Forum |  HardWare.fr | News | Articles | PC | S'identifier | S'inscrire | Shop Recherche
1720 connectés 

 


Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

Total : 2656 votes (882 votes blancs)
Sondage à 3 choix possibles.
Ce sondage est clos, vous ne pouvez plus voter
 Mot :   Pseudo :  
  Aller à la page :
 
 Page :   1  2  3  4  5  ..  255  256  257  ..  340  341  342  343  344  345
Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°17324907
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 17:28:15  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Pour resituer ce que je disais : quand je parlais du clivage continentaux / analytiques, je reprenais une idée proposée par un membre du jury de l'agreg, dans le cadre d'une dissertation sur le sujet : "pourquoi ya-t-il plusieurs philosophies ?"
 
D'un côté, on avait la philosophie de l'âge classique (Descartes, Spinoza, Leibniz, et peut-être Kant) dont on peut dire qu'elle reposait sur une conception commune de la philosophie où les différences venaient de ce qu'on estimait que l'autre se trompait, était dans l'erreur (qu'il soutenait une philosophie erronée), alors que dans le cas du clivage continentaux / analytiques, on pense que l'autre ne fait même pas de philosophie.  
 
D'ailleurs, rien que les termes continentaux et analytiques sont polémiques, puisqu'ils ont été "inventés" par les "analytiques".
 
Voilà, c'est un problème, au sens kantien : c'est une situation insoluble qui s'impose objectivement à la raison, qui se trouve clivée en elle-même.
Avant, il y avait plusieurs philosophies parce qu'il y avait des questions et des réponses divergentes ; maintenant, il y a plusieurs philosophes parce qu'il y a des conceptions incommensurables de la philosophie.  
 
Or, la querelle des Anciens et des Modernes, de ce point de vue, ne présente pas une telle rupture, car les questionnements politiques changent (on ne se demande plus quel est le meilleur régime mais comment se maintient le pouvoir -Machiavel- ou quel gouvernement est le plus légitime -Spinoza, Rousseau... -) mais on ne nie pas que les Anciens soient des modèles.
C'était une rupture diachronique : on reconnaissait la nécessité de faire évoluer les questionnements, alors que la rupture analytique / continentaux est synchronique : à une même époque, divergence entre deux façons inconciliables de faire de la philosophie.


Message édité par rahsaan le 23-01-2009 à 17:34:11

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
Publicité
Posté le 23-01-2009 à 17:28:15  profilanswer
 

n°17324973
alcyon36
Posté le 23-01-2009 à 17:36:15  profilanswer
 

oui, mais ceux que tu appelles philosophes classiques ne partagent pas la même conception de la philosophie que les Anciens, et ceux sont constitués en rupture d'avec les Anciens, ce qu'ils ont de commun c'est la rupture avec les anciens.
Il me semble que dire que la rupture des Modernes avec les Anciens est diachronique, la comprendre comme diachronique (et en général comprendre la rupture dans les termes de la synchronie et de la diachronie, c'est justement la posture moderne), c'est déjà se mettre du côté des Modernes...donc passer à côté de la rupture. Je ne sais pas si le questionnement politique "change", pour le moment nous savons seulement qu'il a changé...il me semble que c'est dans l'écart de ces deux propositions que se joue le probleme des anciens et des modernes.

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 23-01-2009 à 17:49:37

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17324985
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 17:37:39  profilanswer
 

J'ai édité mon msg ci-dessus en ajoutant (ce qui répond à ce que tu me dis) :  
 
C'était une rupture diachronique : on reconnaissait la nécessité de faire évoluer les questionnements, alors que la rupture analytique / continentaux est synchronique : à une même époque, divergence entre deux façons inconciliables de faire de la philosophie.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17325134
alcyon36
Posté le 23-01-2009 à 17:55:44  profilanswer
 

moi aussi, j'ai édité le mien, en réponse à tes ajouts;)


---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17325142
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 17:56:11  profilanswer
 

Il s'ajoute autre chose à cela : c'est qu'aujourd'hui, en tant que telle, la querelle des Anciens et des Modernes n'est plus d'actualité.  
Il faut admettre que c'est une question qui est soit réglée (nous sommes modernes), soit qui ne peut plus se poser, pour nous, comme elle se posait à l'age classique ("faut-il ou pas imiter les Anciens et revenir au modèle qu'ils nous proposaient ?" ).  
 
[D'ailleurs, il n'est pas difficile de tenir à ce sujet une position assez paradoxale et "brillante" : oui, imitons les Anciens, mais pas pour reprendre à l'identique leur questionnement. Imitons des Anciens ce désir de connaître le monde et de le questionner tel qu'il est. Pour imiter ce que faisaient les Anciens (se poser des questions), posons-nous nos propres questions, et donc soyons Modernes.  
Au lieu de reprendre les questions d'Aristote, posons-nous les questions que se poserait Aristote s'il vivait à notre époque, et soyons donc modernes comme Aristote l'a lui-même été.]  
 
On peut objecter que tout le monde ne choisit pas inconditionnellement les Modernes, et que la question de la meilleure forme de régime n'a pas disparu à jamais. Peut-être. Mais désormais, toute reprise de questionnements aristotéliciens sur la forme du politique s'inscrit de toute façon dans l'horizon de la modernité, qui est par définition l'époque qui est devenue capable de se critiquer elle-même. Donc toute reprise de l'Antiquité ne peut se faire que par rapport à la tradition de la modernité.  
 
De la même façon que la revalorisation de la tradition et du préjugé par Gadamer, dans Vérité et méthode, n'a de sens que comme critique de la philosophie des Lumières, qui opposait à la tradition irréfléchie la réflexion autonome. En ce sens, Gadamer combat les préjugés que nous avons contre les préjugés : tout préjugé est-il donc mauvais ?...


Message édité par rahsaan le 23-01-2009 à 17:57:23

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17325278
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 18:08:44  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Il me semble que dire que la rupture des Modernes avec les Anciens est diachronique, la comprendre comme diachronique (et en général comprendre la rupture dans les termes de la synchronie et de la diachronie, c'est justement la posture moderne), c'est déjà se mettre du côté des Modernes...donc passer à côté de la rupture. Je ne sais pas si le questionnement politique "change", pour le moment nous savons seulement qu'il a changé...il me semble que c'est dans l'écart de ces deux propositions que se joue le probleme des anciens et des modernes.


 
Je ne saisis pas bien ce que tu veux dire.  
Nous savons que le questionnement a changé, puisque Machiavel, Hobbes, Rousseau, ont inventé de nouvelles façons de penser le politique, en rupture avec ce qui se faisait avant.
 
Ce qu'il faut dire, c'est que la Modernité se caractérise de toute façon par la perpétuelle reprise critique d'une tradition. Une tradition de rupture, si l'on veut : une tradition qui comprendrait en elle le rapport réflexif et critique à elle-même.  
C'est pourquoi, il n'y a pas de querelle des Anciens et des Modernes, mais une querelle des Modernes et des Modernes. Et cela, c'est la caractéristique propre de la Modernité.  
 
Même ceux qui s'opposent le plus à la Modernité, les plus réactionnaires, sont de toute façon pris dans la Modernité, et plus ils essaient de s'y opposer et plus, à leur corps défendant, ils y participent. Plus les penseurs conservateurs et/ou réactionnaires, même les meilleurs (Baudelaire, Nietzsche, Bernanos...), essaient de critiquer la modernité, et plus ils deviennent modernes, en étant parfaitement lucides sur leur époque, et en comprenant avec des décennies d'avance ce que l'opinion comprendra après eux -toutefois, être moderne à son insu n'est réservé qu'aux réactionnaires intelligents. :D  
 
Modernité et critique de la Modernité sont inséparables (le cas de Rousseau est ici exemplaire).  
Ce qui est bête, dans la modernité, c'est d'adhérer platement à la modernité, sans voir à quelle point celle-ci se définit par les cassures qui la traversent.  
 
Voici ce que disait Antoine Compagnon à ce sujet (en réponse à Finkielkraut, mais peu importe ici) : « "La bataille des Modernes et des Modernes fait rage." D’accord, sauf qu’il n’en a jamais été autrement et que le mot moderne, en français, a toujours été équivoque : moderne est le bourgeois qui croit au progrès, à la machine, et moderne est le poète – Baudelaire, dont Finkielkraut ne parle pas – qui résiste au progrès et se moque du bourgeois. Moderne est le bourgeois et moderne est l’antibourgeois, ou l’antimoderne. » (citation reprise de http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article80)
 
Donc la querelle des Anciens et des Modernes n'est plus vraiment un problème. Ce qui peut encore faire question, c'est la querelle des Modernes, tout court.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 23-01-2009 à 18:14:36

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17325511
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 18:28:59  profilanswer
 

Après, il faut bien admettre que c'est une vision assez "molaire" de la philosophie. On est dans les gros concepts (les Modernes, les Anciens, la Tradition...).
On navigue dangereusement près de la philosophie à la Luc Ferry ("nous autres, modernes..." ), dans une grisante histoire des idées.  
 
Parce qu'à côté de ça, je crois qu'on use et abuse du mot Moderne à tout propos. De qui n'a-t-on pas dit qu'il était "moderne" ?
 
Baudelaire est moderne. Bien. Et Corneille ou Descartes sont déjà modernes, évidemment. Mais Saint-Thomas n'est-il pas moderne, en réalité ?  
Et quel poète est plus moderne que Homère ?...
 
En gros, est moderne n'importe quel auteur dont on estime qu'il est bien.  
Être moderne, ça veut juste dire : avoir du talent, voire du génie.  
 
J'ai l'impression que le qualificatif de "moderne" est une sorte de pure invention de l'histoire des idées, une étiquette rassurante, pratique pour se donner des repères.
Mais qui nous dira jamais quand la modernité a commencé ?...  
En philosophie, généralement, on accorde que c'est avec Descartes. Bon, très bien, mais chaque jour, on redécouvre à quel point Saint-Augustin et Platon sont modernes.  
 
Alors voilà, on peut essayer de définir précisément la modernité comme critique de la tradition (et tradition du rapport critique à la tradition), mais aussi estimer que c'est un terme vague, employé à torts et à travers, même par des penseurs réactionnaires (il est quand même difficile, aujourd'hui, de s'avouer anti-moderne. Mais à ce sujet, cf. cet article sur les "arrières-gardes" : http://www.fabula.org/revue/document719.php).  
La modernité serait-elle tradition d'autant plus pesante qu'on ne peut pas y échapper (puisque même si vous la critiquez, vous êtes plus que jamais dedans), ou qu'on ne peut y échapper que par le bas (en étant un réactionnaire stupide, le genre vieux con) ?
 
Évidemment, il y a quelque chose de pervers à ce qu'une tradition inclue finalement sa propre critique, et qu'elle vive des critiques qu'on lui fait (comme le capitalisme ?...), en sorte qu'on n'aurait le choix qu'entre être "résolument modernes" (Adorno) ou bien "absolument modernes" (Rimbaud).  
 
Toutefois, toute l'ambiguité vient du "il faut". Faut-il être résolument/absolument modernes ?
Si on prend le "il faut" dans le sens d'un "tu dois", d'un impératif moral traditionnel, alors non, il ne faut pas être modernes -sans quoi ce serait une façon bien d'arrière-garde d'être moderne.  
En revanche, si ce "il faut" devient une injonction à se projeter résolument dans et par la modernité vers du nouveau, et à saisir les potentialités et les changements du présent, alors ce "il faut" devient libératoire.
Lorsque Barthes dit « Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent. de ne pas être moderne », ce n'est pas nécessairement l'aveu d'un réactionnaire ou d'un déçu de la modernité (du reste, quoi de plus moderne, potentiellement, que d'être déçu de la modernité ?...)  
 
L'impatience de la modernité vient de ce qu'elle affirme qu'il faut être absolument moderne. Ce n'est pas qu'il faille l'être absolument, à tout prix, comme si on n'avait pas le choix. C'est qu'il faut l'être, et que cette façon sera absolue.  
Le propre de la décision résolue (soyons "résolument modernes" ), c'est d'être une décision tout à fait paradoxale ; comme le dit Zizek, dans ce type de décision, c'est que nous devons choisir librement, résolument, le seul choix qui soit possible (comme Rodrigue qui choisit résolument d'aller affronter Don Gormas, parce qu'il ne peut pas faire autrement : à aucun moment, il n'a la possibilité de se défiler, car s'il refusait d'aller se battre, il perdrait tout de même Chimène).
 
Alors, a-t-on le choix d'être moderne ou de ne pas l'être ? Mais la réponse finit par s'imposer : c'est que la modernité subvertit le rapport à la tradition. La reprise de la tradition dans la modernité est une reprise libre. Nous sommes libres de repenser Platon, Aristote, mais cette liberté de circuler et de "s'orienter dans la pensée" (Kant) est la caractéristique propre de la modernité.  
La perversion de la modernité (la critique de la tradition fait partie de la tradition) se retourne ainsi en une subversion rendue possible par cette modernité : la modernité attend que chacun la saisisse et soit saisi par elle ; elle peut nous attendre aussi longtemps que nous voudrons, et pourtant, nous pouvons un jour être saisie par elle (comme par Dieu ?...), contre notre gré et avec enthousiasme.  
 
De ce point de vue, la modernité libère la tradition du traditionnalisme. Elle nous ouvre à une tradition libre, à une tradition qui se constitue dans et par cette modernité. Chaque penseur s'inscrit dans une tradition mais plus encore, il inscrit rétroactivement une tradition derrière lui, pour s'y rattacher ou s'en détacher. Les Anciens n'ont reçu ce qualificatif qu'une fois que les Modernes se furent saisis comme Modernes. La modernité invente en ce sens la libération par la tradition et la libération d'avec la tradition.

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 23-01-2009 à 18:58:55

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17325974
le vicaire
Posté le 23-01-2009 à 19:16:36  profilanswer
 

On pourrait ajouter que la modernité ne fera sens que quand les Grecs ne seront plus devant nous... Pour rester chez Strauss, il me semble qu'en ce qui concerne le droit, il vise juste. La tradition du droit naturel a totalement disparu au profit d'une approche "scientifique" du droit. Et ce n'est pas mince. ça veut tout simplement dire que nous ne savons plus ce que le juste et l'injuste peut bien être, comme se le demandait les Anciens, mais que nous construisons des édifices théoriques à partir de la jurisprudence, de l'Histoire, des faits. C'est devenu notre modernité. Et si une loi est injuste, parce qu'elle est seulement une loi, elle sera malgré tout appliquée. Les modernes (Machiavel, Hobbes, Locke, Rousseau et Burke) n'ont jamais renié le droit naturel et ont toujours rattaché leur pensée à autre chose que le seul droit. C'est pourquoi Strauss relit ces auteurs avec pour idée de montrer qu'ils n'ont pas abandonné les Anciens mais bien qu'à partir d'eux ils ont su construire la modernité.

Message cité 2 fois
Message édité par le vicaire le 23-01-2009 à 19:17:29

---------------
"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17326021
alcyon36
Posté le 23-01-2009 à 19:22:20  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Je ne saisis pas bien ce que tu veux dire.


 :lol:  no problemo
Déjà, je precise que je n'ai pas soutenu qu'il fallait revenir aux anciens(je ne suis pas Strauss, et dailleurs la position de Strauss est assez fine), ni que cette question était d'actualité..Je ne sais pas trop pourquoi tu me parles de ca, ca me semble hors sujet, bien que tres interessant et la plupart du temps tres pertinent. La question en l'espece portait sur l'importance de la rupture des continentaux et analytuques par rapport à celle des modernes sur les anciens. Tu affirmais que la rupture entre les "continentaux" et les "analytiques" etait une rupture "sans precedent" parce qu'il n'y avait plus de "consensus de fond" sur ce qu'etait la philosophie. Aussi, j'ai pris ton "sans precedent" au sans d'importance, une rupture d'une portée sans precedent. Tune precisais pas, que pour toi le consensus était à comprendre entre contemporain. D'ailleurs, ta première reponse n'a pas dissipé l'equivoque, en parlant de divergence de questionnement... Or par la suite, tu as precisé le sens que tu donnait à ton "sans precedent", pour toi si cette rupture entre analytique et continentaux est sans precedent c'est qu'elle une rupture entre contemporains, rupture synchronique. Or sur ce point, il ne s'agissait pas pour moi d'opposer une querelle diachronique à  une querelle synchronique, ca n'aurait aucun sens, mais seulement de rappeler que cette comprehension de la rupture par rapport à l'histoire, en terme d'époque etait moderne, ce qui ne faisait justement qu'accentuer l'importance et la portée de cette rupture par rapport à celle entre analytique et continentaux.


Message édité par alcyon36 le 23-01-2009 à 20:56:14

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17327512
rahsaan
Posté le 23-01-2009 à 22:36:12  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

C'est pourquoi Strauss relit ces auteurs avec pour idée de montrer qu'ils n'ont pas abandonné les Anciens mais bien qu'à partir d'eux ils ont su construire la modernité.


 
Intéressant. :)
 
>A36 : Ah oui, d'accord, je comprends mieux. ;)


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
Publicité
Posté le 23-01-2009 à 22:36:12  profilanswer
 

n°17329650
l'Antichri​st
Posté le 24-01-2009 à 10:48:31  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
(...)
 
Alors, a-t-on le choix d'être moderne ou de ne pas l'être ? Mais la réponse finit par s'imposer : c'est que la modernité subvertit le rapport à la tradition. La reprise de la tradition dans la modernité est une reprise libre. Nous sommes libres de repenser Platon, Aristote, mais cette liberté de circuler et de "s'orienter dans la pensée" (Kant) est la caractéristique propre de la modernité.  
La perversion de la modernité (la critique de la tradition fait partie de la tradition) se retourne ainsi en une subversion rendue possible par cette modernité : la modernité attend que chacun la saisisse et soit saisi par elle ; elle peut nous attendre aussi longtemps que nous voudrons, et pourtant, nous pouvons un jour être saisie par elle (comme par Dieu ?...), contre notre gré et avec enthousiasme.  
 
De ce point de vue, la modernité libère la tradition du traditionnalisme. Elle nous ouvre à une tradition libre, à une tradition qui se constitue dans et par cette modernité. Chaque penseur s'inscrit dans une tradition mais plus encore, il inscrit rétroactivement une tradition derrière lui, pour s'y rattacher ou s'en détacher. Les Anciens n'ont reçu ce qualificatif qu'une fois que les Modernes se furent saisis comme Modernes. La modernité invente en ce sens la libération par la tradition et la libération d'avec la tradition.


 
Ouais, vous parvenez plutôt pas mal à comprendre de quoi il retourne dans cette question de la "modernité", qui n’est autre au fond que la question, sans cesse renaissante, de l’actualité, c’est-à-dire du présent comme événément philosophique auquel appartient le philosophe qui en parle ou, si vous préférez, le problème, par excellence philosophique (exit votre artificielle, traditionnelle - tient, tient… - et fausse opposition synchronie/diachronie à propos de l'opposition Ancien/Moderne, voire plus bas mon explication...), de sa propre actualité par rapport à laquelle le philosophe a à se situer, à prendre position, le problème de l’actualité de son propre discours que le philosophe doit reprendre à son compte pour en situer le lieu, en dire le sens, et en spécifier le mode d’action, bref la question de la généalogie, non de la notion de modernité, mais de la modernité comme question !
 
Dans votre discussion, vous posez donc plutôt bien les conditions générales du problème. Développons un peu, en philosophe plus qu'en historien de la philosophie, avant de revenir à la question, elle-même philosophique, de la modernité en philosophie.
 
Quand je dis, en effet, qu’un individu agit de façon traditionnelle, je signifie qu’il suit les préceptes du passé. Il est traditionnel en France que les femmes soient revêtues d’une robe blanche le jour de leur mariage. La tradition recommande de suivre ce genre de codes ou de rituels sociaux. En suivant les mêmes codes que nos ancêtres nous reconnaissons notre filiation : nous ressentons que nous sommes les héritiers de nos parents, de nos grands-parents, de nos ancêtres et in fine de l’humanité tout entière. En nous replaçant dans la lignée des hommes, la tradition tisse le lien entre les générations et permet de nous appuyer sur les enseignements venus du passé. Par la tradition, nous héritons de savoirs et de pratiques qui nous situent dans l’humanité.
 
Or, en suivant les préceptes du passé, le risque apparaît de se laisser emprisonner dans des croyances fausses ou trompeuses. Si je considère que le passé est respectable par nature, je risque de transformer l’héritage qui libère en une dette qui opprime. Là où la tradition semblait me donner des moyens de vivre après m’avoir donné la vie, elle fait à présent peser le risque d’une perte de liberté. Si je ne suis pas libre de m’opposer à la tradition jugée par nature respectable, alors mon existence paye une lourde dette (ma liberté) à l’ensemble du passé qui m’impose sa loi.
 
Le gardien de la tradition la garde-t-il réellement ou bien est-il gardé par elle ? Là où il croit défendre une réalité qui le libère, il pourrait sans s’en apercevoir être prisonnier du carcan représenté par les recommandations traditionnelles. Le problème réside dans l’utilité de la tradition : sert-elle à apprendre aux hommes leurs origines, et donc à les rendre plus savants et plus libres ? Ou bien sert-elle à asservir les hommes en les forçant à se retourner vers le passé, à retourner dans le passé ce qui semble en contradiction avec toute idée de progrès ? La tradition est-elle un moyen de perfectionnement de l’humain ou est-elle un obstacle au progrès ?
 
Quand je prends conscience que je suis un individu dans la longue lignée ou dans la longue histoire des hommes, je prends conscience que je suis en partie produit par le passé. Pour qu’un individu apparaisse, il est nécessaire qu’il soit le fruit de la rencontre d’un homme et d’une femme, qui eux-mêmes sont issus de ce même processus, et cela à l’infini. Ce processus est traditionnel en ce sens qu’il suit des règles inévitables et un rituel codifié. C’est en ce sens que chaque individu est héritier d’un passé qu’il n’a pas choisi et qui le place dans la tradition des hommes. A partir de cette tradition originaire, un contenu traditionnel s’ajoute et réside dans l’apprentissage des règles et des codes de la tradition. L’individu qui est le fruit d’une tradition qui remonte à la nuit des temps est plongé dans un monde qu’il ne connaît pas. Il est donc dans une situation où il hérite de choses surprenantes : la vie d’abord, puis des règles de vie, des codes, des prescriptions ou bien encore des réglementations. L’individu est donc un héritier : ses parents lui donnent la vie puis lui apprennent les usages de celle-ci. Cet héritage  est-il un legs pur et simple ou bien avons-nous, nous qui sommes des individus, une dette envers ce qui nous est donné ? La tradition, est-ce un don ou un prêt ? Apparemment, il s’agirait d’un don : on "donne" la vie. Mais les règlements de respect vis-à-vis des Anciens ou les commandements comme "Tu honoreras ton père et ta mère" inclinent à penser qu’il est  recommandé (voire commandé) d’honorer une dette. Quelle serait la nature de cette dette ? Il s’agirait de respecter la voix des Anciens et de respecter les enseignements des morts. Pour les porteurs provisoires de la vie, il y aurait comme une obligation à respecter les anciens porteurs de vie qui sont aujourd’hui disparus. Le danger serait celui de l’inconditionnalité : croire que la tradition qui s’exprime par la voix des morts dit le vrai parce qu’elle est la tradition. Il y aurait comme un argument d’autorité utilisée par les tenants de la tradition. Celui-ci impliquerait de penser l’individu comme un homme qui constate sa place dans la lignée des hommes. Or s’agit-il de constater cette lignée ou de situer en elle ?  Ne doit-on pas mettre à mort la tradition pour pouvoir y entrer soi-même ?
 
C’est ce danger de la tradition qui impose ses règles à un individu contraint de les accepter que Descartes repère dans les Méditations Métaphysiques. Peut-on accepter naïvement ce qui s’impose sans faire retour sur cela c’est-à-dire sans ré-flexion ? En répondant par la négative, Descartes s’engage sur le chemin d’une méthode c’est-à-dire d’une voie anti-traditionnelle : "Il y a déjà quelques temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai fondé depuis sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain." (cf. début de la Première Méditation). L’enfance est le moment où l’on apprend ce que les maîtres, tenants de la tradition, imposent. En s’écartant de la férule de ses maîtres, Descartes met en question la tradition puisque tant que je ne l’ai pas examinée par moi-même, je ne sais pas si elle livre la vérité ou une somme de préjugés. Le soupçon cartésien à propos de la tradition est le suivant : et si je n’avais jamais été confronté au vrai ? Le problème qui se pose est donc celui d’une tradition trompeuse. C’est cela qui motive le projet des Méditations Métaphysiques : si je veux fonder la science, je suis confronté à l’idée possible selon laquelle la tradition est peut-être trompeuse, c’est-à-dire que les opinions des maîtres ne livrent pas forcément la vérité. Pour savoir si la tradition est trompeuse, il est donc nécessaire de la mettre en doute. C’est parce qu’elle est en elle-même douteuse que je vais mettre à mort la tradition. C’est ce processus qui constitue une révolution : en inventant une méthode et en tenant un discours sur elle, Descartes s’aperçoit que la tradition n’est pas une science. Il se positionne alors hors de la tradition.
 
Le révolutionnaire est l’homme qui voit dans le présent la continuation du passé. Or il lui apparaît inacceptable que le futur soit la continuité du passé et de la tradition, que les règles du futur soit déterminées par celles du passé. Il s’agit alors de se détourner du passé pour ne pas être prisonnier de lui. A l’inverse, le réactionnaire voit dans le présent le déclin du passé. Il veut que le futur soit identique au passé : il s’agit alors de retourner dans la tradition, car celle-ci est le modèle. Il existe donc une différence d’orientation : l’un se détourne de la tradition, l’autre veut y retourner. Il existe un rapport différent à la mort : là où le réactionnaire respecte la voix des morts, le révolutionnaire met à mort la tradition elle-même. Mais que l’on veuille retourner au passé ou se détourner du passé, il n’empêche qu’on entretient un rapport ambigu avec l’avenir. Le révolutionnaire et le réactionnaire, si opposés qu’ils soient dans le contenu de leurs croyances, croient fondamentalement que la tradition livre un moyen pour l’homme de progresser : ou bien en honorant la parole des Anciens qui guident sur le chemin de la connaissance, ou bien en constituant une méthode, c’est-à-dire une voie de pensée anti-traditionnelle.
 
Ces deux figures croient au progrès mais ne le situe au même endroit : pour l’un il s’agit de se détourner du passé là où pour l’autre il faut y retourner. La différence d’orientation ne doit cependant pas cacher la vue commune : au terme du chemin, on aura progressé. Le progrès peut bien passer par le respect traditionnel des morts ou par la mise à mort de la tradition elle-même, il n’empêche que cette mort est au service d’un progrès. Mais est-ce penser la mort en tant que telle que de la replacer dans une sorte de dialectique cachée où tel le phénix le progrès renaît sur les cendres de la mort ? Puisque le révolutionnaire et le réactionnaire s’entendent, malgré leurs divergences, sur le fait que la tradition engendre un certain rapport à la mort (la tradition comme écoute des voix des morts ou comme processus qu’il faut mettre à mort méthodiquement), il est inévitable d’interroger ce rapport. Pour penser la tradition, ne faut-il pas appréhender ce que nous entendons par le phénomène de la mort ? Celui-ci porte sur ce qu’il y a de plus traditionnel : il témoigne que les êtres du monde vivent, vieillissent puis meurent. Le cycle de la vie et de la mort n’est-il pas le cycle de la tradition elle-même ?
 
Le présupposé des relations entre le révolutionnaire et le réactionnaire semble résider dans leur prétendue opposition. Or, celle-ci est-elle fondée ? L’opposition ne vaut que si on peut prouver que l’une des deux sphères n’englobe pas l’autre. Or, ce point pose problème puisque la considération de la tradition conduit à penser qu’elle est une suite de révolutions. La considération de l’histoire des sciences, par exemple, va dans ce sens : la tradition scientifique passe par des révolutions circonstanciées (par exemple en physique la révolution galiléenne, la révolution newtonienne ou bien en biologie la révolution darwinienne). C’est donc dans le cadre général de la tradition scientifique que se développe des traditions qui font progresser le savoir. La tradition apparaît comme une suite de révolutions, ce qui empêche d’opposer frontalement le révolutionnaire et le réactionnaire. Mais l’histoire des sciences est un cas particulier de l’histoire en général. Quand l’historien étudie l’histoire d’un pays, il étudie les différentes phases ou périodes qui constituent la tradition. Celle-ci est scandée par des révolutions. Ce point constitue un oubli de la part du réactionnaire mais aussi du révolutionnaire. Le premier oublie que la tradition est une suite de révolutions. Le révolutionnaire, quant à lui, est le jouet de l’illusion qui consiste à croire que l’ère ouverte par la révolution ne sera pas traditionnelle. D’où un renversement de sens inattendu : le réactionnaire est à son insu révolutionnaire puisqu’il serait révolutionnaire et contre nature qu’il n’existe plus de révolution. Ce serait contradictoire avec la constitution de la tradition qui est une suite de révolutions. La réciproque de cette idée réside dans la posture du révolutionnaire qui est porteuse de ré-action. Le révolutionnaire qui veut ouvrir une ère nouvelle veut par là même briser la tradition. En faisant cela, il ouvre immanquablement une nouvelle tradition et met à mort l’élan de sa révolution. Cela scelle l’impossibilité d’une révolution continuée. La révolution engendre inévitablement une nouvelle tradition (en réaction contre l’ancienne tradition) : la tradition est une suite de révolutions. Ce point interdit d’opposer radicalement le réactionnaire et le révolutionnaire : sur quoi sont-ils d’accord malgré l’apparence de discorde ? Sur quoi s’accordent-ils de façon in-consciente ou sans s’en apercevoir ?
 
Il y aurait comme une ruse de la tradition qui ferait croire qu’elle existe et qu’il faut déterminer le futur en fonction de son existence. Le socle commun de la révolution et de la réaction ne réside-t-il pas dans la croyance au progrès ? Le révolutionnaire et le réactionnaire croient au progrès, mais ils ne le puisent pas à la même source. Le premier considère que le progrès se fait contre la tradition et le second considère que le progrès s’effectue dans la lignée de la tradition (quitte à essayer de se retourner vers elle, ou d’y retourner). Mais d’où vient cette croyance non-pensée au progrès ? Le fondement de ces positions intellectuelles semble reposer sur une décision ("le progrès existe" ) plutôt que sur une démonstration. C’est ce point que Freud met en lumière dans Au-delà du principe de plaisir. Le processus vital est un processus traditionnel puisqu’il suit des règles immuables et absolument nécessaires. Un être est la réunion d’une cellule mâle et d’une cellule femelle. La tendance constitutive de la vie organique est la tendance à la préservation ou au statu quo. En formulant l’hypothèse de l’existence d’un instinct de mort ou de destruction, opposé à l’instinct de vie ou à l’élan vital, Freud met à mal l’idée d’un progrès livré par la tradition. Celle-ci apparaît plutôt comme une aspiration (commune ou partagée par toute forme de vie) à conserver ses acquis ou bien, et c’est l’hypothèse de la pulsion de mort, à retourner à l’inerte : [le but de la vie] doit plutôt être un état ancien, un état initial que le vivant a quitté à un moment donné et auquel il aspire à retourner à travers tous les détours de l’évolution (…) l’inerte était là avant le vivant." (cf. Au-delà du principe de plaisir). L’idée qui sous-tend cette position concerne la tradition. La transmission de la vie est en fait une transmission de la mort : un être engendré est un être mortel. L’organisme qui aspire en profondeur à mourir ne veut pas périr par un danger externe ou extérieur. C’est pourquoi la pulsion de mort préserve la vie et qu’elle est d’une certaine façon conservatrice afin d’atteindre la mort par un processus interne. La pulsion de mort est donc traditionnelle : elle préserve l’homme et sert l’instinct de vie et emploie des moyens traditionnels pour cette préservation, même si elle le fait à son corps défendant. Mais cela n’est-il pas un leurre ? Le soupçon est ici le suivant : si la pulsion de mort défend les valeurs conservatrices de la vie, n’est-ce pas pour son propre triomphe, c’est-à-dire pour le triomphe de la mort ? Elle emploierait des moyens détournés pour porter l’organisme vers la mort. N’est-ce pas ce que nous expérimentons quand nous constatons que la vie de tout individu est sanctionnée par la mort ? La voie de la tradition serait la voie de la vie jusqu’au moment où l’individu ne peut que disparaître.
 
La transmission de la vie des hommes passe en effet par la persistance de l’espèce humaine. Mais cela n’est possible que parce que les individus meurent. Cette transmission commune et banale de la vie (nous sommes tous les fils d’un homme et d’une femme) fait de nous des êtres placés dans une longue tradition. Dans cette lignée des hommes, l’humanité est envisagée sous l’angle de l’espèce et les êtres comme des individus qui meurent quand leur fonction de transmetteur de la vie est assurée. L’espèce constituée d’individus continue d’exister et les individus qui la composent ne peuvent faire autrement que mourir. De ce point de vue, ce n’est plus l’homme qui respecte la voix des morts ou l’homme qui met à mort la tradition. La perspective est inversée : c’est la tradition de la vie qui met à mort les hommes dans leur individualité propre afin de faire perdurer l’espèce. Il s’agit alors d’analyser une conclusion possible de cette position : et si la tradition allait non vers le progrès mais vers la régression ? La pulsion de vie pourrait sans s’en rendre compte accélérer la mort. L’aventure humaine serait le moyen le plus sûr que la vie choisirait pour atteindre la destination finale qui serait la disparition de l’espèce humaine et peut-être de toutes les espèces de la surface de la terre. Sous prétexte d’assurer la réalisation d’un élan vital d’une forme de vie réputée évoluée, c’est peut-être la pulsion de mort qui est à l’œuvre. C’est en ce sens que la tradition serait un chemin dont la destination serait la mort et pas la tendance à la perfection. C’est pourquoi Freud écrit : "Je dois avouer que je ne crois pas à l’existence d’une pareille tendance interne et que je ne vois aucune raison de ménager cette illusion bienfaisante" (cf. Au-delà du principe de plaisir). Au niveau de l’espèce, les hommes évoluent. Leur tradition est biologique : de ce point de vue, l’espèce humaine n’est pas différente des autres espèces. L’évolution n’est pas le progrès.
 
La tentation serait donc de suivre cette voie et de juger la tradition comme l’interface entre le passé et le futur. Or, n’est-ce pas éliminer de nos investigations la notion de "présent" qui semble mieux lier le passé et l’avenir ? Parler de tradition en ce sens, n’est-ce pas se masquer la notion de présent ? Si je vis la tradition au présent, c’est-à-dire sans me demander ce qu’elle va faire apparaître, mais en faisant l’expérience ici et maintenant, alors je l’appréhende d’une façon particulière. Quand je lis une pièce de Sophocle ou un chapitre de Husserl, ou bien encore quand je contemple une oeuvre d’art, la tradition n’est pas analysée en fonction d’une attitude à avoir (la réaction ou la révolution, ce "ou" étant disjonctif alors que nous savons que la tradition est une suite de révolutions ), mais en fonction d’une expérience que je vis. N’est-ce pas au niveau de cette expérience que nous pouvons saisir comment la tradition nous traverse et comment elle peut nous enrichir ? En concevant ce que les oeuvres traditionnelles nous apportent, nous pouvons peut-être considérer l’aspect rétroactif de l’affaire : en vivant ici et maintenant l’expérience de la tradition qui me traverse, je peux la traverser à mon tour. Notre attitude peut alors évoluer : au lieu de nier ou de défendre la tradition, je peux la vivre et même vivre en elle.
 
Si l’on analyse la tradition au présent alors nous pouvons saisir ce qu’elle apprend. Le point important réside dans l’analyse de la tradition non pour l’homme qui juge de l’avenir (la tradition doit dans le futur être dépassée ou conservée) mais pour l’homme qui apprend au présent. C'est précisément la leçon des Lumières telle que la "tradition" kantienne nous en livre le secret.
 
La modernité au sens fort est une approche radicalement nouvelle de la réflexion philosophique, non pas "diachronique", comme le prétendent rahsaan et alcyon36, mais bien "synchronique", bien que ces deux expressions ne soient pas vraiment adaptées au problème, mais bon, admettons ! La question de la modernité ne concerne plus vraiment, ni la question de l'origine de l'histoire, ni la question du terme de l'histoire, ni même la question de la téléologie immanente au processus même de l'histoire, la question, traditionnelle s'il en est, de la finalité interne organisant les processus historiques, questions effectivement aussi vieilles que l'histoire de la philosophie elle-même. Ce n'est plus le passé qui intéresse la "modernité", mais le présent ! La question philosophique de la "modernité" est la question de l'actualité : qu'est-ce que c'est que ce "ici et maintenant" où je suis pris avec d'autres et qui détermine le moment où j'écris ? Mais ce présent, ici en question, n'est plus celui d'une situation historique déterminée qui depuis toujours motive la réflexion philosophique : dans leur propre présent, les philosophes trouvent effectivement toujours le motif de leur décision philosophique (de Platon à Descartes...). Le présent définit une situation historique dans l'ordre de la connaissance, une configuration désignée comme présente. Or, la question de la "modernité" n'est plus de savoir ce qui, dans la situation actuelle, peut déterminer telle ou telle décision d'ordre philosophique, mais plus fondamentalement de savoir ce qui, dans le présent, fait sens actuellement pour une réflexion philosophique ? Il s'agit d'interroger ce qu'est ce présent, de reconnaître ce présent, de le distinguer, de le déchiffrer parmi tous les autres. Les philosophes de la "modernité" cherchent à montrer en quoi le présent est le porteur et le signe d'un processus qui concerne la pensée, la connaissance, la philosophie. Mais ils veulent montrer en même temps en quoi et comment celui qui parle en tant que penseur, en tant que savant, en tant que philosophe, fait partie lui-même de ce processus, et (plus que cela) comment il a un certain rôle à jouer dans ce processus, où il se trouvera donc à la fois élément et acteur. Le fait de la "modernité" est l'événement/avénement de la question du présent comme événément philosophique auquel appartient le philosophe qui en parle. La "modernité" problématise sa propre actualité discursive : actualité qu'elle interroge comme événement, comme un événement dont elle a à dire le sens, la valeur, la singularité philosophique et dans laquelle elle a à trouver à la fois sa propre raison d'être et le fondement de ce qu'elle dit. Ainsi, pour un tel philosophe, poser la question de son appartenance à ce présent, ce ne sera plus du tout la question de son appartenance à une doctrine ou à une tradition. Ce ne sera plus simplement la question de son appartenance à une communauté humaine, mais celle de son appartenance à un certain "nous", à un nous qui se rapporte à un ensemble culturel caractéristique de sa propre actualité. Ce qui caractérise la "modernité", c'est le fait de prendre l'élément culturel comme objet de sa propre réflexion, le fait pour l'homme-philosophe (union du singulier et de l'universel, "universel-singulier" dans un langage hégélien) de se réinsérer dans la totalité, une totalité qui n'existe qu'en et par lui. La philosophie est en cela à la fois un discours de la modernité sur la modernité, auto-réflexion critique, synthèse disjonctive de la partie et du tout, de l'être et du devenir, de l'unité et de la différence, etc... Il y a donc une manière classique, "ancienne", de poser la question de la modernité et une manière "moderne" de poser cette même question : pour les classiques, la question de la modernité avait deux pôles, celui de l'antiquité (le respect de la tradition dont j'ai expliqué plus haut le fonctionnement dans la conscience) et celui de la modernité (l'esprit révolutionnaire). Faut-il accepter ou rejeter l'autorité ? Faut-il valoriser les Anciens, sont-ils supérieurs aux Modernes, la modernité est-elle une période de décadence ? La pensée de la modernité adopte une nouvelle façon de poser la question de la modernité, non plus dans un rapport "longitudinal" aux Anciens, mais dans ce qu'on pourrait appeler un rapport "sagital" à sa propre actualité. Quelle est mon actualité ? Quel est le sens de cette actualité ? Et qu'est-ce que je fais lorsque je parle de cette actualité ? Voilà en quoi consiste cette interrogation nouvelle de la modernité sur la modernité. Comme le dit justement rahsaan à la fin de son dernier message, le propre de la modernité est de s'appeler elle-même "modernité" car elle est un processus culturel, certes singulier, mais qui a pris conscience de lui-même en se nommant, en se situant par rapport à son passé et par rapport à son avenir, et surtout capable de désigner les opérations qu'il doit effectuer à l'intérieur de son propre présent.
 
La "modernité" est une forme de pensée, peut-être datée (???), qui se nomme elle-même et qui au lieu simplement de se caractériser, selon une vieille habitude, comme période de décadence ou de prospérité, ou de splendeur ou de misère, se nomme à travers un certain événement qui relève d'une histoire générale de la pensée, de la raison et du savoir, et à l'intérieur de laquelle elle a elle-même à jouer son rôle. La "modernité" formule elle-même sa propre devise, son propre précepte, et qui dit ce qu'elle a faire, tant par rapport à l'histoire générale de la pensée, que par rapport à son présent et aux formes de connaissance, de savoir, d'ignorance, d'illusion dans lesquelles elle sait reconnaître sa situation historique. Bref, encore une fois et pour terminer, c'est une nouvelle façon de philosopher !

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 01-02-2009 à 10:03:25
n°17330008
rahsaan
Posté le 24-01-2009 à 11:46:35  profilanswer
 

Merci pour toutes ces explications. :)


Message édité par rahsaan le 24-01-2009 à 11:46:48

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17332229
l'Antichri​st
Posté le 24-01-2009 à 18:00:13  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
(...)
 
La perversion de la modernité (la critique de la tradition fait partie de la tradition) se retourne ainsi en une subversion rendue possible par cette modernité : la modernité attend que chacun la saisisse et soit saisi par elle ; elle peut nous attendre aussi longtemps que nous voudrons, et pourtant, nous pouvons un jour être saisie par elle (comme par Dieu ?...), contre notre gré et avec enthousiasme.  
 
De ce point de vue, la modernité libère la tradition du traditionnalisme. Elle nous ouvre à une tradition libre, à une tradition qui se constitue dans et par cette modernité. Chaque penseur s'inscrit dans une tradition mais plus encore, il inscrit rétroactivement une tradition derrière lui, pour s'y rattacher ou s'en détacher. Les Anciens n'ont reçu ce qualificatif qu'une fois que les Modernes se furent saisis comme Modernes. La modernité invente en ce sens la libération par la tradition et la libération d'avec la tradition.


 
J'aimerai revenir rapidement sur cette idée "d'enthousisame" qui semble être en effet l’élément révolutionnaire par excellence au coeur même de la tradition, c’est-à-dire l’événement (plus qu’une simple possibilité que dessine la trame téléologique, une cause qui agit effectivement) qui a valeur de cause permanente du progrès humain et présent, par exemple, comme le montre Kant dans la seconde dissertation (§.5 et suivants) du Conflit des facultés, dans la Révolution française. C’est bien l’actualité même qui nous pose et nous impose la question de la "modernité" : comme façon de philosopher, la modernité qui s’interroge sur sa propre actualité fonde sa démarche sur l’événement qui la définit et la révèle à elle-même, la révolution ! "Qu’est-ce que la modernité ?" ou "qu’est-ce que l’événement dont le contenu sans importance atteste pourtant une virtualité permanente qui ne peut être oubliée (pour l'histoire future, la révolution comme valeur est la garantie de la continuité même d'une démarche vers le progrès) ?" sont les deux formes sous lesquelles la modernité procède à son propre questionnement, pose la question de sa propre actualité.
 
Face à la tradition, l’événement révolutionnaire n’est pas tant la révolution elle-même, mais "la sympathie d'aspiration qui frise l'enthousiasme" (qui fait le coeur de la Révolution française) et qui est signe, selon Kant, d'une disposition morale permanente de l'humanité, liberté de choisir la tradition sans tomber dans le traditionnalisme, mais en évitant la négation pure et simple, unilatérale, du passé. Le fait que l’on puisse récapituler le savoir au sens de l’érudition (de la tradition qui apprend) permet de faire avancer la pensée. Tel est le processus même de la modernité, la révolution qui l’achève et la continue dans la tradition et qui fait que la modernité et la révolution sont des événements qui ne peuvent plus s'oublier.
 
La modernité, à la fois comme événement singulier et comme processus permanent qui se manifeste dans l'histoire de la raison, dans le développement et l'instauration des formes de rationalité et de technique, l'autonomie et l'autorité du savoir, n'est donc pas simplement un épisode dans l'histoire des idées : elle est une question philosophique ! Mais, comme événement de cette modernité, la révolution n’exige aucune piété envers le passé, ce qui serait la plus touchante des trahisons. Ce ne sont pas les restes de la tradition qu'il s'agit de préserver, c'est la question même de cet événement et de son sens, (la question de l'historicité de la pensée de l'universel) qu'il faut maintenir présente et garder à l'esprit comme ce qui doit être pensé.
 
De même, si l'actualité de la tradition se pose et s'impose d'abord sous une forme révolutionnaire, elle est pur événement, moment de rupture et bouleversement dans l'histoire, jamais à l'abri de l'échec. Mais en même temps ce pur événement est une valeur, le signe d'une disposition qui opère dans l'histoire et dans le progrès de l'espèce humaine. Là encore la question pour la philosophie n'est pas de déterminer quelle est la part de la révolution (et de la Révolution) qu'il conviendrait de préserver et de faire valoir comme modèle. Elle est de savoir ce qu'il faut faire de cette volonté de révolution, de cet "enthousiasme" pour la révolution qui est autre chose que l'entreprise révolutionnaire elle-même.
 
En ce sens, la vulgarisation n’est pas l’autre du savoir mais plutôt sa condition de possibilité. La vulgarisation retient le coeur du savoir livré par la tradition des penseurs de tous les siècles. Le savoir de l’humanité réside en effet autant dans ses erreurs (grosses de vérités) que dans ses vérités (plus ou moins temporaires). L’érudition est la réunion des pensées vraies et fausses, valides et falsifiées. La tradition permet de discerner et de ne retenir que les premières ou de réhabiliter les secondes dans leur vérité. Elle constitue ainsi un échafaudage afin de faire progresser la pensée. La tradition entendue en ce sens est la voie de la sagesse à travers les âges. Celle-ci est plus haute que la sagesse de l’anachorète qui se retire du monde et qui trouve une forme de sagesse en formant une totalité close et fermée sur elle-même. Cette tradition de la pensée qui traverse les âges permet de concevoir un travail qui dépasse l’individualité de chaque penseur pour se placer dans une totalité où c’est ensemble que les hommes acquièrent le savoir et une forme de sagesse non pas de façon solitaire mais de façon solidaire. Il s’agirait d’une sorte de République des Esprits qui transcenderait les individus et les âges. Le fait de juger de la tradition au présent permet de penser et de filer un lien traditionnel et rationnel entre des esprits de tous lieux et de tous temps. Etudier l’atome au XXIe siècle, c’est engager un débat avec tous les esprits passés pour qui cette question fut essentielle. Cela peut conduire à des découvertes (et à des révolutions conceptuelles) qui enrichissent l’humanité en poursuivant traditionnellement la voie ouverte par les Anciens.
 
"Tradition" et "révolution" sont les deux éléments clefs qui définissent tout le champ d'interrogation philosophique qui porte sur ce que nous sommes dans notre actualité.


Message édité par l'Antichrist le 26-01-2009 à 09:42:48
n°17336193
le vicaire
Posté le 25-01-2009 à 09:15:59  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

Le révolutionnaire est l’homme qui voit dans le présent la continuation du passé. Or il lui apparaît inacceptable que le futur soit la continuité du passé et de la tradition, que les règles du futur soit déterminées par celles du passé. Il s’agit alors de se détourner du passé pour ne pas être prisonnier de lui.


ça c'est Sarkozy, incarnation de la modernité (libéralisme, fin de l'Etat providence, rupture avec le républicanisme...)

l'Antichrist a écrit :

A l’inverse, le réactionnaire voit dans le présent le déclin du passé. Il veut que le futur soit identique au passé : il s’agit alors de retourner dans la tradition, car celle-ci est le modèle.


Et ça c'est Sarkozy encore (retour aux "valeurs morales", à l'ordre, concentration des pouvoirs comme au bon vieux temps...)
 
Moralité : Sarkozy est un progressiste réactionnaire (ou peut être l'inverse [:urd]). :D


Message édité par le vicaire le 25-01-2009 à 09:19:06

---------------
"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17338001
l'Antichri​st
Posté le 25-01-2009 à 16:14:21  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

On pourrait ajouter que la modernité ne fera sens que quand les Grecs ne seront plus devant nous... Pour rester chez Strauss, il me semble qu'en ce qui concerne le droit, il vise juste. La tradition du droit naturel a totalement disparu au profit d'une approche "scientifique" du droit. Et ce n'est pas mince. ça veut tout simplement dire que nous ne savons plus ce que le juste et l'injuste peut bien être, comme se le demandait les Anciens, mais que nous construisons des édifices théoriques à partir de la jurisprudence, de l'Histoire, des faits. C'est devenu notre modernité. Et si une loi est injuste, parce qu'elle est seulement une loi, elle sera malgré tout appliquée. Les modernes (Machiavel, Hobbes, Locke, Rousseau et Burke) n'ont jamais renié le droit naturel et ont toujours rattaché leur pensée à autre chose que le seul droit. C'est pourquoi Strauss relit ces auteurs avec pour idée de montrer qu'ils n'ont pas abandonné les Anciens mais bien qu'à partir d'eux ils ont su construire la modernité.


 
Ah tout cela me parait traduire une pure distinction d'entendement et manquer le sens "positif", si je puis dire, de la modernité en matière politique. Comme je l’ai expliqué plus haut, la modernité est une certaine façon de philosopher et celle-ci a une longue histoire. C’est le propre de la philosophie dite "moderne" que de s’interroger sur sa propre actualité. Et l’on pourrait suivre la trajectoire de cette modalité de la philosophie au moins depuis le XVIIe, à travers le XIXe siècle, jusqu'à aujourd'hui… La modernité est inséparable de l’élément révolutionnaire (présent dans toute Révolution) qui, à l'intérieur de l'histoire, est l’événement qui vaut comme signe de l'existence d'une cause, d'une cause permanente qui tout au long de l'histoire elle-même a guidé les hommes sur la voie du progrès.
 
C’est la question que pose Kant dans la seconde dissertation du Conflit des facultés : "Y a-t-il autour de nous un événement qui serait remémoratif, démonstratif et pronostique d'un progrès permanent qui emporte le genre humain dans sa totalité ?" Cause constante qui a agi autrefois, qui agit maintenant et qui agira par la suite. Pour répondre à cette question, Kant introduit la "révolution" comme événement ayant cette valeur de signe : "N'attendez pas" écrit-il au début du paragraphe VI "que cet événement consiste en hauts gestes ou forfaits importants commis par les hommes à la suite de quoi, ce qui était grand parmi les hommes est rendu petit, ou ce qui était petit rendu grand, ni en d'antiques et brillants édifices qui disparaissent comme par magie pendant qu'à leurs places d'autres surgissent en quelque sorte des profondeurs de la terre. Non, rien de tout cela". Dans ce texte, Kant fait évidemment allusion aux réflexions traditionnelles qui cherchent les preuves du progrès ou du non progrès de l'espèce humaine, dans le renversement des empires, dans les grandes catastrophes par lesquelles les états les mieux établis disparaissent, dans les renversements de fortunes qui abaissent les puissances établies et en font apparaître de nouvelles.
 
Or, selon Kant, les signes remémoratif, démonstratif, pronostique du progrès ne se trouvent pas dans les grands événements historiques, mais dans des événements beaucoup moins grandioses, beaucoup moins perceptibles. On ne peut faire l’analyse de notre propre présent dans ces valeurs significatives sans se livrer à un chiffrement qui permettra de donner à ce qui, apparemment, est sans signification et valeur, la signification et la valeur importantes que nous cherchons. Or, qu’est-ce que c’est que cet événement qui n'est donc pas un "grand" événement ? Evidemment, Kant sait bien qu’il y a un paradoxe à dire que la Révolution n'est pas un événement bruyant. Est-ce que ce n'est pas l'exemple même d'un événement qui renverse, qui fait que ce qui était grand devient petit, ce qui était petit devient grand, et qui engloutit les structures en apparence les plus solides de la société et des Etats ? Or, pour Kant, ce n'est pas cet aspect de la Révolution qui fait sens, qui définit "l’élément révolutionnaire" source de progrès. Ce qui constitue l'événement à valeur remémorative, démonstrative et pronostique, ce n'est pas le drame révolutionnaire lui-même, ce ne sont pas les exploits révolutionnaires, ni la gesticulation qui l'accompagne. Ce qui est significatif, c'est la manière dont la Révolution fait spectacle, c'est la manière dont elle est accueillie tout alentour par des spectateurs qui n'y participent pas, mais qui la regardent, qui y assistent et qui, au mieux ou au pire, se laissent entrainer par elle. Ce n'est pas le bouleversement révolutionnaire qui constitue la preuve du progrès, d'abord sans doute parce qu'il ne fait qu'inverser les choses, et aussi parce que si on avait à refaire cette révolution, on ne la referait pas : "Peu importe si la révolution d'un peuple plein d'esprit, que nous avons vu s'effectuer de nos jours, (la Révolution française), peu importe si elle réussit ou échoue, peu importe si elle accumule misère et atrocité, si elle les accumule au point qu'un homme sensé qui la referait avec l'espoir de la mener à bien ne se résoudrait jamais, néanmoins, à tenter l'expérience à ce prix" (cf. Ibidem). Ce n'est donc pas le processus révolutionnaire qui est important, peu importe s'il réussit ou échoue, ceci n'a rien à voir avec le progrès, ou du moins avec le signe du progrès que nous cherchons. L'échec ou la réussite de la révolution ne sont pas signes de progrès ou un signe qu'il n'y a pas progrès.
 
En revanche, ce qui fait sens et ce qui va constituer le signe de progrès, c'est que, tout autour de la Révolution, il y a un "enthousiasme" : ce qui est important dans la Révolution, ce n'est pas la Révolution elle-même, c'est ce qui se passe dans la tête de ceux qui ne la font pas ou en tout cas qui n'en sont pas les acteurs principaux, c'est le rapport qu'ils ont eux-mêmes à cette Révolution dont ils ne sont pas les agents actifs. L'enthousiasme pour la Révolution est signe, selon Kant, d'une disposition morale permanente de l'humanité.
 
Et c’est précisément sur ce point que la modernité dit l'uni(dualité) de l'homme dans la culture : ce qui était présent dans la Révolution française selon Kant et qui est l’événement dont le contenu est sans importance, mais dont l’existence atteste une virtualité permanente qui ne peut être oubliée parce que, pour l'histoire future, c'est la garantie de la continuité même d'une démarche vers le progrès, cet événement, c’est la modernité elle-même comme auto-réflexion critique sur l’actualité, c’est-à-dire comme processus permanent qui se manifeste dans l'histoire de la raison, par delà l’événement singulier de la Révolution, simple épisode dans l’histoire des idées. Cet événement, c’est la "révolution" comme question philosophique inscrite dans notre pensée. L’événement de la modernité, c’est la question du sens de l’événement présent, la question de l’historicité de la pensée de l’universel dont la tradition a justement la charge de préserver et de rappeler, non le modèle ou l’autorité, mais la valeur, comme ce qui doit toujours être pensé, c’est-à-dire justement comme processus révolutionnaire.
 
Ainsi, le cours de l’histoire, dans tous les domaines de l’existence humaine, fait effectivement courir aux hommes le risque de l’échec, de l’ornière, mais la "révolution", comme valeur au coeur de l’événement historique, est elle-même l’événement toujours actuel qui est signe de progrès : "la tradition du droit naturel" n’est donc pas du tout perdue, comme vous le prétendez, mais au contraire suprêmement intégrée à la conscience humaine comme disposition, disposition qui se manifeste en permanence de deux façons : premièrement, dans le droit – positif - de tous les peuples de se donner la constitution politique qui leur convienne et dans le principe, conforme au droit et à la morale, d'une constitution politique telle qu'elle évite la guerre, en raison de cette disposition portant l'humanité vers une telle constitution qui est signifiée par l'enthousiasme pour ce qui est proprement révolutionnaire.
 
La modernité fonde la tradition, comme Kant fonde la tradition de la philosophie qui pose la question des conditions sous lesquelles une connaissance vraie est possible, et c’est à partir de là qu’on peut dire que tout un pan de la philosophie moderne depuis le XIXe siècle s'est présenté et développé comme "l'analytique" de la vérité. Mais il existe dans la philosophie moderne et contemporaine une autre tradition critique, dont la tradition kantienne est elle-même la représentante, et qui pose la question de notre actualité : quel est le champ actuel des expériences possibles ? Il ne s'agit plus d'une analytique de la vérité, il s'agit de ce que l'on pourrait appeler une ontologie du présent, une ontologie de nous-mêmes, une ontologie de l’actualité.
 
Telle est, sur la question politique que vous soulevez, l’union des Anciens et des Modernes : la "tradition du droit naturel" devient l’un des "sens" (comme on parle du "sens interne" ) de la modernité, elle exprime à la fois la position de l’identité de la personne (l’exigence intérieure de justice) et le rapport essentiel à l’extériorité (les lois juridiques nécessaires), elle est l’expérience de pensée qui porte en elle-même, de façon à la fois transcendantale et historique, le rapport au monde et à la communauté humaine. La conscience politique, comme toute manifestation du sens intime, est à la fois conscience de l’unité personnelle dans l’expérience intime du sentiment de ma personne inaliénable, sur quoi repose la notion de "droit naturel", et conscience de l’ordre juridique et conceptuel de la liberté effective (dont l’existence même s’incarne dans un corps dont j’éprouve le rapport au monde, un monde fondé sur la pluralité des sujets et l’extériorité des rapports), liberté réelle dont la réalisation dépend de la confrontation entre la tradition cynique d’une âme inatteignable par le corps et le progrès juridique et "scientifique" d’une liberté du sujet pour les autres.
 
Bref, il faut ici rejeter les présupposés individualistes d’une philosophie du "Droit naturel", attitude qui traduit bien la modernité du point de vue philosophique : lorsqu’aucune société réelle ne semble conforme aux exigences de la justice, il peut être tentant de chercher une référence à la fois stable et inaltérable, indépendante des données contingentes de l’histoire. Inscrire en chaque individu un "droit de nature" qui fournit la mesure des oppressions qu’il subit relève alors d’une sorte de nécessité théorique et pratique. C’est ce que fait Rousseau en pensant son "état de nature". La difficulté vient de ce que la définition d’un tel "droit de nature" échappe difficilement aux déterminations idéologiques qui règlent, à chaque époque de l’histoire, la représentation du social. On croit remonter au "naturel", au "présocial", et retrouver ainsi une sorte de "substrat"-référence, alors que le plus souvent on pose comme naturel ce qui est social, historiquement déterminé, et devenu familier à force d’habitudes ou de conditionnements multiples. Rousseau ne se laisse pas prendre au piège ! Qu’il existe des différences entre les hommes, que tous ne soient pas égaux par nature (en force physique, en résistance, en intelligence ou en ruse, etc…), ne doit pas masquer ce fait indéniable, que se sont les conditions sociales et politiques d’existence qui engendrent et entretiennent un prétendu état de fait, des caractéristiques idéologiquement déclarées "naturelles" mais en réalité expression véritables d’injustices sociales.
 
En vérité, les théoriciens du "droit naturel" (Spinoza, Hobbes, Rousseau...), ont voulu démontrer que, si le droit ne peut se fonder par le fait, il faut cependant admettre que les faits nous imposent le droit. Il ne s’agit donc pas pour eux de voir dans la tradition fondée sur la nature un modèle du droit, mais d’établir que, imaginés sans société ni loi, les hommes sont obligés d’instaurer le droit. Pour Hobbes, par exemple, c’est en vertu de la "loi de nature" qui "interdit aux gens de faire ce qui mène à la destruction de leur vie" (cf. Léviathan, chap. XIV), qu’il serait obligatoire de sortir de cet état d’insécurité en instaurant l’association, le droit et le pouvoir qui l’institue. Même chez Hobbes donc, pourtant théoricien de la souveraineté absolue, c’est pour corriger la nature et empêcher les rapports de force inter-individuels que les hommes ont institué le droit. Le droit naturel n’est pas un droit existant naturellement, mais la mise en évidence de la vraie nature du droit. Ce n’est pas la nature, mais la raison qui institue le droit, précisément pour corriger la nature. Si bien qu’il devient possible de se réclamer du droit naturel pour combattre les excès des différents droits positifs (les systèmes juridiques tels qu’ils sont réellement institués dans les diverses sociétés). Ici encore, le droit (naturel) rectifie le fait (le droit positif). C’est d’ailleurs ce que souligne aussi Marx avec force : la mise en garde contre un Droit qui se prétendrait non historique, ne doit pas être interprétée de façon mécaniste, comme une disqualification du Droit. Dans Misère de la philosophie, Marx précise qu’il peut être nécessaire de se référer aux droits de l’individu en tant que tel lorsque le poids de la collectivité tend à l’écraser, et aux droits de la collectivité en tant que telle lorsque des intérêts particuliers tout-puissants tendent à en hypothéquer l’existence.
 
On le voit, les enjeux varient avec les contextes... Mais ce qui demeure pour la modernité, c’est la nécessité d’une conception critique et problématisée du droit, bref d’une philosophie déjouant à la fois les illusions idéologiques du "droit positif" (ensemble de règles prévalant dans une société donnée) et les méprises ou les confusions du "droit naturel". L’impossibilité d’une définition univoque du droit - et la nécessité d’effectuer des distinctions critiques - n'échappe pas plus au juriste proprement dit qu’au philosophe. Plus encore, chaque citoyen se trouve concerné, qui doit se faire une idée du légal et du légitime, choisir ceux qui en son nom feront les lois, agir à tout instant selon une certaine idée de la justice et des principes qui lui correspondent. Il est important que chacun refuse que le droit se réduise aux simples commandements de la nature ou de Dieu, mais il ne faut pas éliminer la question de savoir ce qui fonde le droit, sauf à courir le risque de réduire la norme au fait (les systèmes de droit positif et leur logique interne).


Message édité par l'Antichrist le 01-02-2009 à 09:27:54
n°17339846
rahsaan
Posté le 25-01-2009 à 20:39:03  profilanswer
 

Très intéressant.  
 
Au passage, je comprends mieux maintenant comment Deleuze a forgé sa distinction entre avenir des révolutions et le devenir-révolutionnaire : c'est bien à partir de la méditation kantienne sur la Révolution.  
Ce qui importe, ce n'est pas qu'une révolution réussisse ou échoue, c'est ce qu'elle soulève, enthousiasme des peuples, nuée non-historique de l'évènement.
 
Toutefois, pour que le philosophe de Koenigsberg puisse éprouver le sentiment du sublime face à la Révolution, il fallait bien que d'autres aillent prendre la Bastille et piquent les têtes des aristos au bout de leurs piques !  :D


Message édité par rahsaan le 25-01-2009 à 20:43:21

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17344505
le vicaire
Posté le 26-01-2009 à 11:47:15  profilanswer
 

Merci pour toutes ces précisions, mais le problème posé par Strauss reste entier. Le rejet du droit naturel ne peut pas déterminer une norme du juste et de l'injuste. Si ce sont les faits qui fondent le droit, ces faits ne tombent pas du ciel. "Commençons par écarter les faits"... Ma foi on peut toujours s'en remettre aux acquis de la Révolution française et réciter la Déclaration des Droits de l'Homme mais n'est-il pas plus fondamental de comprendre ce qui a conduit à son élaboration ? C'est un peu, à mon sens ce que Strauss cherche à montrer. La Révolution française est un fait qui aurait très bien pu ne pas se produire. S'il s'est produit, cela ne veut pas dire pour autant qu'il est la norme du Vrai, comme toutes les actions des hommes qui produisent des faits dans l'histoire. Les choses telles qu'elles deviennent ont-elles une valeur ?
L'étude de ces faits est l'histoire, la science. Peut-on à partir de cela dire le droit ? Strauss montre qu'il y a eu une coupure entre la science et la philosophie. Le droit naturel est entendu comme philosophie car il dissout les faits pour faire sortir le monde tel qu'il est sans les manipulations de la science et son entrée dans l'Histoire. Mais c'est une philosophie qui aurait échoué. Alors que la science aurait triomphé parce qu'elle s'est coupée de ses présupposés acquis par le droit naturel en modifiant radicalement la connaissance naturelle au lieu de la parfaire (ce qu'on fait par contre les auteurs cités). "C'est ainsi que la science moderne de la nature, et non la philosophie moderne, en vint à être considérée comme la connaissance naturelle du monde portée à sa perfection" (Droit naturel et histoire - chap. 2 Faits et valeurs).
Spinoza découle ses principes politiques de son Ethique, Rousseau de sa généalogie du mal etc. (Pour Machiavel, c'est déjà moins vrai..., quoiqu'on puisse assurer que le Florentin avait, comme les Romains, un sens de l'Etat et de la chose publique très prononcé). Ils ont tous finalement dépassé l'Histoire pour finir par se poser la question du Bien. C'est à dire que les faits n'ont plus été ce à partir de quoi on peut juger. Si Socrate obéit aux lois de la Cité, on peut aussi citer Antigone qui ne respecte pas la loi des hommes mais celle de son coeur, car elle respecte la dignité des hommes. C'est peut être aussi par là que l'on peut comprendre les enjeux de ce redoutable problème. Pour Strauss le refus des jugements de valeur met en danger l'objectivité historique car il ne permet pas de nommer les choses, de dire qu'un chat est un chat. C'est une critique qu'il porte contre Weber qui aurait dû dire par exemple que c'est la "corruption" de la théologie calviniste qui fut à l'origine du capitalisme. Weber s'est retenu de porter un jugement de valeur objectif sur le calvinisme populaire. Après on peut toujours se poser la question de la neutralité de la valeur par rapport à celle du fait et de la capacité de la raison à résoudre les conflits entre les valeurs. Mais je crois bien que Jean-Jacques par exemple ou Friedrich ont essayé de répondre à cela...

n°17355222
rahsaan
Posté le 27-01-2009 à 12:37:42  profilanswer
 

Compte-rendu d'un recueil d'articles sur Bergson et la religion :  
 
http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article83


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17369509
l'Antichri​st
Posté le 28-01-2009 à 13:13:59  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

Merci pour toutes ces précisions, mais le problème posé par Strauss reste entier. Le rejet du droit naturel ne peut pas déterminer une norme du juste et de l'injuste. Si ce sont les faits qui fondent le droit, ces faits ne tombent pas du ciel. "Commençons par écarter les faits"... Ma foi on peut toujours s'en remettre aux acquis de la Révolution française et réciter la Déclaration des Droits de l'Homme mais n'est-il pas plus fondamental de comprendre ce qui a conduit à son élaboration ? C'est un peu, à mon sens ce que Strauss cherche à montrer. La Révolution française est un fait qui aurait très bien pu ne pas se produire. S'il s'est produit, cela ne veut pas dire pour autant qu'il est la norme du Vrai, comme toutes les actions des hommes qui produisent des faits dans l'histoire. Les choses telles qu'elles deviennent ont-elles une valeur ?
L'étude de ces faits est l'histoire, la science. Peut-on à partir de cela dire le droit ? Strauss montre qu'il y a eu une coupure entre la science et la philosophie. Le droit naturel est entendu comme philosophie car il dissout les faits pour faire sortir le monde tel qu'il est sans les manipulations de la science et son entrée dans l'Histoire. Mais c'est une philosophie qui aurait échoué. Alors que la science aurait triomphé parce qu'elle s'est coupée de ses présupposés acquis par le droit naturel en modifiant radicalement la connaissance naturelle au lieu de la parfaire (ce qu'on fait par contre les auteurs cités). "C'est ainsi que la science moderne de la nature, et non la philosophie moderne, en vint à être considérée comme la connaissance naturelle du monde portée à sa perfection" (Droit naturel et histoire - chap. 2 Faits et valeurs).
Spinoza découle ses principes politiques de son Ethique, Rousseau de sa généalogie du mal etc. (Pour Machiavel, c'est déjà moins vrai..., quoiqu'on puisse assurer que le Florentin avait, comme les Romains, un sens de l'Etat et de la chose publique très prononcé). Ils ont tous finalement dépassé l'Histoire pour finir par se poser la question du Bien. C'est à dire que les faits n'ont plus été ce à partir de quoi on peut juger. Si Socrate obéit aux lois de la Cité, on peut aussi citer Antigone qui ne respecte pas la loi des hommes mais celle de son coeur, car elle respecte la dignité des hommes. C'est peut être aussi par là que l'on peut comprendre les enjeux de ce redoutable problème. Pour Strauss le refus des jugements de valeur met en danger l'objectivité historique car il ne permet pas de nommer les choses, de dire qu'un chat est un chat. C'est une critique qu'il porte contre Weber qui aurait dû dire par exemple que c'est la "corruption" de la théologie calviniste qui fut à l'origine du capitalisme. Weber s'est retenu de porter un jugement de valeur objectif sur le calvinisme populaire. Après on peut toujours se poser la question de la neutralité de la valeur par rapport à celle du fait et de la capacité de la raison à résoudre les conflits entre les valeurs. Mais je crois bien que Jean-Jacques par exemple ou Friedrich ont essayé de répondre à cela...


 
Précisons d’abord les principes méthodologiques. Votre position repose sur une "analytique" de la vérité politique dont je pensais pourtant avoir fait plus que suggérer la limite dans mon précédent message. Cette limite réside justement dans ce que votre message refuse ou refoule et qui constitue néanmoins le coeur de la modernité, l’attitude révolutionnaire, distincte des faits, qui n’est autre qu’une disposition permanente (mais sans cesse à réactiver par la tradition) à interroger philosophiquement notre propre actualité historique, de façon à la fois transcendantale et archéologique ou généalogique. L’événement de la révolution est un sens du présent, un rapport à l’actualité qui est en même temps, et de fait, un rapport à soi-même. Avoir le sens du présent, c’est ressentir la haute valeur d’une critique permanente de notre être historique, c’est l’attitude même de la modernité qui "sublime" la vérité du réel dans l’exercice de la liberté. La solution au problème de la tradition du droit naturel que vous signalez se trouve donc (solution dont il faut préciser les modalités...), non dans toute espèce de "pour ou contre la modernité" (attitude de Strauss), non dans la reconnaissance et l’acceptation d’une alternative simpliste et autoritaire (choisir entre le fait et le droit), mais dans la transfiguration de ce réel, dans l’art de l’imaginer autrement qu’il n’est, de le transformer, non en le détruisant, mais en le respectant. L’attitude de la modernité n’est pas celle qui découvre, mais celle qui invente ! La révolution comme valeur est cet événement permanent consistant en une critique du "ici et du maintenant", de nos discours, de notre sensibilité et de nos actes, mais à travers une ontologie historique de nous-mêmes et non selon une "analytique" des structures formelles qui ont valeur universelle…
 
A préciser…


Message édité par l'Antichrist le 28-01-2009 à 14:04:34
n°17369587
rahsaan
Posté le 28-01-2009 à 13:22:56  profilanswer
 

La révolution n'est quand même pas au départ une attitude théorique de critique de nos présupposés. C'est quand même prendre les armes contre l'Etat quand la situation politique est intolérable, invivable.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17370080
l'Antichri​st
Posté le 28-01-2009 à 14:02:32  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

La révolution n'est quand même pas au départ une attitude théorique de critique de nos présupposés. C'est quand même prendre les armes contre l'Etat quand la situation politique est intolérable, invivable.


 
Oui, bien sûr, c'est pourquoi j'ai bien précisé que l'attitude de modernité concerne aussi nos actions ! Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que l'action révolutionnaire devient un "sens" (sens intime, épreuve) du présent seulement lorsqu'elle évite de sombrer dans la sacralisation du moment qui passe dans le but de le maintenir ou de le perpétuer ou, au contraire, lorsqu'elle ne voit dans ce moment qu'un instant fugitif et que le plaisir instantané de la circonstance. L'attitude de modernité ne cherche pas à tirer de l'étude de la forme universelle ce qu'il nous est possible ou impossible de faire ou de connaître ("analytique" ), comme le laisse entendre la référence au droit naturel, mais au contraire elle fait reposer sur la contingence des faits historiques la possibilité de ne plus faire ce que nous faisons, de ne plus être ce que nous sommes : il s'agit donc d'une attitude historico-critique qui est en même temps une attitude expérimentale qui met la "théorie" à l'épreuve de la réalité et de l'actualité. Très loin des systèmes traditionnels, des principes globaux et radicaux, une ontologie historique et critique de nous-mêmes doit être l'épreuve historico-pratique des limites que nous pouvons franchir, et donc le travail de nous-mêmes sur nous-mêmes, y compris sous sa forme "armée", en tant qu'êtres libres.


Message édité par l'Antichrist le 30-01-2009 à 10:14:03
n°17401559
rahsaan
Posté le 31-01-2009 à 16:03:13  profilanswer
 

Une série d'articles sur l'Anti-Oedipe :  
 
http://www.europhilosophie.eu/rech [...] article105


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17467366
alcyon36
Posté le 06-02-2009 à 16:09:50  profilanswer
 

merci bien Rashaan pour ce lien, la plupart des textes sont ceux de l'atelier sur L'ao à l'univ de Poitier que tu avais dejà posté, mais je sais pas si tu as vu (enfin surement), il y a un texte inedit de Zourabichvili sur la littéralité...
http://www.revue-klesis.org/index. [...] view&id=39


Message édité par alcyon36 le 06-02-2009 à 16:10:37

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17467893
rahsaan
Posté le 06-02-2009 à 16:56:06  profilanswer
 

Je n'avais pas vu ce texte de Z. (je croyais que c'était la retranscription de sa conférence sur la littéralité au début de l'AO).  
Merci, car c'est toujours un bonheur de lire ce genre de texte. Une bouffée d'air frais. :)
Je me dis "oui voilà ! enfin ! enfin, un qui le dit si bien, et qui nous sort de milles lectures fausses, malveillantes et plates !" :D


Message édité par rahsaan le 06-02-2009 à 17:04:12

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17469116
alcyon36
Posté le 06-02-2009 à 18:55:47  profilanswer
 

Héhé, comme quoi j'ai bien fait de quelque peu "douter" de toi;)  
j'avoue que contrairement à Foutre, tout comme toi je suis assez sensible au style de Z,  toujours fort d'une certaine légereté dans l'approche du texte,  constitutive de la rigueur de ses commentaires. S'il nous sort si bien de fausses lectures, c'est qu'il a un art tres particulier de nous y introduire, de jouer avec ces lectures faciles, plates...Je sais pas, mais à chaque fois que je le lis commentant Deleuze, j'ai la banane...( faudra que j'aille lire un jour ses travaux sur Spinoza d'ailleurs)
Après, tout comme Foutre, je t'invite serieusement à lire la thèse de Veronique Bergen "Lontologie de Deleuze", qui sur de nombreux points est vraiment un tres beau travail sur Deleuze...(en revanche, quand je lis Vero, j'ai plus du tout la banane)

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 06-02-2009 à 19:04:26

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17469349
rahsaan
Posté le 06-02-2009 à 19:21:26  profilanswer
 

Oui, comme toi, j'ai la banane en le lisant. :D
 
De Z sur Spinoza ("S/Z" ?...  :heink: ), j'ai lu Une physique de la pensée.
C'est très bien, mais c'est d'entrée de jeu technique et aride. Il se place dans la filiation de Gérard Lebrun, et tente, comme ce dernier voulait parler le "hégélien", de parler le spinoziste.  
C'est d'une intelligence et d'une clairvoyance exceptionnelles, bien sûr, mais en filigrane apparaît à plusieurs reprises le thème du suicide... Derrière un travail très conceptuel et abstrait apparait donc une confession vitale déguisée...  


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17470090
alcyon36
Posté le 06-02-2009 à 20:50:48  profilanswer
 

merci bien,
au fait puisque tu parles de suicide j'en profite...
si quelqu'un avait des references à me donner sur la question du suicide et de la politique, du suicide comme acte politique (outre la martyrologie, le suicide dhonneur republicain...) et plus particulierement des etudes sur le suuicide au travail...j'ai déjà pas mal de pistes, mais on sait jamais si vous avez des textes à me consseiller,, que ce soit des classiques ou des etudes de sociologie contemporaine (là, je pense à Dejour par exemple) je suis preneur.


---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17470302
crackingod​01
Posté le 06-02-2009 à 21:18:49  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

merci bien,
au fait puisque tu parles de suicide j'en profite...
si quelqu'un avait des references à me donner sur la question du suicide et de la politique, du suicide comme acte politique (outre la martyrologie, le suicide dhonneur republicain...) et plus particulierement des etudes sur le suuicide au travail...j'ai déjà pas mal de pistes, mais on sait jamais si vous avez des textes à me consseiller,, que ce soit des classiques ou des etudes de sociologie contemporaine (là, je pense à Dejour par exemple) je suis preneur.


 
Je suppose que tu a deja Durkheim sur ta liste.
Sinon de memoire, J.S. Mill parle du suicide dans On Liberty
Hobbes en parle en relation au droit naturel, le suicide allant a l'encontre de celui ci.

n°17472230
alcyon36
Posté le 07-02-2009 à 00:34:53  profilanswer
 

merci,
vivi, durkheim et Hobbes j'ai, en revanche peux tu developper un peu plus sur Mill? tu sais ce qu'il en dit? Où le texte se situe t il ds "on liberty"?

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 07-02-2009 à 01:18:03

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17473151
alcyon36
Posté le 07-02-2009 à 02:46:05  profilanswer
 

Etant tous, à differents degrés, concernés par le probleme de la reforme de l'université, de la politique de recherche...je me permets de vous renvoyé au séminaire de M. Gauchet de ce mercredi...c'est un peu longuet (2h, il est un peu long à se mettre en place au debut, mais apres les 20 premieres minutes c bien mieux...)), mais tres eclairant sur de nombreux points:
http://gauchet.blogspot.com/2007/0 [...] sites.html


Message édité par alcyon36 le 07-02-2009 à 15:00:41

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17474046
le vicaire
Posté le 07-02-2009 à 11:17:18  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

merci bien,
au fait puisque tu parles de suicide j'en profite...
si quelqu'un avait des references à me donner sur la question du suicide et de la politique, du suicide comme acte politique (outre la martyrologie, le suicide dhonneur republicain...) et plus particulierement des etudes sur le suuicide au travail...j'ai déjà pas mal de pistes, mais on sait jamais si vous avez des textes à me consseiller,, que ce soit des classiques ou des etudes de sociologie contemporaine (là, je pense à Dejour par exemple) je suis preneur.


 
Je termine les "Annales" de Tacite et on se suicide pour un oui ou pour un nom chez les Romains... alors on pourrait évoquer l'influence du stoïcisme mais aussi que ces suicides sont souvent des conséquences politiques. A noter une certaine ambigüité de Sénèque sur la question entre "s'enfuir" et "sortir" de la vie.

n°17474521
alcyon36
Posté le 07-02-2009 à 12:43:41  profilanswer
 

tout a fait raison, c'est ce que j'appelais le suicide d'honneur republicain, avec les figures classiques dans la tradition occidentale de Lucrece et Caton...figures commentées ches St Augustin, Machiavel, Montesquieu...
En, revanche ft que j'aille faire un tour du côté de Seneque que je nai jamais lu, tu as un ou des trextes à me conseiller?
(en fait, un de mes amis veut faire son memoire sur le suicide comme acte politique, donc jessaie de rassembler quelques textes à gauche,  à droite).

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 07-02-2009 à 12:46:56

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17474550
rahsaan
Posté le 07-02-2009 à 12:47:41  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Héhé, comme quoi j'ai bien fait de quelque peu "douter" de toi;)  
j'avoue que contrairement à Foutre, tout comme toi je suis assez sensible au style de Z,  toujours fort d'une certaine légereté dans l'approche du texte,  constitutive de la rigueur de ses commentaires.


 
 
Je ne sais pas si tu as remarqué que dans ce texte de Z. commentant le livre de D. et G. sur K., il reprend pas mal de tics de D. , notamment les signes d'oralité et des tournures de phrases ; mais il le fait bien, dans un vrai souci pédagogique de prendre son auditoire, de l'inquiéter et de le passionner pour cette question. :)


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17474905
le vicaire
Posté le 07-02-2009 à 13:33:04  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

tout a fait raison, c'est ce que j'appelais le suicide d'honneur republicain, avec les figures classiques dans la tradition occidentale de Lucrece et Caton...figures commentées ches St Augustin, Machiavel, Montesquieu...
En, revanche ft que j'aille faire un tour du côté de Seneque que je nai jamais lu, tu as un ou des trextes à me conseiller?
(en fait, un de mes amis veut faire son memoire sur le suicide comme acte politique, donc jessaie de rassembler quelques textes à gauche,  à droite).


 
 
"De la tranquillité de l’âme", "Lettres à Luc", "Apprendre à vivre" (Paris, Arléa, 1990, 2 tomes)...
Epidémie de suicides pendant les guerres civiles... Les Romains appellent ça le Taedium Vitae. Nietzsche a aussi écrit sur la mort volontaire...  "Le fait de se supprimer est un acte estimable entre tous : on en acquiert presque le droit de vivre..." (Crépuscule des idoles - 36). Il faudrait aussi regarder Montaigne et l'apologie de Socrate, dans le genre suicide républicain c'est le top.


Message édité par le vicaire le 07-02-2009 à 13:34:08

---------------
"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17475373
alcyon36
Posté le 07-02-2009 à 14:58:53  profilanswer
 

un grand merci, j'avais totalement zappé Montaigne...
 
Rashaan: tout à fait ok avec toi...


---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17476875
le vicaire
Posté le 07-02-2009 à 19:20:28  profilanswer
 

En parlant de Montaigne, quelqu'un a-t-il déjà essayé une traduction en français moderne des Essais ?


---------------
"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17485005
rahsaan
Posté le 08-02-2009 à 20:43:07  profilanswer
 

Il y a des traductions en français plus ou moins modernisé, mais je ne pense pas que quelqu'un ait déjà essayé une traduction en français complétement contemporain.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17485122
rahsaan
Posté le 08-02-2009 à 20:51:36  profilanswer
 

Pierre Bayard, l'auteur de Comment parler des livres que l'on a pas lus, vient de sortir Le plagiat par anticipation où il montre comment certains auteurs ne se sont pas gênés pour copier des livres qui n'étaient pas encore sortis. :D (Je n'ai pas encore lu ce livre, mais j'en parle, selon l'autorisation donnée par le premier livre :p ).
 
...
 
Gilbert Delausse, lui, savait qu'il avait été plagié par anticipation. Sa relation à l'histoire des idées était conflictuelle. Aussi bien certains auteurs avaient cru le réfuter par avance (par exemple Bergson dénonçant l'illusion du possible), mais pire encore, d'autres l'avaient déjà copié, et n'auraient pas été prêts à reconnaître que Delausse les avait de toute façon déjà dépassés, en sorte que Delausse, même s'il venait après eux, était de toute façon en avance.  
 
Comme prédécesseurs / plagiaires de Delausse, on peut citer Klodomir du Djerbakistan, célèbre théologien, qui s'opposa aussi bien à Avicennes qu'à Saint-Thomas, pour montrer que Dieu est avant tout pure potentialité, en ce qu'en Dieu, la réalité du possible excède toujours la réalité du réelle.  
Mais on voit bien comment, malgré certains efforts pour comprendre le possible, Klodomir devait encore se référer au réel pour parler du possible.  
 
Un second précurseur raté de Delausse fut, à l'époque moderne, Roger Marquise, grand auteur méconnu, à la fois connu et renié par Descartes, Leibniz ou Spinoza : tous l'avaient lus, mais aucun ne voulut reconnaître leur dette à son égard, par peur de passer pour de pâles épigones. Selon Marquis, le réel découle du possible et ajoute de nouvelles possibilités : ainsi le réel vient du possible et y reconduit, selon un schéma proche du couple en acte/en puissance, chez Aristote.
Mais par rapport à Delausse, l'erreur de Marquise fut d'en passer par le réel pour saisir le possible, comme si le réel était un relai obligé entre deux possibles.  
On voit par contraste que la force de Gilbert Delausse fut de comprendre le possible en tant que tel, sans introduire l'impureté du réel dans sa pensée.


Message édité par rahsaan le 09-02-2009 à 18:05:42

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17499944
fleur de m​usique
Posté le 10-02-2009 à 09:17:11  profilanswer
 

bonjour tout le monde
je prépare l'agreg de philo et je vous avoue que je rentre dans la phase critique du pétage de plomb, je travaille seule et je crois que je manque de solidité pas tant philosophique (quoi que, en vous lisant je me rends compte qu'il y a encore trop de domaines qui ne me disent rien du tout...!)que psychique, (le stress me saborde souvent..)
 
bref voila c'était juste pour faire un coucou à des collègues de philosophie, je suis contente qu'un poste comme ça existe...

n°17500141
rahsaan
Posté le 10-02-2009 à 09:49:48  profilanswer
 

Bon courage à toi aussi. Je repars sur l'agreg et le capes aussi cette année. ;)


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Mon blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17501376
alcyon36
Posté le 10-02-2009 à 12:05:27  profilanswer
 

bon courage à vs deux...
les concours c'est vraiment pas pour moi;)
 
Ps: Dsl, Je radote un peu, mais en cette journée de mobilisation, je vous invite vraiment à ecouter le seminaire de Gauchet que je vous ai posté...

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 11-02-2009 à 01:18:29

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
mood
Publicité
Posté le   profilanswer
 

 Page :   1  2  3  4  5  ..  255  256  257  ..  340  341  342  343  344  345

Aller à :
Ajouter une réponse
 

Sujets relatifs
La Philo du Jour : le Désespoir ?????Où es-tu ? Dans ton e-cul ! Premier FAI Grolandais !
Recherche un titre, une chanson, une musique - Lire le premier post!Paiment via Visa Premier en £ -> Charges ?
Les bons s'en vont en premier et en plus ils ne se reproduisent pasLivres sur alapage
la chine lance son premier homme dans l'espacePhilo : Que vaut une preuve contre un préjugé ?? quelques idées ???
[Philo] Corrigés du bac 
Plus de sujets relatifs à : Philo @ HFR


Copyright © 1997-2022 Hardware.fr SARL (Signaler un contenu illicite / Données personnelles) / Groupe LDLC / Shop HFR