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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
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4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
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5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
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6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°46995773
Profil sup​primé
Posté le 07-09-2016 à 00:38:45  answer
 

Reprise du message précédent :

rahsaan a écrit :

Je reviens sur la question posée hier sur la conscience, le néant, la liberté.

 

Sartre distingue :
- les choses, les objets matériels : ce bureau, cette règle, ce mur etc. Ils ont une existence sur le mode de l'en-soi = une existence dénuée de conscience. Ils sont là, ils existent purement et simplement, sans relation de conscience à leur environnement.
- l'homme, doué de conscience, qui existence sur le mode du pour-soi = selon une existence douée de conscience. L'homme a conscience de lui-même, il peut se rapporter à lui-même, s'examiner et pour ainsi dire se regarder de l'extérieur lui-même, comme dans un miroir. Cette conscience est réfléchie. J'existe et je sais que j'existe, j'en ai conscience. Donc je ne suis pas simplement enfermé en moi-même, je peux comme sortir de moi et m'observer. De plus, je ne suis pas dans le monde comme un simple objet à côté d'un autre, comme la règle à côté du stylo. Non, je me rapporte au monde, je suis en relation consciente avec lui.
La phénoménologie part du fait que tout rapport au monde est en première personne : nous voyons toujours le monde de notre point de vue, donc subjectivement.
C'est moi qui me rapporte au monde, qui vais vers les objets, ou qui les fuit, ou qui leur est indifférent. C'est ma conscience, dit Husserl, qui prend les choses pour objet, qui se rapporte à eux dans une certaine perspective.
La conscience m'ouvre au monde.
--> C'est donc cela le mode du pour-soi : se rapporter à soi et aux choses consciemment.

 

(On peut se demander évidemment dans quelle mesure les animaux sont doués de conscience et accèdent donc au "pour-soi". Mais laissons cette question de côté.)

 

Qu'est-ce que la conscience qui rend possible le pour-soi ? Selon Sartre, paradoxalement, rien ! Parce que la conscience n'est pas une chose matérielle, présente dans le monde quelque part, constatable, observable. La conscience est "immatérielle" et n'existe en somme qu'en se rapportant aux objets : elle n'a pour contenu que les objets qu'elle se donne. Husserl dit que "toute conscience est conscience de quelque chose".
Sartre dit pour sa part que la conscience est une lacune, un vide, un manque, un néant. Sartre conçoit le règne des choses matérielles comme épais, omniprésent, à la limite étouffant, énorme, massif (c'est le thème de la "nausée" : la réalité est trop lourde, trop proche, elle fiche la nausée), comme un énorme bourbier auquel seule la conscience peut nous arracher. La conscience est donc cette lacune au milieu de ce qui est. (Je ne sais plus comment Deleuze décrit cela, mais il a une bonne image : des vacuoles de néant au milieu du marécage de l'être, qqch comme ça. Pascal75 ? :o )

 

C'est dire que la conscience m'arrache au rapport immédiat aux choses. La conscience introduit de la distance par rapport aux choses matérielles : c'est bien moi qui choisis de prendre la règle, ce qui fait qu'en me rapportant à elle, je peux avoir conscience de ce rapport et du même coup, éprouver une distance par rapport à tout objet. Parce que j'aurais pu choisir la règle, ou le stylo, ou les deux, ou rien du tout etc. C'est moi qui choisis. Je ne suis donc pas un pur être matériel, je suis un sujet conscience capable de décider. Je ne suis pas un pur mécanisme, un simple automate, puisque c'est moi qui, en conscience, choisis de faire ce que je fais, et que je le choisis toujours un minimum, dans la mesure où ma conscience me procure une représentation de mes actes.

 

La conscience n'est donc attachée à aucun objet matériel en particulier, mais peut s'attacher à tous. La conscience est donc libre, au sens où elle est indépendante du monde matériel. Et en conscience, je peux toujours rejeter tel objet, mais aussi telle ou telle de mes déterminations : je peux refuser mon origine, me rebeller contre ma famille, refuser un ordre, une contrainte. Je peux toujours dire non.
La conscience n'étant attachée à rien, elle introduit de l'indétermination dans les choses. Sartre dit que la conscience "néantise" : elle introduit du néant, de la non-détermination dans le monde de l'être. Puisque je peux ne pas vouloir ceci, ne pas vouloir être cela, refuser la société etc.
--> Et c'est en cela que la conscience, en apportant du néant, apporte de l'indépendance, de la liberté face aux choses.

 

A comparer avec la conférence de Heidegger, Qu'est-ce que la métaphysique ? où il dit que face à la présence des choses, je peux soudain faire l'expérience angoissante du néant, du pur fait que les choses sont, non pas telle ou telle chose (le stylo, la table...) mais qu'elles sont, tout simplement. Pour Heidegger, je peux me retrouver en quelque sorte saisi d'angoisse face au néant, quand je réalise que cette présence même n'est rien, mais qu'il ne peut y avoir d'étant sans le rien.

 

(Quand je découvre cela, je fais l'expérience de l'angoisse, qui est une sorte d'état de fascination devant le rien qui me fait face, puis d'étonnement et d'interrogation. Heidegger écrit : http://palimpsestes.fr/textes_phil [...] ue1929.pdf
"C’est uniquement parce que le rien est manifeste au fond de l’être-là que peut venir sur nous la pleine étrangeté de l’étant. Ce n’est que si l’étrangeté de l’étant nous presse que celui-ci éveille et appelle à soi l’étonnement. Ce n’est que sur le fond de l’étonnement —c’est-à-dire de la manifestation du rien — que surgit le « pourquoi ?» " )

 

Alors que pour Sartre, ce néant est logé dans la conscience, il est la conscience même. De sorte que l'expérience du néant est pour Sartre expérience de ma liberté pleine et entière, face au monde et aussi contre lui, dans le refus de ce qui est, le refus de l'état de fait. Si je me résigne, c'est que je l'ai bien voulu, alors qu'il ne tiendrait qu'à moi de refuser l'inacceptable.

 

Merci d'avoir éclairci le lien néant>>>liberté. Je saisis mieux du coup :) Pour Heidegger, par contre, c'est un peu flou. Donc je prends conscience de "l'existence" du néant grâce finalement au réel ? le néant doit être compris dans quel sens ? La mort ?

Message cité 1 fois
Message édité par Profil supprimé le 07-09-2016 à 00:39:24
mood
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Posté le 07-09-2016 à 00:38:45  profilanswer
 

n°46996738
rahsaan
Posté le 07-09-2016 à 09:24:55  profilanswer
 

Yionel a écrit :


[:copepresident:2] je relirai demain à tête reposée

 

C'est sûr que le thème du néant est toujours très difficile, quel que soit l'auteur qui en traite :o

  


Bon oui, Heidegger c'est toujours assez obscur, et il cultive même cela.
Dans la conférence Qu'est-ce que la métaphysique ?, il pense que l'expérience de l'angoisse nous met face au néant, au rien. La plupart du temps, selon lui, nous ne sommes pas attentifs au néant, mais aux choses réelles, matérielle, ce qu'il appelle les "étants". Mais dans l'angoisse, soudain, je suis mis face à face avec quelque chose d'indicible, d'innommable, qui n'a aucune propriété particulière : le néant, le rien.
Et il pense que ce néant, c'est quelque chose qui n'est aucune chose en particulier, mais qui est le fond sur lequel existe toutes choses.
Il y a chez lui toute un jeu sur "exister", c'est "ek-sister", c'est surgir hors du néant et en dehors de lui, mais en même donc provenir de lui et être en contact avec cet espèce de rien primordial par-dessus lequel les choses existent. Les choses existent en se maintenant dans l'existence durant un certain temps, puis elles retournent au néant.
Et ce qui nous apparaît comme le rien, le néant, c'est l'être même de toutes choses, qui est toutes les choses sans être aucune en particulier.
C'est un thème classique depuis la mystique médiévale et la théologie négative : Dieu n'est rien, Dieu est le Rien, car Dieu n'est aucune chose. Donc Dieu est rencontré d'abord par le mystique comme un néant, une béance, un abîme, auquel il doit s'abandonner et dans lequel il doit se laisser entièrement tomber.
Pour Heidegger, Dieu est encore un étant, et le "véritable" néant, si je puis dire, est l'Être. Et c'est par l'expérience de l'angoisse que je fais face à l'être de toutes choses, et que je suis amené à ce que je suis vraiment, que j'acquiers la liberté et la sérénité face aux choses. Le sage est dans la juste distance face aux choses, il sait qu'elles ne sont rien mais il en use sans se laisser prendre au piège de l'étant, parce qu'il vit dans la présence de l'Être grâce auquel il comprend le vrai sens de sa vie...

 

Bon, bref, j'essaie d'être charitable, mais vraiment, je n'ai pas envie de défendre cette pensée obscure :lol:
On peut juste retenir la question : où est le néant ? d'où vient-il ?
Du caractère profond de la réalité (Heidegger) ou de la conscience humaine (Sartre) ?
Dans le premier cas, on a une sagesse de l'extase devant l'indicible, de la méditation contemplative face à l'essence du monde, d'abandon serein, dont Heidegger a dit lui-même sur la fin de sa vie qu'elle était proche du zen. Dans le second cas, un existentialisme humaniste affirmant que l'homme est radicalement libre et donc capable de changer le monde.

 

C'est Heidegger perché sur sa montagne enneigée ou Sartre juché sur son tonneau à Boulogne-Billancourt !

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 07-09-2016 à 09:35:08

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°46997286
psychoreve
L'ouverture résout tout.
Posté le 07-09-2016 à 10:23:56  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
 je suis mis face à face avec quelque chose d'indicible, d'innommable, qui n'a aucune propriété particulière  

Alors peut-être pas "face à face avec" mais "face à" tout court . . .  
 


---------------
http://interprétationdesrêves.fr  http://psychoreve-psychoreve.blogspot.com/ Le devoir a une étrange ressemblance avec le bonheur d'autrui. Hugo Victor
n°46997360
Profil sup​primé
Posté le 07-09-2016 à 10:31:19  answer
 

rahsaan a écrit :


Bon, bref, j'essaie d'être charitable, mais vraiment, je n'ai pas envie de défendre cette pensée obscure :lol:
On peut juste retenir la question : où est le néant ? d'où vient-il ?
Du caractère profond de la réalité (Heidegger) ou de la conscience humaine (Sartre) ?
Dans le premier cas, on a une sagesse de l'extase devant l'indicible, de la méditation contemplative face à l'essence du monde, d'abandon serein, dont Heidegger a dit lui-même sur la fin de sa vie qu'elle était proche du zen. Dans le second cas, un existentialisme humaniste affirmant que l'homme est radicalement libre et donc capable de changer le monde.

 

C'est Heidegger perché sur sa montagne enneigée ou Sartre juché sur son tonneau à Boulogne-Billancourt !

 

N'y aurait-il pas une troisième option ? :o  L'un n'empêche pas forcément l'autre, pourquoi les dissocier ?


Message édité par Profil supprimé le 07-09-2016 à 10:36:31
n°46998389
Yionel
Profil : lactique
Posté le 07-09-2016 à 11:44:04  profilanswer
 

C'est un peu cela qui me dérange dans certaines idées philosophiques. Le côté binaire figé. Bien, Mal. Apollinien, Dionysiaque. C'est utile pour penser, certainement, extrapoler, maximiser une idée ou un concept de manière universel, mais pourquoi partir des "bords" pour penser l'"intérieur" et ne pas faire l'inverse ou encore ne pas penser d'extrémité du tout, ce qui est très rafraîchissant. (Pensée asiatique, le Tao etc.)

n°46999047
rahsaan
Posté le 07-09-2016 à 12:50:13  profilanswer
 

C'est aussi qu'avec Sartre et Heidegger, on a affaire à des philosophes "extrémistes". J'essaierai d'y revenir dans un prochain message.


Message édité par rahsaan le 07-09-2016 à 12:50:45

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n°47006348
rahsaan
Posté le 08-09-2016 à 00:07:54  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

Le terme néant ne me semble pas le plus approprié. Comme si Sartre n'avait pu se contenter d'un terme moins porteur de sens. Pourquoi pas, "indétermination" ?


 
Oui voilà, c'est bien ça la question.  
Si tu dis que l'homme peut introduire de l'indétermination dans les choses, tu dis qu'il existe une certaine marge de liberté pour l'action humaine. Qu'on peut créer cette marge, mais que la liberté est limitée, provisoire, sans doute précaire. Qu'on peut graduellement devenir plus libre, ou perdre en liberté au contraire. Que l'homme n'est donc ni totalement libre ni totalement déterminé, parce que la vérité se situe entre ces deux extrêmes, dans un entre-deux fluctuant. C'est en somme tout à fait ce que dirait le sens commun, parce qu'au fond, c'est ce que vivent la plupart des gens, qui arrivent à réaliser plus ou moins leurs projets ; qui ont des contraintes plus ou moins acceptées, qui subissent des échecs, des revirements de situation, dont ils se sortent plus ou moins bien ; en se sortant de certaines dépendances matérielles (un crédit qu'on finit de rembourser) pour retomber dans une autre (les études de l'aîné à payer) etc.  
 
Donc si tu expliques que "l'esprit humain introduit de l'indétermination dans les choses", les gens qui t'écoutent vont se dire : ah oui, c'est vrai, c'est bien vu. Parce que tu défends une position mesurée, modérée, qui tient compte de l'expérience ordinaire.  
 
MAIS !
Si tu dis maintenant, dans le langage sartrien, que "la conscience néantise l'étant et que l'homme est l'être totalement libre", alors là, tu vas être beaucoup plus séduisant, au moins aux oreilles de certains. Tu vas avoir un public qui va se dire : "c'est génial, c'est tellement profond !"  
Littéralement, ils vont kiffer. Parce que "kiffer" peut vouloir dire "prendre du kif", qui est une drogue, et même "avoir un orgasme". Or, l'existentialisme n'est-il pas cela : un orgasme et une drogue ?
C'était tout de même la philosophie de la jeunesse germanopratine d'après-guerre, qui voulait s'amuser et en même temps vivre, changer le monde, rompre avec la guerre, l'occupation, les privations, croire en l'avenir etc.  
Or, il est beaucoup plus séduisant des idées absolues, ultimes, tragiques éventuellement ("l'homme est condamné à être libre" ). Cela donne le frisson, bien plus que de dire que l'homme est plus ou moins libre selon les situations...
Il y a donc je pense tout un rapport de séduction engagé dans ce genre de vocabulaire "absolutiste", qui est celui de Sartre, le grand intellectuel, le grand philosophe, le héros et modèle de la jeunesse.  
 
Conceptuellement maintenant, parler de la conscience en terme de néant signale une différence absolue entre la conscience et les choses, pas une différence relative qui se manifesterait par une certaine indétermination limitée. A partir de là, Sartre fonde l'idée d'une responsabilité intégrale et permanente pour tous mes actes.  
Quant à la responsabilité, on peut d'ailleurs noter (la remarque est faite par Jean-Pierre Séris dans son livre sur la technique (1994) ) que Sartre défend deux idées qu'il a tendance à entremêler, voire à confondre, alors qu'elles sont sensiblement différentes :  
1) que je suis responsable de tous mes actes devant l'humanité entière (et pas devant ma conscience seule, ou mon entourage etc.)
2) que mes actes engagent l'humanité entière.  
Or, 2) est bien plus fort que 1), car que je puisse être jugé par l'humanité n'implique pas nécessairement que ceux devant qui je suis responsable sont à leur tour engagés par mes actes personnels. Je peux avoir à répondre de mes engagements politiques, mais cela ne veut pas nécessairement dire que l'humanité entière est par là engagée à les partager.  
 
Mais pour Sartre, les deux vont ensemble. Au fond, un maître à penser est quelqu'un qui ne peut pas penser quelque chose sans penser qu'aussitôt, l'humanité entière pourrait, voire devrait, penser la même chose. Le maître à penser cherche à incarner l'universel dans sa personne particulière... quitte à confondre les besoins du monde avec ses désirs, ou le destin de l'humanité avec son parcours social.  
Vous voyez un peu comment cela a pu inspirer quelqu'un comme BHL, qui a d'ailleurs écrit un livre intitulé Le siècle de Sartre (paraît-il que c'est son moins mauvais). Un Penseur, un maître à penser, parle en termes de décennies, d'époque, de siècles. Le 18ème siècle, c'est Voltaire, le 19ème c'est Hugo, le 20ème c'est Sartre.  
 
On peut trouver tout cela grand-guignol, grandiloquent, creux, ridicule de boursouflure, mais peut-être que les hommes ont régulièrement besoin de sentir qu'un homme peut incarner des idées, de les faire descendre du ciel sur la terre, quitte à mythifier l'individu en question et à en faire un symbole, en oubliant l'homme ordinaire. A moins que tout cela ne soit que de la fièvre idéologique, dangereuse et porteuse d'intolérance. La droite littéraire d'après-guerre détestait Sartre, ses airs de procureur de l'Humanité, sa façon de désigner les bons et les mauvais, les défenseurs de l'humanité versus les chiens, les salauds etc.  
 
Au fond, être existentialiste n'est pour le coup pas un choix. Il y a des philosophes qui sont foncièrement en proie à toutes sortes d'angoisses "métaphysiques" : Pascal, Kierkegaard, Heidegger, Sartre... D'une part, ils s'appuient sur des expériences vécues qui prennent un caractère bouleversant, obscur, bouleversant, qui change un homme à jamais. Il y a une sorte de parcours mystique, qu'ils veulent rejouer dans leur philosophie.  
Le parcours du mystique médiéval peut se résumer par étapes : foi ordinaire > doute et inquiétude quant à Dieu > aggravation du doute > sentiment de perte absolue > traversée de la nuit complète, perte de tous les repères, déchirement > sentiment de retrouvailles avec Dieu > sérénité nouvelle, supérieure, extase, joie etc.  
 
Chez les "existentialistes" au sens large, c'est un peu pareil : ils découvrent à un moment que tout ce qui faisait le prix et le sens de l'existence s'effondre face à un néant, un gouffre, un abîme. Il leur semble que le monde pourrait n'être rien, être un vaste chaos absurde où l'homme n'a rien à faire, un univers glaçant et silencieux. Puis, au terme de cette révélation angoissée, ils cherchent un nouveau sens à la vie, au sein même de ce monde dénué de sens, et ils cherchent une sagesse tragique supérieure, résolue et désillusionnée face à ce monde contingent et incertain.  
 
On peut évidemment discuter de savoir si ce genre de frénésies tient plutôt de la philosophie ou de la psychiatrie. Mais le fait remarquable à mon avis est que les "existentialistes" ont du mal à concevoir qu'on puisse ne pas partager leurs angoisses et leur désir de monter aux extrêmes. Pascal était ulcéré par le scepticisme raisonnable de Montaigne, qui lui semblait en fait horrible : comment pouvait-on être aussi tranquillement dénué de peur de la mort ?  
Pour Sartre, ceux qui se contentent de jouer leur rôle social et qui s'y complaisent sont des "gros plein d'être", comme on dit des "gros pleins de soupe". Ils sont prisonniers de leur rôle, comme le fameux garçon de café, dans L'être et le néant, qui se prend pour un garçon de café, ce qui insupporte Sartre.  
Heidegger a un mépris inimaginable pour tous ceux qui ne ressentent pas un minimum l'appel de l'Être. Raison pour laquelle l'histoire de la philosophie ne se compose guère selon lui que de Grecs et d'Allemands -il est tout de même bien obligé d'y accepter Descartes. Mais aucun empiriste anglais (quelle horreur !), aucun italien, espagnol etc.  
 
Mais le fait est qu'on n'est pas obligé de fonder sa philosophie personnelle sur l'expérience de l'être et/ou du néant. La question peut être de savoir d'où vient le néant (de la conscience ou du réel ?), mais on peut aussi très bien ne pas considérer cette question comme centrale dans l'existence. On peut ne pas considérer que la liberté se joue à une sorte de jeu de tout ou rien, qu'on la gagne pour de bon ou qu'on la perd à jamais. A un certain niveau, faire de l'angoisse une philosophie devient une sorte de dolorisme ridicule.  
 
Pascal ironise par exemple dans les Pensées : "Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser". Il ironise pour dénoncer l'hypocrisie et l'égoïsme du procédé (être heureux en se détournant du malheur) et sur son caractère dérisoire (selon Pascal, il est tout simplement impossible de ne pas voir la misère absolue de l'homme, tant elle est criante).  
Mais c'est pourtant bien ce que font la plupart des gens : essayer de ne pas penser trop à la mort, à la maladie et à tout ce qui menace l'existence humaine, puisque ce sont des maux inévitables, qu'y penser ne les empêchera pas d'arriver un jour mais nous privera du bonheur provisoire dont nous pouvons profiter aujourd'hui.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47009259
Yionel
Profil : lactique
Posté le 08-09-2016 à 11:37:28  profilanswer
 

Très intéressant les derniers posts, et très clair ! (enfin, je dois relire encore de manière posée pour l'imprimer)
Sartre est donc en opposition avec Spinoza (que je trouve très juste)

Citation :

Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres et cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent

n°47010001
rahsaan
Posté le 08-09-2016 à 12:39:53  profilanswer
 

Oui tout à fait, selon Spinoza, la conscience que nous avons d'être libre est trompeuse. Alors que pour Sartre, la conscience est au contraire ce qui fait que l'homme est libre.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47011097
Yionel
Profil : lactique
Posté le 08-09-2016 à 14:25:39  profilanswer
 

D'accord merci, je n'étais pas très sur. Je vais essayer de mieux cerner la philosophie de Sartre (enfin celle de vos posts, Sartre, je le lirai peut-être à la retraite quand j'aurai Alzheimer  :whistle:) que j'ai du mal à comprendre.

mood
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Posté le 08-09-2016 à 14:25:39  profilanswer
 

n°47013805
Profil sup​primé
Posté le 08-09-2016 à 18:53:33  answer
 

Sartre perso c'est pas que j'ai du mal à le comprendre c'est que je suis pratiquement toujours en désaccord avec lui.  
Il me semble, mais mes cour sont très loin, que selon lui notre liberté se définit aussi par le fait que nous avons toujours un choix possible. Sauf que les choix ne sont pas illimité. En ce cas comment être libre avec une finitude de choix ? On retombe, il me semble hein, sur Spinoza. Du coup la finitude des choix est la résultante de notre méconnaissance des causes qui sous-tendent nos choix.  
Je sais pas si je suis clair. :o

n°47013962
Profil sup​primé
Posté le 08-09-2016 à 19:14:58  answer
 

rahsaan a écrit :


Chez les "existentialistes" au sens large, c'est un peu pareil : ils découvrent à un moment que tout ce qui faisait le prix et le sens de l'existence s'effondre face à un néant, un gouffre, un abîme. Il leur semble que le monde pourrait n'être rien, être un vaste chaos absurde où l'homme n'a rien à faire, un univers glaçant et silencieux. Puis, au terme de cette révélation angoissée, ils cherchent un nouveau sens à la vie, au sein même de ce monde dénué de sens, et ils cherchent une sagesse tragique supérieure, résolue et désillusionnée face à ce monde contingent et incertain.

 


Pascal ironise par exemple dans les Pensées : "Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser". Il ironise pour dénoncer l'hypocrisie et l'égoïsme du procédé (être heureux en se détournant du malheur) et sur son caractère dérisoire (selon Pascal, il est tout simplement impossible de ne pas voir la misère absolue de l'homme, tant elle est criante).
Mais c'est pourtant bien ce que font la plupart des gens : essayer de ne pas penser trop à la mort, à la maladie et à tout ce qui menace l'existence humaine, puisque ce sont des maux inévitables, qu'y penser ne les empêchera pas d'arriver un jour mais nous privera du bonheur provisoire dont nous pouvons profiter aujourd'hui.

 

Se peut-il que justement la vie pourrait ne pas avoir de sens ? ou dit autrement, qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un sens à sa vie pour exister et se sentir exister ? L'existentialisme c'est ça: Pas de sens défini, le sens arrive à posteriori ?
Pour la pensée sur la mort, ne pas y penser pour mieux profiter de ce bonheur provisoire. N'est-ce pas Socrate qui a dis qu'il fallait apprendre à mourir pour mieux apprendre à vivre ?
Je soutiens l'idée que plus on conscientise la mort et que justement on ne l'oublie pas, et plus on apprécie la vie.

 
rahsaan a écrit :

Oui tout à fait, selon Spinoza, la conscience que nous avons d'être libre est trompeuse. Alors que pour Sartre, la conscience est au contraire ce qui fait que l'homme est libre.

 

J'aime beaucoup l'idée de Spinoza sur l'illusion du libre-arbitre qui n'est pas tant un emprisonnement qu'un relativisme.

 


Message édité par Profil supprimé le 08-09-2016 à 19:16:04
n°47015784
topro
Posté le 08-09-2016 à 22:41:39  profilanswer
 

Merci Rahsaan pour tes longues explications sur Sartre  ;) .
 
 
 
Je ne vois pas en quoi la finitude des choix devrait être incompatible avec la liberté. Les choix peuvent être limités mais si on peut choisir entre eux on est libre.  Dans un jeu d'échecs par exemple, on peut choisir la stratégie de jeu qu'on veut pourtant le degré de liberté des pions est limité. Par contre si les choix sont imposés par la société ou par d'autres paramètres extérieurs, en effet on est plus libre.
 
Le désaccord que j'ai avec Sarte c'est surtout sur l'existentialisme en lui même. Ce n'est pas parce que l'Etre est contigent et qu'il est le fruit du hasard, qu'il est "néant". L'être est aussi le fruit d'une longue évolution de l'espèce et d'aptitudes biologiques hérités qui sont devenus des instincts (instinct de survie, de conservation et de reproduction etc), les instincts limitent notre liberté. Tous les objectifs de notre vie, comme vouloir gagner de l'argent, être séduisant, trouver un boulot stable, ne sont que des conséquences de ces instincts primaires. Par conséquent Spinoza a raison (même si son déterminisme est radical) de dire qu'on est libre que d'apparence et qu'ils y aient des motifs inconscient.  Toutefois, le concept de déterminisme de Schopenhauer ou de Nietzsche me semble moins radical et plus juste.
 
Par conséquent, je me demande si Sartre n'a pas du tout négligé cet aspect biologique de l'être humain, et affirmer l'existentialime uniquement pour servir l'idéologie marxiste at affaiblir le raisonnement des gens qui disent que le capitalisme n'est qu'une conséquence de la nature égoiste de l'étre humain (l'existentialime pouvant ainsi affaiblir le concept de "nature humaine" et ainsi proposer des modèles alternatifs)

Message cité 1 fois
Message édité par topro le 08-09-2016 à 22:44:14
n°47018692
Profil sup​primé
Posté le 09-09-2016 à 11:14:09  answer
 

topro a écrit :

Merci Rahsaan pour tes longues explications sur Sartre  ;) .
 


 

topro a écrit :


 
Je ne vois pas en quoi la finitude des choix devrait être incompatible avec la liberté. Les choix peuvent être limités mais si on peut choisir entre eux on est libre.  Dans un jeu d'échecs par exemple, on peut choisir la stratégie de jeu qu'on veut pourtant le degré de liberté des pions est limité. Par contre si les choix sont imposés par la société ou par d'autres paramètres extérieurs, en effet on est plus libre.
 
Le désaccord que j'ai avec Sarte c'est surtout sur l'existentialisme en lui même. Ce n'est pas parce que l'Etre est contigent et qu'il est le fruit du hasard, qu'il est "néant". L'être est aussi le fruit d'une longue évolution de l'espèce et d'aptitudes biologiques hérités qui sont devenus des instincts (instinct de survie, de conservation et de reproduction etc), les instincts limitent notre liberté. Tous les objectifs de notre vie, comme vouloir gagner de l'argent, être séduisant, trouver un boulot stable, ne sont que des conséquences de ces instincts primaires. Par conséquent Spinoza a raison (même si son déterminisme est radical) de dire qu'on est libre que d'apparence et qu'ils y aient des motifs inconscient.  Toutefois, le concept de déterminisme de Schopenhauer ou de Nietzsche me semble moins radical et plus juste.
 
Par conséquent, je me demande si Sartre n'a pas du tout négligé cet aspect biologique de l'être humain, et affirmer l'existentialime uniquement pour servir l'idéologie marxiste at affaiblir le raisonnement des gens qui disent que le capitalisme n'est qu'une conséquence de la nature égoiste de l'étre humain (l'existentialime pouvant ainsi affaiblir le concept de "nature humaine" et ainsi proposer des modèles alternatifs)


 
L'espèce humaine est une espèce parmi d'autres. Elle n'est là que depuis 200 000 ans quand la Terre a 4,5 Milliards d'années. Quand Sartre dit que l'homme vient du néant, je l'ai compris comme le fait qu'il n'y a aucune instance au dessus qui l'a crée. C'est une manière de libérer l'homme d'un destin, d'un plan ou d'un dessein, et du coup de laisser totalement libre avec lui-même.

n°47024053
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 09-09-2016 à 19:18:36  profilanswer
 

Tietie006 a écrit :


 
C'est l'antithèse de Badiou ... :o Encore que ...si Martin nous chantait une version tudesque du "home sweet home",honorait la germanité, virile et paysanne, Badiou, lui, se faisait le grand timmnier du futur paradis terrestre, avec des masses abreuvées par  [:masonage] et tendues vers l'horizon indépassable du communisme, deux idéologies en fait  faussement antithétiques puisque se reflétant l'une dans l'autre. Mais j'ai l'impression qu'en vieillissant, le matérialiste Badiou se rapproche un peu des arrières-mondes platoniciens, puisqu'il va les rejoindre sous peu ...donc autant tâter le terrain ! :D


 
Le néo-platonicien Badiou qui s'attaque aux Pokemon Go : :D  
 
http://tietie007.blog4ever.com/ala [...] pokemon-go


---------------
L'arrière-train sifflera trois fois.
n°47024208
rahsaan
Posté le 09-09-2016 à 19:38:58  profilanswer
 

Les Pokemon, c'est la société du spectacle, c'est la consommation, c'est le Capitalisme, c'est le Grand Satan.  
 
De toute façon, pour Badiou, c'est toujours la faute du capitalisme...  
Les guerres, Daech, les Pokemon, tout !


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47029246
Profil sup​primé
Posté le 10-09-2016 à 12:03:25  answer
 

rahsaan a écrit :

Les Pokemon, c'est la société du spectacle, c'est la consommation, c'est le Capitalisme, c'est le Grand Satan.  
 
De toute façon, pour Badiou, c'est toujours la faute du capitalisme...  
Les guerres, Daech, les Pokemon, tout !


 
Si tu veux buzzer, faut parler d'un truc en vogue, pour paraître "in" ? Je ne connais pas ce philosophe, il me semble l'avoir vu dans une émission avec Onfray, mais je me trompe peut-être. Ce qui m'attriste sur le jeu Pokémon Go, ce sont les raisons avancées pour justifier le positif. "Ca nous permet de sortir", ou plutôt ils sont "obligés" de sortir.  
Toujours ce lien ténu entre virtuel et réel. Quand je vois un zigoto trentenaire avec son tél ignorant tout autour de lui et hypnotisé par cette carte, je sourie.

n°47032429
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-09-2016 à 19:46:02  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Les Pokemon, c'est la société du spectacle, c'est la consommation, c'est le Capitalisme, c'est le Grand Satan.  
 
De toute façon, pour Badiou, c'est toujours la faute du capitalisme...  
Les guerres, Daech, les Pokemon, tout !


 
Mais je m'étonne que Badiou connaisse les Pokemon Go ...peut-être son petit-fils ...


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°47034414
rahsaan
Posté le 11-09-2016 à 00:17:53  profilanswer
 

Bravo pour ce résumé/commentaire, c'est un gros gros boulot  :D  
 

k-rott0 a écrit :

L'angoisse donc. On peut se demander, si l'on suit Heidegger, s'il nous faut-être en danger, sur le fil du rasoir, voir à la limite de l’auto-destruction, pour que l'être-là se révèle. [Trois remarques me viennent-ici:
1- Peut-on y voir une métaphore de l'holocauste ? L'holocauste comme quasi-destruction de l'humain (en l’occurrence des races inférieures) pour permettre la renaissance du peuple allemand.
2- Ne peut-on pas y voir une attitude nietzschéenne, qui conditionne la vie à l'acceptation pleine et entière de toutes les joies et tous les malheurs ?
3- Pourrait-on faire le lien avec ce que Georges Bataille surnomme la petite mort, à savoir l'orgasme ?]


 
Pour 3- Non, je ne vois pas de métaphore sexuelle. Ce serait à mon avis "rétrojeter" des théories de Bataille sur les propos de Heidegger. Heidegger a eu plusieurs maîtresses (dont Hannah Arendt), mais je ne vois pas de texte où il parle de sexe ou y fasse allusion. D'ailleurs, on a souvent remarqué que dans sa description, le Dasein est asexué. Le sexe n'est, dans son système, pas une catégorie qui entre en ligne de compte pour décrire l'homme.  
 
Cette idée d'être au bord de la mort pour que la vérité de notre condition se révèle me semble plus proche d'une sorte d'éthique sacrificielle du samouraï. C'est quand tu es prêt à mourir que tu atteins la vérité de ton être, que tu vis pleinement, authentiquement etc. Ce genre de choses. On peut penser au suicide de Mishima. On peut penser surtout au suicide plus récent de Dominique Venner. Je me permets de citer ce que j'en disais dans un article récent :  
 
« Avant de se suicider devant l’autel de Notre-Dame en mai 2013, l’historien Dominique Venner, ancien membre de l’OAS, figure d’une extrême-droite "païenne" opposée à la civilisation "judéo-chrétienne", laisse sur son blog un article testamentaire qui se conclut par ces mots :  
« Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un « autre monde ». C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien ».
Face à l’étant qui pour lui n’est rien, le Dasein est dans la nécessité de décider intégralement du sens de son existence. Mais cette décision est tragique, car elle est à la fois indispensable et dénuée de fondement. La volonté ne peut paradoxalement s’éprouver que dans le culte d’elle-même et ne se prouver que dans une mort librement consentie, seule issue pour une existence vide et absurde. L’instant de la mort, décrit par Blanchot, est le point culminant de toute la vie, car il n’y a que dans cet instant que ma vie et ma mort deviennent irréductiblement miennes. »
 
Pour 2- Je n'ai pas l'impression que Heidegger parle d'une approbation inconditionnelle à la vie, d'un dire-oui (ja-sagen) comme Zarathoustra. C'est bien rare, je crois que Heidegger parle d'émotions positives. La joie je ne vois pas ; quant au plaisir n'en parlons même, il trouverait cela très certainement vulgaire, limite animal. Très indigne de ses hautes et ténébreuses spéculations sur l'Être...  
 
Pour 1- Alors là, je pense qu'en parlant d'auto-destruction et d'extermination des juifs, on est hélas plus proche de la vérité de ce que dit Heidegger.  
D'après les publications récentes des Cahiers noirs et les études autour, l'humanité se diviserait en gros en deux : d'un côté, les êtres qui peuvent accéder à l'Être, qui seuls sont les Dasein authentiques.  
Pour les anti-heideggeriens "durs", Dasein = Aryen. Ils s'appuient sur une confidence de Heidegger, où il dit que ce qu'il appelle l'Être veut dire en réalité Vaterland (la Patrie). Il dit qu'Être est un deckname (un mot-couverture) pour Patrie.
A partir de là, on comprend bien comment, lorsque Heidegger dit en gros "seul le Dasein qui est tourné vers l'Être trouve le sens authentique de son existence", cela peut se traduire par "seul l'homme qui a une patrie est un homme véritable".  
Et pour Heidegger, c'est la patrie allemande évidemment. Seuls les Allemands sont vraiment des hommes à ses yeux.  
Et il dit que les gens comme les tziganes sont weltlos (sans-monde). Or, dans un cours, il disait que le Dasein configure le monde (il lui donne un sens, l'organise etc.) tandis que l'animal est pauvre en homme (son monde est limité à ses sensations, excitations et instincts, en gros). Donc en qualifiant les tziganes et d'autres de weltlos, Heidegger les met clairement en-dessous de l'animal.
 
Dans le système mythique et paranoïaque de Heidegger, seuls "existent" vraiment ceux qui sont en contact avec l'Être. Les autres, en quelque sorte, sont dans le néant, ou pas loin. En toute logique, selon Heidegger, ils devraient le comprendre et chercher à s'auto-anéantir... Le reste est lourd de sous-entendus, évidemment. Car, si les juifs et autres sous-hommes ne veulent pas s'auto-détruire, que faut-il faire ?... Heidegger n'ira jamais jusqu'à dire qu'il faudrait les y aider, car il laisse soigneusement aux autres le soin des basses oeuvres. Lui, qui spécule sur l'Être, se contente de lancer ses avertissements...
 
(C'est depuis que j'ai compris comment et pourquoi il avait soutenu ce genre de thèses que, personnellement, je ne peux plus ranger Heidegger parmi les philosophes.)
 
*
 
Laissant ces choses peu ragoûtantes, j'ajoute une chose qui est bien plus vérifiable à partir du texte de la conférence elle-même (et pas à partir d'autres cours, lettres et publications posthumes connus des universitaires spécialisés etc.) :  
Dans Qu'est-ce que la métaphysique ?, il est manifeste que toutes ces descriptions sur l'expérience que je peux faire du néant servent un but très clair : rabaisser les sciences face  la philosophie, en faisant bien comprendre aux scientifiques qu'ils ratent dans leur métier quelque chose d'essentiel (le néant) que leur activité leur demande par principe d'écarter (le scientifique ne devant étudier "que" à la réalité...).  
Mon avis est que Heidegger espère sidérer les scientifiques pour les forcer à reconnaître la supériorité de la spéculation philosophique sur la recherche appliquée.  
 
Il y aurait beaucoup à dire, à propos des philosophes allemands et français, sur la panique complète qui les a saisis depuis le 19ème face à la montée des sciences, et sur les tentatives désespérées de conserver l'idée de la philosophie comme Science ultime, indétrônable, absolue, face aux savoirs scientifiques "empiriques", "incertains", "contingents", "relatifs" etc.
Ici, Heidegger joue sa carte dans cette bataille (à mon avis perdue d'avance) en essayant de montrer, à l'aide d'un de ces savants paradoxes dont certains philosophes raffolent, que la supériorité du Philosophe est de pouvoir parler du Néant, et de faire de cette capacité le critère distinctif validant la supériorité de la philo sur les sciences ! Le philosophe n'en sait pas plus sur les choses (l'étant), non il en sait plus sur le Rien, donc sur l'essence profonde des choses !  
Je trouve personnellement qu'un scientifique aurait tout à fait raison de rire de ce genre de pirouettes dialectiques, et de la prétention pompeuse du philosophe qui tient un discours pareil.
 
Et sur ce, je retourne arroser mes tomates, c'est plus gratifiant que toutes ces spéculations ténébreuses et ces extases mystiques (orgasmiques ?) sur le néant de toutes choses !


Message édité par rahsaan le 11-09-2016 à 00:42:51

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n°47038227
Yionel
Profil : lactique
Posté le 11-09-2016 à 18:19:05  profilanswer
 

J'ai relu l'avant dernière page et celle-ci sur Sartre et Heidegger. J'ai eu un peu de mal (ou plutôt j'ai du prendre du temps pour assimiler et digérer certain concepts) mais c'est clair et très bien argumenté [:julian33:4]. Ça apporte une vrai compréhension sur un pan de la philosophie du 20ème siècle (Heidegger d'un côté est intéressant mais d'un autre foutrement obscur et complètement à la ramasse sur son rapport à la science).

n°47039027
Profil sup​primé
Posté le 11-09-2016 à 19:47:46  answer
 

Je dois reconnaître que tout le passage sur Hiedegger est très "obscur" pour moi. Autant Sartre, je n'ai lu que l'Existentialisme est un humanisme, je trouve cela plutôt clair, mais pour l'autre... :sweat:   j'ai enregistré aussi le lien de Rashaan, je le lirai.


Message édité par Profil supprimé le 11-09-2016 à 19:48:23
n°47039492
Yionel
Profil : lactique
Posté le 11-09-2016 à 20:33:50  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

Mais lorsque que je lis un philosophe, je vais picorer des idées ici et là. Il n'y a ni obligation ni nécessité de reprendre à son compte l'intégralité de la pensée.  
Parce que dans le cas présent, peut-être me trompe-je, c'est la conception de la pensée qui a été guidé par l'antisémitisme de Heidegger. La pensée en elle-même, prise séparément de l'auteur, ne l'est pas.  
Prenons un exemple, critiquable certes. Un médecin nazi cherche un procédé pour éliminer les juifs le plus efficacement possible. Il fait par là une découverte médicale d'importance. Il me semble que cela ne nous empêchera pas d'avoir recours à cette découverte par la suite. Cela m'amène une question d'ailleurs, serait-il moral/éthique de recourir à une telle découverte ?  
On me répondra que le cas de la philosophie est différent puisqu'il s'agit de pensée et que l'on ne peut distinguer alors l'auteur de la pensée.

Kant le prêcheur : pas bien. Bentham le conséquentialiste : bien :o

k-rott0 a écrit :

Rappelons-nous Renan: science sans conscience n'est que ruine de l'âme.

Rabelais ?

k-rott0 a écrit :

C'est peut-être Épicure qui voyait juste après tout.

[:jean-michel platini]

k-rott0 a écrit :


Puisque tu as cité Annah Harendt et la question de la patrie, je vous invite à écouter ce superbe poème écrit par celle-là: Heureux Celui qui n'a pas de Patrie (une référence à Hölderlin notamment, je crois).
http://www.franceculture.fr/emissi [...] nah-arendt

Merci pour le lien :)

n°47040389
Yionel
Profil : lactique
Posté le 11-09-2016 à 21:41:56  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

Pourrais-tu développer ?

Kant c'est la philosophie du devoir suivant des postulats (Dieu, liberté, immortalité de l'âme) Avec l'utilitarisme ou le conséquentialisme, la morale est relative et donc fonction de la conséquence.
Kant dirait qu'un mensonge est toujours mauvais car il discrédite son auteur la source du droit. Bentham dirait que non. (ah qui doit-on la vérité ? si un SS arrive dans une maison et demande si il y a un juif ?)
C'est un peu succinct mais je connais juste les grandes lignes. Les tauliers de ce topik peuvent préciser, infirmer/affirmer :o


Message édité par Yionel le 17-09-2016 à 14:02:04
n°47041221
rahsaan
Posté le 11-09-2016 à 22:34:35  profilanswer
 

Je vais essayer de répondre aux dernières questions sur Heidegger.  
 
Sur les Cahiers noirs, les dernières révélations sont arrivées avec le livre de Peter Trawny, Heidegger et l'antisémitisme : Sur les Cahiers noirs (Seuil, 2014).  
Trawny montre que Heidegger a élaboré un antisémitisme original, qu'il appelle "antisémitisme inscrit dans l'histoire de l'Être". En deux mots, cela signifie que les Allemands sont le peuple prédestiné à accueillir l'Être, tandis que les juifs et d'autres peuples sont exclus par nature de "l'Être", et sont voués à représenter le triomphe du mal, du néant, et qu'ils menacent dans leur essence même les Allemands.  
 
Peter Trawny a été critiqué par Michelle Cohen-Halimi et Francis Cohen dans leur livre, Le cas Trawny. A propos des Cahiers noirs de Heidegger (Sens & Tonka, 2015). Les deux auteurs estiment que Trawny essaie de diluer la responsabilité de Heidegger, en adhérant à l'idée que l'antisémitisme est une tragédie inscrite dans "l'Être" lui-même. De sorte qu'aucun homme n'en est responsable, ni les Allemands, ni Heidegger lui-même qui, aux yeux de plusieurs de ses défenseurs, serait certes nazi mais serait surtout le seul penseur capable de nous faire comprendre véritablement ce qui s'est passé avec le nazisme. L'argument n'est en fait pas nouveau. Il consiste à dire que pour penser le nazisme (comprendre ce qu'il était), il faut abandonner toute référence "humaniste" (à la raison, la liberté, la dignité humaine etc.) et penser comme Heidegger.  
Autrement dit, pour penser le nazisme, il faut se mettre à penser comme un nazi.  
Ce qui revient finalement à dire qu'on ne peut jamais avoir de recul critique sur le nazisme. On ne peut que le rejeter (mais sans le comprendre, du coup), soit y adhérer (mais en laissant sa raison au vestiaire). Donc dans les deux cas, qu'on le rejette ou qu'on y adhère, on doit faire taire sa raison et accepter de se comporter à l'aveugle. La position tierce, celle du rejet rationnel et de la compréhension vigilante (comme celle que Primo Levi défendait) est exclue.  
 
Au passage, je précise que le premier qui demande : "mais c'est quoi l'Être, à la fin ?" a perdu  :o  
Car c'est ça l'astuce : c'est que si on dit ce qu'est l'être, on va répondre en disant que c'est telle ou telle chose (le monde, la nature, la réalité...) et donc on dira ce que l'être n'est pas. Puisque rien d'autre que l'être n'est l'être... Du coup, l'Être est destiné à rester totalement ineffable et indicible.  
A mon avis, étant un concept "creux", l'Être peut se prêter à tous les fantasmes, puisque chacun peut projeter sur lui ce qu'il veut : essence intime des choses, passé immémorial perdu, Patrie éternelle, liberté absolue...  
Et de l'aveu même de Heidegger, la raison n'est pas capable de l'appréhender. On retombe sur l'idée qu'être heideggerien suppose une sorte d'adhésion irrationnelle et totale à une révélation, celle de l'Être.  
 
J'en viens à une question cruciale : peut-on prendre chez Heidegger certaines idées, tout en rejetant ce qu'il y a d'antisémite chez lui ? Peut-on autrement dit isoler une philosophie heideggerienne digne de ce nom de ses déviances ?
Je répondrais deux choses :  
1) Il n'existe aucun texte qui contredise explicitement les propos les plus horribles tenus dans les Cahiers noirs. C'est à dire qu'on n'a pas -autant que je sache et je n'ai jamais lu de spécialistes en mentionner vraiment- de textes où Heidegger défendrait fermement des choses comme l'universalité de la raison, la dignité de l'homme, l'importance de la morale etc.  
C'est dire que les frontières restent poreuses entre les textes les plus inacceptables et les textes les plus classiquement "philosophiques".  
Être et Temps ne contient rien d'antisémite en tant que tel, et on peut le lire en toute bonne foi sans être nazi. Mais à la lumière des textes pro-nazis, on peut aussi relire cette oeuvre autrement et "décoder" le texte d'une façon effrayante. Par exemple, quand Heidegger dit que "le Dasein vit la plupart du temps dans la médiocrité, où il est menacé par l'anonymat étouffant du "On" et qu'il peut y échapper en se tournant vers l'Être, et redécouvrir sa réalité la plus intime et la plus authentique", on peut très bien traduire : "le citoyen allemand d'aujourd'hui vit en permanence sous la menace insidieuse des juifs infiltrés parmi eux, et qui menacent leur espace vital. Ce n'est qu'en se tournant vers la Patrie allemande éternelle qu'ils pourront vaincre la menace de ces ennemis venus de l'étranger."  
Le malheur est que cela marche très bien. De plus :  
 
2) Si on essaie tout de même d'en rester à un Heidegger "propre", en refusant de traduire Dasein par Aryen, On par Juif, Être par Patrie etc., et en prenant la pensée de Heidegger comme un système métaphysique "normal" (comparable à ceux de Kant, Hegel etc.), le risque sera encore d'être perméable aux idées de heideggeriens extrêmes, qui eux, n'auront pas du tout édulcoré le texte, car ils auront très bien compris à quoi Heidegger voulait réellement en venir. J'ai mentionné plus haut un ancien de l'OAS comme Dominique Venner ; mais on pourrait parler aussi d'Alexandre Douguine, un suprématiste russe qui voit dans le peuple russe le peuple blanc originel, et pense que tous les autres sont des sous-hommes en gros ; mais aussi des leaders iraniens, qui ont étudié dans leur jeunesse Heidegger à la fac de Téhéran.  
Donc tout ceci ne se joue pas que dans le silence des bibliothèques universitaires. Il y a des politiques qui lisent Heidegger et qui comprennent très bien quelle genre de politique suprématiste et ultra-nationaliste ils peuvent en tirer.  
C'est à dire qu'un "heideggerien humaniste" va vite avoir du mal à maintenir sa position, et qu'il devra sans doute à un moment choisir entre Heidegger et l'humanisme. Car on ne peut pas penser longtemps que la dignité de l'homme est menacée par la médiocrité du monde moderne, sans être dangereusement proche de ceux qui pensent que l'essence du Dasein est menacée par la "juiverie mondiale". On ne peut pas indéfiniment accuser la Technique de tous les maux de la terre, et jurer ses grands dieux qu'on n'a rien à voir avec ceux qui pensent que les nouvelles technologies sont un complot ourdi par les "sionistes" pour contrôler nos esprits.  
 
A un moment, je crois qu'il y a un examen de conscience à pratiquer. On ne peut pas jouer avec le feu sans se brûler les doigts. Et on peut très bien vivre sans Heidegger. Mais il peut être bon de le connaître afin de se prémunir de certaines de ses idées, sans en faire non plus LE penseur qu'il faut connaître et lire à fond parce qu'il serait -même si on le rejette- le seul à même de nous permettre de penser notre époque etc. etc. Non, il y a dans notre société des idées "heideggeriennes" qui sont répandues, mais toute notre époque, heureusement, n'est pas contenue dans la pensée de Heidegger...  
 
J'essaierai d'y revenir avec un développement sur la notion de médiocrité, en réponse à une remarque faite plus haut par k-rott0 :  
 

Citation :

Oui, il y a sans doute un côté fanatisant, enivrant à utiliser des termes tels que "néant" ou à "engager l'humanité toute entière". Mais a contrario, ne serait-ce pas ce qui manque à notre époque ? Je veux dire, à notre société de la classe moyenne ? Où tout doit être moyen, modéré, pas trop ceci ni trop cela. François Hollande, président "normal", n'en-est-il pas un symptôme ?  
Est-ce que l'on mobilise un peuple avec une présidence normale ? A fortiori, engage-t'on l'humanité avec un discours en demi-teinte ? C'est aussi une manière de lutter contre un certain relativisme, contre le "bof", le "tant pis", au fond, un certain renoncement.


Message édité par rahsaan le 11-09-2016 à 23:48:52

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47052454
rahsaan
Posté le 12-09-2016 à 20:56:15  profilanswer
 

Beaucoup de questions :D  
 
Être et Vaterland
 
Si on en reste aux textes canoniques de Heidegger, l'Être, c'est en quelque sorte (pour autant que je comprenne) le fait brut que les choses sont. Chaque chose est, elle existe, elle n'est pas rien. Il y a le fait d'être en général, et il y a toutes les choses particulières, les étants, ou l'étant lui-même, fait de choses particulières : la table existe, la route existe, la maison existe, mais l'Être n'est pas la table, ni la route ni la maison.  
En même temps, l'Être n'est pas Dieu : ce n'est pas un étant suprême, divin, éternel. Ce n'est pas un étant particulier, fût-il divin. C'est le fait que les choses sont.  
L'interrogation sur l'être remonte à Aristote, qui se demande quelles propriétés ont les choses, du seul fait qu'elles existent. Selon Aristote, il y a dix catégories qui se rapportent à l'être en général, c'est-à-dire dix propriétés qu'on peut attribuer à toute chose en général, indépendamment de savoir ce qu'elles sont en particulier (une table, une chaise etc.) : la forme, le poids, la couleur, le mouvement, la position etc.  
 
Dit comme cela, Heidegger, d'une façon ou d'une autre, est dans la continuité d'une interrogation classique sur ce que c'est que l'être et sur ce qu'on peut en dire. Reste que le seul résultat auquel il parvient est de constater que rien de ce qu'on dit de l'étant ne peut se dire de l'être. C'est le thème de la différence ontologique : l'être n'est rien d'étant.
De plus, seul le Dasein est ouvert à l'être, et réciproquement, l'être requiert le Dasein pour le penser. Pour Heidegger, les animaux, qui sont dans un monde de sensations, d'excitations et de réactions, n'ont pas en tant que telle accès à l'être des choses (mais seulement à ce qu'ils en ressentent/perçoivent). La pensée de l'être caractérise donc le Dasein.  
 
Rien de choquant jusque là, tout cela est très a-politique, et n'indique même aucune morale particulière.  
Mais c'est Heidegger lui-même qui dans sa correspondance privée et dans les Cahiers noirs, réinterprète lui-même ce qu'il a dit en y donnant une tournure idéologique totalement complotiste, antisémite et nazie. C'est lui qui dit que par Être, il entend Vaterland. Ce que les textes connus ne laissaient pas forcément soupçonner.  
D'où la question : ce sens caché (Etre = Vaterland) était-il le sens véritable depuis le début, ou est-ce Heidegger qui change lui-même après coup le sens de ce qu'il a dit ? Est-ce qu'il dévoile le vrai sens de ses textes, ou est-ce qu'il leur invente un nouveau sens ?  
 
La Technique
 
Quant à la technique, l'attitude de Heidegger est ambiguë. Tantôt il semble l'admirer, tantôt la craindre, tantôt la présenter comme une sorte de fatalité du monde moderne, contre laquelle il n'y a de toute façon rien à faire, sinon peut-être méditer et retrouver la parole originaire des poèmes de Hölderlin, des fragments de Héraclite etc.  
Pour lui, la Technique est la façon moderne de déterminer l'être de l'étant. Il veut dire que le monde industriel considère toute chose comme un objet technique utilisable, comme une ressource mobilisable pour un usage technique. Tout est technique ! L'eau, l'air, les bois, le charbon, tout devient ressource mise à disposition de la puissance humaine. Mais l'homme, en manipulant cette puissance, perd sa véritable humanité, qui est le rapport authentique à l'Être, entendu comme Présence, qu'on ne peut atteindre que par la poésie, la méditation etc.  
 
Dans l'ensemble, je pense qu'il la mystifie. Il en a une vision foncièrement superstitieuse (littéralement : superstition = super-stare en latin = qui se tient au-dessus de, et qui intimide, menace, écrase). Il en fait une sorte d'entité impersonnelle toute-puissante.  
A aucun moment, il n'envisage vraiment que la technique soit une création au service de l'homme. Pour lui, c'est un reliquat dérisoire d'humanisme de croire que la Technique est encore un ensemble de moyens (outils, instruments, machines etc.) au service des buts (moraux, politiques, esthétiques...) que l'homme se propose d'atteindre.  
 
Jean-Pierre Séris a mené une critique très forte de ces thèses dans son livre sur La technique (1994), dans une perspective qu'on peut qualifier de technophile. Alors que Heidegger est vraiment un chef de file des technophobes, qui voient dans les technologies une menace, des dangers, voire une puissance diabolique.
 
A ce sujet, je viens de publier ce mois-ci un entretien avec le philosophe Michel Puech, qui parle des nouvelles technologies et de leurs potentialités dans la vie ordinaire, ce qu'il appelle la "techno-éthique" http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article690
 
De son livre Homo Sapiens Technologicus (2010, poche 2016), j'ai retenu cette idée que la technique n'est ni bonne, ni mauvaise, ni neutre. L'idée est déroutante, car on ne voit pas ce qu'elle pourrait être. Il est vrai qu'en soi, manier un couteau n'est ni bon, ni mauvais, tout dépend de ce qu'on en fait : couper des carottes, ou tuer quelqu'un. Mais ce n'est jamais neutre non plus d'utiliser un outil plutôt qu'un autre, ou plutôt que pas d'instrument. Car la technique offre une puissance d'action, en accroissant la puissance d'action de l'homme et en facilitant sa tâche. Dès lors, du fait de cette puissance, elle n'est pas neutre.  
De plus, en effet, l'homme utilise la technique mais en retour, la technique modifie le geste humain, modifie son environnement, modifie ses potentialités, donc peut-être aussi sa façon de penser. Régis Debray résume cela un peu abruptement en disant qu'on a toujours "l'idéologie de sa technologie". Peut-on penser de la même façon à l'époque de la charrue et des boeufs, qu'à l'époque du chemin de fer et de l'industrie, ou qu'à l'époque des smartphones et des réseaux sociaux ?  
Il est certain que la technique n'est à aucun point de vue neutre.  
 
Heidegger sans Heidegger ?
 
C'est une question difficile, je l'admets. Certains défenseurs de Heidegger, comme Jean-Luc Nancy, vont dire que malgré tout, il reste quelque chose à penser avec Heidegger et grâce à lui, et qu'on doit évidemment ignorer tout le contenu ignoble de sa pensée pour garder cette voie d'accès à l'Être, à un mystère essentielle de notre condition humaine, à quelque chose d'infini qui est en nous etc.  
Certes, mais dit comme cela, j'ai l'impression que d'autres auteurs sont aussi bien indiqués, notamment le Pascal des Pensées. Et qui offre l'avantage appréciable d'être lisible par tout un chacun, sans problème de vocabulaire d'emblée compliqué, ni de tournures de phrases lassantes, Pascal étant tout de même un des plus grands écrivains de langue française.
Ou Kierkegaard, tout aussi angoissé, mais avec un humour immense et métaphysique.
Ou Schopenhauer, nettement plus rigoureux dans son argumentation.  
Ou Sartre, qui tient tout de même plus compte de l'homme, qui est aussi un bon moraliste, capable de décortiquer les moeurs de ses contemporains, ses vices, ses hypocrisies etc.  
 
Peut-on se passer des grands systèmes ?
 
Il est indéniable qu'une partie de l'attrait de Marx et de Heidegger, alors même qu'ils sont si opposés sur presque tout, vient de ce qu'ils proposent des systèmes globaux, posant un problème global et offrant une solution globale. C'est évidemment attrayant. Mais l'histoire du 20ème siècle nous montre que ces systèmes sont dangereux. Ils sont devenus le soutien idéologique de régimes ayant commis des meurtres de masse, quand ils ne les ont pas directement inspirés dès le début.  
L'humanité n'a pas toujours eu besoin d'idées pour commettre des massacres (on ne peut pas dire que Gengis Khan était particulièrement un intellectuel...), mais quand un régime se met à massacrer les gens au nom d'une idée, c'est encore plus atroce, car apparemment légitimé en raison, ou du moins en partie excusable rationnellement (vous comprenez, oui, on en a tué beaucoup, mais c'est pour aboutir à des lendemains heureux etc.)
 
Donc cela a de quoi faire réfléchir. A chaque fois qu'on propose des idées globales, cela peut très très mal tourner. La question est de savoir dans ce cas si c'est une perversion imprévisible d'une idée bonne au départ, ou si c'est l'idée qui est dès le débat criminogène.  
A ce sujet, je peux renvoyer au début de l'essai de Jean-François Revel, La Grande Parade. Essai sur la survie de l'utopie socialiste (2000), qui argumente très fortement pour dire que dès le début, le système marxiste était porteur d'une violence totalitaire. Qu'il s'est donc réalisé historiquement comme il devait logiquement le faire, et que le stalinisme n'est pas une déviance malheureuse par rapport aux idéaux de Marx, mais leur aboutissement nécessaire.  
 
En quittant ces perspectives un peu larges (et très effrayantes !) et en se recentrant sur la vie quotidienne ordinaire, je dirais que de toute façon, ces "grands récits", comme les appelle Jean François Lyotard dans La condition postmoderne (1979) ne sont guère utilisables en pratique et sont décevants, car ils offrent des solutions définitives qui ne viennent jamais. Ils sont donc facteurs de désillusion, de découragement, de cynisme résigné.  
Je pense qu'on devrait davantage se demander comment garder des idéaux raisonnables, capables de motiver des actions concrêtes, sans tomber dans les délires d'utopies globales. Mais évidemment, c'est beaucoup moins séduisant (moins attrape-couillons...) que de chercher pour demain l'horizon radieux de la société égalitaire, le dévoilement de notre être originaire, ou la fin de l'aliénation par la société du spectacle...  
 


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47081242
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2016 à 04:00:13  answer
 

rahsaan a écrit :

On peut jauger l'influence de la vie d'un auteur sur sa pensée, ce que propose Onfray depuis longtemps.
On peut aussi tout simplement juger le genre de vie que le philosophe nous enjoint à mener si nous adoptons sa philosophie. Je dois dire que de ce point de vue la "philosophie" de Heidegger est assez effrayante : mépris pour le commun des mortels, phobie de la technique, rejet des sciences, nationalisme intégral, rejet global de la modernité, repli dans un passé fantasmé et dans la "méditation" d'auteurs "obscurs" et archaïsants comme Héraclite ou Holderlin...  
Soyons sérieux, le seul fait que je tape ce message sur mon smartphone est une acceptation de 75% de ce que rejetait Heidegger.


 
Je crois qu'un hors-série sur Nietzsche va être publié ce mois (philo magazine)

n°47089745
rahsaan
Posté le 15-09-2016 à 20:14:54  profilanswer
 


 
Nietzsche est depuis longtemps une vedette des hors-série philo des hebdos culturels :D


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n°47089775
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2016 à 20:18:03  answer
 

J'ai acheté un livre collection "idées reçues" mais pas encore lu..
En quoi a-t-il légitimé les nazis? je crois que c'est à cause d'un livre tronqué de sa soeur non?

n°47090910
rahsaan
Posté le 15-09-2016 à 21:41:05  profilanswer
 


 
Sur Niezsche ? Ecrit par Patrick Wotling ?
 
La soeur de Nietzsche, Elisabeth, a en effet édité un livre tronqué de Nietzsche, La Volonté de puissance, qui est une réunion de fragments posthumes selon un ensemble de plans laissés à l'état de brouillon par Nietzsche. Ce dernier prévoyait un temps de publier un livre sous ce titre, mais on ne peut pas savoir en l'état à quoi il aurait ressemblé.  
La soeur de Nietzsche était une fervente antisémite, et une nazie tout aussi fervente : elle a d'ailleurs offert à Hitler la canne de marche de son frère. Les nazis ayant récupéré Nietzsche comme un de leurs symboles.  
 
Jusqu'à quelle point cette récupération de Nietzsche était-elle infondée ?  
On trouverait chez ce dernier aussi bien des propos très violents, qu'on pourrait considérer comme "pré-nazis" (sur l'absence de nécessité, pour les "forts" de justifier leurs actions ; sur la nécessité d'entretenir une certaine barbarie pour ne pas se laisser épuiser par la civilisation moderne ; sur la nécessité d'élever une race supérieure etc.), que des propos, non moins violents du reste, contre l'antisémitisme, le culte de l'Etat moderne, la soumission devant la force, qui sont totalement contraires à l'idéologie nazie.  
 
En récupérant Nietzsche, les nazis ont trahi et défiguré largement sa pensée, mais à mon avis, tout n'était pas irrécupérable pour eux chez l'auteur de Par-delà bien et mal.


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n°47090943
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2016 à 21:43:49  answer
 

Merci.
edit: c'est le nouvel obs qui publie un numéro spécial sur Nietzsche,donc moins bien fourni que philo mag

n°47111945
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 18-09-2016 à 10:34:20  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Beaucoup de questions :D  
 
 
 
Donc cela a de quoi faire réfléchir. A chaque fois qu'on propose des idées globales, cela peut très très mal tourner. La question est de savoir dans ce cas si c'est une perversion imprévisible d'une idée bonne au départ, ou si c'est l'idée qui est dès le débat criminogène.  
A ce sujet, je peux renvoyer au début de l'essai de Jean-François Revel, La Grande Parade. Essai sur la survie de l'utopie socialiste (2000), qui argumente très fortement pour dire que dès le début, le système marxiste était porteur d'une violence totalitaire. Qu'il s'est donc réalisé historiquement comme il devait logiquement le faire, et que le stalinisme n'est pas une déviance malheureuse par rapport aux idéaux de Marx, mais leur aboutissement nécessaire.  
 
En quittant ces perspectives un peu larges (et très effrayantes !) et en se recentrant sur la vie quotidienne ordinaire, je dirais que de toute façon, ces "grands récits", comme les appelle Jean François Lyotard dans La condition postmoderne (1979) ne sont guère utilisables en pratique et sont décevants, car ils offrent des solutions définitives qui ne viennent jamais. Ils sont donc facteurs de désillusion, de découragement, de cynisme résigné.  
Je pense qu'on devrait davantage se demander comment garder des idéaux raisonnables, capables de motiver des actions concrêtes, sans tomber dans les délires d'utopies globales. Mais évidemment, c'est beaucoup moins séduisant (moins attrape-couillons...) que de chercher pour demain l'horizon radieux de la société égalitaire, le dévoilement de notre être originaire, ou la fin de l'aliénation par la société du spectacle...  
 


 
Je parlerai plutôt de "marxisme-léninisme", car il y a des marxistes réformistes, comme Berstein ou Blum, qui étaient pour des réformes progressives pour rendre notre société plus égalitaire, mais de manière pacifique.  
 
 


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°47112594
Profil sup​primé
Posté le 18-09-2016 à 12:18:10  answer
 

k-rott0 a écrit :

Ci-après une ébauche de commentaire sur l'entretien avec Michel Puech. J'ai abrégé, cela s'étendait exagérément.  
 

Citation :

On a l’idée que la science et la technologie sont globalement des formes d’oppression par le Grand Capital.


Sur ce point, je reprendrais l’hypothèse intéressante du collectif/groupe Pièces et Main d’Œuvre : le transhumanisme comme alliance du capitalisme et de la technique. J’y reviens par après mais pour résumer, la technique est de nos jours aux mains des capitalistes et, nécessairement, orientée et utilisée à leur profit.
Précision : cette hypothèse a été entendue au cours d’une émission radiophonique, je ne donne le lien qu’à titre informatif.
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=plan
 

Citation :

Et en attendant, les théoriciens en question vont toucher leurs salaires de chercheurs-fonctionnaires parce qu’en pratique, il n’y a rien à faire. On va acheter des Apple MacBooks et des Samsung dernière génération parce qu’il est inutile de changer la réalité concrète autour de nous, tellement le problème est grave.


Je ne comprends pas cette remarque. Sous-entend-il que la recherche publique en France ne produit rien de concret et donc, se révèle inutile ?
 

Citation :

MP : ... Quand vous étudiez Amazon ou Google, il y a un tel filtre de lecture par l’économie politique qu’on voit assez peu la réalité. Aucun théoricien n’a l’air de se rendre compte qu’Amazon apporte des livres, pas chers, n’importe où en France, et qui plus est, tous les livres du monde ! C’est tout de même capital ! Au contraire, on s’intéresse énormément aux gens qui travaillent dans les entrepôts et qui sont en effet sous-payés ou aux indiscrétions numériques d’Amazon. C’est une lecture où les éléments d’économie politique et les thèmes de la surveillance sont mis sur le devant de la scène, et où la simple réalité matérielle et culturelle du service est considérée comme secondaire. Cette déformation est gravissime. Elle est due au poids des analyses d’économie politique, beaucoup trop lourdes par rapport aux réalités.
AP : Si j’achète sur Amazon, j’aurai un service rapide, fiable mais en même temps, je dois assumer que je contribuerai à l’exploitation de ces employés dans les entrepôts.
MP : Tout à fait. Mais tout ce que vous portez, de vos chaussures jusqu’à votre téléphone, est probablement fabriqué en Chine par des gens beaucoup plus exploités que les gens d’Amazon au dépôt d’Orléans ! L’employé chinois doit gagner 10% du salaire d’un employé français, et subit des conditions de travail beaucoup plus dures. C’est incomparable ! Or, avoir des livres et des produits culturels, c’est beaucoup plus important qu’avoir des tennis neuves tous les ans. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes. Je dis qu’on a une vision totalement disproportionnée des problèmes à cause de filtres idéologiques et technophobes. Et derrière ces filtres, il y a un élément de politisation qui date du 19ème siècle et qui est catastrophique.


Sa comparaison entre les produits vendus par amazon et les chaussures ou le téléphone n’est pas recevable. Il faut comparer ce qui est comparable, soit dans l’exemple du livre : amazon et la librairie. Le bilan me semble alors beaucoup moins flatteur pour celui-là.  
Amazon offre choix immense à première vue, qui se révèle souvent limité dès que l’on recherche un ouvrage un peu spécialisé.  
Amazon est une plate-forme, personne n’est là pour vous conseiller, contrairement à un libraire. Amazon suggère des ouvrages mais cela reposer sur un système de similitudes. Quand j’ai l’impression que Heidegger apporte une approche intéressante sur la technique, il n’est pas capable (pas encore tout du moins) de me contredire avec des auteurs comme Pascal, Kierkegaard, Schopenhauer ou Sartre. Il n’aura pas l’intuition qu’une nouveauté, totalement différente de ce que j’ai l’habitude de lire, pourrait m’intéresser, ce que pourrait faire un libraire de confiance.  
La relation humaine disparait totalement. On reste assis derrière son ordinateur (c’est le cas de le dire) plutôt que d’aller à la rencontre de l’autre.  
Entre le métier de libraire et le boulot de manutentionnaire, est-il vraiment besoin de se demander lequel est le plus épanouissant ? Poussons la logique plus loin encore, entre un manutentionnaire et un agriculteur qui peut vivre de son exploitation ?  
Amazon pousse la logique du prix bas jusqu’au bout alors que le système de librairie favorise (ou peut favoriser) une rémunération plus équitable des différentes  protagonistes (à l’image des circuits-courts en agriculture).  
À l’opposé, amazon me permet d’accéder à une vaste librairie et d’être livré tout en restant à la maison. C’est incontestablement très pratique mais, est-ce vraiment l’essentiel ? Chez le libraire, j’attendrais une semaine plutôt que deux jours.    
Enfin, on peut très bien choisir de ne pas consommer chinois, ou de limiter sa consommation, il le reconnaît même et en vante les mérites par après.  
 La démonstration est valable pour toutes les catégories de produits vendus sur amazon (je vous mets au défi de savoir quel est le meilleur robot ménager dans une gamme de prix de 150-200€). Là où amazon est intéressant, c’est lorsque que je sais exactement ce que je veux : l’achat-commande-réception se fait presque du jour au lendemain avec le service prime.  
 

Citation :

Exactement, le progrès c’est la nouveauté ! Par exemple nos téléphones mobiles, qui sont des outils absolument extraordinaires grâce aux potentiels qu’il y a derrière : Amazon par exemple ou Google Maps, les traductions, le Web etc. Tout cela, personne ne l’avait prévu. C’est un progrès plus substantiel que d’aller sur la Lune (ce qui n’a aucun intérêt) ou les voitures à lévitation (peut-être parce que la quantité d’énergie nécessaire pour cette technologie inutile serait énorme).


A mettre en perspective avec ce qui est dit par après :

Citation :

MP : Dans ma construction personnelle, Facebook ne m’apporte rien de suffisamment positif pour que je le mette devant le négatif, c’est-à-dire les manipulations commerciales et la surveillance qu’il y a derrière, que je dénonce complètement.


Qu’est ce qu’amazon, google map, google traduction, si ce n’est de la manipulation commerciale et de la surveillance (big data) ? Comme si tout cela était gratuit.  
De même :

Citation :

Exactement, le progrès c’est la nouveauté !


Citation :

Steve Jobs a compris que les gens veulent avoir un objet très beau, très qualitatif et cher !


Apple nous vend des produits inutiles et l’on appelle cela le progrès … Voyager sur la lune (accroitre les connaissances humaines) est par contre inutile …  
 

Citation :

C’est vrai par exemple qu’il n’y a toujours pas de médicament miracle contre le cancer, mais nous avons les technologies de base qui maintiennent notre santé, qui améliorent la qualité de l’air que nous respirons, qui est bien meilleur que l’air encrassé de charbon au 19ème siècle. Ces technologies sauvent probablement beaucoup plus de vies que le traitement miracle contre le cancer n’en sauverait, en termes d’années de vie et de personnes concernées. Mais habituellement on ne voit pas l’ordinaire.


La question de la pollution n’est pas aussi évidente. Cette dernière est moins visible, mais pas forcément moindre. À nouveau, difficile de comparer : entre un moteur à essence qui rejette du CO2 et un moteur diesel des particules fines, lequel est le plus polluant ?
 

Citation :

C’est d’ailleurs ce que dit le transhumanisme : il n’y a pas de limites, pas de frontière et on ne peut pas empêcher les gens d’essayer. Ou bien on dit qu’il peut y avoir et éventuellement il doit y avoir des valeurs communes, des valeurs ultimes, mais il faut les discuter. Il faut qu’elles soient claires et il faut faire attention qu’elles n’importent pas une trop grande stupidité ni de la violence. Elles ont malheureusement tendance à faire ça.


Voir ma première remarque. C’est, je crois, une discussion majeure, voir même un combat idéologique, dans les années à venir.  
 

Citation :

Quand vous êtes face à un choix de traitement ou à une décision d’euthanasie, vous êtes face à des réalités ordinaires. La maladie, la mort, le traitement ne sont pas des abstractions. On ne parle pas de sacré : on se demande si on va pouvoir soulager votre douleur, jusqu’où, jusqu’à quand, avec quels types d’effets secondaires. Comment traiter une personne en fin de vie atteinte d’Alzheimer. Je veux bien discuter de cela, participer à des décisions, élaborer des notions, mais dans ces discussions, il n’y a pas de problème de sacré. Et si on en importe un, à mon avis, on importe de la stupidité, des blocages, de la domination, ce qui va amener de la violence.


Pourtant, même dans nos sociétés sécularisées, les rituels autour de la mort restent très forts : recueillement, deuil, enterrement … On ne jette pas le corps des morts aux ordures, on se réunit pour affronter ce moment difficile … Certes, ce n’est pas très épicurien.  
 

Citation :

MP : La bonne idée serait de distinguer les limites imposées par du sacré, qui sont en fait imposées par de la domination, et les limites assumées. Entre ne jamais boire d’alcool parce que c’est interdit par le sacré, et boire autant d’alcool qu’on veut sans aucune limite, on peut choisir de se situer entre les deux. C’est une problématique moins de limites que de ce que j’appelle la « construction de soi ». Celle-ci va être évolutive, réfléchie, pas imposée et elle va être corrélée avec d’autres valeurs. Cette réflexion est constructive et individuelle. Elle porte sur ce que je veux être, y compris dans mon état de santé. On peut assumer de dégrader son état de santé. Un de mes exemples est le cancérologue qui fume. Je n’ai strictement rien à lui dire. Les médecins qui boivent trop d’alcool, il y en a. On ne peut pas leur interdire de boire de l’alcool. Le problème est la façon dont ce médecin s’est construit. Il aurait pu se construire mieux mais selon moi, il a le droit de se construire comme il le fait, s’il le fait de manière consciente. Il n’y a pas de limites à lui imposer de l’extérieur. La question est celle de la construction de soi, en lien avec des références de valeurs et de ce qui est mis comme moyens à notre disposition, y compris la drogue, l’argent, le pouvoir... Il faut éduquer les gens. Mais une fois qu’ils sont informés et éduqués, on n’a plus rien à leur dire.
AP : Mais que faire dans ce cas pour quelqu’un de notre entourage, dont on voit qu’il se fait du mal ? On ne peut pas toujours dire : il boit trop mais c’est son éthique à lui, on doit la respecter. N’est-ce pas dans ce cas une démission morale de « respecter » les choix d’autrui ? Et n’y a-t-il pas un devoir d’aller voir la personne, au moins de lui parler ?
MP : Tout à fait. Il s’agit d’abord d’un devoir d’éducation, qu’on remplit très très mal, et qui ne s’arrête pas aux jeunes. La plupart des adultes ont d’énormes besoins éducatifs, qui ne sont pas satisfaits ! On a besoin d’éducation et de quelque chose comme une collaboration éthique.


Il y a plusieurs points soulevés ici. Dans le désordre :
- le cancérologue qui fume. Je n’ai strictement rien à lui dire. Le fait est que nous vivons en société et que cela implique des devoirs. Le cancérologue est libre de fumer, si cela ne menace pas ma santé. Il y a donc une première limite, qui n’a rien de sacré. Deuxième limite, plus discutable je crois, le coût engendré par le comportement de l’individu. Dans la mesure où il est pris en charge par la société, celle-ci doit avoir son mot à dire ;
- pour ce qui est de l’éducation, en quoi le cancérologue est mal éduqué ? L’homme n’est pas l’individu rationnel dont rêvent les libéraux (dans son acceptation vulgaire) ;  
- le point précédent semble révéler un manque d’éducation. Où veut-il en venir ? S’il manque d’éducation, c’est qu’il a besoin de plus d’éducation, dit autrement, qu’il doit être rééduqué. Et que fait-on des individus qui refuse d’être rééduqué ? Pourquoi ne pas leur proposé un séjour de rééducation ? Il y a là une pente très glissante et les idéologies qu’il critique par ailleurs ont peut-être plus de points communs avec celle défendue ici qu’il ne veut bien le voir.  
Bref, il ne faut pas imposer de limite, mais attention à celui qui ne rentre pas dans la norme.  
 

Citation :

On n’envisage presque jamais la troisième solution, qui n’est pas technologique, qui n’est pas politique, qui est éthique. Comment est-ce que l’action sur soi, le pouvoir sur soi, qui est la voie de la sagesse, peut intervenir ? A mon avis, c’est en renforçant le pouvoir sur soi de l’adulte. S’il est adulte et conscient, malgré l’addiction qui limite son pouvoir sur soi, sa liberté, sa responsabilité, la bienveillance est d’intervenir sur son action sur soi. Ce n’est pas lui cacher les bouteilles. On peut l’aider en entrant en empathie, en harmonie dynamique avec l’action qu’il mène lui-même sur lui. Parfois, ce n’est pas possible. Dans ce cas, on fait preuve d’humilité, qui est une autre vertu que je défends. On ne peut pas transformer la vie des autres. Mais transformer la vie des autres est déjà une question moins prioritaire que de gérer sa propre vie.


Autant l’idée de l’empathie et de la responsabilisation me semble une bonne chose en soi, autant elle me semble complètement hors-propos en l’état actuel des choses. D’une part, il reconnait lui-même qu’une grande partie des adultes manque d’éducation. D’autre part, cette approche ressemble fort à ces messages idiots vus sur les réseaux sociaux aux moindres évènements tragiques : contre la haine, aimons-nous les uns les autres. Pas certain que le terroriste en face ne fasse preuve de beaucoup d’humilité.  
Et puis encore une fois, il ne faut pas oublier que nous vivons en société et que n’imposer aucune limite aux individus ne sera pas sans conséquence.  
 

Citation :

MP : C’est un terme utilisé par les informaticiens, qui ne le traduisent pas. « Pervasif » veut dire : qui se diffuse partout de manière quasiment irrésistible.


Je vois là une contradiction avec l’éloge de la liberté individuelle vantée dans toute la discussion. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait étranger à l’idéologie transhumaniste (défini comme en introduction). À savoir que l’individu est libre, qu’il doit être le plus libre possible, mais que, et c’est bien dommage pour lui, il n’a pas vraiment le choix de refuser cette technicisation. Autant que l’ouvrier auquel on propose de manière complètement innocente s’il veut travailler le dimanche.
Comment peut-on parler de choix quand les individus ne sont pas sur un pied d’égalité ?
 

Citation :

MP : Sauf d’une seule, celle de la technologie. Ce qui me frappe chez les transhumanistes est leur peur et même leur haine du corps, de la biologie, de la mort. Il y a chez eux une idéologie « platonicienne » (au mauvais sens du terme) d’échapper à la matière.
MP : Oui mais la notion d’imperfection demande à être définie d’après des normes et de façon évolutive. Une prédisposition génétique aux maladies cardiaques ou au cancer est une « imperfection », oui. Mais un manque de sensibilité à la musique, est-ce une imperfection qu’il faudrait corriger avec une pilule ? Prendre des médicaments pour courir plus vite et rapporter des médailles, est-ce se perfectionner ? La technoéthique telle que je l’entends a pour but de définir les normes d’acceptabilité et d’aider à éclairer les décisions individuelles. A la limite, cela ne me dérange pas que des gens veuillent des piqûres ou des cachets pour nager plus vite, mais cela ne m’intéresse pas de les regarder. Je n’ai aucun respect pour eux. Pour moi, ils souffrent d’une addiction pathologique.


Il reconnait quand même, à demi-mot certes, qu’il y a bien un problème dans cette idéologique. Après tout, qu’est ce que le transhumanisme sinon une vaine fuite en avant contre la mort.  
Il évoque une sorte de « haine » de la technologie, je crois que nous avons là l’exact opposé : une haine de la nature. Le but est d’aboutir à l’homme parfait, hors de toute nature. Plus de mort, plus de maux, plus de mal. Est-ce encore un homme ? Les pensées orientales ont peut-être une place ici avec comme le mentionnait v pour (ou Yionel) cette recherche de l’équilibre. Puech fait aussi référence à elles mais dans un autre contexte. Cette haine de la nature, de l’humain finalement, me fait penser au péché chrétien. L’homme est originellement perverti et il faut le corriger.  
Peut-être peut-on faire ici un rapprochement avec un aspect important des sciences dures, la mesure. Et j’opposerais la mesure à l’aléatoire, à l’imperfection. Il y a ici comme un refus, peut être une peur encore, du caractère aléatoire de la nature. Par exemple dans la culture des OGM, dans la « sélection » des fœtus pour ne garder que les individus sains. L’homme est insaisissable. Il ne rentre pas dans le langage binaire de l’ordinateur. Petite anecdote à ce sujet, il est absolument impossible de générer des nombres aléatoires avec un système informatique puisqu’il faut toujours recourir à un algorithme. Seule la nature est en mesure d’engendre l’aléatoire. Dans cette volonté de supprimer cette incertitude, c’est la vie elle-même qui est éradiquée. On a bel et bien affaire à un totalitarisme.  
Addiction pathologique est une autre expression frappante, révélatrice. À l’heure actuelle la distinction entre une intervention visant à soigner et celle visant à corriger ou améliorer est relativement claire et aisée à identifier. Mais l’on viendra vite au stade où cette séparation sera beaucoup plus floue.
Prenons l’hypermétropie ou la myopie. Il me semble y avoir un consensus sur le fait qu’il s’agit d’ «anomalies », qu’il convient de corriger pour rétablir une vision complète. Je dis « complète » car le terme est moins sujet à discussion que «normal » ou « correct » (qui peut, qui doit être corrigé). Quand chacun d’entre nous aura une vision complète, il ne fait aucun doute –puisque c’est déjà le cas- que certains voudront avoir mieux, plus. Une vision plus que parfaite. Dès lors, quelle différence avec le sportif qui se dope ?
Oui, les normes définissant l’imperfection peuvent être évolutives. Mais cela n’est que faux-semblant si l’on en revient à seulement reporter dans le temps, dans dix, vingt ou trente ans, la limite que l’on se fixe à ce jour.
Je réfléchis en même temps et l’une des solutions me semble être de fixer la limite comme ce que la nature peut engendrer. Engendrer de façon naturelle. Une personne qui a une bonne vue, une vue non altérée, a un score de 10. Aucun artifice, c’est plutôt la situation idéale. On peut donc fixer la limite à ce niveau. Corriger jusqu’à obtenir cette vision de 10, mais pas au-delà.  
Et cela fonctionne aussi pour les OGM ou les modifications génétiques. Naturellement, il ne peut y avoir de croisement d’espèces (entre deux espèces différentes). Par contre le croisement inter-espèces est possible, tout comme la sélection naturelle.  
 

Citation :

MP : Une étude de cas marche très bien : d’un côté, un patron qui gagne mille fois le salaire de son employé de base mais qui a créé des centaines de milliers d’emplois ; de l’autre, le brave patron qui ne gagne que cinq fois le salaire de base mais dont l’entreprise va fermer. Certes, d’un point de vue utilitariste, il vaut mieux le premier patron. Mais le problème est de savoir si j’ai envie d’être ce type de patron, si j’ai envie d’être employé par ce type de patron ; ensuite de savoir quels mécanismes sont responsables de cela et quelle est ma part de responsabilité dans le fait que c’est ce type d’entreprises qui prospère et que les entreprises qui essaient de gagner honnêtement leur vie éventuellement périclitent.


Ce n’est pourtant là que la suite logique de ce dont il fait l’apologie précédemment. Il n’a pas peut-être pas envie d’être l’un de ces patrons, Jeff Bazos ne se fait pas tant de sang d’encre.  
 

Citation :

Je mets personnellement la justice assez bas, très en-dessous de la non-violence. Il est beaucoup plus important pour moi d’être non-violent que d’être juste. Car rétablir la justice peut être violent.
Le nudge est une forme d’incitation douce, une forme de manipulation assumable car ce n’est pas de la domination.


Citation :

MP : C’est une option qu’il faut assumer (ou pas), en s’appuyant sur le fait que la violence produit de la souffrance.


Citation :

MP : Je pense qu’une valeur n’est pas forcément sacrée. Dans le cas de la non-violence, il n’y a rien de sacré. Ce n’est pas une révélation qui m’a dit qu’il ne fallait jamais être violent. Mon prochain livre portera sur les arts martiaux, que je pratique depuis longtemps et qui font partie de mon éthique. Je n’exclus pas d’avoir à recourir à la force. Simplement, je peux éviter de me mettre dans les circonstances où je devrai avoir recours à la force, et il n’y a rien de transcendant dans mon adhésion à la non-violence. Notre problème aujourd’hui est de vouloir faire de nos valeurs des entités sacrées, et pas des entités humaines, discutables, critiquables et demandant un entraînement, une pratique exigeante.


Sur la justice, je répondrais avec le résumé sur le L’Homme Révolté. Mais encore une fois, on a une vision bien naïve. Sur la violence, Hobbes (?) a bien théorisé la violence légitime de l’état.
Et cela me semble en contradiction, en tout cas impossible à concilier avec ce qui suit :

Citation :

Le cancérologue fumeur, je veux juste qu’il ne vienne pas me souffler sa fumée dans la figure. Je veux qu’il aille fumer dehors et éventuellement, que la loi l’y oblige.


 

Citation :

A propos de la PMA, René Frydman dit bien qu’en théorie, on peut discuter de principes mais dans la pratique, on est dans un bureau avec un couple qui veut avoir un enfant


Dans la pratique, on aura un couple de riches qui pourra faire son choix entre un petit blond futur physicien et un beau brun sportif, ou un couple un peu moins privilégié que l’on dissuadera gentiment.  
 
Pour conclure, quand même, il néglige largement l’intrication entre l’économie et le développement de la science, sans qu’il ne soit besoin d’en faire le cœur de toute réflexion.  
 
Bref, tout cela est bien mieux expliqué dans l’inoubliable Demolition Man.  


 
 
Merci

n°47118132
rahsaan
Posté le 18-09-2016 à 23:06:39  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

J’y reviens par après mais pour résumer, la technique est de nos jours aux mains des capitalistes et, nécessairement, orientée et utilisée à leur profit.


 
C'est évident, mais il y a autre chose qui est tout aussi évident, ou qui devrait l'être : c'est que la technologie est aussi entre nos mains ! Car Apple ne ferait aucun profit si ses iPhones n'étaient pas massivement utilisés, ni Mark Zukerberg si des millions de gens ne se connectaient pas à Facebook tous les jours.  
On a une notion très utilisée aujourd'hui : l'empowerment (dont on a une traduction littérale assez laide en français : "l'empuissantement" ), qui désigne le fait que les citoyens ordinaires ont entre leurs mains de la puissance d'action. On détient de la puissance, et on la maîtrise assez mal. Mais il suffit de penser à tout ce qu'on peut faire rien qu'avec une carte bleue et une connexion Internet, pour avoir un peu le vertige. On peut faire énormément de choses... ou au contraire, choisir de s'abstenir. Et c'est un pouvoir discret, mais très puissant. Je peux acheter sur Amazon, ou choisir de ne pas m'en servir. Je peux choisir de quel pays viennent mes habits, quel genre de voiture j'achète etc. Les potentialités sont énormes, mais on ne voit que le côté "oppression par le Grand Capital qui nous abrutit par la publicité pour nous faire consommer". Alors que dans l'absolu, le citoyen ne base n'a jamais eu autant de puissance d'action à sa portée.  
Mais après, c'est à chacun de décider, d'agir ou de ne pas agir.  
 

Citation :

Je ne comprends pas cette remarque. Sous-entend-il que la recherche publique en France ne produit rien de concret et donc, se révèle inutile ?


 
Il critique la production de discours théoriques stériles, qui proposent des solutions globales, totales contre les méfaits du "libéralisme", mais assez irréalisables. Et qui détournent donc de réfléchir sur des solutions concrètes et efficaces au quotidien. Je ne peux pas résoudre le problème de la misère dans le monde, mais je peux me renseigner sur des assos humanitaires et faire des dons. Je ne peux pas empêcher les gens de bouffer n'importe quoi, mais moi je peux faire attention à mon alimentation et par mon attitude, inspirer d'autres gens etc.  
 
Le type qui critique le Capitalisme mondialisé mais qui a le MacBook et la 4G sur son portable, tu vois bien que dans son attitude réelle, il y a quelque chose d'incohérent, d'agaçant et de ridicule.  
Mais il gagne sur les deux tableaux : théorique, en passant pour un critique du système, et pratique, en profitant du confort produit par ledit système. Un peu facile.  
Si tu veux critiquer la mondialisation, la pollution, les OGM, la technologie et dire que tout cela est totalement inacceptable, pas de problème : va dans la Creuse, et retape une vieille ferme où tu feras de l'agriculture bio dont tu pourras te nourrir. En allant éventuellement à vélo vendre ta production au marché local (circuits courts).  
Ca existe, des gens le font.  
 

Citation :

Qu’est ce qu’amazon, google map, google traduction, si ce n’est de la manipulation commerciale et de la surveillance (big data) ? Comme si tout cela était gratuit.  


 
C'est tout cela mais aussi en même des services hyper-pratiques.  
Quand tu passes le péage de Saint-Arnoult, que l'A10 est saturée, Google Map t'en avertit, et te recalcule un autre itinéraire en passant par la Francilienne, en te disant que tu vas gagner 36 minutes (pas 35 ni 37, 36 !), et que tu vas reprendre l'A6, où les ralentissements à cause de l'accident sont terminés, de sorte qu'en sortant porte d'Orléans etc.  
Ca c'est réel (et vécu en ce qui me concerne :o ).  
Si ce n'était que du big data et des manipulations commerciales, personne ne l'emploierait, le problème ne se poserait même pas.  
Donc oui, rien n'est tout à fait gratuit, rien n'est pure générosité, le père Noël n'existe pas. Ou du moins, il y a des pères Noël qui ont plein de choses très pratiques dans leur hotte à nous offrir, bien que ce ne soit pas de la pure bonté de leur part :o  
 

Citation :

Apple nous vend des produits inutiles et l’on appelle cela le progrès … Voyager sur la lune (accroitre les connaissances humaines) est par contre inutile …


 
En ce qui me concerne, je trouve les deux aussi inutiles :D  
Payer un iPhone 700 ou 800€, pour moi, c'est tout simplement du délire.  
Et acheter Apple en général, c'est niet. Trop cher, système fermé où tu ne peux consommer qu'Apple, dans un circuit fermé complètement, contraire à l'idée même d'Internet, système ouvert par excellence.  
 

Citation :

Bref, il ne faut pas imposer de limite, mais attention à celui qui ne rentre pas dans la norme.


 
Oui pour moi c'est une limite de cette éthique très individualiste qu'il propose. Au bout d'un moment, comment assurer la coexistence d'individus aux éthiques très différentes, voire incompatibles ? Jusqu'à quel degré tolérer des différences et quelles règles communes maintenir pour assurer cette coexistence ?
C'est une nouvelle forme du vieux problème médiévale de l'Un et du Multiple :p Jusqu'où aller dans la multiplicité ?  
La limite que je vois, c'est qu'à mon avis en société, il faut une certaine égalité des conditions sociales et une certaine uniformité des moeurs et des aspirations, pour que les gens vivent ensemble autrement que "négativement", c'est-à-dire comme des individus isolés cherchant simplement à ne pas trop subir de nuisances de la part des autres. La société ultra-libérale décrite par Michéa, qui ressemble à un vaste centre commercial où le seul point d'acccord entre les gens est l'argent et la recherche de l'intérêt privé.  
 

Citation :

Je réfléchis en même temps et l’une des solutions me semble être de fixer la limite comme ce que la nature peut engendrer. Engendrer de façon naturelle. Une personne qui a une bonne vue, une vue non altérée, a un score de 10. Aucun artifice, c’est plutôt la situation idéale. On peut donc fixer la limite à ce niveau. Corriger jusqu’à obtenir cette vision de 10, mais pas au-delà.  
Et cela fonctionne aussi pour les OGM ou les modifications génétiques. Naturellement, il ne peut y avoir de croisement d’espèces (entre deux espèces différentes). Par contre le croisement inter-espèces est possible, tout comme la sélection naturelle.


 
Contestable à mon avis. Car nous demandons à la technique précisément de faire régulièrement et bien ce que la nature fait mal, ou rarement, ou jamais, ou aléatoirement. C'est pourquoi Jean-Pierre Séris a pu dire que la technique était "la nature à plus forte raison".  
Prendre la "nature" comme modèle est très difficile, et très contestable.  
Sans les vaccins et les médicaments, la plupart d'entre nous serait déjà mort.  
Il y a aujourd'hui des enfants nés in vitro. C'est totalement contre-nature.
Les thérapies génétiques vont peut-être guérir des maladies héréditaires.  
Les greffes d'organes animaux (pratique "contre-nature" s'il en est !) vont sauver des vies.  
Les greffes d'organes pris à des gens morts aussi (pratique là-aussi "contre-nature" car je vais continuer à vivre avec le coeur d'une personne morte !).  
 
Et pourtant, dans toute ces pratiques "contre-nature", la médecine ne fait qu'utiliser des potentialités présentes dans la nature, mais d'une façon inédite et favorable à la santé humaine, c'est tout.  
Donc la notion de "nature" n'est en réalité peut-être pas la bonne pour réfléchir. Car c'est une notion extrêmement polysémique, et chargée de toutes sortes de sous-entendus idéologiques, religieux, sans parler de la charge "affective" du terme. Il est donc très délicat de l'employer et de garder la tête froide.  
 
 

Citation :

Bref, tout cela est bien mieux expliqué dans l’inoubliable Demolition Man.


 
Oui :D J'adore ce film.  
Le coup des trois coquillages est hilarant, par la façon dont la scène est faite, et par cette illustration géniale de l'obsession de la technologie pour tout :D


Message édité par rahsaan le 18-09-2016 à 23:13:36

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°47118444
rahsaan
Posté le 18-09-2016 à 23:55:24  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

Merci, tu mets bien en exergue l'aspect ambivalent de sa pensée, peut-être même de toute pensée. Oui, il y a sans doute un côté fanatisant, enivrant à utiliser des termes tels que "néant" ou à "engager l'humanité toute entière". Mais a contrario, ne serait-ce pas ce qui manque à notre époque ? Je veux dire, à notre société de la classe moyenne ? Où tout doit être moyen, modéré, pas trop ceci ni trop cela. François Hollande, président "normal", n'en-est-il pas un symptôme ?
Est-ce que l'on mobilise un peuple avec une présidence normale ? A fortiori, engage-t'on l'humanité avec un discours en demi-teinte ? C'est aussi une manière de lutter contre un certain relativisme, contre le "bof", le "tant pis", au fond, un certain renoncement.

 

En France, on a gardé un fort complexe "royaliste" et "gaulliste", au moins dans le discours. La plupart des gens, concrêtement, veulent mener une existence "normale", mais dans les représentations, dans les discours, dans l'idée qu'ils se font de la France sur la "scène internationale", ils voudraient du grandiose. On ne se remet pas de n'être plus au centre du monde.

 

A une échelle plus réduite, j'entends souvent des profs de philo se plaindre que les gens ne s'intéressent pas plus à la philosophie. Ils souffrent d'un soi-disant manque de reconnaissance de la discipline. Ils voudraient que tout le monde s'intéresse à la philo, donc à nous, en fait, concrètement, les profs. Mais bon, est-ce que tout le monde s'intéresse en permanence aux plombiers ? aux chauffeurs de bus ? aux experts en assurances ? Non, sauf quand on a besoin d'eux.
Mais un philosophe n'en démordra et dira que philosophe n'est pas un métier comme un autre. Ce n'est pas un métier comme un autre, c'est au contraire fondamental, extraordinaire, et indispensable au salut de l'humanité...
Et voilà comment on tombe dans Heidegger, ou comment on se retrouve d'accord avec lui, même quand on croit être à l'opposé de sa philosophie : en distinguant entre l'authentique et l'inauthentique, l'étant (les gens, les soucis, les boulots ordinaires, le quotidien) et l'Être (la philosophie, les Idées, les Concepts, les Problèmes)...

 

Pour en revenir à la politique : on a en France un fort complexe gaulliste. C'est Jean-François Revel, dans la postface de Le Style du Général qui constate qu'en 1968, tout le monde détestait le vieux général, des communistes à l'extrême-droite en passant par les socialistes et les démocrates chrétiens. Alors qu'au lendemain de sa mort, tout d'un coup, tout le monde s'est mis à se réclamer de son modèle.
Et aujourd'hui, qui ne se réclamerait pas un peu de son modèle grandiose, transcendant les clivages politiques traditionnelles et la petite tambouille politicienne ordinaire...
Ma thèse est que les Français sont gaullistes comme les philosophes sont heideggeriens : parce que leur idole leur donne une idée supérieure d'eux-mêmes et leur permet d'accéder à quelque chose d'inouï, d'extra-ordinaire, de supérieur, et d'indéfinissable. Car quoi de plus indéfinissable que le gaullisme ?... Sinon l'heideggerianisme !

 

Dans l'essai que je mentionne, publié en 1959, Revel cite et analyse tous les premiers discours publics de De Gaulle, depuis son arrivée au pouvoir en 1958, dans le contexte difficile des "événéments" (comme on disait) en Algérie. Il nous montre en fait un homme maladroit dans ses expressions, guindé, ne parvenant pas à se décrisper et frôlant le ridicule dès qu'il veut parler comme les "vraies gens". De Gaulle qui rêve à une sorte de communion du peuple français avec sa personne, a en fait beaucoup de mal, concrêtement, à s'adresser aux ouvriers du Creusot ou aux agriculteurs de la Loire. Comme si les vêtements de président de la République (pourtant taillés sur mesure pour lui par la Constitution !) s'avéraient trop étroits pour l'ancien chef de la Résistance !
Revel montre que De Gaulle ne supporte pas les responsabilités ordinaires de la politique. Il voudrait que par miracle, toutes les oppositions s'annulent dès qu'il paraît, que les bords opposés tombent d'accord entre eux sans que personne ne renonce à rien dans cette réconciliation des contraires. Il ne peut pas se faire à l'idée de se plier à la gestion des affaires courantes, des conflits mesquins et des solutions provisoires qui sont pourtant le lot commun de tous les dirigeants politiques, grands ou petits.
Revel nous peint le portrait d'un homme aux tendances à la fois mégalomaniaques (la grandeur de la France qu'il veut incarner, et vers laquelle le monde entier doit tourner ses regards) et paranoïaques (la même France éternelle sans cesse sournoisement menacée par l'"étranger" ).
Ce qui, là encore, n'est pas sans évoquer Heidegger ! L'Allemagne éternelle -l'Être- sans cesse menacée par les gens sans-monde (les sans-dents ?) -l'étant...

 

Dans la postface de son livre, Revel reconnaît toutefois que le style parlé et écrit d'un politique n'a pas tant d'importance, car il n'a pas été élu pour l'élégance ou non de ses phrases. Ce qu'on demande à un politique est de savoir prendre des décisions, pas de nous enchanter de son Verbe. Le style littéraire n'importe pas, c'est la volonté qui compte, plus encore à la limite que l'intelligence. Car Revel n'hésite pas à dire que De Gaulle s'est beaucoup trompé, à cause de ses préjugés personnels et de ses erreurs en situation, mais qu'il avait quand même la carrure d'un vrai dirigeant politique, car il savait prendre un parti (bon ou mauvais) et s'y tenir. Alors que beaucoup d'hommes politiques n'osent pas agir, et ne décident rien sans se ménager la possibilité de décider l'inverse le lendemain.
On peut donc regretter en De Gaulle non un individu visionnaire, ni un grand styliste, ni un fin politicien, mais un vrai meneur d'hommes. Revel note d'ailleurs que dans "Rassemblement du peuple français", on peut aussi entendre "rassemblement !" comme à la caserne quand sonne le clairon ! :D

 

Cependant, même si on se laisse éblouir par cela, il ne faut pas oublier ce qu'il en coûte d'avoir trop longtemps à la tête d'un Etat un dirigeant trop charismatique et trop brillant : c'est qu'on risque de se retrouver avec un despote éclairé. Mais un despote éclairé reste tout de même un despote. Et le meilleur dictateur du monde est encore un dictateur.
A ce sujet, voir le livre de Colas Duflo, Diderot. Du matérialisme à la politique (CNRS Éditions, 2013) : Diderot montre qu'il n'y a en un sens rien de pire qu'un bon despote, car sa bonté le fait aimer de tous et on désirera qu'il reste au pouvoir. Or, à force de garder le même dirigeant et de s'habituer à le voir exercer le pouvoir, on finira par croire qu'il détient ce pouvoir, qu'il en est le possesseur exclusif. Si bien que meilleur sera le despote, plus il fera perdre au peuple l'aspiration à la liberté.
C'est pourquoi (problématique très gaulliste !), il est bon que le despote finisse par s'en aller. Car même si ses successeurs sont médiocres en comparaison, le fait de changer permet de retrouver de la liberté. Et l'avantage d'un dirigeant médiocre est qu'il ne fait pas illusion : donc le peuple n'y perdra pas son sentiment de liberté, puisqu'il voudra en changer.
Il y a donc au moins un bon côté dans une présidence "normale", avec une cote de popularité au niveau de la fosse des Mariannes : c'est qu'un tel dirigeant ne peut pas donner une idée mystifée de sa personne et de l'exercice de la politique en général.
Mais c'est peut-être cela que les Français ne pardonnent pas : qu'on leur montre la politique telle qu'elle est (prosaïque, incertaine) et pas comme ils aiment qu'elle soit (grandiose, universaliste, "versaillaise" ). C'est une idée que Revel a plusieurs fois exprimé : en France, on se dit souvent le peuple de la raison universelle et de l'esprit critique, mais la vérité est qu'on aime rarement chez nous faire dans la demi-mesure et dans le compromis. Aussi bien en politique qu'en philosophie, être modéré passe pour de la mollesse, de la faiblesse. Ce qui veut juste dire qu'on a du mal à être critique.


Message édité par rahsaan le 19-09-2016 à 00:21:19

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n°47118803
pascal75
Posté le 19-09-2016 à 02:08:35  profilanswer
 

Très bon !
 
(We don't need another hero
We don't need to know the way home
All we want is life beyond
Thunderdome)


Message édité par pascal75 le 19-09-2016 à 02:35:29

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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°47125381
Profil sup​primé
Posté le 19-09-2016 à 16:20:11  answer
 

Empowerment peut se traduire parfois par"autonomisation(économique)
 
Sinon De Gaulle a quand m^me instauré la participation, la dissuasion nucléaire,un semaine de de congés payés en plus,Malraux et les maisons de la culture etc..

n°47126329
rahsaan
Posté le 19-09-2016 à 17:26:12  profilanswer
 

Il a fait des choses, personne ne peut le nier. Mais, justement, ces réalisations concrètes sont ce qui reste de son action, et pas son idéologie de la "France", qui est du verbiage, alors qu'il est aujourd'hui beaucoup plus célébré pour son génie visionnaire que pour ses réalisations.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 19-09-2016 à 17:26:41

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n°47127237
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 19-09-2016 à 18:53:05  profilanswer
 

Beaucoup de gens ont oublié que l'anti-communiste viscéral que fut Jean-François Revel, fut au début un anti-gaulliste convaincu, à l'époque où le général était vénéré. Je trouvais les livres de Revel un peu trop journalistique et un peu trop ouvertement pro-américain, mais il est clair qu'à l'époque où tout intellectuel se devait d'être marxiste (il a fait un court passage, lui aussi, par le PCF), il était, lui, à contre-courant et quasiment le seul intellectuel de droite, après Aron.
Quant à De Gaulle, il avait une conception très solitaire du pouvoir, et croyait dans des hommes providentiels, comme il l'écrit dans Le fil de l'épée :
 
http://leslecturesdares.over-blog. [...] 23620.html
 
 


---------------
L'arrière-train sifflera trois fois.
n°47127472
Profil sup​primé
Posté le 19-09-2016 à 19:19:48  answer
 

Quelqu'un avait évoqué le fait que le communisme portait en lui les germes du totalitarisme.
François Furet ,lui, estimait que ça remontait à la Révolution française

n°47129199
rahsaan
Posté le 19-09-2016 à 21:38:30  profilanswer
 

Revel s'est presque jusqu'au bout dit de gauche. Sauf peut-être à partir de l'écroulement de l'URSS.

 

De toute façon, je pense que c'était avant tout un humaniste et un libéral, et un sceptique à la Montaigne. En tant que libéral, il n'etait pas contre les aides sociales, mais il rappelait juste que seul un pays riche peut en fournir. Et que, selon lui, la richesse ne peut venir que d'une économie libérale.
J'hésiterais vraiment à le classer à droite. Même s'il était contre l'économie collectiviste.


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n°47130511
Yionel
Profil : lactique
Posté le 19-09-2016 à 22:53:27  profilanswer
 

[:le_6tron:3] Vraiment intéressant l'analyse sur De Gaulle :) et aussi avant le sujet en lien avec la servitude volontaire (dans ma toread list :D )
 
HS : je commence une liste de bouquin  
- Qu'est ce que la nécessité de Jean-Pascal Anfray (ultra précis, pour universitaire. Le début est quasiment mathématique  :) )
- Rien n'est sacré, tout peut se dire de Raoul Vaneigem
- Petite philosophie du voyage de Thierry Tahon
- La joie d'amour, pour une érotique du bonheur de Robert Misrahi
 
Je vous mettrais mon retour dessus (mon ressenti hein, ne vous attendez pas à du très poussé  [:copepresident:2] )

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