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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°22917524
bronislas
Posté le 11-06-2010 à 18:32:08  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Il y a des livres introductifs comme L'Introduction à la philosophie de Karl Jaspers, Idées d'Alain, et des ouvrages antiques comme le Manuel d'Epictète, La Vie Heureuse / La Brièveté de la Vie de Sénèque ou des des dialogues plus faciles de Platon qui sont autrement plus faciles à lire que Schopenhauer ou Nietzsche.
Les deux connaissent très bien Kant, qui n'est pas l'auteur le plus facile à bien maîtriser, et un peu moins en profondeur Hegel, je dirais, bien que leurs critiques restent intéressantes. Quitte à lire Nietzsche, autant commencer par ce qu'il a fait en premier, son Introduction à l'étude des dialogues de Platon, La Naissance de la tragédie... avant d'attaquer par le Gai Savoir.


Message édité par bronislas le 11-06-2010 à 21:29:58

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Librarything|Last.fm|RYM
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Posté le 11-06-2010 à 18:32:08  profilanswer
 

n°22918439
rahsaan
Posté le 11-06-2010 à 19:58:21  profilanswer
 

Oui, La brièveté de la vie, de Sénèque, c'est bien. C'est un bon exemple d'argumentation philosophique, sur un sujet qui touche immédiatement tout le monde (la temps passe trop vite).


Message édité par rahsaan le 11-06-2010 à 20:10:08

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°22971421
centurium
aka Milllenium
Posté le 16-06-2010 à 10:27:11  profilanswer
 

Bonjour,
 
Demain c'est le bac philo, et j'aurai une petite question : En relisant mes cours, j'arrive pas à bien comprendre la différence entre impératif catégorique et impératif hypothétique chez Kant. En quelques lignes, quelqu'un pourrait-il m'éclairer ? merci

n°22972711
l'Antichri​st
Posté le 16-06-2010 à 12:08:42  profilanswer
 

centurium a écrit :

Bonjour,
 
Demain c'est le bac philo, et j'aurai une petite question : En relisant mes cours, j'arrive pas à bien comprendre la différence entre impératif catégorique et impératif hypothétique chez Kant. En quelques lignes, quelqu'un pourrait-il m'éclairer ? merci


 
La philosophie pratique de Kant vise l'objectivité de l'action. C'est le principe, c'est-à-dire l'intention, qui constitue la valeur morale de l'action, mais loin de rester un état d'âme se suffisant à lui-même ou un simple voeu, l'intention intérieure (la bonne volonté), doit produire la réalité objective de la détermination rationnelle de l'être : le principe de la causalité pratique pose la détermination du réel (accord du sujet et de l'objet, de la raison et de la nature) !
 
A quelle condition la causalité pratique peut-elle être objective, elle qui, dans le cours ordinaire de la vie, est soumise à la subjectivité ? La causalité pratique, c'est-à-dire la volonté, est objective quand elle est "catégorique", quand elle détermine "l'objet" de l'action, c'est-à-dire sa fin : elle n'est pas une manière (modalité) d'exprimer la nécessité extérieure, auquel cas "catégorique" n'ajouterait rien à "impératif" (l'expression "impératif catégorique" serait redondante), mais la relation déterminante de la volonté à l'objet lui-même comme terme ultime de sa réflexion. Au contraire, lorsque la volonté est subjective elle reste "hypothétique" et sa relation à l'objet est de conditionnement : est donc "hypothétique" une décision qui ne porte que sur le choix des moyens pour réaliser un objet ou la recherche de la perfection et du bonheur, qui ne sont que des états permettant de viser et de réaliser autre chose, des moyens pour des fins qui ne sont pas encore déterminées. En définitve, est "hypothétique" la volonté soumise à la subjectivité, c'est-à-dire dont le contenu de l'objet voulu reste indéterminable (l'idéal de bonheur).

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 16-06-2010 à 12:09:44
n°22973004
centurium
aka Milllenium
Posté le 16-06-2010 à 12:39:40  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :


 
La philosophie pratique de Kant vise l'objectivité de l'action. C'est le principe, c'est-à-dire l'intention, qui constitue la valeur morale de l'action, mais loin de rester un état d'âme se suffisant à lui-même ou un simple voeu, l'intention intérieure (la bonne volonté), doit produire la réalité objective de la détermination rationnelle de l'être : le principe de la causalité pratique pose la détermination du réel (accord du sujet et de l'objet, de la raison et de la nature) !
 
A quelle condition la causalité pratique peut-elle être objective, elle qui, dans le cours ordinaire de la vie, est soumise à la subjectivité ? La causalité pratique, c'est-à-dire la volonté, est objective quand elle est "catégorique", quand elle détermine "l'objet" de l'action, c'est-à-dire sa fin : elle n'est pas une manière (modalité) d'exprimer la nécessité extérieure, auquel cas "catégorique" n'ajouterait rien à "impératif" (l'expression "impératif catégorique" serait redondante), mais la relation déterminante de la volonté à l'objet lui-même comme terme ultime de sa réflexion. Au contraire, lorsque la volonté est subjective elle reste "hypothétique" et sa relation à l'objet est de conditionnement : est donc "hypothétique" une décision qui ne porte que sur le choix des moyens pour réaliser un objet ou la recherche de la perfection et du bonheur, qui ne sont que des états permettant de viser et de réaliser autre chose, des moyens pour des fins qui ne sont pas encore déterminées. En définitve, est "hypothétique" la volonté soumise à la subjectivité, c'est-à-dire dont le contenu de l'objet voulu reste indéterminable (l'idéal de bonheur).


 
Ok ok merci beaucoup, j'ai mis du temps à comprendre mais je crois que ca va mieux :D
 
On verra ça demain :o

n°22973147
Mine anti-​personnel
Posté le 16-06-2010 à 12:53:18  profilanswer
 

centurium a écrit :


 
Ok ok merci beaucoup, j'ai mis du temps à comprendre mais je crois que ca va mieux :D
 
On verra ça demain :o


Y'a peut-être moyen de faire plus simple:
 
L'impératif hypothétique est une proposition de type: si... alors... Si tu veux avoir une position sociale enviable, tu dois réussir au bac. Mais tu n'es pas obligé de vouloir une position sociale enviable. Tu peux décider de devenir gardien de chèvres sur le plateau du Larzac.
 
L'impératif catégorique est une proposition de type: tu dois... C'est sans condition et sans discussion: tu ne tueras point.
 
Maintenant, on peut pervertir ce modèle à l'infini: Comment considérer une proposition du type: Si tu ne veux pas respecter l'impératif catégorique, alors tue quelqu'un ?  
 
Les nazis, qui avaient lu Kant (certains en tout cas), avaient proposé "l'impératif catégorique nazi": "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être approuvée par le Führer". Mais ça, mieux vaut ne pas en parler dans ta copie  :D  

n°22973200
centurium
aka Milllenium
Posté le 16-06-2010 à 12:58:23  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :


Y'a peut-être moyen de faire plus simple:
 
L'impératif hypothétique est une proposition de type: si... alors... Si tu veux avoir une position sociale enviable, tu dois réussir au bac. Mais tu n'es pas obligé de vouloir une position sociale enviable. Tu peux décider de devenir gardien de chèvres sur le plateau du Larzac.
 
L'impératif catégorique est une proposition de type: tu dois... C'est sans condition et sans discussion: tu ne tueras point.
 
Maintenant, on peut pervertir ce modèle à l'infini: Comment considérer une proposition du type: Si tu ne veux pas respecter l'impératif catégorique, alors tue quelqu'un ?  
 
Les nazis, qui avaient lu Kant (certains en tout cas), avaient proposé "l'impératif catégorique nazi": "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être approuvée par le Führer". Mais ça, mieux vaut ne pas en parler dans ta copie  :D  


 
Catégorique c'est inconditionnel, universel, de tous les hommes à l'égard de tous les hommes c'est ça ?
J'ai compris je crois :o
J'avais juste pas écrit dans mon cours que hypothétique c'était en vue d'une fin :jap:
Merci en tout cas :D

n°22974499
rahsaan
Posté le 16-06-2010 à 14:48:33  profilanswer
 

Si tu veux, un impératif hypothétique est un moyen technique de parvenir à une fin.  
Si tu veux être en bonne santé, fais du sport.  
Moyen : le sport. Fin : la santé. Technique : pratiquer.
 
Alors que l'impératif catégorique n'est pas une technique pour parvenir à une fin. Tu dois le faire, point et c'est tout. Tu dois le respecter absolument, inconditionnellement (en toutes circonstances, sans condition).  
L'impératif catégorique n'est pas un moyen en vue d'une fin.


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n°22981137
rahsaan
Posté le 16-06-2010 à 22:10:10  profilanswer
 

Pour terminer sur Sch., j'ai ajouté un paragraphe à la fin de mon texte :
 
http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] #t22856307
 
 
Le travail des pulsions  
 
L'intelligence est la plupart du temps soumise au travail incessant et aveugle du vouloir. Elle n'est qu'une petite lueur de conscience dans la nuit... Les facultés intellectuelles sont ainsi subordonnées aux pulsions organiques. L'apparition de la conscience se produit avec l'individuation : d'autant plus d'individualité, d'autant plus d'intelligence possible. Mais même chez l'homme, il n'y a pas de prééminence durable de l'intelligence. L'effort de compréhension et de contemplation ne dure pas. Il n'est pas vitalement indispensable. Du strict point de vue de la survie, mieux vaut être un imbécile le ventre plein qu'un génie affamé. L'usage désintéressé des facultés n'a que très peu l'autorisation de se produire. Ce n'est qu'une délivrance, une récréation avant de revenir aux choses sérieuses (une fête, une soirée, avant de reprendre sa semaine...)  
La soumission intellectuelle n'est pas seulement passive ; elle demande une adhésion, comme du papier qui adhère à une surface. On ne parvient plus à s'en décoller, comme un insecte d'un papier tue-mouche. L'intérêt bien compris n'explique pas tout, car l'obéissance par intérêt est malgré tout conscience et calculée. Je fais l'éloge du programme de tel homme politique car j'attends de lui un poste, un privilège, une aide etc.  
 
En réalité, l'adhésion de masse, l'adhésion stupide et inexplicable "rationnellement" a une idéologie, à de grands mots d'ordres mobilisateurs, les gros discours, tout ce que combat Schopenhauer, ne s'expliquent pas seulement par l'intérêt, et c'est cela qui consterne notre auteur (Hegel n'est pas idéaliste seulement parce qu'il doit faire l'éloge de l'Etat qui le paye...). Le mystère auquel se confronte Sch. est bien l'aveuglement ; son travail est de désenchanter radicalement le monde pour essayer de nous purger de ces folies en annihilant les discours délirants. Mais le mécanisme, le processus même de libération de l'intelligence reste lui-même assez peu expliqué.  
C'est en effet le côté tragique de l'aveuglement, qu'on ne le voit pas quand on en est victime, et qu'on ignore à peu près comment on s'en est "sorti" une fois qu'on n'y croit plus. Comme si le travail de l'intelligence ne suffisait pas lui-même pour combattre la bêtise. Il y a d'abord à surmonter la vexation ou la honte rétrospective que l'on épreuve devant une erreur. Mais il y a plus. Il y a à endurer le choc que provoque une remise en question violente, choc humiliant pour l'amour-propre. C'est sur ce point sans doute que Freud est plus éclairant que Sch. , sur ce qu'il appelle le travail des pulsions.  
 
Quand l'intelligence est capable de voir clair dans les choses, ce n'est pas de son seul fait. C'est qu'autre chose s'est produit, un effort bien plus profond, venu du vouloir lui-même. Ainsi, il n'y aurait pas d'un côté le vouloir aveugle et stupide et de l'autre l'intelligence. Il y aurait du côté du vouloir un effort pour se surmonter lui-même, pour dépasser sa grossièreté, sa bêtise, sa laideur etc. On arrive alors à la volonté de puissance nietzschéenne.  
Vous pouvez essayer de convaincre quelqu'un que toutes les grandes phrases sur l'Europe, les Nations, l'Humanité etc. sont des slogans creux, il ne voudra rien entendre tant qu'il n'a pas réussi à admettre que ces grands mots sont des baudruches. Au contraire, quand l'intelligence est capable d'argumenter, de critiquer, d'analyser un thème, c'est que l'essentiel est déjà fait. C'est déjà qu'elle a réussi à se libérer. L'argumentation et la démonstration, tout effort de clarification, suppose une libération préalable.  
L'effort de raison est ainsi bien plus profond qu'une réflexion, car la réflexion travaille sur une matière donnée telle quelle. La raison est un effort de l'individu tout entier, pas seulement de la conscience.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°22984653
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-06-2010 à 09:50:52  profilanswer
 

les sujets du bac
 
 
Filière scientifique :
Sujet 1 : L'art peut il se passer de règles ?
Sujet 2 : Dépend-il de nous d'être heureux ?
Commentaire : Extrait de Léviathan, de Hobbes
 
Filière économique et sociale :
Sujet 1 : Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
Sujet 2 : Le rôle de l'historien est-il de juger ?
Commentaire : Extrait de L'Education morale, de Durkheim
 
Filière L :
Sujet 1 : La recherche de la vérité peut elle être désintéressée ?
Sujet 2 : Faut il oublier le passé pour se donner un avenir ?
Commentaire : Extrait de Somme théologique, de Thomas d'Aquin
 
toujours un peu pénibles les sujets de ES, et Durkheim ca me parait bien difficile en philo


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
mood
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Posté le 17-06-2010 à 09:50:52  profilanswer
 

n°22984677
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-06-2010 à 09:53:14  profilanswer
 

je pense que mon choix serait :  
 
en S sujet 2
en ES le texte
en L le 1


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°22985780
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-06-2010 à 11:34:23  profilanswer
 

les textes :
 
L’ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l’équité, de la loi et de la justice conduit les gens à faire de la coutume et de l’exemple la règle de leurs actions, de telle sorte qu’ils pensent qu’une chose est injuste quand elle est punie par la coutume, et qu’une chose est juste quand ils peuvent montrer par l’exemple qu’elle n’est pas punissable et qu’on l’approuve. […] Ils sont pareils aux petits enfants qui n’ont d’autre règle des bonnes et des mauvaises manières que la correction infligée par leurs parents et par leurs maîtres, à ceci près que les enfants se tiennent constamment à leur règle, ce que ne font pas les adultes parce que, devenus forts et obstinés, ils en appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume, comme cela les sert, s’éloignant de la coutume quand leur intérêt le requiert et combattant la raison aussi souvent qu’elle va contre eux. C’est pourquoi la doctrine du juste et de l’injuste est débattue en permanence, à la fois par la plume et par l’épée. Ce qui n’est pas le cas de la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n’intéresse pas les gens, attendu qu’elle ne s’oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité. En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles d’un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de quelqu’un, ou à l’intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu’elle eût été, sinon débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été possible à celui qui y aurait eu intérêt.
 
HOBBES, Léviathan
 
 
La morale de notre temps est fixée dans ses lignes essentielles, au moment où nous naissons ; les changements qu’elle subit au cours d’une existence individuelle, ceux, par conséquent, auxquels chacun de nous peut participer sont infiniment restreints. Car les grandes transformations morales supposent toujours beaucoup de temps. De plus, nous ne sommes qu’une des innombrables unités qui y collaborent. Notre apport personnel n’est donc jamais qu’un facteur infime de la résultante complexe dans laquelle il disparaît anonyme. Ainsi, on ne peut pas ne pas reconnaître que, si la règle morale est œuvre collective, nous la recevons beaucoup plus que nous ne la faisons. Notre attitude est beaucoup plus passive qu’active. Nous sommes agis plus que nous n’agissons. Or, cette passivité est en contradiction avec une tendance actuelle, et qui devient tous les jours plus forte, de la conscience morale. En effet, un des axiomes fondamentaux de notre morale, on pourrait même dire l’axiome fondamental, c’est que la personne humaine est la chose sainte par excellence ; c’est qu’elle a droit au respect que le croyant de toutes les religions réserve à son dieu ; et c’est ce que nous exprimons nous-mêmes, quand nous faisons de l’idée d’humanité la fin et la raison d’être de la patrie. En vertu de ce principe, toute espèce d’empiètement sur notre for intérieur nous apparaît comme immorale, puisque c’est une violence faite à notre autonomie personnelle. Tout le monde, aujourd’hui, reconnaît, au moins en théorie, que jamais, en aucun cas, une manière déterminée de penser ne doit nous être imposée obligatoirement, fût-ce au nom d’une autorité morale.
 
DURKHEIM, L’éducation morale
 
 
Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l'infini, il a toujours été impossible d'instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l'égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu'un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d'autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d'obéir aux exigences de la justice et du bien public. C'est à cela que sert l'équité. Aussi est-il clair que l'équité est une vertu. L'équité ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et même, quand il le faut, elle ne s'oppose pas à la sévérité qui est fidèle à l'exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c'est de suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans le Code (1) : « II n'y a pas de doute qu'on pèche contre la loi si, en s'attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ». II juge de la loi celui qui dit qu'elle est mal faite. Mais celui qui dit que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas de la loi, mais d'un cas déterminé qui se présente.
 
Thomas d'Aquin, Somme théologique
 
(1) Il s'agit du Code publié par Justinien en 529 : il contient la plus grande somme connue de droit romain antique.


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°22986973
centurium
aka Milllenium
Posté le 17-06-2010 à 13:16:59  profilanswer
 

Perso je suis en ES, et j'ai pris le commentaire sur Durkheim :o
J'ai aussi parlé d'Hegel (logique immanente à l'histoire et la morale), Nietzsche (les forts sont pas dans la passivité et peuvent changer la morale) et Kant (impératif catégorique)
 
J'ai pas l'impression d'avoir tant réussi :o

n°22989520
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-06-2010 à 15:53:31  profilanswer
 

difficile à commenter philosophiquement le texte de durkheim parce qu'il est très sociologique :jap:


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°22989830
Profil sup​primé
Posté le 17-06-2010 à 16:11:49  answer
 

"Sujet 2 : Dépend-il de nous d'être heureux ? "
 
J'aurais pris ça personnellement.
 
C'est à peu près toujours les mêmes sujets qui sortent tous les ans.  :sleep:  
Et chaque année je me dis "et une année de plus depuis que j'ai passé le BAC  :sweat: "

n°22990074
rahsaan
Posté le 17-06-2010 à 16:25:17  profilanswer
 

Moi aussi  :sweat:  
 
Tiens, le blog d'un pote, prof de philo, qui comme l'année dernière, propose ses corrigés tout chauds tout beaux justes après les épreuves :
 
http://philo533.over-blog.com/articles-blog.html
 
C'est à cette occasion que son blog connaît un sacré pic de fréquentation.  :D
 
"L'art est manifestation de l'esprit, et donc il contient une rationalité à la fois dans son sens et sa manière de l'exprimer. Mais parce que ce qu'il exprime est caché, parce qu'il rend visible l'invisible, il ne peut emprunter les règles du monde visible pour exprimer cet invisible. Il doit donc inventer une rationalité propre pour exprimer un fond spirituel. Il ne peut y parvenir que mû par un désir de perfection."
 
Ca, ça claque  :o


Message édité par rahsaan le 17-06-2010 à 16:29:30

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°22990100
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-06-2010 à 16:27:10  profilanswer
 


 
le plus beau (mais c'était pas mon année, en 2005 je crois) c'était
 
"la politique est elle un art ou une science ? " :love:


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°22992178
bronislas
Posté le 17-06-2010 à 18:59:36  profilanswer
 

Comme je suis un peu de dans actuellement, j'aurais bien aimé le sujet sur le jugement de l'historien. Mais je ne suis pas sûr que ce serait celui que j'aurais pris en terminale.  :D


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Librarything|Last.fm|RYM
n°22998417
Citronnier
Posté le 18-06-2010 à 01:01:27  profilanswer
 

J'ai vraiment du mal à concevoir la philo dans un examen du bac.
Pour moi, le bac est quelque chose de normatif, on évalue les gens pour au final les classer et leur permettre de remplir les differents postes demandés par la Société.

 

Tout le contraire de la philo, qui conçoit l'indépendance d'esprit, le caractère non normé, l'essai de transvaluation des valeurs (comme dirait Nietzsche).

 

Mais okay pour une introduction à la philo durant la terminale, et même bien bien avant...

 

EDIT : Ou alors on appelle ça : Histoire de la Philo, où l'on recrache les différents courants philo (l'un pousse l'autre), ça sera plus crédible.

Message cité 1 fois
Message édité par Citronnier le 18-06-2010 à 01:06:56
n°23000093
Profil sup​primé
Posté le 18-06-2010 à 09:04:43  answer
 

Citronnier a écrit :

J'ai vraiment du mal à concevoir la philo dans un examen du bac.  
Pour moi, le bac est quelque chose de normatif, on évalue les gens pour au final les classer et leur permettre de remplir les differents postes demandés par la Société.
 
Tout le contraire de la philo, qui conçoit l'indépendance d'esprit, le caractère non normé, l'essai de transvaluation des valeurs (comme dirait Nietzsche).
 
Mais okay pour une introduction à la philo durant la terminale, et même bien bien avant...  
 
EDIT : Ou alors on appelle ça : Histoire de la Philo, où l'on recrache les différents courants philo (l'un pousse l'autre), ça sera plus crédible.


Quand je parle de philo en école de commerce, c'est plutôt très mal vu, du genre celui qui viens foutre le bordel dans nos normes pré-établies.  :D

n°23005480
Citronnier
Posté le 18-06-2010 à 16:12:25  profilanswer
 

Le problème du philo qu Bac est que les questions elles-mêmes puent les présupposés moraux, les bons vieux préceptes moraux réclamés par la Société (quoi de plus logique pour un examen normatif après tout).

 

Par exemple :

Magicpanda a écrit :

les sujets du bac

 

Sujet 2 : Dépend-il de nous d'être heureux ?


Mais le bonheur est-il souhaitable? est-il même possible de le considerer comme un but ?
Si je réponds non, je ne vois même pas l'intérêt de répondre à la question du Bac

 


Citation :


Filière économique et sociale :
Sujet 1 : Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
Sujet 2 : Le rôle de l'historien est-il de juger ?
Commentaire : Extrait de L'Education morale, de Durkheim

 

Filière L :
Sujet 1 : La recherche de la vérité peut elle être désintéressée ?

 

Pas mal, 3 thèmes sur la Vérité  [:implosion du tibia] , la plus grande impasse logique créée par le platonicisme (repris par le christianisme).
Si je déclare la nullité de ce concept, je n'ai même pas à répondre à ces 3 questions.

 

Poser ces questions, c'est déjà poser des présupposés, donc limiter le raisonnement dans des clous, concevoir déjà que les concepts utilisés seraient mêmes dignes de servir de base au raisonnement.

Message cité 1 fois
Message édité par Citronnier le 18-06-2010 à 16:16:36
n°23006219
l'Antichri​st
Posté le 18-06-2010 à 17:05:54  profilanswer
 

Citronnier a écrit :

Le problème du philo qu Bac est que les questions elles-mêmes puent les présupposés moraux, les bons vieux préceptes moraux réclamés par la Société (quoi de plus logique pour un examen normatif après tout).
 
Par exemple :


 

Citronnier a écrit :


Mais le bonheur est-il souhaitable? est-il même possible de le considerer comme un but ?
Si je réponds non, je ne vois même pas l'intérêt de répondre à la question du Bac  
 
 

Citation :


Filière économique et sociale :
Sujet 1 : Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
Sujet 2 : Le rôle de l'historien est-il de juger ?
Commentaire : Extrait de L'Education morale, de Durkheim
 
Filière L :
Sujet 1 : La recherche de la vérité peut elle être désintéressée ?


 
Pas mal, 3 thèmes sur la Vérité  [:implosion du tibia] , la plus grande impasse logique créée par le platonicisme (repris par le christianisme).  
Si je déclare la nullité de ce concept, je n'ai même pas à répondre à ces 3 questions.
 
Poser ces questions, c'est déjà poser des présupposés, donc limiter le raisonnement dans des clous, concevoir déjà que les concepts utilisés seraient mêmes dignes de servir de base au raisonnement.


 
Je me demande si vous avez bien compris le sens et la finalité de l'exercice philosophique de la pensée ? Je laisse à d'autres le soin pédagogique de vous expliquer...

n°23006844
Citronnier
Posté le 18-06-2010 à 17:57:46  profilanswer
 

On peut se tutoyer aussi.
Je suis d'avis que le Bac de philo (j'ajouterais même, toutes "institutions philosophiques" -M.Onfray semble être d'accord avec moi d'ailleurs) est contraire à l'idéal philosophique. Mais peut-être me fais-je une idée trop grande de la philo d'après toi donc


Message édité par Citronnier le 18-06-2010 à 17:59:59
n°23007277
bronislas
Posté le 18-06-2010 à 18:26:19  profilanswer
 

Si Monsieur Onfray tient tant à la suppression des « institutions philosophiques », qu'il commence par s'occuper de son « Université populaire de Caen ».
S'il suffit de déclarer la nullité d'un concept  philosophique pour balayer toutes les questions qu'il entraîne d'un revers de main, je propose de déclarer nul du concept de « nullité de la vérité », et je ne souhaite plus en discuter dorénavant.
Tu pourrais également nous épargner la pose romantique et surannée du philosophe en dehors des institutions, qui remet en cause le platonicisme, car on a à peu près tous lu sur ce forum Nietzsche et Schopenhauer, et ça va, on connaît.
 
Merci quand même.  [:massys]


---------------
Librarything|Last.fm|RYM
n°23009059
Citronnier
Posté le 18-06-2010 à 21:24:15  profilanswer
 

bronislas a écrit :


S'il suffit de déclarer la nullité d'un concept  philosophique pour balayer toutes les questions qu'il entraîne d'un revers de main, je propose de déclarer nul du concept de « nullité de la vérité », et je ne souhaite plus en discuter dorénavant.
Tu pourrais également nous épargner la pose romantique et surannée du philosophe en dehors des institutions, qui remet en cause le platonicisme, car on a à peu près tous lu sur ce forum Nietzsche et Schopenhauer, et ça va, on connaît.
 
Merci quand même.  [:massys]


Super  [:kokko8]  
Je me suis trompé de topic en fait. Comme le Bac, qui prétend traiter de philo et de discussion. Sur ce  [:onizuka_dark]

n°23009814
rahsaan
Posté le 18-06-2010 à 22:26:41  profilanswer
 

Derrière ce que dit Citronnier, qui ressemble à de la misosophie, il y a quand même un problème, c'est qu'une institution qui défend la philo finit par dégoûter certains élèves de la philo. Idem avec certains cours de français qui te dégoûtent durablement de Zola, Balzac, de SVT qui te dégoûte de tout intérêt pour les animaux etc.
 
Alors bon, évidemment, on peut répondre en en rajoutant dans l'idéalisme, en disant que la philosophie est un questionnement libre dont la finalité morale est de former des citoyens blablabla... mais je ne crains que ça ne fasse qu'empirer le mal. C'est le côté pontifiant, édifiant de la discipline institutionnelle qui finit par lasser, par assommer.  
C'est le fait d'être obligé de lire Kant ou Platon qui finit par rebuter. Au fond, derrière le rejet des auteurs ou des questions, c'est un rejet de la façon dont ils sont présentés, comme des thèmes auxquels il est indispensable de s'intéresser.
 
C'est le côté imposé des questions sous forme de sujet à traiter qui est ressenti comme une violence, comme un mot d'ordre, et qui provoque ce rejet. Marre de la vérité, marre de devoir être heureux, marre de l'égalité, des droits et des grandes idées... De toute cette niaiserie fadasse de philo aseptisée.
Marre d'avoir à se poser les questions qu'on nous demande de nous poser...
 
Dans quelles conditions la philosophie peut-elle engendrer des réactions de misosophie ? C'est bien le problème.


Message édité par rahsaan le 18-06-2010 à 22:36:42

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23011424
Citronnier
Posté le 19-06-2010 à 01:36:38  profilanswer
 

bronislas a écrit :

Si Monsieur Onfray tient tant à la suppression des « institutions philosophiques », qu'il commence par s'occuper de son « Université populaire de Caen ».
S'il suffit de déclarer la nullité d'un concept  philosophique pour balayer toutes les questions qu'il entraîne d'un revers de main, je propose de déclarer nul du concept de « nullité de la vérité », et je ne souhaite plus en discuter dorénavant.
Tu pourrais également nous épargner la pose romantique et surannée du philosophe en dehors des institutions, qui remet en cause le platonicisme, car on a à peu près tous lu sur ce forum Nietzsche et Schopenhauer, et ça va, on connaît.

 

Merci quand même.  [:massys]


Bon, un dernier mot (ça me fait du bien) et je m'en vais, promis. Je comprends que ce n'est pas le topic manifestement.

 

Ce que je critique c'est le fait que des concepts philo typique de l'idéal platonicien (la Vérité), et d'autres comme le bonheur comme idéal etc... ne sont même pas l'objet d'une recherche critique dans ces questions du Bac. Ils sont la base présupposée du raisonnement.
Ce n'est pas au Bac philo d'établir une hiérarchie des philosophies, de carrément nier toute une branche du raisonnement philo (surtout que ceci est fait de façon complètement implicite! )

 

EDIT: Bronislas, désolé de plus pour le ton volontairement outré, "romantique" du dernier message. Il faisait suite à la remarque assez impolie de L'Antichrist ("je laisse le soin à d'autres blabla..." )


Message édité par Citronnier le 19-06-2010 à 01:54:27
n°23015069
Baptman
Posté le 19-06-2010 à 15:05:11  profilanswer
 

Bonjour,
 
Rahsaan, je viens de remarquer l'aphorisme sous ton pseudo "ne jamais céder sur son désir". Sans doute la sujet a déjà été abordé dans les 280 pages de ce forum, mais je voulais savoir quand même: pourquoi?
Je viens de trouver le texte d'où est extraite cette citation (http://www.blogg.org/blog-22607-themes-ceder_sur_son_desir-41008.html) et je t'avoue n'y rien comprendre.
Françoise Dolto a dit "le seul péché est de ne pas se risquer à vivre son désir". Tu n'es pas sans savoir que Lacan était son grand ami et qu'il disait même que, quand bien même il lui arrivait (à Françoise) de ne pas le comprendre, tout ce qu'elle faisait avec les gamins et les gens, c'était ce qu'il s'efforçait d'expliquer. Aussi j'aimerai connaitre la différence que tu fais entre "céder" et "se risquer à", et, si possible, essayer de m'expliquer les propos du maître (qu'est-ce que cette histoire de "trahison", de "bien"?)
Merci beaucoup!  :)

n°23020280
rahsaan
Posté le 19-06-2010 à 22:55:38  profilanswer
 

Comme dirait Clément Rosset, ce serait intéressant de relire Lacan... quand il aura été traduit en français ! :D
 
Lacan dit : "ne jamais céder sur son désir". C'est un impératif éthique, une formule d'injonction négative, qui ressemble à une interdiction. Interdit de céder sur son désir. En fait, c'est davantage une prescription, un conseil de sagesse : il est toujours désastreux de céder sur son désir. Il faudra voir quels en sont les conséquences.
 
La morale dit habituellement : il ne faut pas céder... sur ses principes. Il faut avoir des principes dans la vie, s'y tenir,  ne pas se laisser "corrompre". Ne pas laisser ses désirs prendre le pas sur ses principes. Les désirs sont alors considérés comme des penchants, qui tendent à me faire oublier mes principes. Le respect du principe étant contraignant, obligeant à des sacrifices, il est tentant de céder aux tentations. Le fait même de violer un principe provoque un plaisir coupable -plaisir venant du relâchement de l'effort de respect du principe. Je me laisse aller, ça fait du bien. Cela fait plaisir sur le moment, quoi que je regrette déjà d'avoir été faible, de n'avoir pas été capable de me tenir à mes principes.
Le principe m'élève, me dresse, m'éduque, comme un tuteur, tandis que le désir me courbe, me fait pencher, me fait chuter.
 
Lacan a donc une proposition étonnante, qui fait du respect du désir un principe éthique ! voilà qu'il devient moralement soutenable de ne pas céder sur son désir.  
Or, ce qui compte dans cette proposition, c'est le possessif "son". Le désir, ce n'est pas un désir, ce n'est pas un principe, impersonnel, valable pour d'autres. Non, le désir, ce ne peut être que "mon" désir. Sinon c'est le désir de l'autre. De n'importe qui d'autre, peu importe, mais c'est le désir de l'Autre en général.  
Si je comprends un peu Lacan à ce moment-là, il n'y a que deux cas de figure possibles : soit je tiens bon sur mon désir, soit je cède sur ce désir, et dans ce cas, je cède au désir d'autrui. Quand je cède sur mon désir, je laisse à autrui le soin de désirer pour moi. Autrui : mon voisin, un proche, mon entourage etc. Je cède mon désir comme on dit qu'on se sépare d'un bien précieux.  
Et au nom de quoi puis-je être amené à céder sur mon désir ? Au nom du Bien, c'est à dire au nom du désir collectif, commun, moyen.  
 
Dans la structure éthique traditionnelle, au nom du Bien, je ne dois pas céder à mes désirs concupiscibles, violents noirs, mauvais etc. Dans le cas de l'éthique lacanienne, je ne dois pas céder sur mon désir au nom du Bien. C'est le Bien qui devient la tentation qui peut me faire échouer dans le désir.  
 
C'est là qu'intervient le langage. Car le désir doit se formuler. Le désir est une tension fait d'un ensemble de pulsions que le sujet doit apprendre à unifier pour leur donner sens. Or, produire son désir passe par l'étape de sa formulation. Désirer suppose de pouvoir formuler son désir face à autrui. Je dois devenir capable de dire : "Non, je n'irai pas en école de commerce, j'étudierai le piano car c'est ma passion dans la vie."
Celui qui cède sur son désir, qui abandonne sa vocation pour se conformer à ce qu'autrui lui demande de désirer, devient névrosé.
 
Ensuite, je ne vois pas de différence fondamentale entre la formule de Lacan et celle de Dolto. Celle de Lacan est certes formulée à la négative, mais c'est en fait pour nous exhorter à oser. Oser désirer. Ne plus craindre ce qu'on est au nom du Bien. Ne plus se laisser intimider par le Bien.  
Dolto parle de risque. Il y a un double risque à désirer : c'est d'échouer, de ne pas être à la hauteur. C'est aussi d'être conduit à sa perte par son désir (structure tragique du désir : je deviens l'auteur de ma propre perte. Oedipe cherche le responsable de la perte de Thèbes et découvre que c'est lui). Mais le véritable risque n'est pas d'échouer en essayant : c'est de ne même pas essayer.
 
Le désir n'est alors plus considéré comme un penchant (métaphore de la chute), mais comme ce qui me constitue. C'est une "métonymie de notre être". Autant dire que les termes sont pour ainsi dire interchangeable. Mon désir, c'est mon être (comme quand on dit une voile pour un navire).  
Pour autant, Lacan ne refuse pas complétement le Bien (le Bien commun). Il ne défend pas la figure sadienne du maître qui impose sa jouissance à l'esclave sans plus aucune référence à un bien quelconque, sinon celui de satisfaire ses envies.  
Simplement, Lacan subordonne le Bien au désir. Le but de la cure est d'arriver à ce que le sujet formule son désir et l'assume, sans culpabilité. Dans ce cas, le héros n'est plus celui qui défend le Bien (qui sauve la Cité ou son peuple, ou l'Etat etc.), mais celui qui parvient à maintenir son désir, coûte que coûte. L'homme ordinaire est celui qui cède.
Pourquoi alors peut-on impunément trahir le héros ? Parce que cette trahison sera au nom du bien, ordinaire et commun. Or, aucune punition n'est prévue pour celui qui défend le bien ordinaire et qui sacrifie le héros. Le héros est sacrifiable.  
 
"Pour l'homme du commun, la trahison, qui se produit presque toujours, a pour effet de le rejeter de façon décisive au service des biens, mais à cette condition qu'il ne retrouvera jamais ce qui l'oriente vraiment dans ce service."
Cette proposition, à mon avis, est une reprise/transposition du fameux schéma hégélien du maître et du serviteur. Ici, c'est la relation du héros et de l'homme commun. Le héros a accès au désir, il sait donc, de surcroît pourquoi il défend le Bien (pour préserver le désir), alors que l'homme ordinaire, lui, ne voit que le bien et oublie que le bien est dénué de sens sans le désir. A mon avis aussi, il ne faut pas prendre ces deux figures du héros et du traître pour des personnes réelles. Nous avons tous du héros et du traître en nous.  
Comme le dit Slavoj Zizek (dans Le Sujet qui fâche), le désir est par-delà le Bien. Pas par delà Bien et Mal, mais juste par delà le Bien.
C'est en effet quelque chose de remarquable que la référence au mal devient inutile dans l'éthique lacanienne. C'est une éthique sans position du mal. Le mal, à la limite, ce ne serait plus l'opposé du bien. Le mal, ce serait le bien sans le désir. L'impersonnalité du service de l'humanité. Or, défendre le Bien ne nous préserve pas du mal :
 
"Faire les choses au nom du bien, et plus encore au nom du bien de l'autre, voilà qui est bien loin de nous mettre à l'abri non seulement de la culpabilité mais de toutes sortes de catastrophes intérieures."
 
Ne pas céder sur son désir, c'est aussi pouvoir défendre le bien sans engendrer les effets pervers -par exemple de celui qui se permet d'être salaud au quotidien parce qu'il défend une cause tellement sublime qu'elle le met au-dessus des critiques.  
Là où l'éthique traditionnelle nous demandait de combattre nos désir au nom de la morale, Lacan nous rappelle qu'on ne pourra pas agir moralement si on mortifie son désir. N'oublie pas d'être toi, même quand tu défends une cause qui te dépasse.


Message édité par rahsaan le 19-06-2010 à 23:26:01

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23022705
rahsaan
Posté le 20-06-2010 à 05:47:39  profilanswer
 

En fait, le but n'est pas pour Lacan de proposer ou de défendre tel ou tel modèle de vie. Ce qu'il faut, c'est tout simplement d'arriver à savoir ce qu'on veut. D'où la question, lancinante et misogyne : "Que veulent les femmes ?"  :D  
 
A un moment, on peut arriver à dire par exemple : "Non, décidément, l'art moderne, moi, désolé, mais ça m'emmerde. Moi ce que j'aime, c'est la bouffe, le foot et les Harley Davidson".  
Mais ce qu'il faut, c'est trouver le désir qu'on peut assumer. Et c'est quand on a réussi à exprimer cette déculpabilisation qu'on peut même arriver à apprécier ce qu'on a refusé. Finalement, aimer la bouffe, les motos et le foot n'empêchera pas d'apprécier à l'occasion une expo de Picasso...
 
Il n'y a pas les désirs nobles et les désirs vulgaires, ni le bon ou le mauvais goût, mais il y a le désir et les goûts que je suis capable de considérer comme les miens.  
 
Comme le dit Slavoj Zizek, le but de Lacan n'est pas de déterrer les motifs cachés de nos actes (psychologie vulgaire, où on veut découvrir des motifs inconscients) mais d'aider le patient à assumer son acte. Or ce travail n'est pas une mortification de nos pulsions, mais bien au contraire un effort pour organiser ses pulsions et arriver à les accepter comme un destin, mais un destin assumé.

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 20-06-2010 à 05:52:36

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°23023360
Baptman
Posté le 20-06-2010 à 11:21:40  profilanswer
 

Merci pour ces explications éclairantes!  :jap:  


---------------
So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23090782
Baptman
Posté le 24-06-2010 à 21:37:54  profilanswer
 

Je suis en train de lire "Jacques Lacan à Hollywood, et ailleurs" de Slavoj Zizek, c'est brillant!!


---------------
So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23090856
Profil sup​primé
Posté le 24-06-2010 à 21:44:46  answer
 

Baptman a écrit :

Je suis en train de lire "Jacques Lacan à Hollywood, et ailleurs" de Slavoj Zizek, c'est brillant!!


Un petit résumé peut-être ?

n°23091428
Baptman
Posté le 24-06-2010 à 22:24:28  profilanswer
 

:) j'essayerai lorsque je l'aurai terminé! (mais ne m'attendez pas foncez le lire!)


---------------
So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past.
n°23120485
Profil sup​primé
Posté le 28-06-2010 à 00:03:06  answer
 

Difficile le chef d'œuvre de Schopenhauer (pas dans la compréhension, mais par la taille du bouquin  :sweat: )
 
Je me suis commandé trois livres à lui, beaucoup plus rapides à lire :
 
 
- Douleurs du monde pensées et fragments  
- Contre la philosophie universitaire
- Du néant de la vie
 
 
Cela faisait un bon bout de temps que je voulais lire le troisième ; ça sera chose faite très bientôt, ne faisant que 96 pages.
Le premier c'est un peu la continuité, et le deuxième c'est un essai, on verra bien.


Message édité par Profil supprimé le 28-06-2010 à 00:09:15
n°23126763
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 28-06-2010 à 16:34:09  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Finalement, aimer la bouffe, les motos et le foot n'empêchera pas d'apprécier à l'occasion une expo de Picasso...
 


 
...et une expo de Jeff Koons ? Style Made in heaven ?  :D


---------------
L'arrière-train sifflera trois fois.
n°23139552
pascal75
Posté le 29-06-2010 à 15:15:43  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

En fait, le but n'est pas pour Lacan de proposer ou de défendre tel ou tel modèle de vie. Ce qu'il faut, c'est tout simplement d'arriver à savoir ce qu'on veut. D'où la question, lancinante et misogyne : "Que veulent les femmes ?"  :D ...


Merci pour ton explication sur ta citation, qui me semble claire (es-tu lacanien, du coup ? je n'ai pas trop l'impression).
Une remarque, la citation exacte est : "Je propose que la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective analytique, c'est d'avoir cédé sur son désir." C'est pas une modèle de vie, comme tu dis, et ce n'est même pas une perspective comme pourrait laisser penser le résumé "il ne faut pas céder sur son désir".
Mais à lire deux trois trucs sur Lacan (c'est vrai, quel charabia ! vivement une traduction en français) je me disais qu'il pourrait presque passer pour un nietzschéen, voire spinoziste (enfin, là, pas sûr), par delà ce qui me fait du bien et par delà ce qui me fait du mal. Un nietzschéen très humain, quand même, très centré sur le sujet. Du coup, ce qu'il appelle "désir" est très peu "philosophique". "Désir", chez Lacan, n'est pas un concept. Qu'est ce que c'est ? une marque de fabrique ? J'ai du mal à voir autre chose dans ce mot et plus généralement dans la pensée psychanalytique, fut-elle lacanienne, qu'une série d'extrapolations à partir du vécu d'une personne qui fait de son cas une généralité et qui la recouvre d'un nom. Je crois que c'est à peu près ce que dit Onfray de Freud et du complexe d'Oedipe (pas lu, ça me donnerait presque envie de le lire) et ce dont s'était moqué joyeusement Levi Strauss, quelques années auparavant, dans "la potière jalouse" (il y parodie une psychologie basée non plus sur Sophocle mais sur Labiche).
Quand on voit le personnage de Lacan tel qu'il apparait dans une conférence donnée à Bruxelles (la vidéo doit être sur le net) on sent le personnage adéquat à sa pensée, imbue d'elle-même. Lui, il ressemble bien à ce qu'il dit, contrairement à Nietzsche, qui, comme tu le disais dans un message précédent, ne laisse pas deviner, derrière sa pensée, le personnage timide qu'il fut. Mais finalement c'est pas étonnant d'être timide devant une pensée particulièrement haute, fut-elle la sienne, et de se rengorger devant des platitudes contournées.


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°23140652
rahsaan
Posté le 29-06-2010 à 16:35:22  profilanswer
 

Oui, on se dit que si, ne pas céder sur son désir, c'est finir en mec terrorisant comme Lacan... :p
 
Par contre, sur Oedipe, je crois que Lacan a beaucoup fait pour se démarquer de Freud.  
Il me semble.
 
Il y avait un débat récemment entre Jacques-Alain Miller (le chef des lacaniens) et Onfray, autour du livre de ce dernier. En gros, Miller défendait la psychanalyse en disant que tout ce que Onfray attaquait chez Freud, Lacan l'avait déjà corrigé.  
 
Il me semble tout de même qu'il y a des choses assez libératrices chez Lacan.  
 


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n°23144322
pascal75
Posté le 29-06-2010 à 21:31:28  profilanswer
 

L'entrée de Lacan devant les élèves de Louvain (c'était Louvain, pas Bruxelles) dit beaucoup du personnage  
http://www.youtube.com/watch?v=FGRf6oZ4Sqc


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°23146491
rahsaan
Posté le 29-06-2010 à 23:16:24  profilanswer
 

Oui, il joue, il surjoue même un personnage tyrannique, "castrateur" etc. J'ignore pourquoi il éprouvait ce besoin d'être écrasant, d'être si dominateur par la parole et l'attitude. On croirait qu'il joue en permanence le rôle d'un vieux bourgeois de droite -le cigare etc. , avec cette ambiguité de savoir s'il adhère à son rôle ou s'il cherche à dénoncer cette attitude du maître en la surjouant. Est-il pervers, est-il subversif, on s'y perd un peu à force...  
 
Alors qu'une bonne partie de son effort dans ses livres, j'ai l'impression, est au contraire de combattre les effets de pouvoir produits par la parole. Son langage est tordu, bien sûr, à la limite de l'incompréhensible parfois, mais on arrive quand même à le suivre. J'ai été agréablement surpris par ce qu'il disait sur "ne pas céder sur son désir". C'est un mot qui m'a frappé. Tout de suite, j'ai trouvé ça fort et j'ai eu l'impression de le comprendre et de pouvoir l'expliquer.  
Même Deleuze et Guattari ont trouvé des choses chez Lacan ; sur la construction du désir justement.
 
J'avais aussi lu le séminaire Encore (offert par Foutre de), et j'avais été surpris de découvrir qu'il n'y employait pas tous ces affreux jeux sur les mots à base de père etc. S'il y a quelque chose que je ne supporte pas, c'est bien ces jeux de signifiants ou à tous les coups, comme par hasard, tu retrouves le père, le pénis etc.  
 
Au contraire, dans ce séminaire, Lacan défaisait le sens des mots : il ne jouait pas sur les mots pour donner plus de sens, mais pour faire chuter le sens. C'est le discours courant qui est un disque courcourant et qui est en fait un disque rayé.  
 
C'était sûrement quelqu'un de redoutable ce Lacan, car c'était un manipulateur de signes, qui connaissait parfaitement les effets de pouvoir et de violence de la parole -et comment agir sur le désir par la parole.


Message édité par rahsaan le 29-06-2010 à 23:47:32

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n°23149846
neojousous
Posté le 30-06-2010 à 11:05:19  profilanswer
 

Celle de Lacan qui m'a fait marré : http://www.youtube.com/watch?v=_zxdzGybjFI

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