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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

Total : 2656 votes (882 votes blancs)
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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°23285670
rahsaan
Posté le 12-07-2010 à 20:59:22  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Il y a le célèbre paragraphe 57 dans le "Monde" où il dit que la vie humaine balance entre douleur et ennui :
http://fr.wikisource.org/wiki/Le_M [...] /%C2%A7_57
 
"La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui : ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
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Posté le 12-07-2010 à 20:59:22  profilanswer
 

n°23285889
Profil sup​primé
Posté le 12-07-2010 à 21:10:08  answer
 

rahsaan a écrit :

Il y a le célèbre paragraphe 57 dans le "Monde" où il dit que la vie humaine balance entre douleur et ennui :
http://fr.wikisource.org/wiki/Le_M [...] /%C2%A7_57
 
"La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui : ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. De là ce fait bien significatif par son étrangeté même : les hommes ayant placé toutes les douleurs, toutes les souffrances dans l'enfer, pour remplir le ciel n'ont plus trouvé que l'ennui."


Possible, pas tout lu.
Mais alors à ce moment-là c'est repris de "Douleurs du monde", car il y a le même paragraphe. (en tout cas la même idée)

n°23286101
bronislas
Posté le 12-07-2010 à 21:21:01  profilanswer
 

C'est normal, Douleurs du monde est un recueil d'extraits d'autres ouvrages de Schopenhauer. Parmi lesquels son maître ouvrage, Le Monde comme Volonté et comme Représentation. Il est disponibles aux PUF (ancienne traduction, un seul tome) ou chez Gallimard / folio si je ne dis pas de bêtise (nouvelle traduction, en deux tomes). En un tome ou en deux, on se rend vite compte que ce sont de gros volumes assez difficiles à manipuler.


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Librarything|Last.fm|RYM
n°23289390
rahsaan
Posté le 13-07-2010 à 03:44:53  profilanswer
 

Au passage, cette idée intéressante qu'au paradis, finalement, on s'ennuie énormément. L'éternité, c'est barbant :D
 
On peut se demander alors si l'auto-négation de la volonté, qui est le but recherché par Sch. et dont il parle à la fin de la 4e partie du "Monde", est vraiment une délivrance, ou bien plutôt un ennui mortel, sans souffrance, sans appétit, sans désir.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23291307
Profil sup​primé
Posté le 13-07-2010 à 11:32:40  answer
 

rahsaan a écrit : a écrit :

Au passage, cette idée intéressante qu'au paradis, finalement, on s'ennuie énormément. L'éternité, c'est barbant :D
 
On peut se demander alors si l'auto-négation de la volonté, qui est le but recherché par Sch. et dont il parle à la fin de la 4e partie du "Monde", est vraiment une délivrance, ou bien plutôt un ennui mortel, sans souffrance, sans appétit, sans désir.



 
Tu rigoles, mais cette idée d'éternité me terrifie à chaque fois que j'y pense.
Je crois que la religion (vous me donnerez votre point de vue) est justement née pour nier cette idée d'éternité.
Comment parler aux humains qui ont un temps de vie finie de leur future éternité dans l'univers ?
Dans tous les cas, soit l'univers n'aura jamais de fin, et alors de mon point de vue c'est l'enfer ; soit on lui admet une fin (cf. Big Crunch) et où allons nous ? (tout du moins nos particules physiques)
Là ça touche sans doute plus de la métaphysique que de la philo.
Mais la façon dont les gens ont d'esquiver la question (sûrement inconsciemment étant donné que la plupart des gens ne se la posent jamais vraiment) est assez intéressante.

n°23297561
Baptman
Posté le 13-07-2010 à 19:01:32  profilanswer
 

L'artefact, je ne comprends pas bien les raisons de votre peur vis-à-vis de l'éternité. la finitude, la mort, soit, mais l'éternité? Nous n'avons pas d'éternité. A moins que vous parliez des cellules qui nous composent et qui se transformerons (rien ne se crée...) dans les flammes de l'incinérateur ou dans la mastication studieuse des vers une fois votre corps mis en bière. Nos particules ne sont jamais les mêmes (cf: la métaphore du bateau d Thésée), aussi à ce niveau je ne saisis pas les raisons de votre angoisse.
A la limite la peur de l'oubli par vos descendants. Mais la peur de l'éternité n'a à mon sens pas de raison d'être. Mais peut-être est-ce inconscient et que je ne pose pas la vraie question..  Pourriez-vous expliciter un peu plus votre propos?


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So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23297640
Profil sup​primé
Posté le 13-07-2010 à 19:09:05  answer
 

Baptman a écrit :

L'artefact, je ne comprends pas bien les raisons de votre peur vis-à-vis de l'éternité. la finitude, la mort, soit, mais l'éternité? Nous n'avons pas d'éternité. A moins que vous parliez des cellules qui nous composent et qui se transformerons (rien ne se crée...) dans les flammes de l'incinérateur ou dans la mastication studieuse des vers une fois votre corps mis en bière. Nos particules ne sont jamais les mêmes (cf: la métaphore du bateau d Thésée), aussi à ce niveau je ne saisis pas les raisons de votre angoisse.
A la limite la peur de l'oubli par vos descendants. Mais la peur de l'éternité n'a à mon sens pas de raison d'être. Mais peut-être est-ce inconscient et que je ne pose pas la vraie question..  Pourriez-vous expliciter un peu plus votre propos?


Oui je parle des cellules, pas de notre corps ainsi constitué.
Nos cellules resteront pendant l'éternité dans l'Univers et peut-être serviront à faire vivre d'autres êtres.
C'est la notion de "non fin" de notre corps.
Et puis que notre système ainsi fait, et notre conscience disparaisse. L'inconnu en soit.
J'ai l'impression que de toute manière, l'énergie de notre esprit restera dans l'Univers... Difficile à expliquer.
 
 
PS : on peut se tutoyer si tu veux.  :D


Message édité par Profil supprimé le 13-07-2010 à 19:10:10
n°23297868
Baptman
Posté le 13-07-2010 à 19:36:03  profilanswer
 

mais ces cellules, disons plutôt atomes, ne sont pas "nôtres", ils ont fait un petit bout de chemin avec nous, mais déjà il est probable qu'un des atomes qui constitue le bout de mon nez se soit auparavant trouvé dans la dent d'une vache (pour rester soft). Quant à ta croyance selon laquelle notre esprit (ou l'énergie, ou que sais-je encore) survivrait à notre corps, et qui constitue pour toi une source d'angoisse (cette non-fin) là où des milliers de personnes l'espèrent et prient pour qu'elle soit bien vraie (en fait je comprends "éternité" comme "vie éternelle", c'est peut être là le hic?), je ne la partage pas et ne m'en inquiète guère.


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So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23298214
ploP10
Posté le 13-07-2010 à 20:10:55  profilanswer
 

Baptman a écrit :

mais ces cellules, disons plutôt atomes, ne sont pas "nôtres", ils ont fait un petit bout de chemin avec nous, mais déjà il est probable qu'un des atomes qui constitue le bout de mon nez se soit auparavant trouvé dans la dent d'une vache (pour rester soft). Quant à ta croyance selon laquelle notre esprit (ou l'énergie, ou que sais-je encore) survivrait à notre corps, et qui constitue pour toi une source d'angoisse (cette non-fin) là où des milliers de personnes l'espèrent et prient pour qu'elle soit bien vraie (en fait je comprends "éternité" comme "vie éternelle", c'est peut être là le hic?), je ne la partage pas et ne m'en inquiète guère.


C'était d'ailleurs comme ça que se consolaient les stoïciens: même morts nous continuerons de constituer le cosmos grâce à nos cellules.


Message édité par ploP10 le 13-07-2010 à 20:11:09
n°23298225
Profil sup​primé
Posté le 13-07-2010 à 20:12:02  answer
 

Baptman a écrit :

mais ces cellules, disons plutôt atomes, ne sont pas "nôtres", ils ont fait un petit bout de chemin avec nous, mais déjà il est probable qu'un des atomes qui constitue le bout de mon nez se soit auparavant trouvé dans la dent d'une vache (pour rester soft). Quant à ta croyance selon laquelle notre esprit (ou l'énergie, ou que sais-je encore) survivrait à notre corps, et qui constitue pour toi une source d'angoisse (cette non-fin) là où des milliers de personnes l'espèrent et prient pour qu'elle soit bien vraie (en fait je comprends "éternité" comme "vie éternelle", c'est peut être là le hic?), je ne la partage pas et ne m'en inquiète guère.


Oui donc en fait, l'échouement de ta pseudo-âme te soulage de l'éternité ?
En fait je ne sais pas comment l'expliquer, mais je ne crois pas en l'âme (donc pas en sa survie après la mort), juste que nous sommes habitué à vivre avec notre pensée, celle qui nous fait vivre.
Comment le monde sera, ou comment le monde nous paraitra sans elle ? Enfin vu que nous ne serons plus là, il ne nous paraitra plus.... C'est très difficile à expliquer, désolé.

mood
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Posté le 13-07-2010 à 20:12:02  profilanswer
 

n°23303501
Kede
Posté le 14-07-2010 à 14:15:10  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Je ne sais pas s'il y a vraiment des techniques pour lire..  


C'est de ma faute, je n'ai pas été assez clair dans mon premier post.
En réalité, je parlais des livres de philosophie. Je suis plutôt un lecteur régulier (environ 1 bouquin par semaine voire plus, voire moins) mais j'éprouve une réelle frustration à lire des ouvrages de philo, à côté du plaisir de lire et d'être saisi par la pensée de l'auteur bien sûr - mais c'est justement là le problème, je regrette d'avoir cette impression que, parfois, l'essentiel, ou du moins les détails, m'échappent.
Par exemple, dernièrement j'ai lu le Discours de la Méthode de Descartes, et en plus des difficultés de lecture liées au vieux français utilisé, il s'agissait aussi d'assimiler une pensée finalement vieille de presque 400 ans.
Et à ce sujet, j'ai envie de donner mon point de vue sur la philosophie.
 
Du peu que j'ai lu, j'ai l'impression que, au même titre que pour n'importe quelle oeuvre artistique, les textes de philo sont intimement liés à leur auteur et à leur époque. En clair, les ouvrages philosophiques sont tous profondément historiques. Ca peut sembler assez trivial comme remarque, mais finalement c'est assez peu noté dans les préfaces ou dans les articles traitant de philosophie - toujours à la recherche d'une relecture.  
Bon après, j'ai pas les connaissances pour entrer dans les détails et je maîtrise en rien quelconque auteur.  
Mais, au final, je pense que les philosophes n'abordent jamais autre chose que les problèmes de leur temps, et leurs oeuvres sont autant autant de repère dans l'histoire de la pensée. Perso, c'est ça qui me motive à lire les grands noms de la philo.


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On est tous en cellule mon petit pote, toi, moi, tout le monde. La vie est une prison. Et la plus terrible de toutes parce que pour s'en évader faut passer l'arme à gauche. Plaisante jamais avec ces choses là. Je vais t'enculer.
n°23308394
rahsaan
Posté le 14-07-2010 à 22:33:36  profilanswer
 

Tous les auteurs sont de leur temps, tous leurs livres sont de circonstance, oui.  
Platon écrit contre les sophistes de son temps, Descartes écrit contre la scolastique et dans le contexte de la condamnation des idées de Galilée, Kant au coeur du conflit entre la tradition monarchique et les idées des Lumieres.  
 
Mais cela ne va pas contre le caractère universel de ces oeuvres et leur intemporalité. Tous les grands livres ont été écrits hier, et á notre intention.
Parce que des réalités comme la justification du pouvoir par la force ou la tradition, la volonté d'un savoir absolu ou l'aspiration á la liberté, ce sont des choses qui ne se périment pas. Si il en allait autrement, les livres de philo ne seraient que des documents historiques.
 
Or, lire Platon, cela ne signifie pas s informer de ce que cet auteur a pu dire mais faire un effort pour penser ce que lui a pensé le premier (par exemple la nécessité de faire appel à des archétypes universaux, les Idées, pour fonder la connaissance, ainsi que la morale et la politique). Et ultimement, cela éclaire le présent, que nous soyons dans un monde qui soit influencé consciemment ou non par ces auteurs.


Message édité par rahsaan le 14-07-2010 à 22:38:11

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23309930
Baptman
Posté le 15-07-2010 à 02:39:22  profilanswer
 

Deleuze l'explique d'ailleurs très bien dans son abécédaire: http://www.youtube.com/watch?v=tHJna7X29bs
Chaque philosophe se trouve confronté à un problème (ex pour Socrate -en très très gros- : suite à la fin de l'autorité du mythe, qui est le plus à même de diriger la cité?) auquel il va tenter de répondre (créer le concept d'Idée afin de trouver le bon prétendant).
après comme le dit rahsaan ce sont des problèmes qui nous toucheront toujours, d'où le fait qu'il soit très réducteur d'en faire des livres d'histoire.
Une question concernant Socrate: que répondriez-vous aux gens qui vous disent "nan mais moi Socrate il m'énerve, il critique les sophistes mais c'est le premier à nous embobiner pour nous montrer qu'il a raison, c'est un hypocrite..." à part d'aller le relire?
 
Aussi, quelqu'un pourrait m'expliciter la notion de désir chez Deleuze? Désirer, c'est construire un agencement. Un agencement est constitué de quatre éléments: des états de chose, des énonciations, des territoires, des mouvements de déterritorialisation. Moral: ne devenez pas des loques.
Quelqu'un pour dénouer un peu tout ça?
http://video.google.com/videoplay? [...] 681675611# (à partir de 1h05)


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So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23310130
rahsaan
Posté le 15-07-2010 à 04:52:04  profilanswer
 

Tu cites le meilleur passage de Deleuze pour expliquer ce qu'est le desir.  
Que veux-tu ajouter ?
Ce qui compte, c'est de savoir quels sont tes desirs. Deleuze, philosophie pratique.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23312929
Baptman
Posté le 15-07-2010 à 12:30:47  profilanswer
 

connais-toi toi-même quoi... toujours la même histoire en fait.


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So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23312977
Baptman
Posté le 15-07-2010 à 12:37:52  profilanswer
 

Ce que je veux ajouter? Du sens. Il aurait pu me parler vietnamien j'aurais aussi bien compris!


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So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23317277
rahsaan
Posté le 15-07-2010 à 17:48:41  profilanswer
 

Je ne vais pas avoir beaucoup de temps pendant une semaine, donc je te repondrai un peu plus tard. ;)


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23320569
alcyon36
Posté le 15-07-2010 à 23:55:11  profilanswer
 

Baptman a écrit :


Aussi, quelqu'un pourrait m'expliciter la notion de désir chez Deleuze? Désirer, c'est construire un agencement. Un agencement est constitué de quatre éléments: des états de chose, des énonciations, des territoires, des mouvements de déterritorialisation. Moral: ne devenez pas des loques.
Quelqu'un pour dénouer un peu tout ça?
http://video.google.com/videoplay? [...] 681675611# (à partir de 1h05)


 
Peut-être que ceci pourra t'eclairer...bien que le contraire me semble plus probable...;) Mais ca reprend certaines questions déjà abordées sur le topic donc si ca peut servir à quelqu'un...(pardonnez les fautes d'orthographes et de syntaxes mais c'est une version non corrigée, de même j'ai eu la flemme de preciser les sources des citations mais je les ai sous la main pour ceux qui veulent...)
 
 
 
                                   L'immanence du désir au social chez D et G
 
C’est avec la publication de l’Anti-Œdipe que Deleuze entérine son passage à la philosophie politique. Ce dernier est particulièrement marqué par l’empreinte de sa rencontre avec Félix Guattari. L’importance de Félix  Guattari dans l’évolution de la philosophie de Deleuze est obvie. Comme nous le verrons c’est en grande partie à partir de ses avancées, issues à la fois des séminaires de Lacan et de son expérience en psychothérapie institutionnelle à la clinique de La Borde, que Deleuze finira par sortir de la psychanalyse. C’est que ce passage à la politique se traduit par un changement radical dans sa conception du désir. D’une part, l’Anti-Œdipe marque sa rupture avec la psychanalyse. Si jusqu’à présent il pouvait critiquer et remettre en question certains schèmes d’intelligibilité psychanalytiques, il ne le faisait qu’en restant dans la perspective de cette dernière. Avec l’Anti-Œdipe, il ne se contente plus de critiquer mais s’oppose radicalement à l’ensemble de la psychanalyse, tant sur sa théorie que sur sa pratique. Ce qui pouvait sembler à première vue comme des erreurs théoriques, une fois rapportées à la fonction que la psychanalyse occupe dans le champ social actuel, apparaissent comme des erreurs intéressées. La psychanalyse ne se contente pas de se tromper sur le fonctionnement de l’inconscient, mais elle l’impuissante. D’autre part, le problème du désir n’est plus cantonné à la seule perspective d’une genèse matérialiste de la pensée, mais via une reprise de l’approche freudo-marxiste tentant d’articuler analyse du psychisme et critique sociale, il se déplace vers une conception socio-politique. Nous verrons à quel point pourtant il n’est pas question pour Deleuze et Guattari de reprendre tel quelle cette inspiration freudo-marxiste, bien au contraire. Il faut d’ailleurs souligner, le concept de machine désirante étant signé par Guattari, qu’il serait plus adéquat de parler pour l’Anti-Œdipe d’un lacano-marxisme. Aussi, nous étudierons dans un premier temps, le divorce qu’opéra Deleuze par rapport à la psychanalyse et sa conception du désir. Ensuite, nous tenterons d’exposer la nouvelle conception du désir que proposent Deleuze et Guattari. Cette dernière entrainera une nouvelle compréhension du social et des outils conceptuels capables de rendre compte de ses dynamiques.  
 
Rien n’est plus instructif pour nous introduire à la nouvelle conception du désir inconscient, qui témoigne du passage à la politique des années soixante-dix,  que de suivre l’évolution des rapports entre les modèles de la perversion et de la schizophrénie tels qu’ils sont mobilisés par Deleuze, puis par Deleuze et Guattari. En effet, si dans les années soixante, via l’étude de Léopold Sacher-Masoch ou de Lewis Carroll, c’est bien la perversion qui est valorisée, l’Anti-Œdipe en faisant de la schizophrénie, comprise comme processus métaphysique, son modèle marque une réelle rupture dans la conception deleuzienne du désir. En l’espèce, le point d’inflexion se situe précisément au niveau du statut du processus de désexualisation de la libido. Certes, Deleuze n’hésitait déjà pas à cette époque à se démarquer, en de nombreux points, des conceptions psychanalytiques de l’inconscient ; que ce soit le modèle conflictuel qui informe son fonctionnement, le statut de l’instinct de mort… Mais dans Différence et répétition, ou en l’espèce dans sa Logique du sens (Cette dernière expose la genèse matérielle de la pensée et du langage à partir de deux points de vues distincts mais complémentaires. D’une part, une genèse statique du sens, devant rendre compte de l’organisation secondaire du langage, de la manière dont la donation de sens rend possible les propositions du langage, à savoir l’organisation tertiaire constituée des trois dimensions traditionnelles de la proposition dans la représentation ; la désignation comme rapport de la proposition avec un état de choses extérieur, la manifestation comme rapport de la propoisiton au sujet de l’énonciation et la signification comme rapport de la proposition  avec les concepts généraux. (LS, pp. 133-151). Et d’autre part, une genèse dynamique, devant rendre compte du passage de l’ordre primaire à l’organisation secondaire, c’est à dire de la manière dont les sons se libèrent et deviennent indépendants des corps qui les produisent : du bruit à la voix, de la voix à la parole et de la parole au verbe (LS, pp. 212-290)), Deleuze reste encore prisonnier du dispositif psychanalytique qui, que ce soit chez Freud, Klein ou Lacan, instaure une coupure, un fossé entre le corps et le verbe, entre l’économie pulsionnelle ou libidinale et l’économie discursive. A cette époque Deleuze ne considère la genèse matérielle de la pensée, son émergence à partir des corps, que par l’acquisition du symbolique qui suppose le refoulement des pulsions sexuelles. L’émergence du langage et de la pensée, leur séparation des mélanges de corps, n’est rendue possible que par le processus de désexualisation de la libido ( La désexualisation est le saut qui permet le passage de la surface physique sexuelle, sous ses différents aspects, zones érogènes, stade phallique et complexe de castration, à la surface métaphysique de la pensée, soit du point de vue de la genèse dynamique du sens le passage de la parole au verbe ; LS, pp. 228-260),  via les mécanismes de sublimation et de symbolisation ( Voir LS, p. 255 : « Nous appelons  sublimation l’opération par laquelle le tracé de la castration devient ligne de la pensée, donc aussi l’opération par laquelle la surface sexuelle et le reste se projettent à la surface de la pensée. Nous appelons symbolisation l’opération par laquelle la pensée réinvestit de sa propre énergie tout ce qui arrive et se projette sur sa surface. »). Or, c’est bien à l’aune de ce problème que doit être  comprise la confrontation entre la perversion et la schizophrénie, entre Lewis Carroll et Antonin Artaud, ainsi que le renversement qu’opère l’Anti-Œdipe, qui témoigne pour son compte de la consommation de la rupture entre la conception deleuzienne du désir et celle de la psychanalyse.  
 
 
La schizophrénie contre Œdipe : le désir comme processus métaphysique
Nous abordons le problème délicat, sujet à polémiques et surtout à mésinterprétations, de la conception de la schizophrénie et de sa valorisation dans le dispositif théorique des deux tomes de Capitalisme et schizophrénie. La radicalité du geste de l’Anti-Œdipe consiste en une conceptualisation du désir qui témoigne d’une rupture définitive avec tout le dispositif psychanalytique. Le désir inconscient n’est pas expressif, il ne veut rien dire, mais productif et immanent au social ; c’est un processus de production, la cause immanente « de la production du réel social-nature » . C’est dans cet horizon, que nous devrons expliciter par la suite, que doit être comprise la conception très particulière de la schizophrénie que mobilisent Deleuze et Guattari. S’appuyant sur une nouvelle lecture du délire psychotique, leur conception de la schizophrénie, en ce qu’elle remet en question le mécanisme de la désexualisation, permettra à Deleuze et Guattari de rompre avec le dispositif psychanalytique.
 
Délirer le monde
La schizophrénie ne doit plus être comprise comme une entité psychopathologique spécifique mais bien comme le fonctionnement même de l’inconscient. Par ce geste, il ne s’agit de généraliser la folie afin de pouvoir « appliquer partout une grille d’interprétation psychopathologique ou psychanalytique », mais bien de la singulariser, c'est-à-dire d’en faire un point de vue sur le champ social qui échappe aux codes psychopathologiques,  qui visent « à régler la particularité des maladies mentales parmi l’ensemble des conduites psycho-sociales » ; « ce n’est pas la folie qui doit être réduite à l’ordre du général, mais au contraire le monde moderne en général ou l’ensemble du champ social qui doivent être interprétés aussi en fonction de la singularité du fou dans sa position subjective elle-même » . La folie est un phénomène de marges, cas-limite de la clinique et du social, qui fait vaciller tous les codes. Nous retrouvons ici, avec cette singularisation de la folie, le primat méthodologique de l’anomal, que Deleuze hérite de Canguilhem, qui doit permettre de guider l’instruction des processus sociaux de normalisation.Ce dernier opérait une distinction entre l’anomal et l’anormal, en nous précisant qu’il ne faut pas chercher, contrairement à l’anormal, à comprendre le sens de l’anomalie à partir de l’idée de norme. Etymologiquement, l’anomalie ne dérive pas de nomos (la loi, qui donnerait a-nomos) mais bien de omalos (lisse, égal) et en « toute rigueur sémantique anomalie désigne un fait, c’est un terme descriptif, alors que anormal implique référence à une valeur, c’est un terme appréciatif, normatif » . Or de ce point de vu, il s’agit pour la science naturelle, pour la biologie de rendre compte de ce « fait » que constitue l’anomalie et non de chercher à le juger à partir de valeurs le transcendant. Ce qui est en jeu dans cette distinction entre l’anomal et de l’anormal c’est une opposition entre deux conceptions, deux usages de la norme, qui font échos à la distinction kantienne entre jugement réfléchissant et déterminant : « L’anormal suppose une norme hypostasiée et donc déterminante, alors que l’anomal donnera lieu à une norme réfléchissante en état de variation continue » . Or d’après ce plan productif de la normativité vitale, « comme processus d’auto-constitution des normes dans les effets qu’elles produisent » , toutes les normes ne se valent pas. Ainsi, la normativité sociale se comprend comme norme majoritaire, comme l’extraction et l’hypostase d’une norme qui se trouve ainsi détachée du processus en variation continue qui la constitue. Alors que certaines normes, dites « à valeur propulsive » , en ce qu’elles « comprennent leur propre relativité », la normativité sociale consiste en un ensemble de normes « à valeur répulsive », qui sont réactives en ce « qu’elles limitent ou bloquent une telle puissance immanente de vie » . Comme le soulignait Canguilhem lui-même, « l’expérience des règles c’est la mise à l’épreuve dans une situation d’irrégularité, de la fonction régulatrice des règles ». Aussi faut il comprendre la schizophrénie est "la production désirante comme limite de la production sociale » , processus vital de production de normes qui ne peut se comprendre que comme décodage des flux, ligne de fuite :

Citation :

Le schizo dispose de modes de repérage qui lui sont propres, parce qu’il  dispose d’abord d’un code d’enregistrement particulier qui ne coïncide pas avec le code social ou ne coïncide avec lui que pour en faire la parodie. Le code délirant, ou désirant, présente une extraordinaire fluidité. On dirait que le schizophrène passe d’un code à l’autre, qu’il brouille tous les codes, dans un glissement rapide, suivant les questions qui lui sont posées, ne donnant pas d’un jour à l’autre la même explication, n’invoquant pas la même généalogie, n’enregistrant pas de la même manière le même événement, acceptant même, quand on lui impose et qu’il n’est pas irrité, le code banal œdipien, quitte à re-bourrer de toutes les disjonctions que ce code était fait pour exclure.

Sur ce point, il nous faut remarquer  que cet intérêt pour la schizophrénie et la volonté de la comprendre, non plus en tant qu’entité psychopathologique spécifique, mais bien comme modèle du fonctionnement de l’inconscient, est un apport propre de Guattari. En effet, ce dernier, ancien élève et fin connaisseur de Lacan, s’appuie en grande partie sur les avancées de ce dernier qu’il intègre à sa propre expérience issue de la psychothérapie-institutionnelle qu’il pratique à la clinique de La Borde,.  Dès sa thèse de 1932, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Lacan témoignait déjà de cet intérêt pour la psychose. En ce qu’elle court-circuite le refoulement névrotique, elle constitue, par rapport au névrosé de la psychanalyse traditionnelle, un bien meilleur modèle afin de rendre compte du fonctionnement de l’inconscient.  Plus précisément, si la psychose est ainsi prise en modèle, c’est qu’elle permet à Lacan, puis plus tard à Deleuze et Guattari, de mettre en évidence les processus de subjectivation, les mécanismes inconscients, qui produisent, constituent les sujets que nous sommes. Ces synthèses inconscientes assurent la production du sujet, par la constitution d’un ordre symbolique. C’est l’introduction du Signifiant majeur, du phallus ou Nom-du-père, suite à l’opération de la métaphore paternelle, qui permet à la structure inconsciente de fonctionner, c'est-à-dire assure l’articulation des signifiants et des signifiés. Or, justement, comme nous l’avons vu précédemment, ce qui caractérise le psychotique, c’est que la métaphore paternelle n’a pas fonctionné, n’a pas produit d’effet de signification ; le signifiant du manque ne s’est pas détaché, le Nom-du-père est forclos, empêchant ainsi la symbolisation du réel nécessaire à la formation du sujet. Les phénomènes psychotiques permettent d’éclairer négativement ce rôle du codage symbolique dans la structuration du psychisme. Pour autant, l’Anti-Œdipe visant à dégager le désir dans sa production positive, Deleuze et Guattari ne peuvent se satisfaire de la conception lacanienne, qui, à l’instar des autres dispositifs psychopathologiques , ne peut fournir qu’une explication négative du processus schizophrénique ; « le phénomène du délire n’est jamais la reproduction même imaginaire d’une histoire familiale autour d’un manque. C’est au contraire un trop-plein de l’histoire, une vaste dérive de l’histoire universelle » . C’est cette nécessité de saisir la schizophrénie dans sa positivité qui va conduire Deleuze et Guattari à reprendre, dans un horizon matérialiste, la conception jasperienne de la schizophrénie comme processus métaphysique . Alors que la psychopathologie ne retient du processus schizophrénique que ses effets, ses produits proprement pathologiques, l’intérêt de la position de Jaspers est de « repenser le rapport entre le processus et les « poussées » pathologiques qui lui sont bien liées mais qui ne l’expliquent pas »  :

Citation :

Avant d’être l’affection du schizophrène artificialisé, personnifié dans l’autisme, la schizophrénie est le processus de la production du désir et des machines désirantes. […] Opposant le concept de processus à ceux de réaction ou de développement de la personnalité, il [Jaspers] pense le processus comme rupture, intrusion, hors d’un rapport fictif avec le  moi pour y substituer un rapport avec le « démonique » dans la nature.

Ce rapport avec le démonique dans la nature doit se comprendre comme une véritable expérimentation de nouvelles forces par l’inconscient, «  expérience trop déchirante, trop émouvante, par laquelle le schizo est le plus proche de la matière, d’un centre intense et vivant de la matière » . Où nous voyons que ce qui, dans Logique du sens, était reproché à la schizophrénie, à savoir la (con)fusion des mots et des corps, de la pensée et du matériel, se voit à présent louer. Il n’est plus question d’opposer une conquête de la surface du Verbe à l’effondrement schizophrénique dans les profondeurs des corps et de leurs mélanges, ce qui témoigne, comme le souligne justement Véronique Bergen, d’un déplacement de problématique ; Deleuze « passe du problème d’un décrochage – fût-ce dans la continuité- de la pensée par rapport à la nuit de l’être au problème de l’affirmation d’un vitalisme qui rend la première identique à la seconde », « pli de la vie en pensée, flexion de la vie comme pensée »; « Le plan d’immanence est désormais plein, sans manque, rempli de degrés intensifs, sans plus l’excédent d’une case vide, sans plus être pris dans la problématisation de la conquête d’une surface ayant à se protéger de la tourmente des corps. Il n’est plus besoin de recourir à la case vide comme « différence de différence », le plan d’immanence est à lui-même surface productive et organe de « schématisation », condition transcendantale et agent d’actualisation. »  
Aussi, dans cette nouvelle perspective il n’y a plus de place pour un éloge de la perversion. Cette dernière n’est plus comprise que dans son rapport avec le processus schizophrénique, et ce comme un arrêt, une interruption spécifique de la production désirante, mobilisant un ensemble de mises en scène rituelles permettant de reterritorialiser le processus sur des terres artificielles : « Artaud le Schizo. Du fond de sa souffrance et de sa gloire, il a le droit de dénoncer ce que la société fait du psychotique en train de décoder les flux du désir (Van Gogh le suicidé de la société), mais aussi ce qu’elle fait de la littérature, quand elle l’oppose à la psychose au nom d’un recodage névrotique ou pervers (Lewis Carroll ou le lâche des belles-lettres) »(Voir l’exemple du devenir-femme du président Schreber, AO, p. 25 : « On parle souvent des hallucinations et du délire ; mais la donnée hallucinatoire (je vois, j’entends) et la donnée délirante (je pense) présupposent un Je sens plus profond, qui donnent aux hallucinations leur objet et au délire de la pensée son contenu. Un « je sens que je deviens femme » […]. Délire et hallucination sont seconds par rapport à l’émotion vraiment primaire qui n’éprouve d’abord que des intensités, des devenirs, des passages »)
 
Œdipe et la désexualisation
Il nous faut remarquer que cette nouvelle lecture du délire, caractérisé non plus par rapport à un manque d’Œdipe mais par un « trop-plein de l’histoire », est importante car elle va permettre à Deleuze et Guattari de remettre en question le statut du mécanisme de désexualisation de la libido, et ce faisant toute la conception psychanalytique du désir inconscient. Deleuze et Guattari dénoncent la manière dont le travail analytique rabat le délire schizophrénique sur des coordonnées familiales . Or affirment Deleuze et Guattari, le délire ne porte pas sur le nom du père, que ce soit l’Oedipe freudien ou le Signifiant majeur de Lacan, mais bien, comme disait Nietzsche, sur tous les noms de l’histoire , autrement dit « l’inconscient  ne délire pas sur papa-maman, il délire sur les races, les tribus, les continents, l’histoire et la géographie, toujours un champ social » .;

Citation :

Nous comprenons mal sur quels principes la psychanalyse appuie sa conception du désir, lorsqu’elle suppose que la libido doit se désexualiser ou même se sublimer pour procéder à des investissements sociaux, et inversement ne re-sexualise ceux-ci qu’au cours de processus de régression pathologique. A moins que le postulat d’une telle conception ne soit encore le familialisme, qui maintient que la sexualité n’opère qu’en famille, et doit se transformer pour investir des ensembles plus larges. En vérité, la sexualité est partout : dans la manière dont un bureaucrate caresse ses dossiers, dont un juge rend la justice, dont un homme d’affaires fait couler l’argent, dont la bourgeoisie encule le prolétariat, etc

Une telle critique du mécanisme de désexualisation de la libido entraîne l’étude du désir inconscient sur le champ politico-social et à une remise en question de la pratique analytique. Si la désexualisation de la libido n’est pas nécessaire, si le désir inconscient n’a pas besoin d’en passer par Œdipe et la castration, par l’instauration d’un ordre symbolique pour pouvoir être en mesure d’investir le champ historico-social, alors « c’est au contraire par restriction, blocage et rabattement, qu’il est déterminé à refouler ses flux pour les contenir dans des cellules étroites du type « couple », « famille », « personnes », « objets » » . Œdipe n’est plus ce qui détermine une « nature de l’inconscient », mais bien plutôt une conséquence d’un type spécifique de répression sociale, dont la pratique psychanalytique assure l’effectivité. Comme le résume fort bien Foucault dans son compte rendu de l’Anti-Œdipe, « Œdipe ne serait donc pas une vérité de la nature, mais un instrument de limitation et de contrainte que les psychanalystes, depuis Freud, utilisent pour contenir le désir et le faire entrer dans une structure familiale définie par notre société à un moment déterminé. […] Ce n’est pas le contenu secret de notre inconscient, mais la forme de contrainte que la psychanalyse essaie d’imposer, dans la cure, à notre désir et à notre inconscient. Œdipe est un instrument de pouvoir » . Cette critique d’Œdipe, via la remise en question du mécanisme de désexualisation, doit être comprise dans la lignée du paralogisme du ressentiment analysé par Nietzsche dans sa Généalogie de la morale  ; la psychanalyse n’a à faire qu’avec un désir se trouvant séparé de ce qu’il peut. Non pas que ce soit la psychanalyse qui invente Œdipe , ce dernier découlant de la répression sociale. Mais d’une part, la théorie et la pratique psychanalytique appuie et accentue cette défiguration du désir, et d’autre part, elle tend à empêcher de déterminer les conditions (quelle organisation sociale et quels investissements sociaux des machines désirantes ?), qui déterminent la production désirante à entrer dans un régime expressif, représentatif. Aussi faut-il préciser qu’un tel instrument de pouvoir, et l’opération qu’il effectue, ce que Foucault appelle un dispositif de savoir-pouvoir, n’est pleinement intelligible que s’il est rapporté à l’organisation sociale dans laquelle il exerce sa fonction, à savoir le capitalisme. Il nous faut à présent, après avoir explicité la détermination schizophrénique du désir inconscient comme processus métaphysique, porter notre attention sur la thèse qui ouvre proprement le champ d’une psychiatrie matérialiste et commande les différentes critiques de la psychanalyse, du marxisme et du freudo-marxisme, à savoir l’immanence du désir au social, qui se traduit dans le dispositif de l’Anti-Œdipe, reposant sur une ontologie de la production, par l’affirmation de l’identité de l’économie libidinale et de l’économie politique.


Message édité par alcyon36 le 17-07-2010 à 01:08:09

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23320760
alcyon36
Posté le 16-07-2010 à 00:23:58  profilanswer
 

En cherchant à déterminer l’immanence du désir au social, Deleuze et Guattari ne font pas autre chose que de le comprendre comme volonté de puissance, c'est-à-dire comme création de nouvelles valeurs. Ainsi, nous verrons dans un premier temps la manière dont Deleuze et Guattari rompent radicalement avec la psychanalyse, mais tout autant d’ailleurs avec la manière dont le marxisme et le freudo-marxisme comprennent le désir. Puis, il s’agira de montrer que cette nouvelle conception du désir, en l’entrainant sur le champ socio-politique, imposera une nouvelle manière de penser les relations de pouvoirs, les normes, dans le social, et les outils conceptuels pour les décrire. Comprendre le désir comme immanent au champ social, comme volonté de puissance, c’est comme nous l'avons déjà évoqué le rapporté en dernière instance à l’inspiration de Canguilhem sur la normativité vitale, et son primat méthodologique de l’anomal.  
 
La conception matérialiste du désir
Nous pouvons à présent exposer la manière dont le dispositif argumentatif de l’Anti-Œdipe mobilise de manière critique le freudo-marxisme. Au premier abord, Deleuze et Guattari ne peuvent qu’approuver et saluer cet effort de certains théoriciens, en l’espèce Reich et Marcuse, de chercher à mettre en œuvre une pensée de l’émancipation qui nouerait une analyse psychique à une critique  sociale. Mais sur le fond du problème, c'est-à-dire la manière de concevoir cette articulation entre  le psychique et le social, les auteurs de l’Anti-Œdipe ne peuvent accepter, et ce pour des raisons et à des niveaux différents, leurs conceptions respectives. Ainsi, dans un premier temps de l’argumentation, Deleuze et Guattari vont faire jouer Reich contre Marcuse. S’appuyant sur la manière dont Freud développe sa seconde topique dans son essai Le malaise dans la civilisation, le problème de Marcuse consiste à « savoir si les avantages de la civilisation compensent les souffrances infligées à l’individu ». Pour autant, il n’est guère sérieux, comme s’y autorisent certains commentateurs, de réduire la perspective de Marcuse à une doctrine prônant une sorte de jouissance sans entraves. En effet, ce dernier prend le soin de bien distinguer  entre la répression fondamentale, qui correspond aux modifications instinctuelles nécessaire à la survie de l’homme dans la civilisation, et ce qu’il nomme la sur-répression, qui se rapporte à la sphère propre de la domination sociale : « Alors que n’importe quelle forme du principe de réalité exige déjà un contrôle répressif extrêmement étendu et intense sur les instincts, les institutions historiques spécifiques du principe de réalité et les intérêts spécifiques de la domination introduisent des contrôles additionnels par-dessus ceux qui sont indispensables à toute association humaine civilisée. Ces contrôles additionnels naissant des institutions spécifiques de la domination sont ce que nous appelons sur-répression » (p. 44.).  Aussi, son tort est qu’il en vient à opposer de manière trop frontale la spontanéité libératrice du désir individuel aux structures sociales répressives. Tout au contraire, aux yeux de Deleuze et Guattari, l’intérêt de la position de Reich est qu’elle parvient à court-circuiter immédiatement l’angélisme de Marcuse, en ce qu’elle permet de porter l’attention, non plus sur la répression sociale du désir libérateur de l’individu, mais bien sur la manière dont le désir lui-même agit sur le mode de la répression, sur sa capacité à être en phase avec les structures sociales les plus répressives . Son mérite est d’avoir su poser, à la suite du Traité théologico-politique de Spinoza, le véritable problème pratique. Il s’agit de comprendre pourquoi les hommes « combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut »?   :

Citation :

Comme dit Reich, l’étonnant n’est pas que des gens volent, que d’autres fassent grève, mais plutôt que les affamés ne volent pas toujours et que les exploités ne fassent pas toujours grève : pourquoi des hommes supportent-ils depuis des siècles l’exploitation, l’humiliation, l’esclavage, au point de les vouloir non seulement pour les autres, mais pour eux-mêmes ? Jamais Reich n’est plus grand penseur que lorsqu’il refuse d’invoquer une méconnaissance ou une illusion des masses pour expliquer le fascisme, et réclame une explication par le désir, en termes de désir : non les masses n’ont pas été trompées, elles ont désiré le fascisme à tel moment, en telles circonstances, et c’est cela qu’il faut expliquer, cette perversion du désir grégaire

Pour autant, si Reich a le mérite de poser le problème pratique du désir, le dispositif théorique qu’il mobilise pour en rendre compte recouvre complètement la positivité de son questionnement initial. Malgré son opposition aux culturalistes, toute sa théorie repose sur la reprise de la distinction qu’ils font entre « la rationalité telle qu’elle est ou devrait être dans le processus de la production sociale, et l’irrationnel dans le désir », et ce faisant « il en revient nécessairement à un dualisme entre l’objet réel rationnellement produit, et la production fantasmatique irrationnelle » . Partant, aux yeux de Deleuze et Guattari, la manière dont Reich comprend le désir, l’empêche de nouer de façon consistante analyse psychique et sociale. Comme dit Sibertin-Blanc, il est encore trop « freudo-marxiste » , bien qu’en vérité le marxisme et sa manière de concevoir la différence et les rapports entre infrastructure économique et superstructure idéologique, l’en empêcherait tout autant. En fait, la critique du freudo-marxisme vise tout autant ce qui dans le marxisme et la psychanalyse empêche de comprendre et de développer une conception matérialiste du désir, qui devrait permettre, selon Deleuze et Guattari, de prendre en compte son effectivité sociale. Le marxisme, la psychanalyse et le freudo-marxisme partagent une seule et même conception idéaliste du désir que les auteurs de l’Anti-Oedipe font  remonter et thématisent à partir de Platon et Kant. Le geste inaugural de cette conception idéaliste du désir est celui que fait Platon dans le Sophiste en opérant la distinction, afin de définir l’activité du pêcheur à la ligne,  de deux conduites économiques ; l’acquisition et la production . Or, en rapportant le désir du côté de l’acquisition on le subordonne à une réalité préexistante, et à un manque de quelque chose dans cette réalité ; le désir est ainsi toujours compris comme un désir de. Sur ce point, la révolution que la position kantienne dans la Critique de la raison pratique est censée avoir instaurée en s’attachant au versant « productif » du désir  ne semble guère aux yeux de Deleuze et Guattari  sortir de la position platonicienne, et bien plutôt la radicalise ; c’est à cette position de la philosophie critique qu’ils rapporteront toute la prétendue « nouveauté » de la posture psychanalytique. En effet, en définissant le désir comme « le pouvoir d’être par ses représentations, cause de la réalité des objets de ces représentations » , Kant loin de s’opposer à la distinction de Platon, ne défait pas le lien entre le désir et le manque mais l’amplifie en l’inscrivant dans une distinction de deux types de causalité qui sont irréductibles l’un à l’autre. Tout le problème est que « nous savons bien que l’objet réel ne peut être produit que par une causalité et des mécanismes externes, mais ce savoir ne nous empêche pas de croire à la puissance intérieure du désir d’engendrer son objet, fût-ce sous la forme irréelle, hallucinatoire ou fantasmée, et de représenter cette causalité dans le désir lui-même. La réalité de l’objet en tant que produit par le désir est donc la réalité psychique » . Certes le désir ne manque plus de l’objet réel, mais en distinguant ces deux ordres de causalité, entre une production intérieure, psychique et extérieure, matérielle, elle réduit la détermination productive du désir à la seule forme d’une expressivité hallucinatoire. Or, selon Deleuze et Guattari, c’est bien à cette position kantienne, et à son partage entre deux ordres de causalité que s’inscrit la conception psychanalytique, mais tout autant marxiste et freudo-marxiste du désir. En effet, avec le geste inaugural de Freud la psychanalyse peut s’enorgueillir d’avoir définitivement défait le lien qui subordonnait le désir à son objet ; c’est bien l’objet qui dépend de la contingence du travail des pulsions et non le contraire. Mais ce faisant, à l’instar du geste kantien, elle ne fait que « dégager une causalité psychique endogène à un appareil spécial qui ne peut être isolé que sur la base d’une coupure par rapport à une autre causalité extrinsèque ou « réelle » »

Citation :

Si le désir manque de l’objet réel, sa réalité même est dans une « essence du manque » qui produit l’objet fantasmé. Le désir ainsi conçu comme production, mais production de fantasmes a été parfaitement exposé par la psychanalyse. Au niveau le plus bas de l’interprétation, cela signifie que l’objet réel dont le désir manque renvoie pour son compte à une production naturelle ou sociale extrinsèque, tandis que le désir produit intrinsèquement un imaginaire qui vient doubler la réalité, comme s’il y avait «  un objet rêvé derrière chaque objet réel » ou une production mentale derrière les productions réelles

Ainsi, Deleuze et Guattari vont tâcher de rompre avec cette logique idéaliste du désir, selon laquelle il est opposé à sa réalisation et soumis aux exigences de la représentation d’un sujet constitué. Certes, nous nous représentons le désir comme la tension d’un sujet vers un objet, et par là même l’interprétation que nous en donne la représentation nous voile l’expérience même que nous faisons chaque fois que nous désirons, et ce en vertu d’une double erreur qui subordonne le désir comme processus de production, comme expérimentation, aux instances du sujet et de l’objet. Il ne faut pas comprendre le désir comme une faculté qui préexisterait dans le sujet et qui ne demanderait qu’à s’extérioriser, à s’appliquer en vertu d’une occasion . De même, il ne faut pas subordonner le processus désirant à l’instance d’un objet, à une fin, l’acquisition, qui transcenderait le processus lui-même. Comme le formule très bien François Zourabichvili : « Il m’est certainement nécessaire de pouvoir disposer des êtres et des choses sur lesquels sont prélevées les singularités qui entrent dans la composition machinique de mon désir, et d’établir ainsi mon « territoire » - mais c’est afin de pouvoir désirer, autrement dit poursuivre une aventure affective sur ce plan machinique » . Il faut bien comprendre que le processus machinique du désir précède et rend compte de la division du sujet et de l’objet, détermine « les formations d’objectivités et de subjectivités sociales »  ; le désir comme production ne doit plus être rabattu sur le plan d’une réalité psychique ou mentale :

Citation :

Si le désir produit, il produit du réel. Si le désir est producteur, il ne peut l’être qu’en réalité, et de réalité. Le désir est cet ensemble de synthèses passives qui machinent les objets partiels, les flux et les corps, et qui fonctionnent comme des unités de production. Le réel en découle, il est le résultat des synthèses passives du désire comme auto-production de l’inconscient. Le désir ne manque de rien, il ne manque pas de son objet. C’est plutôt le sujet qui manque de sujet fixe ; il n’y a de sujet fixe que par la répression. Le désir et son objet ne font qu’un, c’est la machine, en tant que machine de machine. Le désir est machine, l’objet du désir est encore machine connectée, si bien que le produit est prélevé sur du produire, et que quelque chose se détache du produire au produit, qui va donner un reste au sujet nomade et vagabond. L’être objectif du désir est le Réel en lui-même. Il n’y a pas de forme d’existence particulière qu’on pourrait appeler réalité psychique.

Même s’il n’est pas question pour nous d’exposer dans le détail la théorie des machines désirantes développée dans l’Anti-Œdipe , il est toutefois intéressant de comprendre, cet apport permettant à Deleuze de sortir de la psychanalyse, comment elle se constitue à partir d’une certaine lecture du structuralisme lacanien par Guattari. C’est dans son article Machine et structure , que ce dernier propose pour la première fois cette reprise machinique et matérialiste de la structure lacanienne. Lacan le premier avait déjà, via son structuralisme, contesté l’idée que le désir inconscient soit d’ordre individuel, propre à une personne privée, et partant s’opposait à une conception de la psychanalyse, qui issue de Malaise dans la civilisation, ne visait qu’à adapter le moi aux structures sociales ; il s’agissait bien plutôt grâce à la psychanalyse de comprendre comment le sujet est produit par des mécanismes « sociaux » inconscients. Car dire comme le fait Lacan que l’inconscient est structuré comme un langage signifie deux choses. D’une part, qu’il relève de certaines méthodes de la linguistique, les phénomènes de l’inconscient, dégagés par Freud dans L’interprétation des rêves, pouvant se réduire aux mécanismes linguistiques de la métaphore et de la métonymie ; la linguisterie lacanienne . D’autre part et surtout, comprendre l’inconscient comme un langage c’est insister sur le fait que la structure du sujet, ne dépend pas de notre individualité propre, mais doit plutôt être comprise comme le produit d’une opération directement collective et sociale, telle l’acquisition d’une langue. Comme nous l’avons vu la structure symbolique, dimension trans-individuelle ou intersubjective, opère son codage par la coupure signifiante, c'est-à-dire l’introduction du Signifiant majeur. C’est que le désir inconscient pour Lacan n’est jamais « naturel » ou « spontané », le signifié est un flux amorphe continu qui ne peut faire sens que s’il est coupé par un signifiant, la libido est parfaitement indéterminée tant qu’elle n’est pas agencée ou plutôt codée par le fonctionnement de la structure symbolique. Reprenant ces apports de Lacan dans le nouvel horizon dégagé par lecture du délire psychotique en termes d’un « trop plein d’histoire », et son pendant, à savoir la critique de l’idée que « la libido doit se désexualiser ou même se sublimer pour procéder à des investissements sociaux » ,  le geste de Guattari va consister à les inscrire dans une perspective marxiste. La machine de Guattari va prendre sur elle la fonction de la structure symbolique lacanienne, de codage de l’inconscient par coupure signifiante, tout en la déplaçant  dans le champ de la production sociale. A la différence d’une structure symbolique, la machine désirante n’est pas auto-régulée, mais ne fonctionne qu’en étant directement « branchée » sur l’extérieur ; le conscient est pensé dans la dimension matérielle de la production sociale, tout en historicisant l’inconscient freudien, dont l’économie pulsionnelle doit être immédiatement connectée sur les dispositifs sociaux. Au codage symbolique par coupure signifiante, Guattari substitue une théorie fonctionnaliste où la coupure est effective et le codage semi-aléatoire et a-signifiant (Pour cette conception du codage, Deleuze et Guattari s’inspirent des chaînes de Markov, et de son utilisation par Ruyer, dans son ouvrage La genèse des formes vivantes, tant au niveau vital que culturel ; Voir également le commentaire de Anne Sauvagnargues, Deleuze et l’art, pp. 184-189 : « Markov […] étudie les phénomènes aléatoires partiellement dépendants qui caractérisent notamment la structure des langues, et considère qu’on peut déterminer statistiquement les variables qui régissent l’emploi et la succession des entités sémantiques, syntaxiques ou phonologiques, pour les appliquer dans une procédure artificielle itérative et simple (un code) qui permet de « pasticher automatiquement » une langue. Markov en administre la démonstration pour le latin. Un tel traitement statistique reste indépendant de la signification, mais reproduit pourtant les caractéristiques du français, par exemple, où q est toujours suivi de u, h précédé de c dans 50% des cas, etc… » (pp. 184-185.)) . En déplaçant ainsi la fonction de codage, Guattari, puis Deleuze et Guattari, vont lui faire gagner en historicité ce qu’elle va perdre en rationalité ; les machines désirantes, loin de l’idéalité d’une structure symbolique, engagent une véritable efficacité pragmatique sur le plan social-historique. Il ne faut pas pour autant hypostasier cette fonction de codage que mobilise à nouveau frais la machine dite désirante, cette dernière n’étant jamais une totalité, toujours ouverte et connectée sur d’autres machines, « toute machine est déjà machine de machine » (Partout il n’y a que des machines en régime binaire associatif ; une machine source (par exemple le sein) émet un flux (le lait) et est associée ou branchée sur une autre machine organe (la bouche), qui coupe le flux, en prélève un segment pour le consommer. Une machine c’est toujours un système de coupure/flux, dans lequel la coupure n’est pas tant séparatrice que connective.  Ces trois opérations, production, enregistrement et consommation, opèrent respectivement avec trois synthèses passives qui constituent le fonctionnement de l’inconscient, ou plutôt  les conditions transcendantales du désir inconscient (respectivement la synthèse connective, disjonctive et conjonctive), et constituent le processus de production, comme cycle d’auto-production. Aussi le processus machinique « ne se définit alors pas par les biens matériels qu’il produit mais par la manière dont les produits quelconques sont immédiatement « réinjectés » dans le procès » )  ; « Toujours connectée, dépendante des éléments hétérogènes qu’elle coupe et de sa propre temporalité, elle s’ouvre par définition sur les éléments extérieurs qu’elle connecte et qu’elle coupe. Dotée d’historicité, et susceptible elle-même de valoir comme flux pour une nouvelle machine à synthèse disjonctive, elle joue comme coupure par rapport à ce à quoi elle se connecte, et comme flux pour les rapports de forces dans lesquels elle est prise » . Partant, Guattari opère un double déplacement par rapport à la psychanalyse et au marxisme. Il distingue au sein de la réalité sociale, celles qui sont productives, les machines désirantes, et celles qui sont produites, les structures, qui sont qualifiées d’improductives et d’oppressives (De plus, à partir de cette compréhension machinique du codage symbolique lacanien, c'est-à-dire par son ouverture sur les flux hylétiques de la production sociale, Deleuze et Guattari tâcherons de montrer que cette logique du signifiant, loin d’être une structure intemporelle, fonctionne socialement comme un « marqueur de pouvoir », et possède donc « une inscription historique déterminée » qui en l’espèce « relève des formations despotiques » ) :

Citation :

Il faut d’abord se défaire d’une hiérarchie stéréotypée entre une infrastructure économique opaque et des superstructures sociales et idéologiques conçues de telle sortent qu’elles refoulent les questions du sexe et de l’énonciation, du côté de la représentation, le plus loin possible de la production. Les rapports de production et les rapports de reproduction participent du même couple des forces productives et des structures anti-productives. Il s’agit de faire passer le désir du côté de l’infrastructure, du côté de la production, tandis qu’on fera passer la famille, le moi et la personne du côté de l’anti-production. C’est le seul moyen d’éviter que le sexuel ne reste définitivement coupé de l’économique.


Aussi, nous comprenons que ce qui manque à Reich, ainsi qu’à toute tentative d’articulation de l’analyse psychique et sociale, c’est une conception matérialiste du désir, qui permette de penser son immanence par rapport au champ social ; « il [Reich] renonce à découvrir la commune mesure ou la coextension du champ social et du désir. C’est que, pour fonder véritablement une psychiatrie matérialiste, il lui manquait la catégorie de production désirante, à laquelle le réel fût soumis sous ses formes dites rationnelles autant qu’irrationnelles » . Ainsi, dans l’Anti-Œdipe cette immanence du désir au social est comprise comme l’identité de l’économie libidinal et de l’économie politique ; « La production désirante n’est pas autre chose que la production sociale » . Mais s’il y a identité de nature entre les deux productions, il demeure néanmoins une différence de régime, de grandeur entre les deux types de production ; les machines désirantes sont de l’ordre de la production moléculaire, tandis que les machines grégaires, qu’elles soient sociales, techniques ou organiques, résultent de l’assemblage des premières, sont de l’ordre de la production molaire. (Cette distinction entre le moléculaire et le molaire recouvre celle que Deleuze faisait entre le virtuel, l’intensité fulgurante et l’actuel, la différenciation individuée. Mais en plus, elle ajoute un nouveau motif issu des travaux de Ruyer, qui distingue entre la réalité microphysique et la réalité physique statistique ; « Chez Ruyer, il s’agissait d’adapter les résultats de la mécanique quantique au domaine vital, de raccorder microphysique et biologie en élaborant une théorie originale des corps physiques, ensembles purement statistiques, phénomène de groupe, de « foule », régis par les règles flottantes et seulement probabilitaires de la mécanique classique, là où la microphysique s’applique aux mouvements moléculaires réels qui les animent » (Anne Sauvagnargues, op. cit., p. 174. Sur ce point))Sur ce point Deleuze et Guattari reprennent une intuition forte de Nietzsche. La minorité n’est jamais le fruit d’une sélection qui porterait sur une majorité, mais bien au contraire c’est bien toute majorité qui suppose une opération de sélection ; « Les grands nombres ou les grands ensembles ne préexistent pas à une pression sélective qui en dégagerait des lignes singulières, mais que tout au contraire, ils naissent de cette pression sélective qui écrase ou régularise les singularités. […] L’ordre n’est pas : grégarité-sélection, mais au contraire multiplicité moléculaires – formes de grégarité exerçant la sélection- ensembles molaires ou grégaires qui en découlent » . Partout ce sont donc les mêmes machines mais qui répondent à un usage différent de leurs synthèses constitutives ; usage immanent et légitime des synthèses, « en ce qu’il est l’exercice de la production désirante elle-même en ses synthèses propres non transformées par la répression » et usage transcendant et illégitime, « en ce qu’il y a défiguration et déplacement des liaisons immanentes à la production désirante » , propre à la production sociale(trois synthèses machiniques qui constituent le processus de production sont susceptibles de deux usages : la synthèse connective de production comprend un usage global et spécifique (illégitime) et un usage partiel et non-spécifique (légitime) ; la synthèse disjonctive d’enregistrement comprend un usage limitatif et exclusif (illégitime)  et un usage illimitatif et inclusif (légitime) ; enfin la synthèse conjonctive de consommation comprend un usage ségrégatif et bi-univoque (illégitime) et un usage  polyvoque et nomade (légitime). Sur l’usage transcendant et illégitime des synthèses de l’inconscient par la pratique psychanalytique comprise comme dispositif de savoir-pouvoir, voir AO, chap. II, « Psychanalyse et familialisme : la sainte famille », pp. 60-162 ; et en ce qui concerne les différents types de machines sociales et la manière dont elles codent les flux du désir voir AO, chap. III, «Sauvages, barbares, civilisés », pp. 163-324.)  
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Citation :

Les machines désirantes moléculaires sont en elles-mêmes investissement des grandes machines molaires ou des configurations qu’elles forment sous les lois des grands nombres, dans un sens ou dans l’autre de la subordination. Machines désirantes d’une part, et d’autre part machines organiques, techniques ou sociales : ce sont les mêmes machines dans des conditions déterminées. Par conditions déterminées, nous entendons ces formes statistiques dans lesquelles elles entrent comme autant de formes stables, unifiant, structurant et procédant par grands ensembles lourds ; les pressions sélectives qui groupent les pièces en retiennent certaines, en excluent d’autres, organisant les foules. Ce sont donc les mêmes machines, mais ce n’est pas du tout le même régime, les mêmes rapports de grandeur, les mêmes usages de synthèses.


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23320836
alcyon36
Posté le 16-07-2010 à 00:40:30  profilanswer
 

Contre la psychanalyse, Deleuze et Guattari affirment donc qu’il ne faut pas comprendre le désir à l’aune d’un manque constitutif. Et s’il doit être saisi sur le mode de la production, et non pas de l’acquisition, ce n’est certes pas en ce qu’il serait capable de produire des effets sur le plan d’une réalité psychique ; production hallucinatoire, de fantasmes et de rêves, inconscient névrotique marqué du sceau d’Œdipe et de la castration. Le désir n’est pas de l’ordre de représentations conscientes ou inconscientes que l’on pourrait ranger au niveau de la superstructure, il appartient en propre à l’infrastructure, il est immédiatement « branché » sur le régime social de production et de reproduction des conditions d’existence, il est matériel. L’inconscient n’est pas un théâtre sur la scène duquel se rejouerait sempiternellement le drame d’Œdipe, imaginaire ou symbolique, mais une usine, dont les multiplicités de machines désirantes moléculaires investissent et travaillent les machines sociales molaires ; « ce qui nous intéresse, c’est la présence des machines de désir, micro-machines moléculaires, dans les grandes machines sociales molaires. Comment elles agissent et fonctionnent les unes avec les autres » . L’inconscient n’est pas expressif, il ne veut rien dire et ne pose donc aucun problème d’interprétation ou de sens, mais il fonctionne, il machine et est machiné, et relève de différents usages. Ainsi en cherchant à comprendre le désir comme un processus de production Deleuze et Guattari rompent radicalement avec toute conception anthropologique du désir. Ce dernier doit être proprement compris comme « la cause immanente ou l’auto-production de la vie générique de l’homme dans l’unité de la nature et de l’histoire » . Insérer le désir dans l’infrastructure économique, le comprendre comme un processus de production signifie avant tout que le désir n’a rien de privé ou d’individuel, il est immédiatement social, historique et matériel.  Surtout, comprendre le désir comme cause immanente, c'est-à-dire une cause qui « s’actualise dans son effet » , c’est dire qu’il n’est pas réductible au plan d’une réalité « psychique » ou « mentale », car « il s’intègre et s’auto-détermine dans ses effets qui sont immédiatement sociaux, économiques, politiques, et seulement dans certaines conditions particulières, psychiques» . Il faut toutefois remarquer, que si Deleuze et Guattari peuvent reprocher tant à la psychanalyse, qu’au marxisme ou au freudo-marxisme, de supposer une conception idéaliste du désir, et ce faisant de le séparer de toute effectivité sociale, il ne faut pas confondre les différents niveaux de critique. Ce qui relève d’une critique portant sur le plan théorique, que ce soit la conception marxiste de l’infrastructure économique ou la reprise du modèle des culturalistes pour Reich, « doit être critiqué pratiquement dans la psychanalyse, en tant qu’opération thérapeutique, mais aussi en tant que discours social, matrice de production de savoirs et d’interprétations des problèmes sociaux-culturels : sa rupture entre l’économie désirante et l’économie politique joue un rôle actif dans l’organisation du contrôle, de la répression et des modes de subjectivation requis par la production et la reproduction des rapports sociaux actuels »
 
 
L’immanence du pouvoir au social
Ayant exposé la rupture et l’opposition à la conception psychanalytique du désir, nous pouvons à présent expliciter, à partir des thèses de Mille Plateaux, l’intérêt que trouvent Deleuze et Guattari, afin d’entreprendre une étude du champ social, à soutenir que le désir est immanent au social, à chercher à comprendre comment les machines désirantes travaillent au sein des machines sociales. En fait, le but de ce dispositif théorique est de « thématiser  une genèse immanente des relations de pouvoir dans un champ social » . Sur ce point, Deleuze et Guattari rejoignent les travaux de Foucault qui, à la même époque, chargeait sa théorie des dispositifs de savoir-pouvoir du même enjeu. Dire que les normes sont immanentes aux phénomènes auxquels elles s’appliquent, c’est refuser de les comprendre selon le paradigme juridico-discursif, selon lequel « le pouvoir s’imposerait de l’extérieur, sous forme d’oppression ou de répression, sur des spontanéités transgressives » . Une telle perspective sur les formations socioculturelles  impose deux exigences ; d’une part, il faut comprendre « la constitution par la norme de son objet », d’autre part, « l’auto-constitution de la norme elle-même dans son activité normalisatrice ». Comprendre le désir comme coextensif au champ social, doit justement permettre de « penser la normativité vitale elle-même dans son immanence aux normes, comme processus d’auto-constitution des normes dans les effets qu’elles produisent » , c'est-à-dire que ce sont « les mêmes dynamismes », qui « traversent tous les plans du réel, matériels et psychique, naturels et sociaux, la même puissance vitale s’auto-produisant dans la production même du réel » . Or, même s’il s’inscrit à la suite de l’Anti-Œdipe, Mille Plateaux déplace le questionnement du désir sur un autre terrain. Deleuze et Guattari rompent avec leur théorie des machines désirantes et l’ontologie de la production qui leur permettaient tant de contrer les conceptions idéalistes du désir, que d’instruire une analyse socio-politique des investissements du désir. Certes il s’agit toujours de penser l’immanence du désir au champ social, mais les travaux qu’ils menèrent de 1972 à 1980 les conduisent à substituer, via les concepts de machine abstraite et d’agencement de désir, un fonctionnalisme intégral à l’ontologie de la production  ; la machine abstraite, ou ce que Deleuze et Guattari, reprenant Foucault, appellent diagramme, permet de définir le processus machinique non plus par un rapport social de production, mais par une pure fonction virtuelle, tandis que l’agencement de désir quant à lui, permet de substituer à l’ontologie de la production, qui comprenait l’effectuation de ce processus machinique par les fonctions économiques de production, d’enregistrement et de consommation, dans lesquelles se déclinait le cycle d’auto-production, par une théorie de l’actualisation du virtuel, par une ontogénèse, assurée par la fonction d’agencement : « Le désir agencé c’est le mode sur lequel le désir s’actualise ou réalise sa condition. Mais la condition elle-même c’est ce que Deleuze appelle « machine abstraite » » . On retrouve ici la conception tout à fait particulière du transcendantal thématisé par Deleuze. Ce dernier ne doit plus être compris comme condition de l’expérience possible, mais réelle, donc des conditions qui « ne sont pas plus larges que le conditionné ». Comme le résume très bien Sibertin-Blanc;

Citation :

Le désir, loin d’être un pur indéterminé, apparaît comme le processus de synthèse de sa condition (machine abstraite ou « catégorie de pouvoir ») et de lui-même en tant que conditionné ou agencé. Le processus désirant est dans cette mesure processus de schématisation, production schématisante du réel. Mais ce processus est immanent en ce sens que la condition s’actualise dans le conditionné lui-même. […] Le désir comme processus primaire est donc le mouvement réel de la détermination, et est dit « transcendantal et matériel » en ce sens : il s’engendre lui-même en produisant à la fois les conditions de sa propre production (machine abstraite déterminant un champ transcendantal ou plan d’immanence) et de lui-même comme conditionné (agencements déterminés)

Aussi, avant de prendre en compte le statut de cette pure fonction virtuelle de la machine abstraite, et la manière dont un agencement de désir en assure l’effectuation, l’actualise, il nous faut préciser les attendus de ce fonctionnalisme, tout à fait particulier, que mobilise le concept d’agencement de désir.  
 
Le fonctionnalisme intégral
Sur ce point, il est important de noter que nous pouvons trouver dès le chapitre IV de l’Anti-Œdipe, « Introduction à la schizo-analyse », l’esquisse de ce fonctionnalisme intégral. A ce niveau de l’argumentation, il s’agit pour Deleuze et Guattari de rompre avec la distinction classique entre d’une part, la formation ou la production et d’autre part, l’usage ou le fonctionnement. Cette distinction opère tant sur les plans biologique, sociologique ou bien même technique. Que ce soit une machine technique, un organisme vivant ou une institution sociale, cette distinction permet de remarquer « qu’une institution, pas plus qu’un organe, ne [s’explique] par son usage. Une formation biologique, une formation sociale ne se forment pas de la même manière qu’elles fonctionnent » . Or, l’argument de Deleuze et Guattari consiste à remettre en cause cette distinction, en ce qu’elle repose sur des liaisons ou relations supposées données. Pour arriver à leur fin, ils vont mobiliser la théorie développée par Samuel Butler dans son « Livre des machines » . Ce dernier reprend les thèses traditionnelles qui opposent vitalisme et mécanisme, selon lesquelles un organisme ne serait qu’une machine plus parfaite, et les machines de simples prolongements d’un organisme ; « l’aptitude de la machine à rendre compte des fonctionnements de l’organisme, mais son inaptitude foncière à rendre compte de ses formations », c’est que « le mécanisme abstrait des machines une unité structurale d’après laquelle il explique le fonctionnement de l’organisme », alors que « le vitalisme invoque une unité individuelle et spécifique du vivant, que toute machine suppose en tant qu’elle se subordonne à la persistance organique et en prolonge à l’extérieur les formations autonomes » . Aussi, Butler n’oppose pas les deux thèses, mais les poussent à ce point de dispersion, « où vacille leur présupposé commun qui consiste à abstraire d’un ensemble donné une unité structurale ou finale »  :

Citation :

D’une part Butler ne se contente pas de dire que les machines prolongent l’organisme, mais qu’elles sont réellement des membres et des organes gisant sur le corps sans organes d’une société, que les hommes s’approprient suivant leur puissance et leur richesse, et dont la pauvreté les prives comme s’ils étaient des organismes mutilés. D’autre part, il ne se contente pas de dire que les organismes sont des machines, mais qu’ils contiennent une telle abondance de partie qu’ils doivent être comparés à des pièces très différentes de machines distinctes renvoyant les unes aux autres, machinés les unes sur les autres.

Ainsi, par ce « double passage à la limite » , Butler s’oppose tant à la thèse vitaliste que mécaniste, en ce qu’il remet en question l’unité personnelle et spécifique de l’organisme, et l’unité structurale de la machine. Partant, par ce geste il permet à Deleuze et Guattari de critiquer la distinction entre production ou formation et usage ou fonctionnement. C’est qu’il est vain de prétendre opposer à Butler et à sa théorie que les machines, à la différence des organismes vivants ne sont pas capables de se reproduire, ou seulement par l’intermédiaire de l’activité humaine, car, reprenant un exemple cher à Proust, « y a-t-il quelqu’un qui puisse prétendre que le trèfle rouge n’a pas de système de reproduction parce que le bourdon, et le bourdon seul, doit servir d’entremetteur pour qu’il puisse se reproduire ? »  Comme le précise justement Guillaume Sibertin-Blanc, l’intérêt de cet exemple de reproduction naturelle asexuée est qu’il force «  à concevoir, à l’endroit où le fonctionnement et la formation semblent les plus disjoints, leur stricte intrication – et du même coup une acception machinique de la sexualité comme co-fonctionnement d’hétérogènes ; ici, un élément ne se reproduit qu’en faisant intervenir dans son processus de formation une mise en usage d’un élément disparate appartenant à un ensemble tout autrement codé » . Certes, il ne s’agit pas de dire qu’une telle identité entre formation et fonctionnement est possible au niveau molaire des grands ensembles spécifiés, qu’ils soient biologiques, sociologiques ou techniques, mais bien qu’il est nécessaire de la prendre en compte au niveau moléculaire des machines désirantes, investissant et travaillant ces grands ensembles, qui seules, en vertu de l’usage immanent de leurs synthèses, « produisent les liaisons d’après lesquelles elles fonctionnent, et fonctionnent en les improvisant, les inventant, les formant » . Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Deleuze et Guattari peuvent affirmer que l’inconscient n’exprime rien, qu’il ne veut rien dire, car « seul a un sens, et aussi un but, une intention, ce qui ne se produit pas comme il fonctionne » . Ce refus de la distinction entre production et fonctionnement permet à Deleuze et Guattari de thématiser l’union intrinsèque entre désir et machines, le désir n’est pas le produit d’un ensemble de causes mécaniques, ni la machine un ensemble de moyens mobilisés par un désir doté d’une intention : « A ce point de dispersion des deux thèses, il devient indifférent de dire que les machines sont des organes, ou les organes, des machines. Les deux définitions s’équivalent : l’homme comme « animal vertébro-machiné », ou comme « parasite aphidien des machines ». […]  Une fois défaite l’unité structurale de la machine, une fois déposée l’unité personnelle et spécifique du vivant, un lien direct apparaît entre la machine et le désir, la machine passe au cœur du désir, la machine est désirante et le désir, machiné »  ; les machines désirantes ne sont donc pas qualifiées de machine par analogie ou métaphore, mais parce qu’elles « sont le mouvement même de la détermination machinique du réel, indépendamment de la qualification structurale ou spécifique de ce « réel » (biologiques, techniques, sociaux, économiques, linguistiques, etc.) » . Nous pouvons à présent saisir la consistance de tout agencement de désir : « Qu’est ce qu’un agencement ? C’est une multiplicité qui porte beaucoup de termes hétérogènes, et qui établit des liaisons, des relations entre eux, à travers les âges, les sexes, les règnes – des natures différentes. Aussi la seule unité de l’agencement est de co-fonctionnement » . Encore faut-il préciser que les connexions, les relations qui assurent ce fonctionnalisme particulier, compris  comme « unité d’une pluralité irréductible », en ce qu’elles ne doivent pas être préformées, les machines désirantes se formant et fonctionnant «en les improvisant, les inventant, les formant » , doivent être pensées comme opérant un démontage effectif, « désunification et détotalisation in re », sur « des formes et organisations données »(Voir KLM, chap. 9, « Qu’est-ce qu’un agencement ? », pp. 145-157 : « La machine n’est pas sociale sans se démonter dans tous les éléments connexes, qui font machine à leur tour. La machine de justice n’est pas dite machine métaphoriquement : c’est elle qui fixe le sens premier, non seulement avec ses pièces, ses bureaux, ses livres, ses symboles, sa topographie, mais aussi avec son personnel […]. C’est que la machine est désir, non pas que le désir soit désir de la machine, mais parce que le désir ne cesse de faire machine dans la machine, et de constituer un nouveau rouage à côté du rouage précédent, indéfiniment, même si ces rouages ont l’air de s’opposer, ou de fonctionner de manière discordante. Ce qui fait machine, à proprement parler, ce sont les connexions, toutes les connexions qui conduisent le démontage. » (p. 146).) .  
 
Avant de poursuivre, précisons, à partir de l’exemple de la féodalité que Deleuze affectionne, la nature de ce fonctionnalisme intégral impliqué par tout agencement de désir :

Citation :

Pour moi, agencement de désir marque que le désir n’est jamais une détermination « naturelle », ni « spontanée ». Par exemple la féodalité est un agencement qui met en jeu de nouveaux rapports avec l’animal (le cheval), avec la terre, avec la déterritorialisation (la course du chevalier, la Croisade), avec les femmes (l’amour chevaleresque)… etc. Des agencements tout à fait fous, mais toujours historiquement assignables. Je dirais pour mon compte que le désir circule dans cet agencement hétérogène, dans cette espèce de « symbiose » : le désir ne fait qu’un avec un agencement déterminé, un co-fonctionnement


 
 
Processus machiniques et agencements de désir
Nous pouvons à présent nous attacher à déterminer les rapports entre la machine abstraite, le processus machinique, compris comme fonction virtuelle, et la fonction de l’agencement qui assure le mouvement d’actualisation de ce processus. Comment comprendre le statut de cette fonction virtuelle ? Comme nous l’avons dit, Deleuze et Guattari rapprochent leur machine abstraite ou processus machinique de ce que Foucault avait baptisé diagramme. Ce terme servait à désigner dans Surveiller et punir  le panopticon de Bentham ; dispositif de l’architecture carcéral devant permettre de tout voir sans être vu. Or, Foucault insiste sur le fait que le panoptique n’est pas un dispositif spécifique, qui serait propre à la prison par exemple, mais bien qu’il permet de « doubler », afin de les intensifier, de les majorer, n’importe quel dispositif disciplinaire particulier : « Le Panopticon au contraire doit être compris comme un  modèle généralisable de fonctionnement ; une manière de définir les rapports du pouvoir avec la vie quotidienne des hommes. […] C’est le diagramme d’un mécanisme de pouvoir ramené à sa forme idéale […] c’est une figure de technologie politique qu’on peut et qu’on doit détacher de tout usage spécifique »

Citation :

Ainsi, Surveiller et punir définit le Panoptique par la pure fonction d’imposer une tâche ou une conduite quelconques à une multiplicité d’individus quelconque, sous la seule condition que la multiplicité soit peu nombreuse, et l’espace limité, peu étendu. On ne considère ni les formes qui donnent des buts et des moyens à la fonction (éduquer, soigner, châtier, faire produire), ni les substances formées sur lesquelles portent la fonction (prisonniers, malades, écoliers, fous, ouvriers, soldats…). Et en effet le Panoptique, à la fin du XVIII siècle traverse toutes ces formes et s’applique à toutes ces substances : c’est en ce sens qu’il est une catégorie de pouvoir, pure fonction disciplinaire

La machine abstraite doit se comprendre à l’aune de la physique des forces élaborée par Nietzsche . Il s’agit d’un champ de forces, dont les multiples rapports de forces qui le peuplent déterminent des pouvoirs d’affecter (fonction non-finalisée) et des pouvoirs d’être affecté (matière non-formée) ; « On ne demande pas « qu’est ce que le pouvoir ? et d’où vient-il ? », mais : comment s’exerce-t-il ? Un exercice de pouvoir apparaît comme un affect, puisque la force se définit elle-même par son pouvoir d’affecter d’autres forces (avec lesquelles elle est en rapport), et d’être affectée par d’autres forces » (C’est pour cette raison que Deleuze, à l’instar de Foucault, comprend les catégories du pouvoir par des listes de termes tel que ; inciter, susciter, produire pour le versant actif, et être inciter, être susciter et être déterminé à produire pour le versant réactif des affects.) . Ensuite, afin d’expliciter le rapport entre ce processus machinique, cette machine abstraite et l’agencement qui l’effectue, Deleuze reprend sa notion de causalité immanente :

Citation :

Le diagramme agit comme une cause immanente non-unifiante, coextensive à tout le champ social : la machine abstraite est comme la cause des agencements concrets qui en effectuent les rapports […]. Que veut dire ici cause immanente ? C’est une cause qui s’actualise dans son effet, qui s’intègre dans son effet, qui se différencie dans son effet. Ou plutôt la cause immanente est celle dont l’effet l’actualise, l’intègre et la différencie. Aussi, y a-t-il corrélation, présupposition réciproque entre la cause et l’effet, entre la machine abstraite et les agencements concrets.

Donc dans un premier temps, les agencements de désir concrets actualisent ces rapports de forces, qui sont « virtuels, potentiels, instables, évanouissants, moléculaires » , leur donnant une forme, matière formée et fonction finalisée. Ce qui veut tout autant dire que les effets s’intègrent dans des milieux spécifiques ; « Les agencements concrets de l’école, de l’atelier, de l’armée…opèrent des intégrations sur des substances qualifiées (enfants, travailleurs, soldats) et des fonctions finalisées (éducation, etc.) » . Et enfin, cette intégration s’effectue par différenciation d’une forme de contenu et d’une forme d’expression (Deleuze et Guattari ont développé une conception tout à fait particulière de la sémiotique, c'est-à-dire une étude des différents régimes de signes, qui comprend un versant sémiologique portant sur le régime de signe dit signifiant. En découle toute une critique du structuralisme linguistique, allant de Saussure jusqu’à Chomsky ; Sur les régimes de signes MP, pp. 140-184 ; sur la critique des postulats de la linguistique, MP, pp. 95-139. )  ; « Foucault remarque qu’une institution a nécessairement deux pôles ou deux éléments : des « appareils » et des « règles ». Elle organise en effet de grandes visibilités, des champs de visibilité, et de grandes énonçabilités, des régimes d’énoncés. L’institution est biforme, biface» . Ce qu’il faut surtout retenir de tout ce dispositif quelque peu abstrait, c’est la manière dont Deleuze comprend cette actualisation du processus virtuel par les agencements de désir à partir de la question de la cause immanente. Partant cette ontogenèse est rapportée à la conception du mode fini chez Spinoza .  Spinoza distingue entre l’essence du mode et le mode fini existant. Et, remarque Deleuze, l’essence compris comme un degré intensif de la puissance divine possède une existence pleinement positive, qui ne dépend en rien de l’existence du mode fini : « Nous savons que l’existence d’une essence de mode n’est pas l’existence du mode correspondant. Une essence de mode existe, sans que le mode lui-même existe : l’essence n’est pas cause de l’existence du mode. L’existence du mode a donc pour cause un autre mode, lui-même existant » . Ainsi, à l’instar de l’agencement de désir par rapport au processus machinique qu’il actualise, le mode fini était alors compris comme fonction d’existence de ce degré de puissance. Or, dans sa lecture de 1967, Deleuze dégage ainsi deux axes permettant de déterminer cette existence du mode fini, un rapport caractéristique et un certain pouvoir d’être affecté :

Citation :

L’essence comme degré de puissance ; le rapport caractéristique dans lequel elle s’exprime ; les parties extensives subsumées sous ce rapport, et qui composent l’existence du mode. […] L’essence comme degré de puissance : un certain pouvoir d’être affecté dans lequel elle s’exprime ; des affections qui remplissent à chaque instant ce pouvoir.

Le premier axe est cinétique et détermine un corps comme étant un certains rapports de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteurs entre parties extensives. Nous pourrions tout aussi bien dire un certain co-fonctionnement entre éléments hétérogènes. Le second axe est dynamique, et demande à ce qu’on définisse un corps quelconque, non « par sa forme, ni par ses organes ou fonctions »  par les affects dont il est capable. Selon l’exemple célèbre de Spinoza, d’après cet axe il faut bien dire qu’un cheval de labour est plus proche d’un bœuf que d’un cheval de course. Or, ces deux axes sont précisément les deux mêmes que ceux que l’on retrouve dans la définition de l’agencement que Deleuze et Guattari proposent :

Citation :

D’après un premier axe, horizontal, un agencement comporte deux segments, l’un de contenu, l’autre d’expression. D’une part, il est agencement machinique de corps, d’actions et de passions, mélange de corps réagissant les uns sur les autres ; d’autre part, agencement collectif d’énonciation, d’actes d’énoncés, transformations incorporelles s’attribuant aux corps. Mais d’après un axe vertical orienté, l’agencement a d’une part des côtés territoriaux ou reterritorialisés, qui le stabilisent, d’autre part des pointes de déterritorialisation qui l’emportent.

Comprendre le désir comme immanent au social, et ce en coupant radicalement les ponts avec la conception psychanalytique du désir, entraine Deleuze et Guattari à proposer une nouvelle conception du champ social, et donc tout autant de nouveaux outils conceptuels dont témoignent le couple processus machinique et agencements de désir. Reste alors à comprendre quel peut être l’apport de ce nouveau dispositif conceptuel, la perspective singulière qu’il ouvre sur l’analyse des forces et dynamiques qui parcourent ce champ.
 
 
 


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23320888
alcyon36
Posté le 16-07-2010 à 00:51:50  profilanswer
 

Afin de pouvoir analyser le champ social, Deleuze et Guattari vont mobiliser et faire travailler concrètement le dispositif théorique des processus machiniques virtuels et des agencements de désir :

Citation :

Nous définissons les formations sociales par des processus machiniques, et non par des modes de production (qui dépendent au contraire du processus). Ainsi les sociétés primitive se définissent par des mécanismes de conjuration-anticipation ; les sociétés à Etat se’ définissent par des appareils de capture ; les sociétés urbaines, par des instruments de polarisation ; les sociétés nomades, par des machines de guerre ; les organisations internationales, ou plutôt œcuménique, se définissent enfin par l’englobement de formations sociales hétérogènes.

Ce qui importe le plus, et qui servira de point nodal tout le long de leur analyse, c’est que ces différents processus machiniques, en ce qu’ils consistent en une fonction abstraite virtuelle,  l’ensemble de ces processus appartiennent à un même champ de coexistence, dans lequel ils se font concurrence, se confrontent et s’affrontent. Or, la coexistence de ces processus a deux aspects. D’une part, il faut parler de leur coexistence extrinsèque. Il s’agit alors de prendre en compte l’hétérogénéité interne d’une formation sociale quelconque. Pour prendre un exemple :

Citation :

D’une part, en effet, les sociétés primitives ne conjurent pas la formation d’empire ou d’Etat sans l’anticiper, et ne l’anticipent pas sans qu’elle soit déjà là, faisant partie de leur horizon. Les Etats n’opèrent pas de capture sans que le capturé ne coexiste, ne résiste dans les sociétés primitives, ou ne fuie sous de nouvelles formes, villes, machines de guerre…

Mais cette coexistence a un second aspect qui déterminera toute l’instruction des formations sociales, à savoir une coexistence intrinsèque. Cette dernière nous permet de préciser le double caractère de tous les processus machiniques. Ces derniers ont certes une fonction virtuelle (anticipation-conjuration, capture…) mais ils possèdent aussi ce que nous pourrions appeler une modalité de puissance. C’est que chaque processus machinique « peut fonctionner aussi sous une autre « puissance » qui correspond à un autre processus » :

Citation :

L’Etat comme appareil de capture a une puissance d’appropriation ; mais justement cette puissance ne consiste pas seulement en ce qu’il capture tout ce qu’il peut, tout ce qui est possible, sur une matière définie comme phylum. L’appareil de capture s’approprie également la machine de guerre, les instruments de polarisation, les mécanismes d’anticipation-conjuration. C’est dire inversement que les mécanismes d’anticipation-conjuration ont une grande puissance de transfert ; ils ne s’exercent pas seulement des les sociétés primitives, mais passent dans les villes qui conjurent la forme-Etat, dans les Etats qui conjurent le capitalisme, dans le capitalisme lui-même en tant qu’il conjure ou repousse ses propres limites.

L’ensemble de la philosophie politique de Mille plateaux consiste justement à rendre compte de ces interactions et appropriations mutuelles entre différents processus machiniques. Il nous faut préciser encore un point d’importance qui concerne le principe d’immanence du désir, ou si l’on veut le primat méthodologique de l’anomal dans l’instruction des formations sociales. Deleuze et Guattari informent leur analyse du champ social par la détermination de ce qu’ils appellent la tendance universelle, qui doit être comprise comme le processus métaphysique de la schizophrénie, processus de décodage généralisé. Ils dégagent cette tendance à partir de la conception marxienne de l’accumulation primitive du capital , à laquelle ils font subir un déplacement notable. Par cette dernière Marx montrait que l’instauration de mode de production capitaliste supposait la dissolution préalable des anciens codes sociaux. Mais alors que Marx cantonnait ce processus de décodage à la formation féodale européenne, Deleuze et Guattari vont l’étendre à l’ensemble des champs sociaux historiques, ce dernier travaillant dans toutes les formations sociales. Cette détermination tendancielle de l’histoire universelle est fondamentale pour l’instruction que Deleuze et Guattari entendent mener, elle constitue le principe d’intelligibilité des formations sociales, à partir du concept de limite du social. Car ce qui apparaît rétrospectivement comme un processus de destruction, de dissolution, permet de dégager une perspective critique sur la manière d’entreprendre l’analyse des formations sociales. Ce dont il faut rendre compte, c’est la manière dont elles assurent le codage, conjurent, c'est-à-dire par la création et la mise en œuvre toute positive d’institutions, de pratiques sociales…, le processus de décodage qui les travaille de l’intérieur, et dont elles pressentent qu’il signifie leur destruction :

Citation :

On dirait que les formations sociales pressentent, d’un pressentiment mortifère et mélancolique, ce qui va leur arriver, bien que ce qui leur arrive leur arrive toujours du dehors et s’engouffre dans leur ouverture. Peut-être même est-ce pour cette raison que ça leur arrive du dehors ; elles en étouffent la potentialité intérieure, au prix de ces dysfonctionnements qui font dès lors partie intégrante du fonctionnement de leur système.

Le processus universel de décodage, processus métaphysique, en ce qu’il travaille toutes les formations sociales de l’intérieur, doit être compris comme la limite absolue du social, faisant vaciller tous les codes, toujours à la limite des codes. Mais ce dont témoigne ce pressentiment mortifère des formations sociales, c’est que cette limite absolue du social est elle-même toujours « prise dans des mécanismes qui la conjurent activement et de telle sorte qu’elle ne peut apparaître, par une sorte de projection, que sous la forme d’un accident survenant de l’extérieur » , comme limite cette fois réelle de telle ou telle formation sociale.  
 
 
Voilà, je vais m'arreter là, continuer exigerait de mettre en évidence les différentes manières dont les formations sociales conjurent cette limite absolue, mais tout autant la manière dont ces différents processus machiniques coexistent, c’est à dire leurs interactions et appropriations mutuelles. Concluons ce bref exposé en nous demandant quels sont les enjeux réels de cette conception toute particulière du désir ? Nous voyons mieux à présent, que même si la psychanalyse n’est pas étrangère à l’affaire, la critique qu’en proposent Deleuze et Guattari, bien que nécessaire à un certain moment de l’élaboration conceptuel, n’est pas primordiale. L’enjeu est double pourrions nous dire. Sur un plan directement pratique, cette conception du désir, et le nouveau dispositif conceptuel qu’il nécessite, permet à Deleuze et Guattari de proposer une analyse du champ social historique. Cette dernière est censée informer la manière dont il est possible et souhaitable de s’engager dans une dynamique révolutionnaire. Ne donnons qu’un exemple qui nous semble caractéristique. Dans le marxisme traditionnel le problème de la révolution passe par la destruction de l’appareil d’Etat. Sur ce point, Deleuze et Guattari sont tout à fait en accord avec cette perspective. En revanche, le marxisme pense cette destruction de l’Etat par une conquête préalable, la célèbre phase de transition. Or, à la suite de leurs analyses sur les rapports entre les appareils d’Etat et l’axiomatique capitaliste, Deleuze et Guattari ne peuvent que s’opposer à une telle perspective. S’il est bien nécessaire dans une perspective révolutionnaire de détruire l’Etat, cette destruction ne peut pas passer par sa conquête préalable, le développement du capitalisme mobilisant à un certain degré la puissance d’Etat, son intervention, une fois intégré, dans l’immanence du champ social.

Citation :

Ce que signifie une telle conquête de l’appareil d’Etat a toujours fait et fait encore problème. Un Etat supposé socialiste implique une transformation de la production, des unités de production et du calcul économique. Mais cette transformation ne peut se faire qu’à partir d’un Etat déjà conquis qui se trouve devant les mêmes problèmes axiomatiques d’extraction d’un surplus ou d’une plus-value, d’accumulation, d’absorption, de marché et de calcul monétaire.

D’autre part, outre ces considérations pratiques, qui sont certes très importantes, il faut également insister sur un autre point, qui nous semble à certains égards plus fondamental. Comme nous l’avons vu, le dispositif conceptuel dégagé à partir de cette conception du désir, processus machinique et agencements de désir, reprend le modèle de l’individuation spinoziste du mode fini. Or une telle reprise n’est certainement pas sans importance. En effet, Deleuze dans son ouvrage de 1967 sur Spinoza rapportait la compréhension du mode fini sur le plan du droit naturel moderne . Les deux axes par lesquels il faut définir un mode fini, et tout autant un agencement de désir, doivent permettre d’instruire « une méthode d’explication des modes d’existences immanents » .  Or une telle explication, censée remplacer tout usage ou recours à des valeurs transcendantes, c'est-à-dire en dernière instance à la morale comprise comme jugement de Dieu, correspond à ce que Deleuze baptise la vision éthique du monde.  Aussi, pouvons-nous préciser le réel enjeu qui se joue avec le désir dans la philosophie pratique de Deleuze. Proprement compris, le désir est ce qui doit permettre à Deleuze de proposer une méthode, via les concepts de processus machinique et d’agencements de désir, d’explication des corps sociaux immanents, de déterminer et d’évaluer les rencontres qu’ils font, les affects dont ils sont capables. Autrement dit, avec le désir il s’agit pour Deleuze de poser dans toute son extension la question de l’immanence à propos champ social et des corps institutionnels qui s’y déploient ; « Qu’est-ce que peut un corps ? ».


Message édité par alcyon36 le 16-07-2010 à 14:05:18

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23321888
rahsaan
Posté le 16-07-2010 à 07:54:59  profilanswer
 

Bravo et merci :D
J'allais répondre sur le désir comme agencement mais il y a tout dans ton texte. ;)
 
Ca fait du bien de relire un peu de D&G.  
Je me rends aussi mieux compte de ce que je ne comprends pas encore bien. Ce sont des questions techniques... Je ne sais pas si tu peux m'éclairer un peu :
 
- sur les synthèses passives du désir. En quoi ça consiste ? (cela vient de Diff&Rep, mais c'est une opération qui m'échappe).
 
- sur les mécanismes de "codification" et sur la formation des grands ensembles molaires ; je ne comprends même pas comment c'est possible (si tout n'est que désir immanent, d'où vient la transcendance ? l'appareil despotique etc.) Comment arrive-t-on à rendre la répression désirable ?
 
- Et cette distinction spinoziste entre essence et existence. L'essence du mode peut "exister" sans que le mode existe réellement. Et si le mode existe, la cause en est un autre mode existant. J'ai du mal à comprendre ce qu'est l'essence. Est-ce que c'est le virtuel ? Une essence de mode sans mode existant actuellement ?

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 16-07-2010 à 07:55:42

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23335455
pascal75
Posté le 17-07-2010 à 16:30:38  profilanswer
 

Alcyon > suis en train de lire, mais avant que j'oublie, une petite remarque à laquelle tu réponds peut-être plus loin dans ton texte... J'ai l'impression que tu fais dériver la conception deleuzienne du désir, de celle de Lacan. Je crois que Deleuze n'a jamais eu à se dériver d'une quelconque manière de Lacan et ,qu'en particulier, sa conception du désir il la doit d'abord à Spinoza : "le désir comme conatus devenu conscient". Mais je continue la lecture de ton texte, fort intéressant :) C'est un travail dans quel cadre ?


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°23341904
alcyon36
Posté le 18-07-2010 à 19:19:17  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Ce sont des questions techniques... Je ne sais pas si tu peux m'éclairer un peu :?


Oulala non malheureux... :D  
 
 

Citation :


- sur les synthèses passives du désir. En quoi ça consiste ? (cela vient de Diff&Rep, mais c'est une opération qui m'échappe).


Ba, les synthèses passives chez Deleuze sont les opérations assurant la production de différents domaines de l'expérience réelle, dans DR elles assurent la genèse du temps, de l'inconscient, de l'idée, du sensible et de l'individuation...Après pour pouvoir te répondre il faudrait que tu me precises un peu ce qui te pose problème...
 

Citation :

- sur les mécanismes de "codification" et sur la formation des grands ensembles molaires ; je ne comprends même pas comment c'est possible (si tout n'est que désir immanent, d'où vient la transcendance ? l'appareil despotique etc.) Comment arrive-t-on à rendre la répression désirable ?


Là il y a un gros problème me semble t il...si mon post t'as laissé croire qu'il n'y avait que du désir c'est que j'ai merdé quelque part. Je te rappelle cette phrase de l'AO que je ne crois pas citer dans ce que je vous ai posté: "Il n'y a que du désir et du social, et rien d'autre"(AO, p.36 souligné par les auteurs/ je ne vous fais pas remarquer (j'aime les prétéritions) le "nichts ausserdem" nietzschéen;)) Il faut bien comprendre l'univocité de la production, qui se dit en un seul et même sens de l'économie libidinale et de l'économie sociale. Il existe certes une différence de régime ou d'usage des rapports de production (des synthèses du processus de production de la nature-industrie), mais ce qu'il faut penser en dernière instance, c'est l'immanence de l'une à l'autre, c a d "déterminer leurs rapports de conditionnement mutuel et d'interaction, de contradiction et de subordination variable: en sommes, les diverses formes de répressions que les formations sociales exercent sur les productions inconscientes, qui sont aussi les manières dont le désir investit immédiatement le champ social."(Sibertin-Blanc, Deleuze et l'AO, p. 20)  
 

Citation :

"- Et cette distinction spinoziste entre essence et existence. L'essence du mode peut "exister" sans que le mode existe réellement. Et si le mode existe, la cause en est un autre mode existant. J'ai du mal à comprendre ce qu'est l'essence. Est-ce que c'est le virtuel ? Une essence de mode sans mode existant actuellement "


Heu ca dépend de quoi tu parles... En ce qui concerne le rapport entre processus machinique et agencement de désir alors oui, Deleuze associe entre autre le couple virtuel/actuel bergsonien, et le rapport essence existente du mode fini/ modi fini existant. Mais de mémoire, il ne recourt pas à Bergson dans son explication du mode fini dans SPE. Après faut que tu m'expliques plus precisement ce que tu ne comprends pas, je ne connais pas si bien que ca Spinoza et ses interprétations canoniques, pas envie de te dire de bêtises. Mais donc en effet, pour Deleuze, il faut bien distinguer l'essence du mode fini comme quantité intensive, comme degré de la puissance divine contenu dans un attribut (et la puissance divine n'est pas une abstraction, l'essence du mode fini n'est pas une possibilité logique, mais possède une existence physique, certes différente de celle d'un mode existant qui dure...l'essence du mode existe necessairement) et le mode existant comme quantité extensive.(cf. EII, prop VIII et Cor.)


Message édité par alcyon36 le 20-07-2010 à 22:54:28

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23342030
alcyon36
Posté le 18-07-2010 à 19:42:00  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Alcyon > suis en train de lire, mais avant que j'oublie, une petite remarque à laquelle tu réponds peut-être plus loin dans ton texte... J'ai l'impression que tu fais dériver la conception deleuzienne du désir, de celle de Lacan. Je crois que Deleuze n'a jamais eu à se dériver d'une quelconque manière de Lacan et ,qu'en particulier, sa conception du désir il la doit d'abord à Spinoza : "le désir comme conatus devenu conscient". Mais je continue la lecture de ton texte, fort intéressant :) C'est un travail dans quel cadre ?


Ce sont des passages de mon mémoire de M2...sans grand interet...que du tres connu dirait AC;)
Je me permets juste de te renvoyer au titre de cette étude, elle ne concerne pas le désir chez Deleuze, mais chez Deleuze et Guattari, et je trouverai ca plutôt fort de café d'expliciter ce que sont les machines désirantes et les opérations qu'elles effectuent sans passer par Lacan...je crois qu'il suffit de lire la correspondance entre DetG pendant laquelle s'effectue de la taf de recherche et d'ecriture de l'AO pour s'en rendre compte. (Après il va de soi que ma perspective est unilaterale dans ce travail, je me place du point de vue du système deleuzien, mais on pourrait faire l'inverse, et regarder ce que certains apports de la pensée de Deleuze ont pu avoir comme effet sur la pensée et le systeme de Guattari) Ensuite je ne dis pas que leur conception du désir inconscient dérive de Lacan, je dis que le passage du désir comme "force de recherche questionnante et problematisante" dans DR à la conception développée dans l'AO est inintelligible non pas sans la conception de Lacan, mais bien sans la lecture que Guattari propose de la structure lacanienne (et ce entre autre sur la base de sa lecture de DR et de LS) dans son article "machine et structure". De plus, il faut bien dire me semble t il que c'est cette ouverture au champ socio-hitorique via l'intercession de Guattari (entre autres) qui permettra à Deleuze de développer une ethologie spinoziste des signes, qui etait absente de son SPE, dans SPP et dans MP.


Message édité par alcyon36 le 18-07-2010 à 21:44:07

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23355686
Bad Bond
Agent #003
Posté le 19-07-2010 à 22:56:28  profilanswer
 

yo,
pour quelqu'un qui débute pour de vrai dans la lecture, vous conseillerez quelle édition du Prince de Machiavel, car vu de quand il date ça doit être dur à lire, donc il en existe une avec des notes pour expliquer un peu ??


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recordman du jeu du screenshot : Okiron en 12Secondes
n°23356184
alcyon36
Posté le 19-07-2010 à 23:45:32  profilanswer
 

yo à toi,
auteur bigrement compliqué que Machiavel... je suis en train de relire les Discours... je te rassure la plupart des traducteurs traduisent dans la langue de leurs contemporains;)
Après tout dépend de ce que tu veux en faire, si c'est pour un travail de recherche il te faut une edition de reference et je ne sais pas du tout quoi te conseiller pour le Prince. En revanche, si c'est juste pour ta culture personnelle, ne te prends pas trop la tête, tu dois en trouver une pas trop chere chez GF, et ca devrait largement couvrir tes besoins. A tout hasard, on m'a dit du bien (mais j'ai quelques doutes sur le degré de compétence de ces sources) de l'edition et de la traduction au PUF par Zancarini et Fournel (je crois que c'est une edition bilingue, ce qui peut toujours être utile), mais je je n'ai pas eu le livre entre les mains donc prudence...
 
N'hesite pas à venir nous rendre compte de ta lecture et des questions qu'elle a pu susciter chez toi...enjoy


Message édité par alcyon36 le 19-07-2010 à 23:57:39

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23364754
Bad Bond
Agent #003
Posté le 20-07-2010 à 20:23:30  profilanswer
 

ok d'accord, il n'y a donc pas vraiment d'édition avec des notes explicatives simples...


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recordman du jeu du screenshot : Okiron en 12Secondes
n°23365471
Profil sup​primé
Posté le 20-07-2010 à 21:35:55  answer
 

Olala la façon dont Schopenhauer s'attaque aux femmes dans son essai sur les femmes....  [:rofl]  
 
Sinon il n'était pas si bête que ça en psychologie, notamment sur les détails que regardent l'homme chez la femme et vice versa..... J'ai trouvé ça très intéressant.
Par contre un truc bizarre : il dit que c'est la mère qui instruit l'enfant, et pourtant dans son essai sur les femmes, il dit clairement que les femmes ne sont bonnes qu'au ménage...  :??:

n°23365745
alcyon36
Posté le 20-07-2010 à 22:02:53  profilanswer
 

Bad Bond a écrit :

ok d'accord, il n'y a donc pas vraiment d'édition avec des notes explicatives simples...


j'ai pas dit ca, je ne connais pas assez les editions francaises du Prince, surement que Le vicaire ou Bronislas seront plus à meme de t'aider. Après je ne pense pas que tu rencontres bcp de difficultés reposant sur la langue de Machiavel, et toutes les editions ont maintenant des notes explicatives, ou precisions de l'auteur de la traduction. Franchement, à ta place je prendrais simplement l'edition GF sans me prendre davantage la tête.


Message édité par alcyon36 le 20-07-2010 à 22:49:54

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23366115
bronislas
Posté le 20-07-2010 à 22:44:03  profilanswer
 

Non j'avoue que pour Le Prince, j'ai la version GF chez moi, mais je l'avais acheté en urgence pour y rechercher des passages cités par Manent dans ses livres.  :D Mais je crois que l'édition du Livre de Poche propose des notes de bas de pages plus simples et plus « littéraires ». Essaye de faire plusieurs librairies et de comparer si vraiment tu veux l'édition la plus simple possible. Tu peux aussi te lancer directement dans la lecture du texte. Machiavel n'est pas un auteur qui est difficile en raison de sa plume, mais plutôt de ses intentions. Je ne résiste pas à l'envie de citer Manent dans Naissances de la Vie politique moderne, et à vrai dire la première partie de son livre dédiée à Machiavel est vraiment très intéressante. En tout cas j'avais lu ça avec beaucoup de plaisir.

 

« Que la place des œuvres de Machiavel ne soit pas le chevet des despotes, c'est ce que ses lecteurs avisés ont toujours compris ou plutôt pressenti. Mais la difficulté est de fonder en raison ce pressentiment, et Spinoza ou Rousseau eux-mêmes n'y parviennent pas. Tout interprète paraît fatalement conduit à porter les écrits du Secrétaire florentin infiniment au-delà de leur lettre sans toujours pouvoir justifier cet écart, arbitraire et nécessaire. Ce n'est pas que le style de Machiavel soit obscur, au contraire ; comme le dit Nietzsche, on respire dans ses pages « l'air sec et subtil de Florence ». Cependant, tant de clarté, un tranchant si pur ne sont que le moyen d'un cryptogramme et le cynisme une ressource de l'hypocrisie. Le texte machiavélien étincelle d'obscurité ».


Message édité par bronislas le 20-07-2010 à 22:44:10

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Librarything|Last.fm|RYM
n°23366178
alcyon36
Posté le 20-07-2010 à 22:51:28  profilanswer
 

Oui, très beau passage de Manent, en ce moment je suis en train de parcourir les Discours en lisant le bouquin de Strauss, sur lequel la lecture de Manent s'appuie, "Pensées de Machiavel". J'ai aussi parcouru sa lecture du Hieron de Xenophon ainsi que sa correspondance avec Kojève...assez marrante d'ailleurs.


Message édité par alcyon36 le 20-07-2010 à 23:20:59

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°23610876
kimaswan
Gutta Cavat Lapidem
Posté le 13-08-2010 à 00:45:14  profilanswer
 

Bad Bond a écrit :

yo,
pour quelqu'un qui débute pour de vrai dans la lecture, vous conseillerez quelle édition du Prince de Machiavel, car vu de quand il date ça doit être dur à lire, donc il en existe une avec des notes pour expliquer un peu ??


Celle avec la préface de Paul Veyne.

n°23610956
kimaswan
Gutta Cavat Lapidem
Posté le 13-08-2010 à 01:00:01  profilanswer
 

Je cherche un/des livre(s) sur le réformisme et l'idée de révolution (dans une acception politique principalement). Des suggestions ?


Message édité par kimaswan le 13-08-2010 à 01:00:14
n°23624705
phyllo
scopus inornatus
Posté le 14-08-2010 à 17:49:37  profilanswer
 

Salut tous,
Quelqu'un aurait les cinq premiers podcasts des conf d'Onfray de cette année ?
 
Merci.

n°23624944
mixmax
Too old for this shit.
Posté le 14-08-2010 à 18:47:44  profilanswer
 
n°23624997
phyllo
scopus inornatus
Posté le 14-08-2010 à 19:00:32  profilanswer
 


 
Ce sont les cinq derniers. Les podcasts sont dispo une semaine et les retransmissions ont commencé il y a quinze jours. Il me manque donc les cinq premiers.

n°23625069
mixmax
Too old for this shit.
Posté le 14-08-2010 à 19:15:59  profilanswer
 

t'as le droit de browser un minimum aussi
page des premières conf
http://www.franceculture.com/theme [...] yse?page=2

n°23625102
phyllo
scopus inornatus
Posté le 14-08-2010 à 19:23:56  profilanswer
 

Ok et maintenant comment je fais pour enregistrer ça ?

n°23728057
Kede
Posté le 24-08-2010 à 22:23:12  profilanswer
 

phyllo a écrit :

Salut tous,
Quelqu'un aurait les cinq premiers podcasts des conf d'Onfray de cette année ?
 
Merci.


dites je suis entrain de les écouter,
d'ailleurs merci Internet et le partage car à 80€ le coffret c'est du vol  [:khakha_orbital]  
et dans L'archipel pré-chrétien (la première partie), Onfray s'attarde longuement sur les sophistes, et en offre un portrait aux antipodes de celui donné généralement.
Défendant des thèses égalitaristes, allant à contre-courant du platonisme, notamment sur la question du matérialisme etc. ils apparaissent bien plus sympathiques que Platon avec ses conceptions aristocratiques et son "arrière-monde" dévalorisant la vie, le concret.
 
Mais comme j'ai ni lu Platon et encore moins les Sophistes j'ai l'impression de brasser du vent en écoutant qu'une seule source.
QQun a des avis ?


---------------
On est tous en cellule mon petit pote, toi, moi, tout le monde. La vie est une prison. Et la plus terrible de toutes parce que pour s'en évader faut passer l'arme à gauche. Plaisante jamais avec ces choses là. Je vais t'enculer.
n°23728886
phyllo
scopus inornatus
Posté le 24-08-2010 à 23:26:59  profilanswer
 

phyllo a écrit :

Ok et maintenant comment je fais pour enregistrer ça ?


 
Je me répond à moi-même : avec un enregistreur et un cable, comme au bon vieux temps. Bon, c'est fait, reste à chopper les quelques derniers et j'écouterais ça quand j'aurai le temps.
 

Kede a écrit :


Mais comme j'ai ni lu Platon et encore moins les Sophistes j'ai l'impression de brasser du vent en écoutant qu'une seule source.
QQun a des avis ?


 
Brasser du vent, c'est un peu fort mais croiser les sources me paraît nécessaire, tout comme revenir aux auteurs en direct, ça, c'est plus qu'absolument nécessaire (même si pas suffisant).

mood
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