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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°22134906
alcyon36
Posté le 06-04-2010 à 21:15:46  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Il est évident que de réduire le rationnalisme à la pensée d'un seul philosophe (que ce soit Descartes, Spinoza...) n'a pas de sens, mais je suis très curieux de savoir quel  peut être le sens que tu donnes à la notion de "rationnalisme" pour pouvoir affirmer que Descartes n'a rien à voir avec un rationnaliste? :D

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 06-04-2010 à 21:16:06

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
mood
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Posté le 06-04-2010 à 21:15:46  profilanswer
 

n°22135347
pimsa
Posté le 06-04-2010 à 21:34:39  profilanswer
 

drapo

n°22136037
topro
Posté le 06-04-2010 à 22:09:49  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Il est évident que de réduire le rationnalisme à la pensée d'un seul philosophe (que ce soit Descartes, Spinoza...) n'a pas de sens, mais je suis très curieux de savoir quel  peut être le sens que tu donnes à la notion de "rationnalisme" pour pouvoir affirmer que Descartes n'a rien à voir avec un rationnaliste? :D


 
Je me suis un peu mal exprimé. Dans ma phrase, je rapprochais "le rationnalisme" au "matérialisme". Descartes n'était en rien un matérialiste, exemple : preuve ontologique de l'existence de Dieu, séparation du corps et de l'âme etc...
 
Mais Descartes était rationaliste dans le sens où il mettait en avant "la raison" pour atteindre la connaissance.
 
Cela dit le rationalisme est différent de cartésianisme.

n°22136163
alcyon36
Posté le 06-04-2010 à 22:17:15  profilanswer
 

ha oui, en effet, si tu voulais dire que catersianisme n'est pas synonyme de matérialisme, alors tu t'es plutôt très mal exprimé...  :lol: Mais en même temps je ne crois pas que quelqu'un ait déjà soutenue une telle thèse. Sachant que tu pourrais avoir des matérialismes irrationnalistes, etc...  mieux vaut proscrire les mot en "-isme" si tu ne precises pas systematiquement quel sens tu donnes à cet "-isme".  
 
Descartes était rationnaliste au sens où il considère que tout est intelligible et a une raison d'être, et au sens où il considère que "toute connaissance certaine vient de principes irrécusables et a priori" (lalande)

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 06-04-2010 à 22:26:45

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°22278100
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 20:23:32  answer
 

J'entends partout que pour Platon, il y a dualité de l'âme et du corps. Pourtant, pour le prof de philo que j'avais en études de lettres, il n'en était pas question du tout, bien au contraire : âme et corps étaient intimement liés. Je voulais savoir ce que vous en pensiez.

n°22278136
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 20:28:16  answer
 


 
Pour moi, l'âme d'un être vivant et comme l'âme d'une baguette de soudure électrique.
C'est le support de la matière. Donc, c'est effectivement le corps, support du "psyché", appelle ça comme tu voudra.

n°22278273
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 20:42:09  answer
 


 
quand je disais que je voulais avoir des opinions, c'était plutôt vis-à-vis de la perception de chacun de leur lecture de Platon : s'ils ont compris que pour lui, âme et corps étaient liés ou bien au contraire séparés.
 
Non pas que ton opinion personnelle ne soit pas intéressante  :) , mais je voulais l'avis de "spécialistes" de Platon.

n°22278293
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 20:43:22  answer
 


Citation :

Le concept d’âme, tacitement associé à celui d’immortalité, reste, selon les modernes, imputé à Platon. Pour l’esprit contemporain, pour qui « l’existence précède l’essence » (voir L'Être et le Néant de Jean-Paul Sartre) l’âme reste un mythe que le matérialisme récuse totalement.
 
 

n°22278319
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 20:45:27  answer
 


C'est jovalise, il n'a pas eu le temps de lire le titre du topic, excuse-le.

n°22278513
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 21:00:22  answer
 


 
ma question ne concerne pas l'âme ni l'immortalité de l'âme, encore moins celle qui consiste à savoir si l'essence précède l'existence ou si c'est l'existence qui précède l'essence, mais bien la dualité de l'âme et du corps (pour ou contre) chez Platon.

mood
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Posté le 19-04-2010 à 21:00:22  profilanswer
 

n°22278520
bronislas
Posté le 19-04-2010 à 21:00:45  profilanswer
 


Oui, mais enfin, le but du sujet n'est pas de copier le premier paragraphe d'un article wikipedia. Ou il n'aurait pas une grande utilité.  :o
Surtout que ces courtes présentations synthétisent et gomment les nuances de pensées qui sont parfois bien plus complexes que ce qu'elles laissent entendre, et qui peuvent diviser les lecteurs.

 

Dans mes cours, on reprenait la division de façon classique il me semble, mais cela ne me paraît pas incompatible, à première vue, avec le fait que les deux soient intimement liés. Par exemple, chez Descartes, les deux sont des substances (au sens spinoziste) totalement différentes, mais nécessairement liées par le fait que l'une puisse être la cause de l'autre.

Message cité 1 fois
Message édité par bronislas le 19-04-2010 à 21:01:23

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Librarything|Last.fm|RYM
n°22278607
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 21:06:39  answer
 

bronislas a écrit :


Dans mes cours, on reprenait la division de façon classique il me semble, mais cela ne me paraît pas incompatible, à première vue, avec le fait que les deux soient intimement liés. Par exemple, chez Descartes, les deux sont des substances (au sens spinoziste) totalement différentes, mais nécessairement liées par le fait que l'une puisse être la cause de l'autre.


 
Existant séparément mais avec un lien de causalité pour Descartes. Et si l'âme est la "cause" du corps, cela veut dire que le corps existe parce qu'on a une âme (conséquemment à l'âme) alors ? Qu'il n'y aurait de corps que parce qu'il y a de l'âme ? (chez Descartes)


Message édité par Profil supprimé le 19-04-2010 à 21:07:21
n°22278677
bronislas
Posté le 19-04-2010 à 21:12:35  profilanswer
 

Non je pensais seulement au fait que la cause d'un mouvement n'est pas de l'ordre du corporel. Il y a un passage des Méditations métaphysiques qui dit cela beaucoup mieux que je ne le fais, mais cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas plongé dedans. :/


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Librarything|Last.fm|RYM
n°22278729
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 21:18:01  answer
 

bronislas a écrit :

mais cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas plongé dedans. :/


 
moi ça fait un bail que je ne me suis pas plongé dans un bouquin de philo ni fait de philo consciencieusement.  :D

n°22278812
bronislas
Posté le 19-04-2010 à 21:24:50  profilanswer
 

Moi c'était ce matin dans le train.  :D  
Bon c'est la retranscription d'un débat entre Castoriadis et le MAUSS, donc cela se lit plutôt bien, d'habitude, c'est plutôt sur un bureau. Ouvrage intéressant au passage ; je ne connaissais pas Castoriadis avant de le lire, et cela donne envie de lire ses ouvrages.


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Librarything|Last.fm|RYM
n°22279541
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 22:13:39  answer
 

bronislas a écrit :

Moi c'était ce matin dans le train.  :D  
Bon c'est la retranscription d'un débat entre Castoriadis et le MAUSS, donc cela se lit plutôt bien, d'habitude, c'est plutôt sur un bureau. Ouvrage intéressant au passage ; je ne connaissais pas Castoriadis avant de le lire, et cela donne envie de lire ses ouvrages.


La philo de bon matin  [:pikitfleur:1] . A la limite des trucs pas trop compliqués, mais du Nietzsche en commençant la journée, ça doit être salé.

n°22279785
Profil sup​primé
Posté le 19-04-2010 à 22:28:33  answer
 

Je drapalise, vive la philo épissetout :o

n°22282219
l'Antichri​st
Posté le 20-04-2010 à 06:43:29  profilanswer
 


 
Problème très classique chez Platon ! Votre question concerne l'unicité du monde vue par Platon. Chez Plotin, les Idées sont des esprits qui se pensent : l’être intelligible est vivant. Rien de tel chez Platon. Pour lui, la vie est toujours vie incarnée et, après la mort, si notre âme ne se réincarne pas, elle existe certes encore, mais sans être vivante. Ainsi, la célèbre formule "kosmos noètos" (monde intelligible) n’apparaît pas chez Platon. Cette expression n’apparaît que chez Philon d’Alexandrie, puis dans tout le médio-platonisme. Le Timée n’est pas compris dans un sens créationniste ou dans un dualisme radical (dualité - distinction - ne signifie pas dualisme - séparation).
 
Pourquoi certains parlent-ils alors de "monde intelligible" ? Il y a plusieurs explications :
 
1. A cause d’une logique d’entendement qui se plaît à la facilité des oppositions statiques : "L’un des sens de la dialectique platonicienne est de refuser ce que la tradition nommera l’esprit de système."
2. A cause d’un motif stratégique : prêter à Platon un dualisme où toujours le sensible serait à mépriser. D’un côté les modèles et la vérité, de l’autre les copies. C’est une lecture des aristotéliciens : Platon aurait hypostasié les concepts et la réalité empirique serait oubliée au profit d’idéalités en fait sans consistance. Or, la philosophie de Platon s’occupe des événements mondains, considère la psychologie humaine et le rôle des organes et s’intéresse aux prescriptions juridiques. Mais la fiction du monde intelligible peut sauver Platon. C’est la lecture judéo-chrétienne depuis Philon. On considère un monde des archétypes et un monde des copies. Entre les deux se tient l’âme dont la véritable partie est le monde des Idées. Cette idée est plotinienne. Pas de monde intelligible chez Platon. Trois textes le démontrent :
 
a. République, VI, 508 b-c : oppose le "lieu visible" et le "lieu intelligible". D’une part, un lieu n’est pas un monde. D’autre part, un lieu intelligible n’est pas un lieu dans le même sens qu’un lieu sensible : analogie n’est pas identité. Pourquoi ? Car dans l’intelligible, il n’y a pas juxtaposition des Idées comme il y a juxtaposition des corps sensibles. Dans le lieu intelligible, il y a combinaison des Idées.  
b. Phèdre, 247 c : parle de "lieu supracéleste". Il s’agit encore une fois d’une notion spatiale. Ce qui est hyperouranien ne désigne pas une enveloppe supplémentaire du ciel, ni un autre ciel mais précisément une dimension qui dépasse en perfection le ciel lui-même.
c. Philèbe, 64 b :  parle d’un "kosmos incorporel", ce qui ne désigne pas un monde. Cette expression s’applique en tant que l’intelligible sert de règle à la vie corporelle. Cet ordre n’est pas séparé, transcendant et spirituel mais immanent à la vie du sage qui ne cherche pas à fuir la cité.
 
Ainsi, l’existence substantielle des Idées ne doit pas conduire à une séparation entre deux mondes. Une coupure qui ne serait pas seulement une différence de points de vue, envisageant dans le monde (l’unique monde qui existe et où nous sommes) différents modes d’êtres, mais une séparation radicale entre un monde inférieur (celui où nous rencontrons cheveu, boue et crasse) et un monde supérieur (celui du Beau et du Bien), conduit à une pure et simple homonymie entre le sensible et l’intelligible. L’oeuvre de Platon consiste à montrer que l’efficacité de l’intelligible dans le sensible est ce par quoi il y a un monde qui se tient.
 
Le monde est unique comme est unique l’intelligible qui s’y manifeste. Cela étant, l’ordre du sensible participe au plus haut point aux Idées. La participation est précisément par quoi il y a cosmos. La kosmésis concerne les choses et Platon met ici en avant le mouvement et le passage de l’esprit à travers elles.
 
D’après les Lois, cet esprit ordonnateur semble l’équivalent d’un dieu. En tant que l’intelligence pense l’être et se conforme ainsi à la droite raison, ce qu’elle produit est produit par la Nature. Dans une connaissance scientifique, dans un acte vertueux, il y a une intelligence à l’oeuvre et, pour Platon, il en est de même dans la nature. Le monde est le résultat d’une pensée divine. L’intelligence qui ordonne les choses et permet qu’il y ait un cosmos, c’est l’intelligence de l’âme du monde quand elle se conforme à l’intellect divin.
 
L’image permet au regard de la pensée de voir ce à quoi le logos seul n’a pas accès : un aperçu de la totalité en tant que telle. Que signifie "kosmos" ? Ordre totalisant assuré par une présence psychique selon des rapports d’harmonie qui assurent beauté et perfection.
 
"Le kosmos chez Platon implique harmonie, ordre et vertu et il est l’unique enveloppant qui contient les astres, les hommes et les bêtes. C’est ainsi que dans Le banquet la contemplation du Beau en soi n’a pas pour but de nous établir dans le "monde intelligible" : nul ravissement qui nous arracherait au sensible, mais une saisie de ce qui est ferme et valide dans le monde, la neutralité du Beau. Le discours de Diotime ne parle ni d’Idées, ni d’Idée du Beau, ni de dialectique ascendante, mais affirme : "La plus haute et la plus belle forme de la pensée est celle qui concerne l’ordonnance des cités et de tout établissement, celle dont le nom est sans nul doute sagesse pratique et justice." (209 a). Stanley Rosen a noté qu’il s’agit là de dépasser l’amour pour la beauté des corps, dont l’énergie est égoïstement consacrée à l’accouplement et la reproduction, vers un amour supérieur. L’une des leçons du Banquet est politique : l’homme produit de l’ordre dans les "beaux discours" ou la belle cité quand il a pu saisir la beauté dans sa perfection intelligible. Avec le discours d’Alcibiade et l’éloge de la beauté morale de Socrate, la dernière figure de l’amour dans le Banquet n’a pas un visage séduisant mais une beauté toute intérieure, intelligible donc, qui se manifeste par des actes et des paroles. La présence de l’âme dans nos actions est également indiquée par le Premier Alcibiade, dialogue à prime abord pourtant abruptement dualiste ("il faut conclure que l’homme, c’est l’âme", 130 c) ; Socrate y affirme en effet : "Vous aurez toujours en vue dans vos actions ce qui est divin et lumineux (…) et en l’ayant ainsi devant les yeux, vous vous verrez et connaîtrez vous-mêmes" (134 b). Le divin ne se réfugie pas dans un sommet de l’âme incorporelle mais séjourne à ciel ouvert quand des hommes, tel Socrate, agissent avec justice."
 
D’où la diakosmésis comme présence visible de l’intelligible dans le monde : ainsi Platon pense-t-il la Participation. Le rôle des Idées n’est plus d’abord de permettre une connaissance vraie des visibles mais de servir de support à une mise en ordre soit du monde lui-même (six fois le terme diakosmein), soit de la cité (dans les Lois, quatorze occurrences). Partir du monde intelligible est :
- Anachronique.  
- Le prêt à Platon de la thèse selon laquelle il y aurait une totalité organisée et vivante parallèle à celle où nous vivons.
 
Or, la notion d’ordre implique pour Platon l’unicité. Le monde est tout ce qui existe. L’ordre psychique (la vertu) et l’ordre politique (cité) sont intégrés à l’ordre cosmique qui en assure la valeur.
 
Il y a une différence de points de vue sur le monde (permanences des Idées ou affections par le sensible) : ces points se rejoignent dans la vie des sages dont les actes sont conformes à l’ordre du logos. Le Beau est vu à travers les beaux corps. L’expérience de la vue est ainsi investie d’une autre tâche, celle de voir l’intelligible. La ligne du livre six de La république figure les opérations de l’âme dans sa connaissance du monde. Or, cette ligne est continue !
 
"S’il y avait un monde intelligible notre monde serait voué au désordre et à l’absurde. Or la tâche de la philosophie est pour Platon de nous montrer le sens qu’il y a à être juste."
 
Le monde n’est monde que par le mouvement et le repos selon lesquels les corps sont emportés en conservant leur forme. Mouvement, de la vie, de nos mains, de la parole, de l’amour, suppose un rapport à l’être intelligible qui les fonde. Mais les Idées en tant que telles ne vivent, ni n’usent des choses, ni ne pensent : elles ne constituent pas à elles seules un monde.
 
"Leur neutralité est ultimement l’objet de la philosophie sans que l’amour du neutre soit amour par le neutre. Nous aimons l’Idée et le respectons dans le sensible mais l’Idée platonicienne ni ne s’aime ni ne nous aime."
 
Eros et Philia, pour Platon, ne se déploient que dans le monde unique où l’âme et le corps intimement s’unissent. Encore une fois Platon n’est pas Plotin !


Message édité par l'Antichrist le 20-04-2010 à 17:13:12
n°22287153
Profil sup​primé
Posté le 20-04-2010 à 15:15:55  answer
 

merci pour cette réponse riche et détaillée.  :)

n°22302740
rahsaan
Posté le 21-04-2010 à 18:13:06  profilanswer
 

Oui, merci pour cette mise au point, c'est vraiment très éclairant. Ça répond à des questions que je me posais depuis longtemps sur le statut des idées chez Platon. Et sur son rapport à Plotin.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°22314030
jo-l-embro​uille
Posté le 22-04-2010 à 14:59:44  profilanswer
 

Note pour plus tard : lire toutes les interventions de l'Antichrist !
 
 
Qui a déjà lu "Antimanuel de philosophie" de Onfray, j'ai trouvé cela très très décevant.

n°22314835
topro
Posté le 22-04-2010 à 15:45:53  profilanswer
 

D'ailleurs en parlant d'Onfray, quelqu'un s'est procuré "crépuscule d'une idole"(merci Nietzsche du titre), le livre qui vient de sortir ? Il remet en cause toute la psychanalyse, et descend Freud de son piedestal. Je pense que c'est pas nouveau, parce que la psychanalyse a déjà été remise en cause par les psychanalystes (cf. livre noir de la psychanalyse).
 
Moi je l'aimais bien Freud  :(. On remplacera une idole par une autre de toute façon.

n°22315877
Profil sup​primé
Posté le 22-04-2010 à 16:43:23  answer
 

jo-l-embrouille a écrit :

Note pour plus tard : lire toutes les interventions de l'Antichrist !
 
 
Qui a déjà lu "Antimanuel de philosophie" de Onfray, j'ai trouvé cela très très décevant.


J'ai toujours détesté Onfray, c'est physique je crois.
 

topro a écrit :

D'ailleurs en parlant d'Onfray, quelqu'un s'est procuré "crépuscule d'une idole"(merci Nietzsche du titre), le livre qui vient de sortir ? Il remet en cause toute la psychanalyse, et descend Freud de son piedestal. Je pense que c'est pas nouveau, parce que la psychanalyse a déjà été remise en cause par les psychanalystes (cf. livre noir de la psychanalyse).
 
Moi je l'aimais bien Freud  :(. On remplacera une idole par une autre de toute façon.


D'après le passage qu'il a fait sur Fr2, il met plus en scène le caractère de Freud que son œuvre.
Le fait qu'il soit mégalomane, égocentrique, ... qu'il se prenne pour l'un des plus grands philosophes de son temps.
Alors que Onfray met en avant le fait qu'il a tout repris de Schopenhauer, Kant, etc...
 
D'un autre côté je trouve ça un peu facile, car on peut avoir dans l'idée que chaque philosophe s'inspire de tous ceux qui l'ont précédés.
Et puis son argument "j'ai lu tous les volumes de Freud", c'est sûr que peu de personne pourra venir le contredire ; je connais pas grand monde ayant lu toutes les œuvres de Freud.

n°22316600
topro
Posté le 22-04-2010 à 17:29:20  profilanswer
 


 
Le plupart des philosophes ont été mégalomanes et égocentriques, ce n'est pas pour autant qu'on doit condamner leurs idées. C'est ça que je reproche à Onfray. Sa focalisation sur le caractère des penseurs et non sur leurs oeuvres me fait gerber (comme Kant le fasciste). Faut il condamner Schopenhauer le misanthrope, Nietzsche l'égocentrique, Céline l'antisémite ? Je crois pas.
 
D'ailleurs, c'est le caractère "haïssable" des philosophes qui fait leur génie. Si tous étaient sociables, philanthropes, et optimistes, ils auraient jamais pendu des chef-d'œuvres.
 
Je vais acheter son bouquin, en espérant qu'il fait plus une critique de l'oeuvre que du personnage.


Message édité par topro le 22-04-2010 à 17:31:14
n°22317517
jo-l-embro​uille
Posté le 22-04-2010 à 18:44:42  profilanswer
 

Connaître le contexte d'un oeuvre et la vie de celui qui l'a écrite est toujours intéressant. Cela dit, si Onfray se contente d'une attaque ad hominem, son livre est une vaste blague, j'ose espérer qu'il discute sur la théorie elle-même.
 
Ce qui me gène chez Onfray c'est son ton péremptoire sans toujours argumenter.
J'ai repéré dans les rayons de la fnac "anti-traité d'athéologie, le système Onfray mis à nu" de Matthieu Baumier, quelqu'un l'a lu ici ?

Message cité 1 fois
Message édité par jo-l-embrouille le 22-04-2010 à 18:47:19
n°22317639
bronislas
Posté le 22-04-2010 à 18:59:10  profilanswer
 

De grâce, ce n'est pas le topic philodoxie ici.  :o


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Librarything|Last.fm|RYM
n°22321528
l'Antichri​st
Posté le 23-04-2010 à 04:11:21  profilanswer
 

topro a écrit :


 
Je me suis un peu mal exprimé. Dans ma phrase, je rapprochais "le rationnalisme" au "matérialisme". Descartes n'était en rien un matérialiste, exemple : preuve ontologique de l'existence de Dieu, séparation du corps et de l'âme etc...
 
Mais Descartes était rationaliste dans le sens où il mettait en avant "la raison" pour atteindre la connaissance.
 
Cela dit le rationalisme est différent de cartésianisme.


 

alcyon36 a écrit :

ha oui, en effet, si tu voulais dire que catersianisme n'est pas synonyme de matérialisme, alors tu t'es plutôt très mal exprimé...  :lol: Mais en même temps je ne crois pas que quelqu'un ait déjà soutenue une telle thèse. Sachant que tu pourrais avoir des matérialismes irrationnalistes, etc...  mieux vaut proscrire les mot en "-isme" si tu ne precises pas systematiquement quel sens tu donnes à cet "-isme".  
 
Descartes était rationnaliste au sens où il considère que tout est intelligible et a une raison d'être, et au sens où il considère que "toute connaissance certaine vient de principes irrécusables et a priori" (lalande)


 
Tant qu’on y est (vu qu’apparemment il y a une demande…) pourquoi ne pas tenter de clarifier aussi la métaphysique cartésienne, "rationaliste" donc par le projet général des Méditations (commun à toute l’oeuvre de Descartes, y compris le Traité des passions…) de sortir des idées confuses et obscures (ce projet est clairement scientifique et s’inscrit dans la révolution galiléenne et l’idéologie mécaniste), alors même que la vérité se fonde sur l’incompréhensibilité d’un Dieu vérace (j’accède à l’essence des choses matérielles qu’elles existent ou pas), qui par ailleurs légitime le sentiment et donne sens à un "Je sens" coextensif au "Je pense", "matérialiste" aussi par les effets du dualisme de l’âme et du corps (par son regard scientifique, l’union de l’âme et du corps n’a de sens que sur la base d’une distinction qui impose de libérer le problème de "l’idéalisme" aristotélicien et thomiste) et une théorie des passions située à la charnière âme/corps, dans leur fusion, laquelle ménage une place pour les besoins du corps compris comme une causalité du corps sur l’âme, l’expression d’une physiologie mécaniste, alors même, toujours sur la base d’un Dieu non-trompeur, que ce même dualisme suppose le libre-arbitre et la singularité du sentiment qui ouvre une voie de connaissance en-deçà des idées claires et distinctes (rationalisme auto-limité) et fait de l'homme un "empire dans un empire"...
 
A suivre car là les bras de morphée m'attendent...


Message édité par l'Antichrist le 23-04-2010 à 04:33:44
n°22331536
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 23-04-2010 à 21:42:37  profilanswer
 

jo-l-embrouille a écrit :

Connaître le contexte d'un oeuvre et la vie de celui qui l'a écrite est toujours intéressant. Cela dit, si Onfray se contente d'une attaque ad hominem, son livre est une vaste blague, j'ose espérer qu'il discute sur la théorie elle-même.
 
Ce qui me gène chez Onfray c'est son ton péremptoire sans toujours argumenter.
J'ai repéré dans les rayons de la fnac "anti-traité d'athéologie, le système Onfray mis à nu" de Matthieu Baumier, quelqu'un l'a lu ici ?


 
Enfin bon ...tous les "savants" qui descendent apporter la bonne parole aux manants, qui essaient de vulgariser, sont, de toute façon, détestés par les orthodoxes qui restent dans leur empyrée ...le succès est une insulte à la Vérité ! Donc Onfray est haï, certainement, par les philosophes professionnels qui restent dans leur pré-carré microcosmique, comme Hubert Reeves l'est chez les astrophysiciens ou Coppens chez les préhistoriens !


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°22338660
bronislas
Posté le 24-04-2010 à 18:00:59  profilanswer
 

Il y a pourtant des philosophes qui, comme Leo Strauss, voient dans les sophistes des personnes très utiles à la cité, servant de médiateurs entre les philosophes et les citoyens. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles il a considéré les œuvres de Xenophon et d'Aristophane avec bien plus de respect que bon nombre de ses prédécesseurs.  
 
Je n'ai personnellement pas beaucoup plus de respect pour certains professeurs ultra-spécialisés, qui perdent presque de vue l'objet de la philosophie et se montrent condescendants envers tous ceux qui n'auraient pas le statut "d'expert" dans leur minuscule domaine de compétence, que pour ces "philosophes" ultra-médiatiques, qui sont partout, qui publient comme ils respirent, et qui sont toujours prêts à se jeter comme des morts de faim sur le moindre sujet brûlant de l'actualité. Mais, au fond, le problème est que ce sont surtout des clichés, qui masquent la très grande majorité des philosophes sortant de très honorables ouvrages de vulgarisation et faisant de bons cours à leurs élèves. En général, quand je veux faire des découvertes intéressantes sans avoir de déconvenues, je fais comme faisait déjà Adorno dans Minima Moralia, 133, Contribution à l'histoire des idées : j'évite les livres dont on fait une publicité trop bruyante. Souvent, ça marche.


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Librarything|Last.fm|RYM
n°22338810
rahsaan
Posté le 24-04-2010 à 18:19:47  profilanswer
 

Oui, tu as raison de procéder comme ça. Ce qu'il faut, c'est aller chercher le petit livre que tu as trop envie de lire (style un commentaire sur la 3e Ennéade de Plotin par un commentateur brillant mais oublié des années 1920), et sur lequel tu te jeteras comme un mort de faim quand tu l'auras enfin. :D
C'est comme ça qu'on entretient son goût pour la philo.
 


Message édité par rahsaan le 24-04-2010 à 18:21:11

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°22344201
l'Antichri​st
Posté le 25-04-2010 à 12:33:26  profilanswer
 

En quel sens doit-on parler d’un "rationalisme" cartésien ? Et surtout, puisque c’est là l’enjeu de la métaphysique cartésienne, qu'est-ce qui vient le limiter ? Car c’est bien de l’homme (et non de Dieu ou de l’Etre) dont Descartes veut parler. Or, si l’union de l’âme et du corps est incompréhensible, elle n’est pourtant pas irrationnelle : je ne peux pénétrer la nature de son intelligibilité à cause de l’infinitude de Dieu et de mes limitations, mais c’est une intelligibilité dont je "sais" qu’elle n’est pas irrationnelle. Ainsi, l’union de l’âme et du corps suppose la finalité du réel et une dimension de vérité que Descartes attribue au sentiment, à la charnière âme/corps. D’où l’ambivalence qui mène du désir au besoin. Les passions sont de l’âme mais renvoient à l’idée de besoin du corps. La "méthode géométrique" de Descartes est en articulation avec de l’incompréhensible. En comparant avec Spinoza (cf. Ethique, III), on voit que le projet de Descartes est moins scientifique qu’un projet de régulation des passions.
 
Dualisme (union de l'âme et du corps) et libre-arbitre (puissance et perfection de la volonté) voilà ce qui caractérise l'ambivalence de l’homme et ce qu'il s'agit de penser clairement et distinctement ! Contradiction apparemment insoluble qui fait toute la complexité et l'actualité de la philosophie cartésienne.
 
Le projet cartésien de régulation des passions, moral dans sa finalité, mais fondé sur la méthode scientifique, suppose donc de penser de façon intelligible l'union incompréhensible de l'âme et du corps : à partir de la distinction des substances, Descartes commence par reposer le problème de la certitude en ce qui concerne les mathématiques, le Cogito (certitude de la certitude) et Dieu (certitude de la certitude de la certitude), problème qui occupe les cinq premières méditations. Reste alors le problème de l’union incompréhensible de l’âme et du corps que la véracité divine permet de fonder sur le "Je sens", objet de la sixième et dernière méditation.
 
Il s’agit d’abord de fonder la vérité. Le "rationalisme" de Descartes, lié à une finalité morale, a pour origine le principe du libre-arbitre. Ainsi, le parallèle qu’effectue Descartes dans le Traité des passions entre l’homme et l’animal ne vaut que du point de vue de la passivité, c’est-à-dire abstraction faite de l’exercice du libre-arbitre.
 
En vertu de l’union de l’âme et du corps, c’est-à-dire d’une causalité du corps sur l’âme, nous sommes en effet semblables aux bêtes, trompés par des appâts : l’excès du désir provient des exagérations de l’imagination, ce qui impose un bon usage des passions dans le décapage de l’imagination. Face au leurre que représente l’objet du désir, Descartes oppose l’authenticité du "Je sens" qui donne une légitimité à la passion. Le désir est le besoin d’un objet-fantasme qui n’est que l’extension illusoire au-delà du possible d’une institution de la nature, fondée sur le principe du meilleur. L’institution de la nature permet un bon usage de la passion en-deçà du libre-arbitre et de son éclairage par l’entendement.
 
Mais la substance pensante fait "l’identité" de l’homme tandis que "l’habitude" est le noeud de l’homme en tant qu’il est un corps. L’habitude est une capacité mécanique d’associer des actes corporels et des pensées suivant des rapports de contiguïté, de similitude, d’association qui produit la répétition. Or, ce qui nous différencie radicalement de l’animal, c’est cette "identité" de l’activité de l’âme qui nous pousse à lutter contre notre destin psycho-physiologique, à refaire l’histoire de nos affections présentes afin de les connaître comme passées. C’est toute la question de la puissance de cette âme en tant que libre volonté, en tant qu’entendement (cf. Traité des passions, article 50).
 
L’activité de l’âme est liée au pouvoir métaphysique accordée à la volonté, liée à la manière dont cette volonté peut être éclairée par l’entendement. Deux conceptions de la liberté coexistent :
 
1 - la liberté absolue. De ce point de vue, quelque soient mes actions, je les pose comme libres. Cette liberté n’a pas de degrés. La liberté de la volonté est affirmée dans Les principes de la philosophie, I, 39 et est donnée comme preuve d’elle-même. La liberté comme principe est découverte dans le doute : si je doute, je suis et si je suis, je suis libre. Je ne peux me reconnaître que comme absolue liberté. Je ne peux pas être contraint dans l’exercice de ma volonté. La liberté est toujours déjà là : elle est prouvée du fait que je l’éprouve. La faculté de choix est un principe dont je fais une expérience immédiate. C’est l’expérience de l’origine indéterminée de toutes mes déterminations.
2 - des degrés de liberté. La liberté est plus et mieux éclairée par l’exercice de mon entendement. Il s’agit de ma liberté métaphysique. Etre attentif, c’est du ressort de la liberté. Dans la Méditation quatrième Descartes pourra aborder la problématique de la responsabilité de nos erreurs tant que nous n’avons pas pris les bonnes dispositions pour bien penser. De ce point de vue le "rationalisme" cartésien combine le principe de la liberté et le principe de son éclairage. En donnant une signification à des phénomènes mécaniques non-signifiants, la conscience peut nous arracher à une habitude aveugle.
 
Dans les Méditations métaphysiques, le "rationalisme" cartésien veut fonder en droit la certitude de fait du cogito. En effet, si je peux douter de tout, le cogito résiste en fait au doute. Avec lui j’ai une vérité de fait. Si elle peut me permettre de fonder une science, elle-même n’est pas fondée. La certitude du cogito est une certitude de fait. Dans la Troisième Méditation, Descartes assurera le passage d’une existence de fait à une existence de droit. Dans la Seconde Méditation, le cogito n’est découvert que dans une procédure d’abstraction. Je constate quelque chose qui reste. Je ne découvre pas quelque chose fondé en droit. Le cogito est une réalité évanouissante. Le "Je pense" est la matrice de toutes mes représentations. Je ne peux rien penser en particulier sans penser que je pense. Le cogito accompagne toutes mes représentations. Le cogito est la condition de toutes mes représentations. Le doute apparaît alors comme une manière de vider quelque chose et de se rendre compte de ce qui reste. Le résidu, c’est le cogito. C’est ce qui reste de simple, c’est l’inéliminable. Je découvre par là ce qu’est une nature simple. Je découvre une identité, une unité, une indivisibilité et de ce point de vue, la condition de toutes mes pensées. Il faut lire sur ce point la Lettre à Mersenne de Juillet 1641.
 
Je peux donc éliminer tout ce que je pense mais pas éliminer que je pense. Ce qui reste, c’est la condition. Mais, de fait, je viens de comprendre que dès que je pense "X", je me pense comme pensant "X ". C’est l’expérience du morceau de cire. C’est l’examen qui part de la cire et débouche sur l’examen du sujet pensant. Dans le doute, tout ce qui est sensible a été remis en question. Dans le morceau de cire, je pars d’un morceau de cire pour l’examiner. J'adopte donc une démarche empiriste. Je fais une expérience où tout s’évanouit et où je retrouve la substance pensante. Même en prenant le chemin des empiristes, je fais l’expérience de la simplicité de la chose pensante. Descartes va toujours jusqu’au bout de son dialogue (déjà, dans le doute, il dialoguait avec les sceptiques, mais son doute avait en vue la vérité). Avec les empiristes, une somme d’expérimentations conduit à une vérité intellectuelle. Il s'agit de différencier le moi psychologique et le moi pensant. Le moi psychologique, c’est le moi des amours d’enfance et de la fille louche. De ce moi, je peux douter (cf. Lettre du 6 juin 1647). Mais, en ce qui concerne le moi pensant, je ne peux le mettre en doute. C’est le même moi dont chacun de nous fait l’expérience. C’est son universalité qui est la condition de toute connaissance particulière. C’est une essence pure identique en chacun. Ce moi est le plus réel, mais c’est le plus général. Sa désignation renvoie à son unicité.
 
Le moi se découvre comme pouvoir intellectuel de connaissance, conséquence d’un pouvoir de suspendre mon jugement ou de douter de tout. Ce pouvoir de douter est décisif : c’est l’aptitude de ma pensée à suspendre mon jugement. Cet exercice suppose la liberté.
La découverte du cogito comme essence pensante est là : dès que je connais une chose, j’en connais les propriétés. Toutes les propriétés de l’âme sont enveloppées dans son essence. Je me découvre comme puissance de penser claire et distincte. Dans cette essence, je dois déduire toutes les propriétés. Le cogito donne un modèle de certitude. Descartes revient à une logique qui est la logique que lui donne les mathématiques. Les mathématiques en elles-mêmes sont vraies. Les mathématiques ne donnaient pas à Descartes une vérité d’existence. Le modèle des mathématiques n’a jamais été critiqué, mais il n’était pas fondé. Il faut attendre Dieu.  
La découverte du cogito est une découverte qui affirme la certitude de l’être même. Mais si je découvre l’existence du "Je pense", que je découvre l’existence d’un être, qu’est-ce que je connais de cet être ? En connais-je l’être ou bien n'en connais-je que la manière dont cet être se donne à la connaissance ? Si je sais qu’il y a de l’être, je ne sais pas si cet être qui se donne est connu (par moi) en son être. En fait, je le saisis en son être, mais je ne le sais pas encore : il faut attendre la Troisième Méditation pour cela. Autrement dit, dans la Seconde Méditation, je ne sais pas si la vérité est ma vérité ou la vérité de la chose. Il faut attendre la Méditation suivante pour savoir que c’est la vérité de la chose. Autrement dit, se penser comme pensée n’est pas la certitude que c’est la pensée pure, l’être en-soi de la pensée pure. Cela veut dire que la question de l’objectivité est posée : dans la rigueur de l’ordre des raisons, qui constitue le "rationalisme" cartésien, je peux dire que je possède la vérité, mais je ne peut pas dire si elle objective ou bien subjective-objective.
 
Ce qui est en suspens, c’est le fait d’avoir la certitude de l’adéquation entre la logique de la connaissance et la logique du réel. En bon "rationaliste", Descartes n’a pas suivi la logique du réel pour connaître le réel. Il a suivi la logique de la connaissance. C’est la différence avec Spinoza qui part du réel. C’est la différence entre la vérité des choses et les choses en vérité.
 
L’examen du morceau de cire inverse la démarche. Cette inversion sert à confirmer l’ordre des raisons. Après avoir combattu sur le terrain du sceptique, Descartes est sur le terrain de l’empiriste qui ne nous apprend rien sur le terrain sensible, mais sur la nature de l’esprit. Dans la connaissance de la cire, j’en appelle à la concordance de mes facultés. Dans l’expression de l’identité de la chose, il y a concordance ou harmonie de mes facultés. Chaque faculté a son domaine, mais chaque faculté concourt pour rapporter son donné propre à une forme d’identité de l’objet. Chaque faculté travaille en harmonie avec les autres. Quand je pense l’objet, je pense l’harmonie des facultés. Spéculairement, je renvoie à la forme de ce que je suis comme sujet. Chaque faculté fait que lorsque je m’intéresse au réel, je suis renvoyé systématiquement à l’identité du moi qui le pense.
 
Dans le "rationalisme" cartésien, la connaissance fonctionne sur une reconnaissance : elle suppose un acte concordant des facultés. L’idée de la cire est mon idée. Mais cette idée enveloppe-t-elle la certitude que la cire est étendue. Ce n’est pas sur l’essence de la chose que je peux me prononcer. Cette idée de la chose n’enveloppe pas nécessairement son existence. Je ne sais pas si cette chose existe en tant que telle. Nous sommes dans le domaine d’une science subjective, même si c’est une science vraie. Ce qui est en question, c’est le statut ontologique. Ce problème est abordé dans la Troisième Méditation, à propos de la réalité objective de l’idée.
 
Pourquoi la connaissance de l’âme apparaît-elle plus facile que la connaissance du corps ? C’est plus facile en droit, mais pas en fait. Descartes présuppose toujours une connaissance intime du moi au moi. Mon attention permet de faire l’inspection de mon esprit et de découvrir ainsi l’idée claire et distincte. Le savoir que j’ai de la pensée n’est pas théorique, mais c'est un rapport que j’ai à moi-même. La connaissance du moi est la condition de possibilité de toute autre connaissance. Je me connais en tant que je suis celui qui connaît. Ma pensée se connaît en tant qu’acte de pensée. Mais, cela, c’est un rapport à moi-même, un rapport à moi en tant que condition de toute connaissance. C’est donc parce que je me considère comme objet qu’il y a un point d’interrogation entre ma manière de connaître et l’objet que je suis.
 
Quand Descartes parle de la cire, il emploie le verbe "concevoir". il ne conçoit pas la cire dans son essence singulière. Il la conçoit avec l’idée d’étendue. Percevoir la cire à travers le concept d’étendue, ce n’est pas la connaître comme cire ! Il faudrait connaître l’invariant géométrique de la cire (cf. Principes, I, 64). La science procède à la géométrisation du réel. Je peux connaître la cire dans sa singularité au point de vue de sa géométrie (formulation mathématique). En fait, je reconnais la cire comme je reconnais des hommes qui passent dans la rue alors que je ne vois que des chapeaux. Ce qui touche la fluctuation de mes sens est là : je ne perçois pas des hommes, mais je sais que ce sont des hommes. J’ai l’idée innée de la chose pensante : c’est l’idée que je peux tirer de l’expérience, même si l’expérience est la médiation de connaissance d’une idée que je ne fais que reconnaître. Sur ce point, il faut lire Différence et répétition, de Deleuze, le chapitre sur l’image de la pensée...
 
A suivre...


Message édité par l'Antichrist le 25-04-2010 à 18:49:56
n°22344607
l'Antichri​st
Posté le 25-04-2010 à 13:50:00  profilanswer
 

C'est dans la Troisième Méditation que le "rationalisme" de Descartes s'exprime à plein !
 
Tant que Descartes ne se débarrasse pas de l’hypothèse du Malin Génie, il reste dans l’ambiguïté sur le statut de la vérité. Ce cogito qui sert de modèle à la vérité est fragile. Je pense donc je suis, mais je ne suis qu’autant que je pense. Le cogito est un point instantané. Je ne sais pas si je peux toujours continuer à penser. Est-ce que j’existe si je ne pense pas ? Pour le moment, Descartes n’affirme pas la substantialité. Descartes trace sa voie pour découvrir un sol stable seulement à partir de la véracité divine. Je ne peux rien fonder sur cette chose qui s’évanouit et qui entraîne toutes les évidences. Tout ce que je peux poser sur ma mémoire peut être une illusion : le contenu de ma représentation peut être faux. Le Malin Génie peut me tromper sur ce que je pense.
 
Je ne suis certain de la vérité qu’instantanément. Le cogito ne peut se fonder sur lui-même. Il n’est pas cause de lui-même. La découverte de ma réalité est donc liée à l’effacement de l’hypothèse du Malin Génie. Mais je suis une chose qui pense même si rien n’existe en dehors de moi. Je suis une chose qui pense selon ses modes, c’est-à-dire selon des idées. Le "rationalisme" de Descartes, c'est d'attribuer le "clair et le distinct" à des idées. Ce sont des critères purement intellectuels. Mais pour préciser la portée de ce "rationalisme", il faut insister sur la distinction cartésienne entre les différents genres de pensées.
 
Il y a des pensées qui sont comme des images des choses. C’est à ces pensées que convient le nom d’idées. Descartes accorde ici le nom d’idées à des représentations, car, et on ne le dit pas assez, il y a des pensées qui ne sont pas des représentations. Ce sont des pensées. Une idée peut être fictive, comme la chimère. Mais une volonté, une affection ou un jugement sont aussi des idées, mais des idées qui enveloppent une représentation. C’est sur les idées que Descartes fait porter l’ensemble de sa réflexion parce que son problème est : comment sortir du cogito ? Le problème consiste à trouver une porte de sortie pour s’arracher à cette instantanéité du cogito : n’est-on pas emprisonné dans une position solipsiste et donc irrationnelle ? Descartes se met donc à travailler sur le statut de l’idée pour y découvrir la porte de sortie qu'il recherche. Bref, il y a le moi, comment en sortir ? Justement, cette idée du moi, je ne peux en juger si je n’ai pas l’idée qui permet d’en juger. Quelle est cette idée ? L’idée d’infini. C’est dans le travail sur l'idée d’infini que Descartes va rencontrer Dieu ! Une idée est une représentation qui renvoie à un contenu représentatif. Mais Descartes analyse l’idée en elle-même, en dehors du fait d'être objet de jugement.
 
Prenons une idée. Elle a un contenu représentatif. C’est la réalité objective de l’idée. Si elle représente quelque chose, on a la réalité formelle. Mais le malin Génie peut me tromper dans le domaine du jugement. Or le Malin Génie, en tant que j’ai une idée, et que cette idée représente, ne peut m’empêcher de penser que j’ai cette représentation. Je peux penser qu’il est vrai que j’ai l’idée de la chimère. Mais le Malin Génie ne peut me tromper si je dis "J’ai l’idée de la chimère". Dans le jugement, j’affirme ou je nie la valeur de vérité d’une idée. Exemple : J’ai l’idée d’une chimère que je tiens pour un animal réel. Le Malin Génie ne peut rien sur la vérité que je possède, sur la vérité objective de cette idée. Mais alors, est-ce qu’une idée vraie est vraie parce que je la juge vraie ou bien est-ce que je la juge vraie parce qu’elle est vraie ? C’est parce qu’elle est vraie que je peux la juger vraie. Mais si, et là est la subtilité, l’idée est vraie en elle-même et que je ne puis la juger vraie que parce qu’elle est vraie, c’est qu’il y a une réalité objective indépendante du jugement. Si je peux juger vraie une idée car elle est vraie, alors c’est qu’il y a une validité objective de l’idée. Si je trouve une idée dont la vérité en elle-même pourrait être prouvée, cela signifierait que la réalité formelle de la chose existe. La question est donc : existe-t-il une idée qui existe en dehors de mon jugement ? Si cette idée existe, elle nécessite l’existence d’un idéat dont elle est la représentation.
 
On peut ainsi penser qu’au fond le cogito renvoie à ceci : j’ai l’idée en moi de moi  et cette idée me conduit à penser que j’existe. Je suis autant que je pense. Je suis autant de temps que je pense. Au fonds, dans l’idée que j’ai de moi, il y a déjà la nécessité de l’existence du moi. Je pense que je pense : je me pense et donc je suis. Seulement, je ne suis pas extérieur à moi. L’idée que j’ai de moi, c’est immédiatement mon existence.
 
Pour sortir du cogito, Descartes passe par un examen des idées du point de vue de leur origine :  
1- idées innées (nées avec moi)
2- idées factices (faites et inventées par moi)
3- Adventices (qui viennent du dehors de moi)
 
D’où Descartes tire-t-il des idées factices ou adventices si ce n’est du sens commun ? Ces distinctions permettent d’examiner la thèse de la valeur objective de l’idée. Descartes emprunte au sens commun ses raisons pour les examiner. Au niveau du sens commun, j’expérimente en moi des idées qui ne dépendent pas de ma volonté. Il y a en moi une inclination à croire qui n’est pas la lumière naturelle. Cette inclination à croire, Descartes dit qu’elle semble naturelle, et irrationnelle, aveugle, téméraire, régie par des impulsions. J’ai l’idée d’arbre et je crois qu’il y a des arbres. Je confonds la représentation de l’idée avec ce qu’elle représente. De plus, des idées ne dépendent pas de ma volonté, comme dans le rêve. Le rêve permet une faculté qui n’est pas un acte de volition. Quand j’ouvre les yeux, j’ai des idées, je suppose ces idées des représentations de choses hors de moi, mais comme dans le rêve, j’ai des idées dont je ne connais pas l’origine. Même dans la perception habituelle, l’idée que j’ai ne renvoie pas à un semblable. Il y  a une différence dans l’idée du soleil pour un paysan, un roi et un astronome !
 
En fait, ces quelques réflexions doivent conduire à penser deux choses :
 
1- Il y a en nous des erreurs de principe qui sont que toute idée sensible est une bonne image des choses et que les choses sont les causes de ces images.
2- On ne peut partir d’un jugement sur les choses pour éclairer la question de la réalité objective de l’idée. Ce jugement sur les choses est une erreur de principe, c’est attribuer un effet de réalité à la valeur de la réalité objective de l’idée. Cependant, il faut distinguer entre l’erreur de principe et les formes a priori dont se sert cette erreur. Ce principe de causalité qui va de la réalité formelle à la réalité objective est-il le principe de ressemblance ? Ou bien est-ce son usage qui est illusoire ? pratique de l’illusion ou structure même du jugement ? Le principe de causalité et le principe de ressemblance ont leur valeur en eux-mêmes. S’il y a erreur, c’est dans leur mauvais usage et non en eux-mêmes.
 
Descartes a pris différentes voies : y a t il une idée dont la réalité objective permet d’en déduire nécessairement l’existence d’une réalité extérieure dont elle serait l’effet et l’image ? L’idée de Dieu, à partir de l’idée d’infini, va se définir selon ces deux moments. La première preuve de l’existence de Dieu fonctionne d’ailleurs sur le principe de causalité. Mais ce n’est que dans la deuxième preuve qui fait de ce Dieu le créateur de mon être que Descartes fait fonctionner le principe de ressemblance : l’homme à l’image de Dieu.  
On est toujours en dehors de l’exercice du jugement pour le repousser comme un principe d’illusion du sens commun. Descartes fait un pur examen de l’idée. C’est l’examen de l’immanence à l’idée sous la transcendance du jugement. Le principe de causalité fonctionne dans la première preuve où l’idée d’infini est posée comme l’effet d’une cause à rechercher car cette cause n’est pas moi. L’idée d’infini représente la perfection, c’est-à-dire la chose parfaite et cette idée n’est telle qu’à condition que la chose soit parfaitement parfaite. Pour Descartes, l’existence participe de la perfection de la chose. Le principe de ressemblance est opératoire dans la deuxième preuve.
 
Le "rationalisme" de Descartes va alors consister à se concentrer sur la nature de l’idée. Il va tenter de montrer comment, à partir d’une idée, il est possible de sortir du cogito, c’est-à-dire du solipsisme, de la substance solitaire. Descartes inscrit son discours dans la logique de la participation de l’idée à l’être, en fonction de la réalité objective, c’est-à-dire de plus ou moins de degrés d’être. Ces degrés de perfection sont des degrés de puissance.
 
Dans l’idée de Dieu, je découvre la plus grande réalité objective qui soit. Est-ce que cette idée est cause d’elle-même ou bien la réalité objective est-elle cause de la réalité formelle ? Je "sais" que Dieu existe. Donc, il existe quelque chose en dehors de moi. Je sais que Dieu existe, mais est-ce que je sais ce qu’il est ? Il faut la preuve de la conformité de mon idée avec sa réalité. Il faut passer de la vérité subjective de quelque chose à une vérité objective qui porte sur la valeur de la réalité objective de l’idée. Le problème s’est déplacé par rapport au cogito. Je peux m’interroger sur l’adéquation de la vérité que j’ai de moi et de la vérité que je suis. Mais ce n’est plus le cas dans la preuve que je me donne de Dieu. On assiste à une mutation du statut de la vérité. Immédiatement, je découvre l’existence de Dieu et la nature de son essence. Il n’y a pas de césure possible, de décollement possible, entre le fait de savoir que dieu existe et le fait de savoir qu’il existe comme être parfait et infini. Dès que je connais Dieu, ce que je connais, c’est Dieu dans son essence parfaite. L’infinitude ou la perfection de son être ne peuvent déborder l’idée que j’en ai. Dans le cogito, je sais que je pense et que je suis. Je sais que je suis un être pensant. Mais je ne sais pas que ce que je sais de moi, c’est ce que je suis en-soi. Quand je saisis que Dieu existe, je sais qu’il existe comme être parfait et cette perfection est son essence même. De ce fait, la saisie de son existence, c’est la conception de lui-même en son essence. Dieu m’est donc intelligible, mais objectivement, cela ne permet pas de conclure que j’en ai une compréhension totale. Je pense la perfection, mais cette perfection est la perfection d’un être dont la volonté est absolument libre. Je connais l’essence de dieu, mais sans pénétrer sa volonté. Descartes découvre donc un fondement intelligible aux sciences galiléennes et fait converger avec ce Dieu dont il a besoin l’épistémologie et la Bible (celui dont la Providence m’échappe). Si Dieu m’est incompréhensible, c’est parce que mon entendement est fini. La distance entre moi et Dieu est infinie. Mais cela ne remet pas en question ma faculté de le concevoir de façon intelligible. Dieu est pour moi le premier autrui. Dieu est le premier autrui, mais aussi la chose que je connais le mieux. Donc je suis infiniment éloigné de Dieu, mais c’est la chose que je connais en premier.
 
Encore une fois Descartes se place sur le terrain des adversaires, comme contre les sceptiques, les empiristes. Ici, il s’agit des théologiens. Descartes montre le paradoxe de l’existence de Dieu. Le théologien refusait la science galiléenne au nom de Dieu. Descartes réconcilie parce qu’il laisse une dimension d’incompréhensibilité dans laquelle se trouve le dieu biblique. Le problème de Galilée est traité par Descartes. Le problème de Galilée est celui du statut de la science. Pourquoi a-t-il été condamné ? parce qu’il a transgressé une règle qui démarquait le terrain onto-théologique et le terrain des sciences. Problème : la science porte-t-elle sur les phénomènes ou bien sur les choses-en-soi ? Descartes parvient à résoudre le conflit entre Galilée et le Saint-Office. Il y parvient en fondant en raison la vérité de la valeur objective de l’idée vraie en Dieu, mais en affirmant aussi que ce Dieu a une dimension d’incompréhensibilité qui est le domaine de la Révélation.
 
A suivre...

n°22344776
l'Antichri​st
Posté le 25-04-2010 à 14:22:21  profilanswer
 

A la fin de la Quatrième Méditation, Descartes est enfin en possession du critère de la vérité, ce qui lui permet d'éviter l’erreur. L’élimination de la thèse de la tromperie de dieu l'a fait sortir du doute, mais des idées confuses et obscures sont toujours présentes en lui. Comment dissiper cela ?
 
Le doute a porté sur les idées mathématiques et sur les choses sensibles, mais il a été dépassé. Dés que Dieu est vérace, le doute sur les vérités mathématiques est levé. Les êtres mathématiques existent, mais pas sur le mode sensible. Pour les choses mathématiques, il y a des raisons de ne pas douter. Le Malin Génie ébranle mais le bon sens me pousse. Descartes soulève un paradoxe : je connais les essences des choses avant de savoir si les choses existent. Je connais l’étendue, le nombre, la durée : j’ai des idées claires et distinctes garanties par Dieu. De ce point de vue, j’accède à l’essence des choses matérielles qu’elles existent ou pas.
 
Les essences existent en tant qu’idées. J’accède à leurs propriétés. Les mathématiques sont la science des propriétés de l’étendue. C’est la géométrisation du réel. On connaît l’étendue, le nombre et la durée par leur essence. Cette physique scientifique s’étaye sur la physique géométrique. Les essences sont rationnelles. Elles ne sont donc pas des idées subjectives. Leur connaissance en nous est identique à la connaissance de notre esprit. Ces choses, qui sont des essences de choses extérieures, sont des réalités, que les choses existent ou pas. La nécessité est celle de leur propre logique, de leur propre système, qui s’impose à moi. Mon esprit, comme puissance rationnelle, accède à des essences rationnelles créées par Dieu. Ces idées ne sont pas absolument nécessaires pour Dieu qui a décidé, mais elles sont nécessaires pour moi, car elles s’imposent par leur évidence.
 
Pour Descartes, sans le monde matériel, on peut assurer dans la véracité divine la constitution d’une physique sur la base de ces essences immuables et éternelles. Ce sont des réalités qui existent dans et pas par mon esprit. Donc, le Vrai est indépendant de nous.
 
Ainsi, la preuve ontologique n’arrive pas par hasard. Elle vient de la réflexion sur l’essence des choses. Cela arrive dans la continuité. Pour les choses comme pour Dieu, nous pouvons avoir des idées claires et distinctes. Ces idées peuvent confirmer la valeur de leur réalité objective. Pour les choses en général, cela n’enveloppe pas l’existence. Pour l’idée de Dieu, l’essence enveloppe l’existence. Autrement dit, la réalité objective de l’idée de Dieu enveloppe l’existence nécessaire de Dieu (nécessaire et pas seulement possible). Concevoir l’essence de Dieu, c’est savoir qu’il existe. Lorsque je conçois la souveraine perfection, je ne peux que lui donner l’existence. La preuve ontologique procède d’un raisonnement semblable à celui des géomètres. La preuve de l’existence de Dieu se déduit de l’essence de ses propriétés, comme pour l’évidence d’un raisonnement mathématique. Descartes reconnaît lui-même que cette preuve ontologique ne se suffit pas à elle-même, mais qu’on ne peut démontrer que Dieu existe que si on sait que Dieu existe. Cette preuve n’a de légitimité que dans l’ordre des raisons, c’est-à-dire étayé sur un autre savoir, les preuves de la Méditation Troisième. C’est parce que je sais que Dieu existe que je peux penser qu’il existe par sa nature. La preuve ontologique s’inscrit dans l’ordre des passions. L’existence s’affirme comme une perfection parce que je sais déjà qu’un être infini existe comme cause de l’idée de perfection et de moi-même. A-t-on une preuve de l’existence de Dieu ? Pour Guéroult, "c’est l’aperception directe d’une relation nécessaire incluse dans une essence immédiatement saisie par l’intuition comparable à l’intuition mathématique." Donc, comme en mathématique, c’est une relation intérieure à l’essence qui est démontrée. Cette relation nécessaire nous fait passer du plan de la logique au plan de l’existence. La nécessité logique est ontologique. Cette nécessité s’impose en tant qu’elle est la nécessité même du réel. Ma pensée n’impose aucune nécessité aux choses, mais l’inverse. La logique, c’est de l’ontologie. Je passe des mathématiques à un examen du réel hors de moi. C’est donc une logique du réel qui s’impose à ma pensée. Mais il y a une nécessité logique de ma pensée : c’est celle du réel. Mon entendement conçoit, mais la nécessité de ma pensée se confond avec celle du réel. Ainsi, une science objective est-elle possible. La vérité ne dépend pas de moi. Il y a une nécessité du Vrai qui s’impose à moi. La nécessité du Vrai est celle de ma pensée. Malgré ma liberté, ma volonté est impuissante à me conduire à penser un Dieu qui n’existerait pas. Ma liberté ne peut rien contre la vérité. Le "rationalisme" de Descartes se fonde sur un "réalisme" !
 
On ne peut concevoir un Dieu sans existence. Il n’est pas en ma liberté de concevoir une réalité ontologique différente. Je ne suis contre dieu que dans le péché et je ne suis libre que dans l’imagination (je peux imaginer Dieu avec ou sans ailes). La limitation de ma liberté est là : je ne peux pas concevoir que Dieu n’existe pas.
 
Il convient de faire remarquer que, contrairement à la vérité de ma propre existence, lorsque je pense à Dieu, on peut dire que je n’ai pas l’intuition directe de l’essence ou de l’existence de Dieu. A partir de Dieu, je pense que même avant de savoir que je suis un être pensant, je le savais déjà en intuition directe. Avec l’existence de Dieu, je sais que le rapport à moi-même est immédiat. Je connais Dieu par son essence, mais je n’ai jamais affaire qu’avec son idée. Dieu reste pour moi une représentation. Il n’est pas pour moi objet d’expérience. Si j’ai une intuition de Dieu comme je l’ai effectivement, j’intuitionne une idée. A ce moment-là, le rapport que j’ai à Dieu est plus proche des êtres mathématiques que de moi-même. Le Dieu cartésien n’est pas sensible au coeur comme l'est celui de Pascal. Dieu n’est pas une présence sinon par ses effets.
 
Cet ordre de l’argument ontologique est dans l’ordre des raisons : naturellement, sur le plan de la réalité des choses, Dieu est la première réalité. C’est parce que je sais que Dieu existe que j’ai pu faire un tel parcours. Sur le plan ontologique, Dieu est premier, éternellement existant et cause de soi. La preuve ontologique me fait signe vers l’être premier, le fondement premier de toute chose. C’est la nécessité de la cause de soi.
 
A la fin de la Cinquième Méditation, nous savons avec certitude que la science objective est possible. Descartes a réalisé le projet de la Première Méditation. On comprend pourquoi un athée ne saurait être géomètre : un athée devrait à chaque instant s’assurer de sa recherche. L’athée ne vit que l’instant. Pour lui, il n’a pas de mémoire intellectuelle. Il faut justifier que les idées claires et distinctes demeurent claires et distinctes. Il faudrait qu’il re-justifie tout le système du savoir. Un athée est quelqu’un qui reste dans le vague, le mobile, l’inconstant. Tout le reste demeure opinion. Un athée ne peut donc être assuré de la pérennité de la vérité.
 
Mais Descartes continue : il ne sait pas encore si les choses matérielles existent. Il va donc devoir affronter la question de l'union, elle-même incompréhensible, de l’âme et du corps, ce qui va le pousser à limiter son "rationalisme".
 
A suivre...


Message édité par l'Antichrist le 25-04-2010 à 14:22:44
n°22359080
Profil sup​primé
Posté le 26-04-2010 à 19:22:58  answer
 

Très très joli travail, Antichrist.
Toujours aussi intéressant de te lire.

n°22390179
Profil sup​primé
Posté le 28-04-2010 à 22:37:01  answer
 

the hector a écrit :

Je ne sais pas si il a été cité mais pour moi Laborit est un inconnus qui ne devrait pas l'être.
L'éloge de la fuite étant relativement accessible je le recommande très chaudemant.


Je l'ai commencé hier, je le lis hyper vite car il est très facile d'accès.
Je vais vous mettre 3 courts passages que j'ai trouvé très pertinents (je n'en suis qu'à la 50ème page) :
 
 
 
"Dans le contact avec l'autre on est toujours deux. Si l'autre vous cherche, ce n'est pas souvent pour vous trouver, mais pour se trouver lui-même et ce que vous cherchez chez l'autre c'est encore vous. Vous ne pouvez pas sortir du sillon que votre niche environnementale a gravé dans la cire vierge de votre mémoire depuis sa naissance au monde de l'inconscient. Puis-je dire qu'il m'a été donné parfois d'observer de ces hommes qui, tant en paroles qu'en action, semblent entièrement dévoués au sacrifice, mais que leurs motivations inconscientes m'ont toujours paru suspectes. Et puis certains, dont je suis, en ont un jour assez de ne connaitre l'autre que dans la lutte pour la promotion sociale et la recherche de la dominance.
 
[...]
 
Même si l'existence n'est pas une formule idéale, vous savez bien que la douleur élève l'homme et que nul ne se connait tant qu'il n'a pas souffert
 
[...]
 
J'ai compris enfin que la source profonde de l'angoisse existentielle , occultée par la vie quotidienne et les relations interindividuelles dans une société de production, c'était cette solitude de notre structure biologique enfermant en elle-même l'ensemble, anonyme le plus souvent, des expériences que nous avons retenues des autres."


Message édité par Profil supprimé le 28-04-2010 à 22:39:16
n°22409068
Profil sup​primé
Posté le 30-04-2010 à 13:38:01  answer
 

En ce moment je lis un livre de la collection major bac, destiné aux terminales, "Premières lecons sur Crépuscule des Idoles de Nietzsche" par Bruno Roche.
C'est vraiment pas mal, mais mine de rien c'est pas si simple que ça, surtout pour un terminale :/

n°22432349
l'Antichri​st
Posté le 02-05-2010 à 14:31:51  profilanswer
 

Après avoir distingué l’âme du corps, Descartes va donc tenter de voir ce qui se passe dans leur union. Celle-ci est incompréhensible, mais on la connaît, non en son essence, mais par ses effets. La Méditation Sixième est différentes des précédentes : le "rationalisme" cartésien semble vaciller sur ses bases. Descartes se débat avec un problème difficile : il passe par des exemples, revient en arrière… Il n’est finalement pas si clair et distinct que cela. Pour y voir plus cair, il va nous falloir systématiser ce texte.
 
Résumons d'abord en quelques mots. L’âme de l’homme est réellement distincte du corps. Ce projet est lié à l’autonomie même des sciences, c’est-à-dire à leur libération. En même temps, l’âme est conjointe et unie : elle compose avec le corps. Enfin, Descartes prouve l’existence des choses matérielles. Le doute était donc une feinte de l’esprit. C’était un doute de laboratoire de métaphysique. Pourquoi ? Car Descartes refond la métaphysique dans la séparation de l’âme et du corps. Rien de plus clair que l’existence de Dieu, alors que l’existence des choses est douteuse.
 
Rappelons-nous des Méditations précédentes : il y a un Dieu qui a pour essence la perfection même. Dieu a créé l’homme en tant que substance pensante. Nous avons des idées dont l’idée de Dieu, des mathématiques, qui sont des vérités éternelles sur l’essence des choses. Dieu a créé l’homme et il a créé les essences. Nous constatons (et non pas "savons" ) que nous avons une expérience des choses matérielles. Nous connaissons l’essence des choses matérielles : nous savons qu’il existe des essences des choses matérielles. La faculté d’imaginer nous fait croire en l’existence des choses matérielles par leur prégnance ou leur présence. Imaginer n’est pas concevoir, car imaginer, c’est se représenter des choses dans l’espace. Donc, c’est faire l’expérience d’une altérité vis-à-vis de moi, dont j’ai le sentiment que mon imagination dépend. Cette altérité j’en ai l’idée. Je la conçois. Mais existe-t-elle ?
 
Les choses sont possibles dans leur existence. Si je le conçois sans pouvoir savoir si la chose étendue existe, je peux supposer que Dieu peut ce que je conçois. Ce possible devient probable lorsque Descartes écrit son dernier §. L’imagination dépend de quelque chose qui diffère de l’essence de mon esprit. L’existence des choses extérieures est possible car Dieu peut créer ce que je conçois, mais l’existence des choses extérieures est probable car une faculté qui ne fait pas partie de mon essence fait signe envers une altérité qui lui donne sens. Il s’agit d’avoir la certitude que les choses extérieures existent. Il faut donc passer par l’examen du sentir. Il faut faire la différence entre l’imagination qui reproduit des réalités et l’imagination qui les crée. L’imagination qui crée, c’est la faculté des idées factices : celles qui inventent des images avec des souvenirs. L’examen de l’imagination est l’examen de l’imagination reproductive. Elle se distingue elle-même de deux façons : une imagination proprement psychique et une imagination corporelle.  
L’imagination psychique ? Elle est celle de l’âme, elle est une faculté intermédiaire entre l’entendement et le sentiment. Imaginer signifie que l’âme exerce une action sur le cerveau, c’est-à-dire sur le corps par la glande pinéale. L’imagination corporelle ? Elle est l’imagination qui est une aptitude du corps à conserver des traces matérielles. L’imagination corporelle nous donne des idées sensibles du cercle pour réveiller l’imagination psychique du cercle. Par l’idée sensible, je peux passer par une imagination plus intellectuelle. L’âme se représente imaginativement des idées innées par les représentations géométriques. Cette mémoire, différente de celle des idées, est une mémoire des traces. IL y a aussi une mémoire des habitudes, des gestes, des organes. Or, cela s’inscrit dans la faculté imaginative, et cette faculté d’imagination implique l’effort, la contention (qui vient de contentio : effort ou lutte). Notre esprit s’applique à quelque chose qui lui résiste, c’est-à-dire quelque chose faisant obstacle.
 
Ce que constate Descartes, c’est que quelque chose résiste. Cette résistance se fait au profit de l’altérité : il s’agit de mon propre cerveau, de mon propre corps. Mais l’existence de mon corps est simplement probable : Descartes parle de "contention d’esprit" : le lieu de la résistance s’est déplacé en fonction de l’objet à démontrer. Ce qui résiste, c’est une perfection égale à la puissance. Ce qui résiste, c’est ce qui possède de la réflexion. C’est la perfection de Dieu lui-même dans et par les choses créées.
 
Alors que toute la problématique des preuves se fonde sur l’activité du sujet dans la pensée de son entendement, dans sa liberté, ici ce qui résiste est extérieure à moi et je peux inverser l’idée que de l’autre côté il y a de la puissance et de la perfection. La voie de Descartes est celle de la passivité. Il y a un retournement : c’est la voie de la passivité. C’est la voie par laquelle j’écoute les choses en m’effaçant. Cette puissance ou cette perfection, Descartes en parle en termes de "présence". C’est le passage de l’examen d’une imagination intellectuelle à une imagination sensible. On s’enfonce d’un sujet marqué par l’entendement, puis l’imagination, vers la passivité du sentiment. Pour que je puisse démontrer l’existence des choses extérieures, il faut que je m’éloigne de moi. Descartes peut ainsi montrer la certitude des choses matérielles. Il s’ouvre à une altérité par ce qui perçoit la résistance et la présence de quelque chose d’autre. C'est un jeu de symétrie inversée : je découvre Dieu (extérieur à moi), je suis dans la plus grande activité en m’ouvrant à la spiritualité. Je découvre le monde extérieur : je suis passif car je suis au plus loin de moi et de mon essence. Je m’ouvre au sentiment, mais qu’est-ce ?
 
Les sentiments sont des modifications de mon corps. Sentir, c’est être modifiée dans mon corps par des causes extérieures. C’est aussi en mon esprit les conséquences de ces modifications. Et puis, il y a les jugements qui en ont résulté depuis notre enfance. Ce sont des habitudes. Il y a un jeu de l’entendement qui demeure inaperçu à mon attention et, parce qu’il est inaperçu, entraîne une confusion, une obscurité en nous de la donnée sensible immédiate. La donnée sensible immédiate en sa pureté est clôturée par des habitudes qui sont des jugements réifiés, ce qui fait une sorte de clôture dans mon esprit.
 
C’est donc par un pur sentir que Descartes va atteindre l’extérieur. Mais ce fameux pur sentir est obstrué. Il faut déblayer non seulement l’activité claire, pure, mais surtout la mauvaise activité. Je sens les choses, mais cela ne veut pas dire que j’ai accédé au pur sentir. Il y a dans la confusion quelque chose qui me barre le chemin juqu'à la donnée sensible. Descartes tente de mettre en parenthèses la bonne intellection et d’effacer la mauvaise. Il faut retrouver le sentiment pur comme donnée immédiate de la conscience. On retrouve tout ce que nous savons : à partir de ce sentiment pur, Descartes juge de la valeur objective de sa représentation. Il pourra en déduire l’essence formelle de la chose extérieure. Descartes veut trouver un sentiment qui dans l’examen de sa valeur objective pourrait nous prouver qu’il est réellement existant. Tout l’effort était de s’arracher au sensible. Il s’agit maintenant de saisir une conscience incarnée, c’est-à-dire de saisir quelque chose comme la proximité de la conscience à son corps dans les sensations.
 
La démarche de Descartes se fait en quatre étapes : Descartes découvre un enseignement de la nature. La soif assèche mon gosier : je fais, semble-t-il, l’expérience d’une connaissance de la nature. On repasse alors par une discussion sur la pertinence des sens non plus pour écarter les sens mais pour savoir s’il y a un enseignement des sciences.
 
Le doute hyperbolique a été levé : je ne peux pas douter de tout. Il faut faire le tri entre ce qui porteur d’erreur et ce qui ne l’est pas. Descartes repasse par le même circuit que lors de la Première Méditation, avec notamment l’argument du rêve. Va naître sur ce terrain la distinction du bon sentir et du mauvais sentir. La représentation que j’ai dans mon esprit doit exprimer une matérialité, c’est-à-dire une cause extérieure à moi et une cause qui contient formellement ou éminemment la cause objective de l’idée ou du sentiment. Je peux avoir confiance en ce Dieu non-trompeur : donc les choses corporelles existent réellement.
 
Il n’y a aucun doute que la nature enseigne quelque vérité. Dieu vient légitimer mon sentiment qui est ainsi rationnellement justifiée. Donc, comme pour une idée claire et distincte, comme pour l’idée d’infini, on peut dire que Descartes reconnaît au sentiment une valeur objective. Donc je peux faire confiance aux données de mes sens. Je peux me tromper, mais Dieu m’a donné le bon instrument. En-deçà de cela, il y a une manière pure de sentir. Mes sens me donnent réellement accès à l’extérieur comme mon sentir donne la connaissance des choses. Par le sentir, je connais. Je connais dans l’usage de la vie. On retrouve la problématique de la conservation. Par le sentir pur, j’ai une lisibilité de la logique divine. Dieu m’est incompréhensible dans ses desseins, dans sa téléologie : je connais non pas mécaniquement, mais je connais les signes de la téléologie divine : douleur et plaisir en moi sont les signaux que donne Dieu pour que je veille au mieux à sa conservation. Par le sentir, j’ai accès à un type de connaissance, c’est une connaissance vitale. Pas seulement la raison, mais aussi la manière de percevoir par les sens est un support de la connaissance scientifique. Sur ce point on peut aussi se reporter à la sixième partie du Discours de la méthode.
 
Conclusion générale :
 
Dans l’univers de l’incertitude que je peux éprouver, le cogito était une exception de fait, de fait puisque dans le doute qui portait sur tout, le cogito résiste. Dans l’univers cartésien, la pensée appartient à d’autres êtres que Dieu et l’homme. De ce point de vue, cette première incertitude est une première exception dans l’univers de l’illusion. A partir du moment où on s’intéresse au "je sens", toute la problématique de la Première Méditation est inversée. Depuis que nous avons découvert le fondement de notre existence en Dieu, nous savons que tout ce qui en découle est parfait en son genre. Une fois le Dieu vérace découvert, Descartes passe à un univers qui est le réel de la véracité divine. L’erreur et le mal deviennent exception. De plus, Descartes découvre l’unité "transcendantale" du cogito par et dans l’exercice des facultés en affinité avec les autres. Je suis, j’existe comme puissance de vérité en tant qu’entendement et liberté. Absolument parlant, la bonne nature ne devrait pas poser problème dans cet univers de l’ordre. Seulement, j’imagine, je sens : pourquoi ? Parce que je ne suis pas que cet être pensant. Je suis l’union d’une âme et d’un corps. Le "Je sens" affirme l’existence d’une singularité. La pensée, je la partage avec Dieu : pour le sentir, ce n’est pas le cas. L’erreur en l’homme apparaît comme quelque chose de singulièrement humain. Cela me renvoie à l’union de l’âme et d’un corps. Si c’est toujours moi qui me trompe, je me trompe sur la base du dualisme entre l’âme et le corps. Dans la Sixième Méditation, Descartes propose un autre point de vue sur l’erreur : l’union de l’âme et du corps en est la condition de possibilité. Ni Dieu, ni les animaux ne se trompent : Dieu est indépendant de cette union et les animaux n’ont pas de libre-arbitre mais sont dans le mécanisme de la chose étendue. Dieu ne sent pas. Donc, j’ai quelque chose que Dieu n’a pas. Le sentiment ne peut être que celui d’un homme. L’homme est un empire dans un empire par le sentiment car il n’y a que lui qui sent dans un univers où il n’y a que de la pensée ou que de l’étendue. Mais ce sentiment est indicatif de la téléologie divine : mon corps est une machine, il est donc finalisé. Le sentiment le plus humain n’est pas une voie de connaissance, ni de l’homme, ni de Dieu, ni du Monde. Il ne me parle que dans mon corps. S’ouvrent des illusions possibles, mais Descartes traite ce sentiment comme une voie de connaissance. Or, le sentiment n’est jamais une idée claire et distincte. Nous pouvons cependant en avoir une idée claire et distincte. Ce n’est pas parce que j’ai la connaissance clair et distinct d’un sentiment que ce sentiment devient clair et distinct. L’illusion, c’est le conflit des deux.
 
Mais je peux aussi traiter l’idée claire et distincte comme un sentiment. Là sont les limites du rationalisme cartésien. Je connais que Dieu est puissant et je connais sa nature. Dieu étant créateur, là encore il y a une limite claire et distincte de ce que je sais et de ce que je ne sais pas. Le réel est intelligible car abordable par la connaissance que j’ai, mais son fondement en tant que création demeure aussi incompréhensible que l’intention de la création elle-même. Quant à moi qui me conçoit comme objet, je demeure obscur à moi-même. Je conçois que je ne puisse pas concevoir : c’est cela le rationalisme auto-limité. Le projet est de séparer les substances : la pensée et l’étendue. Il s’agit de montrer qu’on ne peut les concevoir que séparément. C’est le principal dessein des Méditations Métaphysiques. Il n’y a de clarté que de distinction. C’est donc une contradiction que de vouloir avoir une idée de ce qui n’est pas séparé. Descartes invertit ce sentiment d’une valeur de vérité que la raison elle-même ne peut pas comprendre même si j’ai les raisons de penser ce qui justifie la valeur de cette vérité précise. Je ne pense pas comme Dieu pense car la finitude de mon entendement trace une limitation qui est ontologique car elle ne me permet pas de pénétrer l’être des choses au sens de leur sens c’est-à-dire finalement celui de la Création. L’incompréhensibilité divine nous donne des raisons d’accepter ce que notre raison ne peut pas comprendre. Descartes propose un jeu du compréhensible qui fait que je comprends rationnellement que je ne comprends pas. Il s’agit de le reconnaître sans le connaître véritablement.
 
La Vie est un instinct parallèle et symétrique à l’instinct rationnel à savoir la connaissance par conception. En son domaine propre, celui de la vie, cet instinct doit avoir une infaillibilité du fait de la bonne nature de la nature. On a donc deux formes d’instincts : la lumière naturelle (fiable) et l’instinct animal (une certaine impulsion de la nature à la jouissance des voluptés corporelles, obscurcie par l’habitude). Pour plus de précisions, il faut se reporter à la Lettre à Mersenne du 16 octobre 1639. La métaphysique de Descartes qui vient fonder l’exercice de la nouvelle science suppose la théologie, même si elle pose la téléologie divine comme incompréhensible. A la Sixième Méditation, Descartes passe de la vérité de la science à la vérité de la vie. On a donc un renversement. Ce n’est pas un renversement de perspective, mais c’est la réalisation d’un projet fondamental : l’effectuation de l’homme dans et par la liberté. La philosophie de Descartes est une philosophie de la décision, de la générosité, de la décision du vrai. Comment l’articuler ? par l’idée que la réalisation de l’homme peut apparaître comme le prolongement du projet divin en tant qu’il est la production de la perfection. Si les préjugés choquaient le bon sens, c’est qu’ils faisaient obstacle à la téléologie divine. Le docte suppose la bonne nature de la nature. C’est déjà le symptôme de l’inclination vers le bien. La méthode analytique, qui exclut la finalité, ne la réintroduit-elle pas à son insu. N’en est-elle pas l’expression ? La création est la liberté de Dieu. Donc la poursuite du bonheur est un projet éthique qui s’inscrit dans le projet divin. Le moyen de ce bonheur est donné par la philosophie de Descartes, c’est-à-dire par une morale éclairée par la vérité d’une science dont elle voudrait être l’explication. La physique, la mécanique, la médecine sont des instruments du bonheur qui passent par un savoir. On peut parler de béatitude naturelle, comme dans la Lettre à Elizabeth du 6 octobre 1645.

n°22579128
Profil sup​primé
Posté le 14-05-2010 à 16:03:24  answer
 

C'est beau : en tant d'années, il n'a pas changé  :lol:

n°22579542
l'Antichri​st
Posté le 14-05-2010 à 16:36:34  profilanswer
 


 
J'ai effectivement des souvenirs de mes réactions à votre égard dont je ne suis pas bien fier. J'espère que vous allez bien et que vous n'avez pas abandonné la philo !


Message édité par l'Antichrist le 14-05-2010 à 18:19:49
n°22581174
topro
Posté le 14-05-2010 à 19:18:12  profilanswer
 

bonsoir,  
 
que pensez vous de la philosophie d'Onfray ? pour vous est ce un philosophe, ou juste un penseur sur-médiatisé ?
 
J'ai lu "crépuscule d'une idole, affabulation freudienne", j'ai trouvé ça plutôt sympathique. J'ai un peu regretté le nombre d'attaques qui se focalisent sur le caractère de Freud et non sur sa pensée. On pourrait faire de même pour Nietzsche, vu qu'il se dit nietzchéen.
 
Conseillez vous les autres livres d'Onfray ? ça me permettra le cas échéant d'économiser mon argent.  
 
Il se dit Nietzschéen de gauche. Pouvez vous ce que ça veut dire ? Je me souviens pas à avoir lu dans les livre de Nietzsche la moindre allusion à la politique droite/gauche.

Message cité 3 fois
Message édité par topro le 14-05-2010 à 19:21:07
n°22581997
bronislas
Posté le 14-05-2010 à 20:40:52  profilanswer
 

topro a écrit :

bonsoir,  
 
que pensez vous de la philosophie d'Onfray ? pour vous est ce un philosophe, ou juste un penseur sur-médiatisé ?
 
J'ai lu "crépuscule d'une idole, affabulation freudienne", j'ai trouvé ça plutôt sympathique. J'ai un peu regretté le nombre d'attaques qui se focalisent sur le caractère de Freud et non sur sa pensée. On pourrait faire de même pour Nietzsche, vu qu'il se dit nietzchéen.
 
Conseillez vous les autres livres d'Onfray ? ça me permettra le cas échéant d'économiser mon argent.  
 
Il se dit Nietzschéen de gauche. Pouvez vous ce que ça veut dire ? Je me souviens pas à avoir lu dans les livre de Nietzsche la moindre allusion à la politique droite/gauche.


 
Je pense que pour les questions 1, 3 et 4, il y a déjà un début de réponse dans tes questions mêmes. Concernant la 2, il me tarde de voir le résultat de sa « contre-histoire » de la philosophie sur Heidegger... On va savoir ce que personne n'avait jamais su au sujet de son engagement politique. Car, bien qu'il s'en défende, bien des choses qu'il nous raconte sur Freud me semblent être des secrets de Polichinelle, qu'il a, peut-être, eu le mérite de rassembler dans un seul livre pour le « grand public ».
 
D'après ce que j'ai compris, en regardant Onfray sur les plateaux de l'étrange lucarne où on essaye de nous soutirer du temps de cerveau humain disponible, c'est qu'il nous dit que Freud a pris son cas personnel pour une généralité. Et un trublion des plateaux l'avait amené à parler d'un parallèle possible avec Nietzsche, au motif qu'il disait que chaque philosophie a un caractère biographique, qu'elle nous informe sur la vie de son auteur. Mais chez Nietzsche, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il prît son cas pour une généralité, mais plutôt qu'il bâtît une réflexion à partir des données particulières de son existence.
 
De toute façon, on peut presque toujours retourner la pensée d'un auteur contre elle-même. Sans que cela soit nécessairement négatif : la pensée procède aussi par étapes, par la mise en doute ou la négation de ce qu'on pensait être vrai auparavant. Nietzsche lui-même partait à la recherche des présupposés qui restaient tus quand il posait un problème. Par exemple quand on cherche à savoir si une chose est vraie, cela suppose que ce qui importe, c'est la vérité. Ce sont certains de ces présupposés, la prédominance de la vérité, la séparation entre le corps et l'esprit ou la science et la religion, qu'il a interrogés.


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