humain naturel de se gouverner soi-même, à la suite de la polis et avec une autre ampleur, de « s’accomplir dans une forme qui rassemble des millions, des dizaines, voire des centaines de millions de citoyens » , le problème de cette percée hors du politique reste le même. Même si l’on considère, avec J. Lacroix, le projet de construction européenne de ne pas se fonder sur un demos constituant, le sens de cette « Union » entre communautés politiques distinctes, reste toujours en suspens.
 
Le problème de cette passion du semblable, de cette religion de l’Humanité de l’homme, c’est bien ce désir d’une auto-organisation des hommes autour de l’idée d’humanité. Il nous semble que l’intérêt particulier de l’ouvrage de P. Manent intitulé La raison des nations, n’est pas tant d’insister sur le seul danger de la sortie du cadre national, mais bien plutôt, de chercher à nous montrer, que cette religion de l’Humanité, nous empêche, de plus en plus, de discerner les choses politiques.

Citation :

Il y a peu de temps encore, l’idée démocratique légitimait et nourrissait l’amour que chaque peuple éprouve naturellement pour lui-même. Désormais, au nom de la démocratie, on réprouve te rabroue cet amour. Que s’est-il passé ? Et quel avenir pour l’association humaine si aucun groupe, aucune communion, aucun peuple n’est plus légitime – si seule la généralité humaine est légitime ?  (  P. Manent, La raison des nations, p. 18.)


Cette question est particulièrement visible quand on prend en considération la manière dont est posée le processus d’élargissement de l’Union Européenne. Quand bien même on ne chercherait pas à fonder une super-nation, mais une Union de communautés politiques distinctes…il faut bien, en dernière instance, pour que cette organisation ait un sens, que nous mettions des choses en commun. Or, mettre en commun, pour des individus, des familles, des nations… c’est toujours supposer, et inscrire concrètement cette communauté dans sa distinction avec d’autres communautés.

Citation :

L’Europe essaie d’échapper à l’obligation de répondre en se cachant dans la foule, en se transformant en foule. Ses « membres » ne sont jamais assez nombreux ! Ainsi entend elle repousser indéfiniment la question du « corps » qu’elle constitue et auquel elle appartient (P. Manent, La raison des nations, p. 96.)


 Pourtant, et c’est bien là, que notre aveuglement envers les choses politiques est le plus flagrant, si l’on considère la manière dont se pose le processus d’élargissement de l’Union Européenne à d’autres Etats, ou d’autres peuples, semble se poser, à savoir en terme de « droit à », de « vocation à » intégrer l’Europe ; mais poser la question de l’élargissement en ces termes, c’est bien, au bout du compte, se refuser toute mise en commun. « Il n’est pas question ici de « droit » ni de « droits » ! Par quelle étrange confusion de pensée dirait-on que la Turquie, ou d’ailleurs n’importe quel autre pays, « a le droit » d’entrer dans les conseils européens ? ».
 
 
 
 
En nous demandant donc comment l’Union européenne entreprenait de nous saisir, nous avons pu mettre en lumière un manque patent de pédagogie et de simplification. Il serait d’ailleurs possible, de reprendre à notre niveau les travaux de l’anthropologue M. Douglas intitulés Ainsi pensent les institutions , où elle met en exergue le rôle déterminant des institutions ; elles s’inscrivent dans notre pensée, nous fournissent des souvenirs (diplômes, mariage…),  façonnent notre savoir… Ainsi, nous pouvons comprendre l’espace européen, comme un espace où les institutions nous permettent très mal de penser ; pour que des institutions jouent pleinement leur rôle de constitution (au sens de donner une consistance) d’une « durée publique », il faut nécessairement, même si ce n’est pas suffisant, que règne une certaine stabilité des règles. Nous tenons là précisément ce qui caractérise un acte de fondation politique, et un processus répétitif d’extension.  Ainsi, l’intérêt de la position de P. Manent de chercher à penser la question européenne en terme d’absence de cause positive, met en cause, dans ce qui se joue avec la construction européenne, ne doit pas être réduit à une critique de l’idéologie d’une certaine élite européiste ;  

Citation :

Si la non-incarnation du modèle européen le rend forcément élitiste, il existerait également, pour la pensée politique française (particulièrement P. Manent et M. Gauchet) une « élite » européenne qui se signale par son adhésion à un discours articulé qu’il s’agit de démonter. […] D’où l’hypothèse risquée ici, d’une élite, sinon totalement « inventée », du moins très largement fantasmée. Si la critique française du caractère élitiste du modèle européen frappe souvent juste, sa dénonciation de « l’idéologie européiste » manque régulièrement sa cible faute d’éléments probants pour l’étayer. (J. Lacroix, Une Europe sans corps ni tête : l’élitisme du modèle européen dans la pensée politique française)


Au contraire, ce que nous voulions montrer, en changeant l’axe de notre questionnement, c’est que son approche cherche à mettre en lumière, l’évidente illusion larvée au cœur de la construction européenne, à savoir l’expression concrète de l’aveuglement envers les choses politiques, auquel nous participons tous ; « ces pages sont en vérité la condensation d’un long travail, enclenché par la perception presque douloureuse d’un phénomène à la fois immense et qui pénètre jusqu’au plus intime de chacun. » Sans quoi, il n’y aurait aucun sens, s’il s’agissait seulement de critiquer l’idéologie d’une élite, de rapprocher comme il le fait, cette religion de l’Humanité, cet affect à la source de notre aveuglement, aux sautillements du dernier homme nietzschéen .
 

Citation :

Vain et creux est l’humanisme qui prétendrait se détacher entièrement de toutes responsabilité envers un peuple particulier ou d’une perspective distincte sur le bien humain. Vaine et creuse est l’Europe qui voudrait se confondre avec le corps en croissance de l’humanité en général. (  P. Manent, La raison des nations, p. 92.)


Message édité par alcyon36 le 12-08-2007 à 17:58:47

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°12013734
neojousous
Posté le 03-07-2007 à 20:09:53  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

En première page j'ai mis quelques liens (le hall of fame :D) vers des posts qui ont (ou qui auraient pu...) initié des discussions. Il y en manque beaucoup, je vais m'y mettre.


 
Je peux te filer un coup de main éventuellement, je te file quelques liens en pv.

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